Conclusions d’appel : 12 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/17440

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Conclusions d’appel : 12 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/17440
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 12 MAI 2023

N°2023/

Rôle N° RG 21/17440 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIQYD

[C] [E]

C/

S.A. [10]

Organisme CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Me Frédéric

FRIBURGER

– [B] [D]

– CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

– LA REGIE

– L’EXPERT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 17 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/4375.

APPELANT

Monsieur [C] [E], demeurant [Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Patrice HUMBERT de la SELARL LEXVOX AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

S.A. [10], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 6]

non comparante

dispensée en application des dispositions de l’article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d’être représentée à l’audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2023 , en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société [10] a déclaré, le 8 décembre 2014, un accident de trajet subi le jour-même par son salarié M. [C] [E], employé en qualité de serrurier depuis le 26 avril 1982, dans les circonstances suivantes: ‘en descendant du camion, la victime aurait chuté à terre sur son genou gauche’.

Le certificat médical initial établi par le docteur [Z] exerçant au centre hospitalier de [Localité 9], en date du même jour, mentionne ‘entorse du genou gauche’.

La caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône a, à l’issue de son enquête, informé la société [10] et M. [E], par courrier du 17 février 2015, de sa décision de prendre en charge ledit accident de trajet au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par décision du 13 avril 2018, la caisse primaire d’assurance maladie a informé M. [E] de la fixation de la date de ses lésions consécutives à son accident de trajet au 24 avril 2018.

Par décision du 6 juillet 2018, elle a informé l’assuré de la fixation de son taux d’incapacité permanente partielle à 10% suite à son accident de trajet et du versement d’une rente de 1 613,57 euros à compter du 25 avril 2018.

M. [E] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur le 17 juillet 2018.

Par jugement du 17 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille ayant repris l’instance a:

– déclaré recevable mais mal fondé le recours de M. [E],

– débouté M. [E] de l’intégralité de ses demandes,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [E] aux dépens.

M. [E] a interjeté appel de ladite décision, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées, en son intégralité.

Aux termes de ses dernières conclusions parvenues au greffe par courrier le 3 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, M. [E] demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de:

– dire que l’accident du 8 décembre 2014 est un accident du travail et procède de la faute inexcusable de l’employeur ;

– fixer au maximum la majoration de l’indemnité en capital ou de la rente à laquelle il peut prétendre ;

– ordonner avant dire droit une expertise médicale aux fins de déterminer l’indemnisation de son préjudice corporel ;

– lui allouer une provision de 5 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;

– dire que les sommes avancées par la caisse primaire d’assurance maladie pourront être récupérées par elle auprès de l’employeur ;

– condamner la société [10] aux frais d’expertise

– condamner la société [10] à lui verser la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– réserver les autres demandes.

Par voie de conclusions visées par le greffe à l’audience du 22 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société [10] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et :

– d’écarter des débats les pièces n° 10 à 15 produites par M. [E] ;

– juger irrecevable l’action en reconnaissance de faute inexcusable de M. [E] ;

– juger que la caisse primaire d’assurance maladie ne dispose d’aucune action récursoire auprès d’elle dans le cas où la faute inexcusable serait reconnue ;

– condamner M. [E] à lui verser la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 15 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône demande à la cour:

– à titre principal, de rejeter la demande de reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur ;

– à titre subsidiaire, si la faute inexcusable était reconnue, de dire qu’elle fera l’avance des sommes mises à charge de l’employeur concernant les préjudices et majoration de rente et condamner la société [10] à lui rembourser toutes les sommes avancées par elle au titre de la faute inexcusable, en ce compris les frais d’expertise.

MOTIFS

Sur la demande tendant à écarter des débats les pièces n° 10 à 15 versées par l’appelant

La société soutient que les pièces n°10 à 15 produites par M. [E] sont irrecevables en ce qu’elles ne se rattachent à aucune prétention invoquées dans ses conclusions et n’y sont pas visées, en violation de l’article 954 du code de procédure civile.

L’appelant et la caisse ne concluent pas sur ce point.

Sur ce:

En vertu de l’article 954 alinéa 1 du code de procédure civile, les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Force est de constater en l’espèce que tant dans le cadre de ses conclusions d’appel notifiées par voie électronique le 10 janvier 2022 que dans le cadre de ses dernières conclusions responsives oralement soutenues devant la cour à l’audience, qui sont celles qui saisissent le juge en matière de procédure orale, l’appelant vise tant dans leur corps que dans le bordereau des pièces versées aux débats, les pièces n° 10 à 15.

En conséquence, le moyen est inopérant et la demande doit être rejetée.

Sur la qualification de l’accident du 18 décembre 2014

L’appelant soutient que l’accident en litige est intervenu une fois son trajet effecté, véhicule à l’arrêt, alors qu’il descendait du véhicule sur le parking de l’entreprise, lieu de travail et qu’il ne saurait dès lors s’agir d’un accident de trajet.

La société [10] répond que la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie de l’accident qualifié d’accident de trajet n’a fait l’objet d’aucune contestation de l’assuré, de sorte qu’elle est définitive et qu’elle s’impose aux parties.

La Caisse primaire d’assurance maladie s’associe, à titre principal, à l’argumentation soutenue par l’employeur et ajoute qu’en tant que passager salarié victime d’un accident de la circulation ayant le caractère d’un accident du travail et causé par l’employeur ou l’un de ses préposés, il peut obtenir une indemnisation intégrale de son préjudice sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

Sur ce:

Aux termes de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

L’article L 411-2 du même code définit l’accident de trajet comme l’accident survenu à un travailleur mentionné par le présent livre, pendant le trajet d’aller et de retour, entre :

1°) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu du travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d’un covoiturage régulier ;

2°) le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d’une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n’a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l’emploi.

En l’espèce, la déclaration d’accident du travail mentionne un accident survenu le 8 décembre 2014 à 11h45 ‘au cours du trajet entre le travail et le lieu de repas’: ‘en descendant du camion, la victime aurait chuté à terre sur son genou gauche’.

L’employeur, en sa réponse au questionnaire adressé par la caisse primaire d’assurance maladie, précise que M. [E] a quitté le lieu de travail à 11H40 et que l’accident est survenu sur le parking de l’agence [10] de [Localité 8], sur le lieu de repas habituel, alors qu’il ‘revenait du chantier pour déjeuner lorsqu'[il] a chuté en descendant du camion plateau’.

M. [E] a précisé pour sa part avoir quitté le travail à 11h20, que ses horaires de travail étaient ce jour-là de 7h40 à 11h40 puis de 12h40 à 15h40. Il n’a pas indiqué la nature du parcours mais a expliqué les circonstances de l’accident comme suit:

‘après avoir fini notre matinée de travail, le chauffeur du véhicule (camion plateau) et moi-même sommes rentrés à l’agence pour aller manger. Arrivés à destination, j’ai décroché ma ceinture de sécurité mais la sangle de celle-ci ne venait pas alors voulant me dégager j’ai tiré dessus et c’est donc à ce moment-là que je suis tombé du camion. Une fois au sol j’ai pu dégager mon bras qui était coincé sur l’armature du siège endommagé. Puis j’ai essayé de me relever mais je n’y arrivais pas, j’avais très mal’.

Il se déduit de la déclaration d’accident du travail, des déclarations de l’employeur lui-même comme des explications du salarié, qui ne sont aucunement contradictoires, que ce dernier avait terminé son trajet entre son lieu de travail et son lieu de repas puisqu’il avait détaché sa ceinture pour descendre du camion de l’entreprise avant de chuter au sol, que l’accident a eu lieu sur le parking d’une agence de la société [10] où il prenait habituellement ses repas, alors qu’il était soumis à l’autorité de son employeur et que l’accident est donc intervenu aux temps et lieux du travail.

Les lésions constatées au certificat médical initial, s’agissant d’une entorse au genou, sont également compatibles avec les circonstances de l’accident telles que décrites par le salarié.

C’est donc à tort que les premiers juges, dont la décision sera infirmée en toutes ses dispositions, ont débouté M. [E] de ses demandes relatives à la faute inexcusable au motif que l’accident survenu le 18 décembre 2014 à son préjudice était un accident de trajet alors que cet accident doit revêtir la qualification d’accident du travail.

Sur la faute inexcusable

L’appelant soutient en substance que l’employeur avait nécessairment conscience du danger auquel il était exposé, au regard des signalements réitérés effectués par les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et instances représentatives du personnel (IRP) quant à l’état alarmant de certains véhicules.

Il ajoute que l’employeur n’a pris aucune mesure pour empêcher la réalisation du risque, en ne donnant aucune suite aux avertissements susvisés et en n’équipant pas ses salariés de véhicules et équipements adaptés.

La société [10] ne conclut pas sur ce point et répond que sa faute inexcusable ne peut être recherchée s’agissant d’un accident de trajet.

La caisse primaire d’assurance maladie reprend à son compte l’argumentation de l’employeur.

Sur ce:

En vertu de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Par ailleurs, en application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, dans le cadre de son obligation de sécurité destinée à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, l’employeur doit, notamment:

* mettre en place une organisation et des moyens adaptés et veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes,

* adapter le travail à l’homme en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que les choix des équipements de travail et les méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé,

* planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants.

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

En outre, il suffit que la faute de l’employeur soit en lien de causalité avec le dommage pour que la responsabilité de ce dernier soit engagée alors même que d’autres fautes auraient concouru à la réalisation du dommage.

Toutefois, il résulte de l’article L.4131-4 du code du travail, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, que le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matériellement réalisé

En l’espèce, M. [E] produit la légende de l’arbre des causes de l’accident en litige, dont il résulte que:

– la ceinture de sécurité s’accroche à l’ossature du siège

– [la victime] est retenue par la ceinture de sécurité qui s’est accrochée au siège

– la victime perd l’équilibre

– le siège [est] en très mauvais état

– la ceinture de sécurité [est] défectueuse, ne revient pas complètement dans son compartiment

– la ceinture lui a bloqué une partie du corps

– pas de check-list récente des véhicules

– le CHSCT et les IRP avaient à plusieurs reprises signalé à la direction l’état alarmant de certains véhicules, en vain.

Il produit également une attestation émanant de M. [N] [P], conducteur du camion-plateau, en date du 2 décembre 2021, et témoin de l’accident selon les termes même de la déclaration d’accident du travail, qui indique que:

– ils ont fait le trajet travail-lieu le jour de l’accident de repas à bord d’un camion-plateau en très mauvais état,

– le siège de M. [E] était troué sur le côté vers la porte et en voulant descendre, ce dernier a à la fois glissé à cause du siège troué et a également été déséquilibré par la ceinture de sécurité.

Il verse en outre un rapport d’enquête du CHSCT relatif audit accident, qui mentionne que:

– ‘la ceinture de sécurité s’est coincée à la structure du fauteuil du camion en très mauvais état, ce qui a destabilisé la victime qui a fini par tomber du siège et du camion, sur le sol, directement sur le genou. La ceinture de sécurité se bloque dans la carcasse du siège et bloque la victime.

– mesures préconisées: faire le suivi des véhicules, les réparations, et suivre les préconisations des représentants du personnel qui ont noté ces problèmes depuis un certain temps’.

Le rapport ‘accident /incident’ élaboré par la [10] le 8 décembre 2014 fait lui-même mention, dans les ’causes apparentes’ de l’accident, du fait que ‘le fauteuil du véhicule n’ayant plus de mousse, la ceinture de sécurité se serait coincée dans l’armature du fauteuil […]’.

Il résulte de ces éléments, qui ne sont aucunement contredits par l’employeur, que ce dernier a été alerté préalablement à l’accident tant par le CHSCT que par les instances représentatives du personnel, des dangers pour les salariés en lien avec l’état de vétusté de son parc automobile mis à leur disposition, et que ce risque s’est réalisé lors de l’accident du travail.

En conséquence, la cour juge que cet accident du travail est imputable à la faute inexcusable de l’employeur.

Sur les conséquences de la faute inexcusable:

– à l’égard de M. [E]

Lorsque l’accident du travail ou la maladie professionnelle est dû à la faute inexcusable de

l’employeur, la victime a droit, en application des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, à une majoration de la rente et à une indemnisation complémentaire de ses préjudices, et depuis la décision du conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, à une réparation de son préjudice au-delà des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.

Il résulte des dispositions de l’article L.452-2 dernier alinéa du code de la sécurité sociale, que la caisse récupère le capital représentatif de la majoration de la rente auprès de l’employeur et l’article L.452-3 dernier alinéa dispose que la réparation des préjudices de la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

En l’espèce la caisse primaire d’assurance maladie a attribué à M. [E] un taux d’incapacité permanente partielle de 10 %. Il y a donc lieu de fixer au maximum la majoration de la rente.

L’expertise médicale sollicitée, effectivement nécessaire pour évaluer les conséquences dommageables de la maladie professionnelle doit être ordonnée, avec la mission précisée au dispositif, étant rappelé que le taux d’incapacité permanente partielle étant en matière de législation professionnelle fixé par la caisse, et que la date de consolidation est celle du 24 avril 2018.

Une provision doit par ailleurs être allouée à M. [E] à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices, d’un montant de 5 000 euros.

Par ailleurs l’équité justifie d’allouer à M. [E] une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile que la cour fixe à 2 000 euros.

En revanche, sa faute inexcusable étant retenue, la société [10] ne peut se prévaloir du bénéficé des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– concernant l’action subrogatoire de la caisse primaire d’assurance maladie:

Par application des dispositions de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable.

Il résulte donc de ces dispositions que lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, ce dernier doit rembourser à la caisse la totalité des sommes dues à la victime, liées à la reconnaissance de la faute inexcusable.

Par conséquent, l’action subrogatoire de la caisse pour les sommes dont elle est tenue de faire l’avance doit être accueillie à l’égard de la société [10], en ce compris la provision de 5 000 euros allouée à M. [E] à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices.

Compte tenu de l’expertise ordonnée, les dépens doivent être réservés en fin de cause.

PAR CES MOTIFS,

– Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

– Déboute la société [10] de sa demande tendant à écarter des débats les pièces n°10 à 15 de M. [C] [E],

– Dit que l’accident de M. [C] [E] pris en charge le 12 février 2017 par la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône au titre de la législation sur les risques professionnels est un accident du travail,

– Dit que cet accident est imputable à la faute inexcusable de son employeur la société [10],

– Fixe au maximum la majoration de la rente,

– Alloue à M. [C] [E] une provision d’un montant de 5 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

– Dit que la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône fera l’avance de la majoration de la rente et des sommes allouées à M. [E] et pourra en récupérer directement et immédiatement, les montants ainsi que celui des frais d’expertise auprès de la société [10],

– Déboute la société [10] de l’intégralité de ses demandes,

– Condamne la société [10] à payer à M. [C] [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Avant dire droit sur l’indemnisation des préjudices de M. [C] [E] :

– Ordonne une expertise médicale,

* Commet pour y procéder:

le docteur [R] [F]

[Adresse 7]

[Localité 2]

et à défaut

le docteur [W] [I]

[Adresse 4]

[Localité 1]

tous deux inscrits sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence,

avec pour mission de :

– convoquer, dans le respect des textes en vigueur, M. [E],

– Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l’identité de M. [E] et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut et/ou sa formation s’il s’agit d’un demandeur d’emploi, son mode de vie antérieur à la maladie et sa situation actuelle,

– A partir des déclarations de M. [E], au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, le nom de l’établissement, les services concernés et la nature des soins,

– Recueillir les doléances de M. [E] et au besoin de ses proches, l’interroger sur les conditions d’apparition des lésions, l’importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,

– Décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,

– Procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l’assentiment de M. [E], à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par lui,

– Analyser dans un exposé précis et synthétique :

* la réalité des lésions initiales,

* la réalité de l’état séquellaire,

* l’imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l’incidence d’un état antérieur déjà révélé,

– Tenir compte de la date de consolidation fixée par l’organisme social,

– Préciser les éléments des préjudices limitativement listés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale:

* Souffrances endurées temporaires et/ou définitives:

Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif, les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7,

* Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif:

Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7,

* Préjudice d’agrément:

Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir, en distinguant les préjudices temporaires et définitif,

* Perte de chance de promotion professionnelle:

Indiquer s’il existait des chances de promotion professionnelle qui ont été perdues du fait des séquelles fonctionnelles,

– Préciser les éléments des préjudices suivants, non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale:

* Déficit fonctionnel temporaire:

Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, pour la période antérieure à la date de consolidation, affectée d’une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que le temps d’hospitalisation.

En cas d’incapacité partielle, préciser le taux et la durée,

* Déficit fonctionnel permanent :

Indiquer si, après la consolidation, la victime a été atteinte d’une réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte son intégrité anatomo-physiologique, de phénomènes douloureux et de répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que de conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours et dans l’affirmative, en fixer le taux.

* Assistance par tierce personne avant consolidation:

Indiquer le cas échéant si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire, avant consolidation, pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne, préciser la nature de l’aide prodiguée et sa durée quotidienne,

* Frais de logement et/ou de véhicule adaptés:

Donner son avis sur d’éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d’adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap,

* Préjudices permanents exceptionnels:

Dire si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents,

* Préjudice sexuel:

Indiquer s’il existe ou s’il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité),

– Établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission,

– Dit que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport, et que si le sapiteur n’a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l’expert,

– Dit que l’expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,

– Dit que la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône doit faire l’avance des frais de l’expertise médicale avec faculté de recours contre l’employeur en versant au Régisseur d’avances et de recettes (RIB : Code banque 10071 Code guichet 13000 N° de compte 00001012418 Clé RIB 38 Domiciliation TP Marseille) de la cour d’appel la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur sa rémunération,

– Dit que l’expert déposera au greffe de la cour son rapport dans le délai de six mois à compter de sa saisine,

– Désigne le président ou le magistrat chargé d’instruire de la 4ème chambre section 8 de la cour pour surveiller les opérations d’expertise,

– Renvoie l’affaire à l’audience du 20 mars 2024 à 9 heures ,

– Dit que les parties devront déposer et communiquer leurs conclusions selon le calendrier de procédure suivant :

– 30 novembre 2023 pour M. [E],

– 10 février 2024 pour les autres parties.

– Réserve les dépens en fin de cause.

Le Greffier Le Président

 


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