8 novembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/09134
Pôle 5 – Chambre 8
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022
(n° / 2022, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09134 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDVFM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2020 -Tribunal Judiciaire de PARIS CEDEX 17 – RG n° 19/14283
APPELANT
Monsieur [S] [D]
Né le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 8],
De nationalité tunisienne,
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075,
Assisté de Me Isabelle SCHUHLER BOURRELLIS, avocate au barreau de PARIS, toque : D0232,
INTIMÉ
Monsieur [U] [F]
Né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 7] ( ALGÉRIE),
De nationalité algérienne,
Demeurant [Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Daniel NAHMIAS de la SELARL NAHMIAS SEMHOUN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque D100,
Assisté de Me Karina ELHARRAR, avocate au barreau de PARIS, toque D1834,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre, et Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre
Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère.
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Exposé du litige
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE:
Le 13 avril 2018, M. [F] a cédé à M. [D] les 3.000 actions qu’il détenait dans le capital de la société Roukaya et, par acte séparé, il a cédé à M. [D] sa créance en compte courant d’associé au prix de 37.200 euros payable au moyen d’un crédit-vendeur de vingt-quatre mensualités. Une convention de garantie de passif a également été conclue le même jour.
N’ayant pas reçu paiement de certaines échéances et après avoir vainement mis en demeure M. [D], le 4 septembre 2019, d’avoir à payer une somme de 15.086 euros correspondant aux échéances impayées, déduction faite d’une somme de 11.264 euros correspondant à un passif couvert par la garantie, M. [F] a, le 27 novembre 2020, assigné M. [D] devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement des échéances impayées.
Par jugement du 8 décembre 2020, le tribunal a condamné M. [D] à verser à M. [F] la somme de 25.936 euros, débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts, condamné M. [D] aux dépens, condamné M. [D] à verser à M. [F] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire.
Moyens
Par déclaration du 11 mai 2021, M. [D] a fait appel de ce jugement et, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 août 2021, il demande à la cour de le recevoir en son appel, de prononcer la nullité du jugement, subsidiairement de réformer le jugement en ce qu’il l’a condamné à verser à M. [F] la somme de 25.936 euros et celle de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, statuant à nouveau de débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes, de le condamner à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de le condamner aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 novembre 2021, M. [F] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [D] à lui verser la somme de 25.936 euros et de le réformer en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts, statuant à nouveau de condamner M. [D] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, en tout état de cause de débouter M. [D] de ses fins et conclusions, de le condamner aux dépens et à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 28 juin 2022.
Motivation
SUR CE,
M. [D] demande à la cour de le déclarer recevable en son appel. Aucun moyen d’irrecevabilité n’étant soulevé par M. [F] ni susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer l’appel de M. [D] recevable.
Sur la nullité du jugement :
M. [D] soulève la nullité du jugement pour défaut de contradictoire, son conseil n’ayant pas reçu de convocation à une audience de mise en état en vue de la clôture et d’une audience de plaidoirie. Il expose qu’il devait constituer avocat avant le 1er septembre 2020, que son conseil n’a pu, en raison d’une panne informatique, se connecter au RPVA le 30 août 2020, qu’il a adressé sa constitution le 2 septembre 2020 en demandant au juge de ne pas prononcer la clôture, que la partie adverse ne s’est pas opposée à sa demande mais que le tribunal a clôturé ‘les débats’ le 1er septembre 2020 sans que son avocat n’en ait été informé, qu’en outre le jugement fait mention de la participation de son avocat aux débats alors qu’il n’avait pas été convoqué à l’audience et n’était pas présent.
M. [F] s’oppose à la nullité soulevée faisant valoir que nul ne peut se prévaloir d’une absence de contradiction exclusivement imputable à sa propre carence. Il fait observer que M. [D] a eu connaissance de l’assignation le 4 décembre 2019, que les audiences de mise en état se sont succédées pour permettre la constitution et les conclusions de M. [D] les 21 janvier, 24 mars, 16 juin et 1er septembre 2020, que M. [D] ne s’est constitué que le 2 septembre 2020 après la clôture dont la date avait été annoncée par un bulletin de procédure du 16 juin 2020 que M. [D] produit lui-même.
Selon la liste informatique des événements produite par l’appelant, l’avis de mise en état du 16 juin 2020 également produit par l’appelant et le jugement, M. [D] a constitué avocat le 2 septembre 2020 après que la clôture de l’instruction a été prononcée le 1er septembre 2020 alors, d’une part, qu’il avait été assigné le 4 décembre 2019, l’affaire ayant été inscrite au répertoire général du tribunal le 11 décembre 2019, que, de deuxième part, l’affaire avait été appelée à la conférence du président du 21 janvier 2020 puis devant le juge de la mise en état une première fois le 16 juin 2020 et une seconde fois le 1er septembre 2020 et de troisième part que l’avis du 16 juin 2020 avait indiqué que le renvoi au 1er septembre 2020 était ordonné ‘pour éventuelle constitution et conclusions du défendeur, à défaut clôture et fixation’.
M. [D] ne justifie pas de l’impossibilité technique ayant selon lui empêché son conseil de se constituer le 30 août 2020, alors que la clôture était fixée au 1er septembre 2020.
Si les pièces aux débats ne montrent pas que le conseil de M. [D] a eu connaissance de la date des plaidoiries, il n’en demeure pas moins que la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas en soi une cause de révocation et qu’après l’ordonnance de clôture aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, de sorte que M. [D] n’était pas en droit de faire valoir des arguments devant le tribunal en raison de sa constitution tardive, que le juge de la mise en état pouvait, sans porter atteinte au principe du contradictoire, ne pas révoquer la clôture, aucune cause grave de révocation n’étant invoquée et M. [D] ayant disposé d’un délai suffisant de près de neuf mois pour constituer avocat et conclure, et que le tribunal pouvait ainsi statuer au vu des seules écritures et pièces de M. [F] sans porter lui-même atteinte au principe du contradictoire.
Ce premier moyen de nullité du jugement tiré de la violation du principe de la contradiction doit donc être écarté.
Quant à la mention portée sur le jugement sur la participation du conseil de M. [D] aux débats alors qu’il n’avait pas été convoqué à l’audience et n’était pas présent, elle relève d’une erreur matérielle manifeste résultant du fait que M. [D] avait bien constitué avocat mais qu’il n’était plus recevable à conclure, à produire des pièces et, par suite, à soutenir lors des débats des demandes et moyens et à s’opposer à la tenue des débats devant un juge rapporteur. L’inexactitude de cette mention, non prescrite à peine de nullité, n’est donc pas de nature à entraîner la nullité du jugement.
Il s’ensuit que l’exception de nullité du jugement soulevée par M. [D] doit être rejetée.
Sur la demande principale de M. [F] :
M. [D] soutient que la somme réclamée par M. [F] n’est ni certaine ni exigible car elle n’est pas justifiée. Il fait valoir qu’il a découvert après la cession un passif d’un montant de 50.056,84 euros supérieur au compte courant, que M. [F] ne lui a jamais fourni de précision sur le passif de la société Roukaya au 13 avril 2018, en particulier sur les loyers, charges sociales le concernant personnellement et dettes fournisseurs impayées et sur un découvert bancaire, ni sur la destination d’un emprunt de 20.000 euros.
M. [F] soutient que sa créance est certaine et exigible. Il fait valoir qu’il a justifié de l’accroissement du passif de la société pour un montant de 11.264 euros par la production d’un projet de situation au 22 avril 2018 établi par un expert-comptable, que M. [D] n’a jamais réglé la moindre échéance.
Il résulte des écritures des parties que M. [D] ne conteste pas n’avoir réglé aucune des échéances du crédit-vendeur d’un montant de 37.200 euros. L’échéancier de paiement des vingt-quatre mensualités est arrivé à terme le 2 avril 2020, la convention de cession de créance prévoyant en son article 2 que le prix ‘sera payé par le cessionnaire au moyen d’un crédit-vendeur payable en 24 mensualités (…) et ce, tous les mois jusqu’au terme arrivant à échéance le 2 avril 2020.’ L’intégralité des échéances est donc exigible.
S’agissant des obligations découlant de la convention de garantie de passif, celle-ci stipule en son article 3, A, II, que ‘dans le cas où un passif non comptabilisé ou un passif supplémentaire à la date d’arrêté des comptes viendrait à se révéler (…) le garant sera tenu de reverser dans les caisses de la société une somme limitée à 37.200 euros qui correspond au crédit-vendeur du remboursement de compte courant de M. [F].’L’article 3, B, III prévoit, quant à lui, que ‘toute somme due au titre de la réduction de prix s’imputera de plein droit sur le solde du prix du crédit-vendeur du compte courant d’associé de M. [F]’. La date d’arrêté des comptes est définie à l’article 1er de la convention comme étant le 31 décembre 2017. M. [D] et [F] conviennent dans leurs écritures que tout passif supplémentaire garanti par M. [F] s’impute sur le solde du prix du crédit-vendeur.
M. [F] soutient ensuite qu’en application de cette garantie, il doit une somme de 11.264 euros correspondant à la différence entre le bilan arrêté au 31 décembre 2017 et celui résultant d’une situation comptable arrêtée au 22 avril 2018 en expliquant qu’ ‘il était prévu de retrancher tout passif de la société qui surviendrait avant l’entrée en jouissance de M. [D], soit entre le 31 décembre 2017 et le 13 avril 2018″. Bien que les termes de la convention ne soient pas ceux-là, la garantie de M. [F] étant engagée, selon la convention, au titre d’un passif non comptabilisé ou d’un passif supplémentaire au 31 décembre 2017 et non au 13 avril 2018, M. [D] ne conteste pas cette interprétation de la convention de garantie en énonçant dans ses écritures que les parties ont convenu ‘d’une garantie de passif pour tout passif qui viendrait à surgir avant l’entrée en jouissance, soit entre le 31 décembre 2017 et le 13 avril 2018.’ Les parties conviennent ainsi que M. [F] a garanti toute augmentation du passif de la société cédée entre le 31 décembre 2017 et le 13 avril 2018.
M. [F] justifie par la production d’une situation comptable arrêtée au 22 avril 2018 émanant du cabinet Expertise & conseils que le passif de la société Roukaya s’est acccru de 11.264 euros entre le 31 décembre 2017 et cette date.
M. [D] soutient, quant à lui, avoir ‘découvert un passif de 50.056,84 euros’ sans préciser si ce montant représente la totalité du passif de la société lors de son entrée en jouissance ou la seule augmentation du passif constatée entre le 31 décembre 2017 et le 13 avril 2018. En outre, il produit les seuls courriers que son conseil a adressés à M. [F] le 30 mai 2018 et au conseil de ce dernier le 18 juin 2018, outre ceux adressés à l’expert-comptable et au frère de M. [F], faisant état de diverses dettes sociales qu’il aurait découvertes après la cession sans produire de justificatif au soutien de ces réclamations (loyers impayés, créances de l’Urssaf, découvert bancaire, facture d’électricité, de gaz, fournisseurs) ne permettant pas ainsi à la cour de vérifier la réalité de ces dettes, si elles ont été prises en compte dans la situation comptable produite par M. [F] et si elles relèvent de la garantie de ce dernier.
Dans ces mêmes courriers, le conseil de M. [D] invoquait également une inexactitude grossière affectant le chiffre d’affaires, seul un chiffre d’affaires de 9.000 euros ayant été réalisé entre le 27 avril 2018 et le 23 mai 2018, et l’absence de preuve de l’encaissement par la société cédée d’une somme de 20.000 euros prêtée par la société Moulins des Osmeaux. Mais M. [D] ne produit pas d’autre pièce que ces courriers, ne justifiant pas ainsi ses dires. En outre ni un chiffre d’affaires moindre qu’attendu ni le supposé défaut de ressources résultant de l’encaissement supposé de ce prêt par M. [F] et non par la société Roukaya ne constituent un passif supplémentaire garanti par M. [F] selon les stipulations de la convention invoquées par les parties et la convention porte sur le seul passif, à l’exclusion de l’actif.
Il résulte de ces éléments que M. [F] justifie de l’augmentation du passif social qu’il accepte de garantir alors que M. [D] manque à démontrer l’existence d’un passif complémentaire que M. [F] n’aurait pas pris en compte.
La demande en paiement de la somme de 25.936 euros formée par M. [F] et correspondant à la différence entre le montant dû par M. [D] de 37.200 euros et celui de 11.264 euros dont il est redevable au titre de sa garantie est ainsi justifiée. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [F] :
M. [F] soutient qu’il a subi un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement et constitué des tracas causés par le retard, de la mauvaise foi du débiteur ou de l’obligation d’exposer des frais et des démarches répétées pour obtenir paiement de la créance.
Mais M. [F], qui ne produit pas de pièce au soutien de sa demande, ne rapporte pas la preuve de désagréments causés par le défaut de paiement de M. [D] autres que les frais de justice exposés qui sont susceptibles d’être indemnisés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ni n’établit la mauvaise foi de M. [D] qui a mis en oeuvre la garantie de passif dès le 30 mai 2018 avant d’être lui-même mis en demeure de payer le prix de la cession de créance de compte courant.
Le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, M. [D] sera condamné aux dépens de première instance, le jugement étant confirmé, et aux dépens d’appel. Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamné au paiement d’une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la cour y ajoutant une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel par M. [F].
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
Déclare recevable l’appel de M. [S] [D] ;
Rejette l’exception de nullité du jugement soulevée par M. [S] [D] ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [S] [D] aux dépens d’appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. ;
Condamne M. [S] [D] à payer à M. [U] [F] une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [S] [D] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT