Concentration dans les médias : affaire Vivendi

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Concentration dans les médias : affaire Vivendi

La disposition légale italienne empêchant Vivendi d’acquérir 28 % du capital de Mediaset est contraire au droit de l’Union.

Seuils non justifiés

La disposition légale italienne fixant des seuils sans relation avec le risque existant pour le pluralisme des médias, ne permet pas de déterminer si et dans quelle mesure une entreprise peut effectivement influencer le contenu des médias.

Même si une restriction à la liberté d’établissement peut, en principe, être justifiée par un objectif d’intérêt général, tel que la protection du pluralisme de l’information et des médias, ce n’est pas le cas de la disposition en cause, celle-ci n’étant pas de nature à atteindre cet objectif.

Le droit de l’Union, en ce qui concerne les services de communications électroniques, établit une distinction claire entre la production de contenus et leur acheminement ou leur transmission. Ainsi, les entreprises actives dans le secteur des communications électroniques, exerçant un contrôle sur l’acheminement et la transmission des contenus, n’exercent pas nécessairement un contrôle sur la production de ces contenus. Or, la disposition légale en cause ne fait pas référence aux liens entre la production et l’acheminement des contenus et n’est pas non plus libellée de manière à s’appliquer spécifiquement en relation avec ces liens.

La disposition en cause définit de manière trop restrictive le périmètre du secteur des communications électroniques, en excluant notamment des marchés revêtant une importance croissante pour la transmission d’informations, comme les services de détail de téléphonie mobile ou d’autres services de communication électronique liés à l’internet et les services de radiodiffusion par satellite. Or, ceux-ci étant devenus la principale voie d’accès aux médias, il n’est pas justifié de les exclure de cette définition. Assimiler la situation d’une « société contrôlée » à celle d’une « société liée », dans le cadre du calcul des recettes réalisées par une entreprise dans le secteur des communications électroniques ou dans le SIC, n’apparaît pas conciliable avec l’objectif poursuivi par la disposition en cause.

Liberté d’établissement au sein de l’Union  

Cette disposition est contraire à la liberté d’établissement consacrée à l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). L’article 49 s’oppose à la réglementation d’un État membre ayant pour effet d’empêcher une société d’un autre État membre, dont les recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques au niveau national, y compris par l’intermédiaire de sociétés contrôlées ou liées, sont supérieures à 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur, de percevoir dans le SIC des recettes supérieures à 10 % de celles réalisées dans ce système. Cette disposition constitue une entrave interdite à la liberté d’établissement, étant donné qu’elle n’est pas de nature à atteindre l’objectif de protection du pluralisme de l’information

Contexte de l’affaire

Pour rappel, en 2016, la société française Vivendi SA, société mère d’un groupe opérant dans le secteur des médias et dans la création et distribution de contenus audiovisuels, a lancé une campagne hostile d’acquisition d’actions de Mediaset Italia Spa, société italienne du même secteur contrôlée par le groupe Fininvest.  Elle est parvenue à acquérir 28,8 % du capital social de Mediaset, soit 29,94 % de ses droits de vote.

Mediaset a déposé une plainte contre Vivendi devant l’Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni (AGCOM) (autorité de tutelle des communications, Italie), l’accusant d’avoir violé la disposition italienne qui, dans le but de sauvegarder le pluralisme de l’information, interdit à toute société dont les recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques, y compris par l’intermédiaire de sociétés contrôlées ou liées, sont supérieures à 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur de percevoir, dans le « système intégré des communications », des recettes supérieures à 10 % de celles réalisées dans ce système en Italie. Tel était le cas de Vivendi, qui occupait déjà une position importante dans le secteur italien des communications électroniques en raison du contrôle qu’elle exerçait sur Telecom Italia SpA.

Par une décision de 2017, l’AGCOM a déclaré que Vivendi avait enfreint cette disposition italienne en acquérant les participations dans Mediaset et lui a enjoint de mettre fin à cette infraction. Tout en se conformant à l’injonction de l’AGCOM par le transfert à une société tierce de 19,19 % des actions de Mediaset, Vivendi a saisi le tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) en demandant l’annulation de cette décision. Télécharger la décision


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