Conception de Logo : la recherche d’antériorité obligatoire 

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Conception de Logo : la recherche d’antériorité obligatoire 

Un contrat de ‘création de logo’ est un contrat de prestation de service, soit la création du logo en elle-même, et de vente, soit la cession des droits du graphiste sur le logo qu’il a créé.

La fourniture d’un logo que le client puisse utiliser paisiblement et sans être accusé de contrefaçon, ou parasitisme ou autre infraction de concurrence déloyale est un élément essentiel du contrat, puisque le terme ‘création’ implique nécessairement que la prestation consiste à ‘créer’ et non à ‘recopier’.

S’il est possible que la ressemblance entre deux logos soit fortuite, tout designer ou graphiste est conscient du risque tenant au fait que la création d’un logo ou d’une enseigne consiste très souvent à insérer dans un dessin des objets se rapportant à l’activité du client, ce dont il résulte que les risques de ressemblance avec un autre logo dans le même secteur d’activité sont importants.

Internet met à la disposition des graphistes et designers de nombreux outils permettant aux créateurs d’éviter l’écueil de contrefaçon : par exemple la fonctionnalité de recherche d’images de Google (recherche de similarité dans les sites internet) et diverses banques d’images avec fonctionnalité de recherches d’image.

En l’occurrence,  les fonctionnalités de recherche d’images de Google auraient permis de détecter la similarité entre les logos conçus, peu important à cet égard que la société victime de la contrefaçon n’ait pas procédé au dépôt de son dessin. Cette recherche en ligne de similarités incombe au prestataire concepteur du logo, elle est l’accessoire de la prestation qu’il délivre, la similarité de la création viciant l’essence même son travail. Le prestataire est par ailleurs un professionnel du design et du logo, tandis que son client n’est qu’un profane en matière de design.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2021

N° RG 19/01012 –��N° Portalis DBVL-V-B7D-PRB4

SARL Z B

C/

SARL ICS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame X Y, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Octobre 2021

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 23 Novembre 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

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APPELANTE :

Société Z B

immatriculée a RCS de Nantes sous le numéro 792 856 817 euros prise en la personne de sa gérante Madame C-D E

[…]

[…]

Représentée par Me Charlotte MAZY, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Représentée par Me Thomas MERIEN, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société ICS

immatriculée au RCS de NANTES sous le n° 520 572 777, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Fabienne PALVADEAU-ARQUE de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Souhaitant lancer une nouvelle activité de commercialisation de vins sous l’enseigne «TERRES D’AROMES », à Saint-Herblain (44), la société Z A a confié à la société ICS plusieurs prestations de communication, la première d’entre elles étant la création d’un logo.

Une proposition ayant été retenue, le logotype créé a été utilisé pour l’élaboration et la fabrication de différents supports de communication, l’ensemble faisant l’objet de trois factures émises par ICS entre le 31 décembre 2015 et le 31 août 2016.

Le 6 octobre 2016, Z A a été mise en demeure par l’avocat de la société TERROIRS D’AROMES, sise dans la région de Reims (51), de cesser « toute exploitation de la dénomination TERRES D’AROMES accompagnée de la silhouette d’un verre à vin dans lequel apparaît celle d’un coteau de vigne ».

Il apparaissait en effet que depuis 2014, la société TERROIRS D’AROMES utilisait un logo quasiment identique à celui créé par la société ICS pour le compte de la société Z A.

Après quelques discussions, la société TERROIRS d’AROMES a accepté que la société Z A conserve l’enseigne TERRE D’AROMES si elle modifiait son logo, et la société Z A s’est exécutée, faisant appel à un nouveau graphiste et cessant l’utilisation du logo créé par la société ICS.

Le 20 du même mois, par son avocat, Z A a mis ICS en demeure de s’expliquer.

ICS, reconnaissant une ressemblance qu’elle qualifiait de fortuite, a proposé le 14 décembre 2016 de retravailler à ses frais la charte graphique et un tarif préférentiel sur les nouveaux travaux de production à réaliser.

Z A a refusé et, sollicitant la réparation d’un préjudice évalué à la somme de 47.786,80 €, a assigné ICS devant le Tribunal de céans le 13 septembre 2017.

Par jugement du 26 novembre 2018, le tribunal de commerce de Nantes a :

— rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société ICS et s’est déclaré compétent pour statuer sur le présent litige ;

— prononcé la compensation de la créance de la société Z A avec la créance de la société ICS ;

— condamné la société Z A à payer à la société ICS, après compensation avec sa propre créance de 252 euros TTC, la somme de 541,20 euros TTC,

— débouté la société Z A du surplus de ses demandes ;

— condamné la société Z A à payer 3.000 euros à la société ICS au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Z A aux dépens.

Appelante de ce jugement, la société Z A, par conclusions du 14 juin 2021, a demandé que la Cour :

— réforme le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nantes en date du 26 novembre 2018 dans son intégralité,

— dise que la société ICS n’a pas respecté son obligation d’information précontractuelle à l’égard de la société Z A,

— condamne la société ICS à verser la somme de 5.000 euros à la société Z A au titre de dommages et intérêts pour cette négligence contractuelle,

— dise que la société ICS n’a pas respecté son obligation contractuelle en délivrant un logo qui n’était pas conforme à ce qui avait été attendu par la société Z A,

— condamne la société ICS à verser la somme de 47.786,80 euros à la société Z A au titre de dommages et intérêts du fait de la mauvaise exécution du contrat,

— condamne la société ICS à verser la somme de 2.500 euros à la société

Z B au titre de l’article 700 du CPC,

— condamne la société ICS aux entiers dépens.

Par conclusions du 07 août 2019, la société ICS a demandé que la Cour :

— confirme le jugement déféré,

— condamne la société Z A à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamne aux dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

A titre liminaire, la Cour relève que la disposition relative à la compétence ne fait l’objet d’aucune critique.

Le manquement à l’obligation de délivrance :

Le contrat conclu entre la société ICS et la société Z A est uniquement matérialisé par la facture des prestations de la société ICS.

Cette facture, datée du 31 décembre 2015, comprend une ligne ‘création de logo et enseigne’, puis diverses prestations consécutives: impression de carte de visite, création matérielle de l’enseigne et pose de cette dernière, étiquettes autocollantes.

Elle a été complétée par une facture ‘communication site St Herblain’ avec création de flyers et par une facture de pose d’enseigne.

Un contrat de ‘création de logo’ est un contrat de prestation de service, soit la création du logo en elle-même, et de vente, soit la cession des droits du graphiste sur le logo qu’il a créé.

La fourniture d’un logo que le client puisse utiliser paisiblement et sans être accusé de contrefaçon, ou parasitisme ou autre infraction de concurrence déloyale est un élément essentiel du contrat, puisque le terme ‘création’ implique nécessairement que la prestation consiste à ‘créer’ et non à ‘recopier’.

En l’espèce, le logo créé par la société ICS était le suivant :

Le logo utilisé par la société TERROIRS D’AROMES depuis 2014 était celui-ci:

Les deux logos sont quasiment identiques.

Il est possible que la ressemblance soit fortuite mais au demeurant, tout designer ou graphiste est conscient du risque tenant au fait que la création d’un logo ou d’une enseigne consiste très souvent à insérer dans un dessin des objets se rapportant à l’activité du client, ce dont il résulte que les risques de ressemblance avec un autre logo dans le même secteur d’activité sont importants.

Pour autant, en 2016, internet existait déjà et mettait à la disposition des graphistes et designers de nombreux outils permettant aux créateurs d’éviter cet écueil : par exemple la fonctionnalité de recherche d’images de Google (recherche de similarité dans les sites internet) et diverses banque d’images avec fonctionnalité de recherches d’image.

La société TERROIRS D’AROMES exploitant un site internet, les fonctionnalités de recherche d’images auraient permis de détecter la similarité, peut important à cet égard que la société TERROIRS D’AROMES n’ait pas procédé au dépôt de son dessin.

La société ICS ne prétend même pas avoir effectué cette recherche.

Contrairement à ce qu’elle prétend, celle-ci lui incombait, étant un accessoire de la prestation qu’elle délivrait, la similarité de sa création avec une autre création viciant l’essence même son travail.

Elle était par ailleurs un professionnel du design et du logo, tandis que sa cliente était une société

exploitant des épiceries à un niveau local, sans aucune connaissance particulière de l’existence des logiciels cités ci-dessus.

Enfin, ce n’est pas la dénomination ‘TERRES d’AROME’ qui a posé difficulté, puisque la société Z A a pu le conserver, mais le dessin réalisé autour de cette dénomination.

La faute contractuelle de la société ICS, consistant à ne pas avoir créé et délivré un logo original et pouvant être utilisé paisiblement est en conséquence avérée et elle est tenue d’indemniser la société Z A des conséquences en étant découlé.

Les demandes émises à ce titre sont les suivantes:

— prestations nouveau graphiste: 840 euros TTC : demande justifiée par une facture et retenue;

— carte de visite et sticker: 210 euros TTC : demande justifiée par une facture et retenue;

— remplacement enseigne, flyers et stickers : 5.736,00 euros TTC : non justifié par la facture correspondante ; la demande est retenue à hauteur de la somme de 3.781,20 euros TTC, soit, après examen des factures ICS les frais d’impression et de pose des accessoires commerciaux portant le logo qui a dû cesser d’être utilisé et qui se sont donc avérés inutiles;

— frais de gestion du litige et frais d’expert comptable pour délivrer une attestation: à inclure dans les frais irrépétibles;

— préjudice commercial: 36.622,00 euros selon une attestation de l’expert comptable reprenant les coûts exposés auprès d’ICS – déjà indemnisés plus haut -, le coût de l’embauche d’un salarié alors que le litige relatif au logo n’a pas conduit à la fermeture du magasin, et qui calcul un ‘impact sur le chiffre d’affaires lié à l’absence de campagne publitaire de 40%, soit 17.408 euros’, qui ne repose sur aucune donnée précisée comme par exemple les chiffres d’affaires réellement réalisés avant l’utilisation du nouveau logo et après; la demande est rejetée;

— le préjudice moral: il est demandé la somme de 3.000 euros ; compte tenu du fait que le litige en germe a pu se régler rapidement avec la société TERROIRS D’AROMES, avant même le lancement de toute campagne publicitaire, il est alloué une somme de 1.000 euros.

En conséquence, le préjudice de la société Z A est de 5.831,20 euros, somme que la société ICS est condamnée à lui payer.

Le manquement à l’obligation précontractuelle d’information :

Les manquements invoqués contre la société ICS sont les suivants :

— ne pas avoir informé son client qu’elle ne se chargeait pas de l’étude concurrentielle des logos similaires dans la même branche professionnelle,

— ne pas avoir informé son client qu’elle n’était pas spécialisée en conseil et fabrication d’une communication visuelle alors qu’elle se prévaut de cette qualité sur son site internet.

Le premier manquement n’est pas distinct du manquement à l’obligation de délivrance relevé plus haut puisque la Cour a dit qu’il était de l’essence même du contrat de création de logo de vérifier l’absence de similarité.

Le second n’est pas constitué, aucun contrat de prestation de service de mise en oeuvre d’une communication visuelle n’étant versé aux débats.

La demande est rejetée.

Les factures dues de part et d’autre :

La société Z A ne peut prétendre être indemnisée des manquements à l’engagement contractuel de la société ICS que pour autant qu’elle lui ait payé ses factures ; or elle n’a pas payé la facture du 31 août 2016 pour 793,20 euros TTC.

Dans ses conclusions, la société ICS reconnait elle-même lui devoir une somme de 252 euros TTC au titre d’une facture du 31 août 2016 qui n’est pas versée aux débats et demande la compensation entre les sommes dues de part et d’autre.

Par conséquent, la société Z A, au titre du solde restant dû de facture, est condamnée au paiement de la somme de 541,20 euros TTC.

Les frais irrépétibles et les dépens :

La société ICS, qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et paiera à la société Z A la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Z A de ses demandes indemnitaires, ainsi qu’en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Statuant à nouveau :

Condamne la société ICS à payer à la société Z A la somme de 5.831,20 euros à titre de dommages et intérêts.

Confirme pour le solde le jugement déféré, notamment en ce qu’il a condamné la société Z A à payer à la société ICS, au titre des soldes de factures et après compensation avec sa propre créance de 252 € TTC, la somme de 541,20 euros TTC.

Rejette le surplus des demandes.

Condamne la société ICS aux dépens de première instance et d’appel.

Condamne la société ICS à payer à la société Z A la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


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