Conclusions d’appel : 12 septembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/05834

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Conclusions d’appel : 12 septembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/05834

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 12 SEPTEMBRE 2023

N° RG 21/05834 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MMCG

S.A.S.U. CMA CONSULTING

S.A.S.U. CONSEILS ANALYSES & PARTICIPATIONS [Y] [R]

c/

Monsieur [S] [L]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 octobre 2021 (R.G. 2019F01204) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 25 octobre 2021

APPELANTES :

S.A.S.U. CMA CONSULTING agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 1] – [Localité 5]

S.A.S.U. CONSEILS ANALYSES & PARTICIPATIONS [Y] [R] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, C/O M. [Y] [R], [Adresse 4] – [Localité 2]

représentée par Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS – LACOSTE – JANOUEIX, avocat au barreau de BORDEAUX assistées par Maître Christophe DEJEAN avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [S] [L] né le 25 Décembre 1954 à [Localité 6]

de nationalité Française demeurant [Adresse 3] – [Localité 6]

représentée par Maître Pierre DE OLIVEIRA, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 juin 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Séverine ROMA

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [S] [L] était président de la SAS Interpliage, qui avait pour activité originelle le traitement et le revêtement des métaux, puis s’est ensuite spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de revêtement d’extérieur pour les bâtiments.

Suivant contrats rédigés par la société d’expertise comptable Partexia, en date du 2 avril 2015, M. [S] [L] a cédé:

– à la SAS CMA Consulting 282 des 458 actions dont il était propriétaire dans le capital de la SAS Inter Pliage,

– à la SAS Conseils Analyses & Participations [Y] [R] (ci-après désignée société CAPER), les 176 autres actions.

Les actes stipulaient que le prix unitaire de cession (payable à terme selon un échéancier) serait calculé à partir de la valorisation de la société Interpliage, pour 100% de son capital, égale à la plus importante des deux valeurs suivantes :

-1’800’000 euros,

ou bien

– cinq fois l’excédent brut d’exploitation (EBE) réalisé sur une période courant du 1er mai 2015 au 30 avril 2016; l’EBE de référence étant calculé à partir de l’EBE comptable, diminué des facturations de prestations et rémunérations des holdings des repreneurs (hors notes et frais) et augmenté de 126 000 euros.

La société Interpliage a connu des difficultés de trésorerie, en raison notamment de livraison défectueuse de matière première par son fournisseur la société NLMK, ayant généré de nombreux litiges avec les clients, et une importante diminution de son volume d’affaires entre les exercices 2012 et 2014.

Une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la société Interpliage par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 22 avril 2015.

Puis, par jugement en date du 5 octobre 2016, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la résolution du plan de sauvegarde et de redressement judiciaire dont faisait l’objet la société Inter Pliage.

La liquidation judiciaire a été prononcée par jugement en date du 9 novembre 2016; la SELARL Mayon étant désignée en qualité de liquidateur.

Les sociétés cessionnaires ont effectué entre les mains du mandataire liquidateur, la SELARL Mayon, les déclaration de créance suivantes :

– 538 841,94 euros, pour la société CAPER

– 340 120,45 euros pour la société CMA Consulting.

Estimant que les actes d’acquisition d’actions avaient été conclus sur la base de comptes sociaux dont la présentation n’était pas conforme à la réalité, en raison principalement d’une sous-évaluation de la créance du principal fournisseur (la société NMLK), les sociétés CAPER et CMA Consulting ont sollicité une mesure d’expertise en référé, mais cette demande a été rejetée par ordonnance de la présidente du tribunal de commerce en date du 11 septembre 2018.

N’ayant obtenu aucun réglement du prix de cession, M. [L] a, par actes en date du 28 octobre 2019, fait assigner les sociétés CAPER et CMA Consulting devant le tribunal de commerce de Bordeaux en résolution des actes de cession.

Par acte en date du 30 décembre 2019, les sociétés CAPER SASU et CMA Consulting ont elle-même fait assigner M. [L] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, en sollicitant, le cas échéant après expertise avant – dire droit, l’indemnisation du préjudice dont elles estiment avoir été victimes, pour cause de dol par réticence de la part du vendeur, qui aurait en outre manqué à son devoir général de bonne foi, ainsi qu’à son devoir d’information pré-contractuel, en leur cachant que la situation financière de la société cédée était irrémédiablement compromise en raison de l’importante créance détenue par la société NMLK, fournisseur.

Par ordonnance en date du 13 avril 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux a rejeté l’exception de litispendance, et a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de la décision à intervenir sur le fond par le tribunal de commerce de Bordeaux, et a dit qu’il appartiendrait à la partie la plus diligente d’en informer le tribunal.

Par jugement en date du 1er octobre 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a, pour l’essentiel :

– rejeté les prétentions des sociétés CMA Consulting et CAPER,

– prononcé la résolution judiciaire des contrats de cession pour non-paiement du prix,

– condamné la société CAPER à payer à M. [L]la somme de 643’346 euros à titre de dommages-intérêts,

– condamné la société CMA Consulting à payer à M. [L]la somme de 401’520 euros à titre de dommages-intérêts,

– condamné la société CAPER SASU et la société CMA Consulting, in solidum, à payer à M. [L] la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 28 octobre 2021, la société CAPER SASU et la société CMA Consulting ont relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués.

Par dernières conclusions notifiées le 11 mai 2023, les sociétés CAPER SASU et CMA Consulting demandent à la cour de :

– déclarer bien fondées les Sociétés CMA Consulting SAS et CAPER en leur appel du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 1 er octobre 2021,

En conséquence,

– réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’il a :

o débouté les Sociétés CMA Consulting SAS et CAPER de leur demande de sursis à statuer,

o prononcé la résolution judiciaire des contrats pour non-paiement du prix, concernant l’acte de cession de 282 actions conclu entre M. [S] [L] et la société CAPER SASU en date du 02 avril 2015, concernant l’acte de cession de 176 actions conclu entre M. [S] [L]et la Société CMA Consulting SAS en date du 2 avril 2015,

o condamné la société CAPER SASU à payer à M. [S] [L]la somme de 643.346 euros à titre de dommages et intérêts,

o condamné la société CMA Consulting SAS à payer à M. [S] [L]la somme de 401.520 euros à titre de dommages et intérêts,

o condamné in solidum, les sociétés CMA Consulting SAS et CAPER SASU à payer à M. [S] [L]la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code des procédure civile, condamné in solidum les sociétés CMA Consulting SAS et CAPER SASU aux dépens.

A titre principal :

– Surseoir à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux dont est saisi la 5 ème chambre civile sous le numéro RG 20/00498 par assignation en date du 30 décembre 2019,

A titre subsidiaire et à défaut de surseoir à statuer :

– déclarer M. [S] [L] irrecevable en ses demandes,

Plus subsidiairement, à défaut de le déclarer irrecevable :

– Débouter M. [S] [L]de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

En tout état de cause :

– Condamner M. [S] [L] à verser à chacune des Sociétés CMA Consulting SAS et CAPER une somme d’un montant de 4 000 euros, sauf à parfaire pour procédure manifestement abusive,

– Condamner M. [S] [L] au versement d’une somme de 3 000 euros au bénéfice de chacune des sociétés appelantes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 24 mai 2023, M. [L]demande à la cour de :

In limine litis :

– Déclarer irrecevables les sociétés CAPERet CMA Consulting en leur demande de sursis à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux dont est saisie la 5 ème chambre civile sous le numéro RG 20/00498 par assignation en date du 30 décembre 2019 ;

– Débouter les sociétés CAPER et CMA Consulting de leur demande de sursis à statuer dans l’attente du jugement du Tribunal judiciaire de Bordeaux dont est saisie la 5 ème chambre civile sous le numéro RG 20/00498 par assignation en date du 30 décembre 2019 ;

Au fond et à titre principal :

– Débouter les sociétés CAPER et CMA Consulting de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 1er octobre 2021 en toutes ses dispositions ;

Au fond et à titre subsidiaire :

– Débouter les sociétés les sociétés CAPER et CMA Consulting de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 1 er octobre 2021, au besoin par substitution de motifs, en ce qu’il a :

– Débouté les sociétés CMA Consulting SAS et CAPER de leurs demandes,

– Condamné la société CAPER SASU à payer à M. [S] [L]la somme de 643.346,00 euros (six cent quarante-trois mille trois cent quarante-six euros)

– Condamné la société CMA Consulting SAS à payer à M. [S] [L]

la somme de 401.520,00 euros (quatre cent un mille cinq cent vingt euros);

– Condamné in solidum, les sociétés CMA Consulting SAS et CAPER SASU à payer à M. [S] [L]la somme de 4.000,00 euros (quatre mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum les sociétés CMA Consulting SAS et CAPER aux dépens,

En tout état de cause,

– Condamner in solidum les sociétés CAPER et CMA Consulting à payer le montant de 6 000 euros à M. [S] [L] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

– Condamner in solidum les sociétés CAPER et CMA Consulting aux entiers dépens de la procédure.

Par ordonnance en date du 4 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande formée par Monsieur [L], tendant à voir prononcer l’irrecevabilité des conclusions des appelantes et la caducité de la déclaration d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de sursis à statuer :

1- Les sociétés CAPER et CMA Consulting demandent à la cour de surseoir à statuer jusqu’à la décision à intervenir du tribunal judiciaire de Bordeaux, qu’elles ont saisi pour voir juger que Monsieur [L] et d’autres intervenants dans la préparation des actes de cession (M. [E], la société Partexia et M. [I] [H]) ont manqué à leur devoir général de loyauté et à leurs obligations d’information contractuelle, et qu’ils ont commis des réticences dolosives de nature à engager leur responsabilité.

2- Au visa des articles 108, 378 et 74 du code de procédure civile, M. [L] soutient en premier lieu à la cour de déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer, dès lors qu’elle n’a pas été soulevée avant toute défense au fond et qu’elle n’a pas été adressée au conseiller de la mise en état.

Il estime par ailleurs que la demande de sursis à statuer est infondée.

Sur ce :

4- Il est constant que la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure.

En application des articles 73 et 74 du code de procédure civile, la demande tendant à faire suspendre le cours de l’instance, qu’elle émane du demandeur ou d’un défendeur, est une exception de procédure qui doit être présentée, à peine d’irrecevabilité, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir de son auteur (en ce sens, cour de cassation, 27 septembre 2012 / n° 11-16.361).

5- Contrairement à ce que soutient M. [L], les appelantes ont bien demandé à la cour, dès leur premier jeu de conclusions notifiées le 21 janvier 2022, et en premier chef de prétentions avant toute prétention au fond de:

Réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’il a :

– débouté les Sociétés CMA Consulting SAS et CAPER de leur demande de sursis à statuer,

Y faisant droit :

– surseoir à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux dont est saisi la 5 ème chambre civile sous le numéro RG 20/00498 par assignation en date du 30 décembre 2019,

6- Selon les dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, à moins qu’il ne soit fait application de l’article 905, l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent.

Selon les dispositions de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1°- Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance.

7- Néanmoins, il est constant que le conseiller de la mise en état, dont les attributions ne concernent que les exceptions de procédure et les incidents relatifs à l’instance d’appel, n’est pas compétent pour statuer sur une exception de procédure relative à la première instance.

(En ce sens, cour de cassation, 1ère chambre civile, 8 juillet 2009, RG n°08-17401).

8- Il en résulte que seule la cour a compétence, en l’espèce, pour statuer sur la prétention tenant à voir ordonner le sursis à statuer, qui avait déjà été soumise au premier juge, et que ce dernier avait écartée.

La fin de non-recevoir opposée par M. [L] sera donc rejetée.

Sur le bien fondé de la demande de sursis à statuer :

9 – Dès lors qu’il n’est pas en l’espèce prévu par la loi, l’opportunité d’ordonner le sursis à statuer est appréciée discrétionnairement par le juge du fond.

10- Le tribunal de commerce a estimé que la demande n’était pas fondée, compte tenu de la décision de sursis à statuer rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux, dont les sociétés avaient eu connaissance.

11 – Il convient d’observer que l’évènement prévu par le juge de la mise en état comme suspendant le cours de l’instance devant le tribunal judiciaire est advenu.

12 – Le jugement entrepris n’a pas autorité de chose jugée, sur la demande tendant à voir considérer que M. [L] a commis des faits de nature dolosive, dès lors que le tribunal n’était pas saisi de cette prétention (les sociétés n’ayant conclu devant lui que sur la demande de sursis à statuer, et au rejet des prétentions de M. [L]).

13- Il apparaît, en l’état, que le tribunal judiciaire et la cour sont tous deux saisis des mêmes moyens développés par les sociétés CMA Consulting et CAPER, sur les fautes contractuelles et pré-contractuelles imputées à M. [L].

14 – Pour autant, rien ne justifie que la cour ordonne le sursis à statuer jusqu’à la décision du tribunal judiciaire, dont elle est également juge d’appel, et dont elle pourrait infirmer le jugement dans l’hypothèse d’une contrariété avec l’arrêt à intervenir dans la cadre de la présente instance.

En outre, M.[L] fait valoir à bon droit que le tribunal de commerce a été saisi en premier d’un litige qui relève par nature de sa compétence, en application des dispositions de l’article L. 721-3 alinéa 2 du code de commerce.

15- Il convient en conséquence de confirmer le jugement, en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer.

Sur la fin de non-recevoir :

16- Les sociétés concluent à l’irrecevabilité des demandes de M. [L], pour cause d’estoppel, au motif qu’il ne pourrait adopter, à l’égard des mêmes faits, une position différente devant le tribunal judiciaire de Bordeaux et devant la cour d’appel de Bordeaux en soutenant que les contrats qui fondent sa demande de paiement devant la cour d’appel doivent être considérés comme n’ayant jamais existé devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.

17 – La cour relève toutefois que le principe de l’estoppel ne peut être valablement invoqué en l’espèce dès lors que le changement de position imputé à M. [L] ne concerne ni la même instance ni la même juridiction.

Au demeurant, la preuve d’un changement de position de M. [L] sur le principe de la résolution des contrats de cession pour défaut de paiement du prix et ses effets n’est pas rapportée.

La fin de non recevoir sera donc rejetée.

Sur le fond :

18- Selon les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

19- Les sociétés CMA Consulting et CAPER ont énoncé un certain nombre de moyens dans la partie Discussion de leurs conclusions, dès leur premier jeu d’écritures notifié le 21 janvier 2022, et dans leurs dernières conclusions du 11 mai 2023.

20- Elles soutiennent d’abord, sur le fondement de l’article 1116 ancien du code civil, que le vendeur a commis des manoeuvres dolosives, et à tout le moins un dol par réticence, sans lesquelles elles ne se seraient pas portées acquéreuses, en effectuant une présentation inexacte de la créance du fournisseur NMLK et de la situation réelle de la société dans les comptes sociaux clos au 31 décembre 2014, et en procédant à une comptabilisation insuffisante de ce litige.

Elles ajoutent que la société Parexia a commis une faute en utilisant à tort le terme de décision provisionnelle, pour la dette de 523 597 euros de la société Interpliage, alors qu’une procédure était pendante au fond devant le tribunal de commerce de Saint-Quentin (qui a finalement arrêté le montant de cette dette à 1 456 274,19 euros) et en procédant à une compensation entre dettes et créances de la société qui ne permettait pas de connaître la réalité du contentieux.

Elles invoquent également des manquements ‘des parties défenderesses’ – sic – à leur devoir général de bonne foi (article 1104 du code civil), au devoir d’information pré-contractuel (article 1112-1 du code civil), sans préjudice des qualifications susceptibles de s’appliquer aux agissements des experts-comptables et commissaires aux comptes chargés de la gestion de ce dossier.

21- Il convient d’écarter ces moyens, comme inopérants, dès lors qu’ils ne viennent pas au soutien de prétentions énoncées au dispositif.

En effet, les appelantes n’ont sollicité sur le fond que le rejet des demandes, fins et conclusions de M. [L] mais n’ont pas demandé à la cour de prononcer la nullité des conventions de cession pour dol,ou de juger que M. [L] avait commis un dol par réticence, et elles n’ont pas sollicité de dommages-intérêts pour manquement du vendeur à l’une ou l’autre de ses obligations.

Ces moyens ne sont pas invoqués à titre d’exception d’inexécution et en toutes hypothèses ne seraient pas de nature à justifier une absence totale de paiement du prix convenu, alors qu’il s’agissait de l’obligation essentielle à la charge des acquéreurs.

Ils ne sont donc pas susceptibles de conduire à une réformation du jugement sur le principe de la résolution des contrats de cession d’actions en application de l’article 1184 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016); résolution qui n’a donné lieu par ailleurs à aucune critique sérieuse.

22- Ainsi que le fait valoir à juste titre M. [L], le prix de cession unitaire ne pouvait plus être calculé en fonction de l’excédent brut d’exploitation réalisé sur la période courant du 1er mai 2015 au 30 avril 2016 compte tenu des difficultés financières de la société Interpliage ayant conduit le 5 octobre 2016 à la résolution du plan de sauvegarde.

23- Il s’évince des contrats que le prix unitaire de l’action devait être calculé à partir d’une valorisation de la société à la somme de 1 800 000 euros, de sorte qu’en proportion du nombre d’actions acquises, les sociétés appelantes étaient débitrices:

– de la somme de 1 800 000 x 282/789 = 643346 euros, en ce qui concerne la société CAPER,

– de la somme de 1 800 000 x 176/289 = 401520 euros, en ce qui concerne la société CMA Consulting.

Le paiement du prix n’étant pas intervenu au terme de trois exercices ainsi que convenu en page 3 des actes, M. [L] était bien fondé à solliciter la résolution des contrats de vente en application des articles 1650 et 1184 aliéna 2 du code civil (dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016).

Pour l’exercice de l’action en résolution, l’assignation délivrée le 28 octobre 2019 suffisait à mettre en demeure les sociétés cessionnaires sans qu’il soit nécessaire de faire précéder cet acte d’une sommation ou d’un commandement, contrairement à ce qui est soutenu par les appelantes.

24- Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résolution des actes de cession du 2 avril 2015 pour défaut de paiement du prix.

25- La résolution pour défaut de paiement du prix emporte l’anéantissement des contrats, et les choses doivent être remises au même état que si les obligations nées des contrats n’avaient jamais existé.

26- Il est constant que la restitution en nature des actions est rendue impossible par la liquidation judiciaire de la société Interpliage, de sorte que la restitution doit avoir lieu en équivalent en tenant compte de la valeur du bien au jour du contrat, sans que M. [L], créancier de la restitution, ait à supporter la dépréciation de la chose.

27- Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné les sociétés CMA Consulting et CAPER, respectivement, à payer à Monsieur [S] [L] la somme de 401’520 euros et la somme de 643’346 euros.

Sur les demandes accessoires :

28- Les sociétés CMA Consulting et CAPER ne démontrent nullement que M. [L] ait commis un abus de droit d’ester en justice puisque ce dernier est déclaré bien fondé en sa demande de résolution des contrats au termes de l’instance.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages-intérêts.

29- Il est équitable d’allouer à M.[L] une indemnité de 6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en complément de celle allouée par le premier juge.

Échouant en leurs prétentions, les sociétés CMA Consulting et CAPER supporteront in solidum les dépens de l’instance et garderont la charge de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Statuant dans les limites de l’appel,

Déclare la demande de sursis à statuer recevable mais mal fondée,

Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux dont est saisi la 5 ème chambre civile sous le numéro RG 20/00498, par assignation en date du 30 décembre 2019,

Déclare les demandes de M. [S] [L] recevables,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société CMA Consulting et la société Conseils Analyses & Participations [Y] [R] (CAPER) à payer à M. [S] [L] la somme de 6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne in solidum la société CMA Consulting et la société Conseils Analyses & Participations [Y] [R] (CAPER) aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Magistrat

 


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