Comptes courants d’associés : 8 novembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05898

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Comptes courants d’associés : 8 novembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05898

8 novembre 2022
Cour d’appel de Montpellier
RG
20/05898

Chambre commerciale

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/05898 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OZU5

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 NOVEMBRE 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS

N° RG 2020001826

APPELANT :

Monsieur [Z] [W] [D]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Cécilia LASNE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON dont le siège social est sis

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Annie RUIZ-ASSEMAT de la SCP RUIZ-ASSEMAT EQUIN, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant substitué par Me Rebecca SMITH, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 25 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

Exposé du litige

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SARL Aurhea, dont [Z] [W]-[D] est le gérant, exploite un fonds de commerce de bricolage sous l’enseigne Mr. Bricolage, devenue Bricorama, situé [Adresse 4] (34).

La SA Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon (la Caisse d’épargne) a consenti un prêt professionnel PCM taux fixe n° 4498883 à la société Aurhea par acte sous seing privé en date du 3 juillet 2015 d’un montant principal de 125 000 euros au taux effectif global de 3,26% pour une durée de 60 mois moyennant des échéances mensuelles fixes avec assurance de 2 206,34 euros.

Ce prêt était destiné à un refinancement partiel d’un compte courant d’associé (en cofinancement avec la Société marseillaise de crédit).

Par acte sous seing privé en date du 21 juillet 2015, M. [W]-[D] s’est porté caution solidaire de ce prêt dans la limite de 81 250 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et ce pour la durée de 114 mois.

Par acte sous seing privé en date du 20 octobre 2010, la Caisse d’épargne avait consenti à la société Aurhea une convention d’ouverture de crédit à durée indéterminée par mobilisation de billets à ordre au débit du compte courant n° [XXXXXXXXXX02] à hauteur d’un montant maximum de 200 000 euros au taux effectif global de 3,67 %.

Un billet à ordre a été mobilisé le 12 avril 2017 pour un montant de 200 000 euros à échéance du 5 juillet 2017, M. [W]-[D] ayant avalisé ledit billet.

A la suite du redressement judiciaire prononcé par le tribunal de commerce de Béziers par jugement en date du 6 février 2019, désignant M. [B] en qualité de mandataire, la Caisse d’épargne a procédé à une déclaration de créance. Puis, par jugement en date du 10 juillet 2019, le tribunal de commerce de Béziers a ouvert une procédure de liquidation judiciaire.

Par lettres recommandées avec avis de réception signés le 22 juillet 2019, elle a mis en demeure M. [W]-[D] en sa qualité de caution solidaire aux fins de procéder au règlement des sommes dues (47 177,59 euros au titre du prêt PCM fixe et 200 000 euros au titre du billet à ordre avalisé).

Saisi par acte d’huissier en date du 2 mars 2020 délivré par la Caisse d’épargne, le tribunal de commerce de Béziers a, par jugement du 30 novembre 2020 :

‘- (…) Fait droit à l’ensemble des demandes de la Caisse d’épargne ,

– Débouté M. [Z] [W] de toutes ses demandes (…),

– Condamné M. [Z] [W] à payer à la Caisse d’épargne la somme de 200 000 euros au titre du billet à ordre à échéance du 5 juillet 2015, augmentée des intérêts postérieurs au taux conventionnel de l’Euribor 3 mois, majoré de deux points et ce jusqu’à parfait paiement,

– Condamné M. [Z] [W] à payer à la Caisse d’épargne la somme de 47 761,93 euros au titre du prêt PCM taux fixe n° 4498883 selon décompte arrêté au 23 octobre 2019, augmentée des intérêts contractuels majorés de trois points à compter du 24 octobre 2019 augmentée des intérêts contractuels majorés de trois points à compter du 24 octobre 2019 jusqu’à parfait paiement conformément aux dispositions de l’article 2 des conditions spécifiques du contrat de ce prêt,

– Dit et jugé qu’il y a lieu à application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil pour les sommes réclamées précitées,

– Dit et jugé que les intérêts se capitaliseront de plein droit au bout d’une année entière,

– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile,

– Condamné M. [Z] [W] à payer à la Caisse d’épargne une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné M. [Z] [W] aux entiers dépens de ta présente décision (…) qui seront distraits (…)conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injustes ou malfondées.’

Par déclaration reçue le 21 décembre 2020, M. [W]-[D] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Moyens

Il demande à la cour, en l’état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 24 août 2022, de :

« – Repoussant toute conclusion contraire comme injuste et dans tous les cas infondée,

– vu l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, l’article 455 du code de procédure civile, les articles L.512-1 et L.512-3 du code de commerce, l’article L.341- 4 ancien (L.331-1 nouveau) du code de la consommation, l’article L.313-22 du code monétaire et financier, (…)

– Dire et juger son appel recevable en la forme et justifié au fond,

– L’accueillant, annuler en toutes ses dispositions le jugement (…) faute d’avoir respecté les dispositions de l’article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 455 du code de procédure civile,

– Débouter la Caisse d’épargne de toutes ses demandes,

– Sur le fond, réformer l’intégralité du jugement dont appel et statuant à nouveau,

– Sur les demandes de la Caisse d’épargne concernant l’aval (…), prononcer l’annulation de l’aval qu’il a donné sur le billet à ordre souscrit par la SARL Aurhea le 12 avril 2017,

– Débouter la Caisse d’épargne de sa demande de paiement de 200 000 euros et des intérêts afférents formée par à son encontre,

– Sur les demandes de la Caisse d’épargne concernant son engagement de caution, à titre principal sur la disproportion de l’engagement de caution (…), débouter la Caisse d’épargne de sa demande de paiement de la somme de 47 761,93 euros outre intérêts et frais (…) fondé sur l’engagement de caution souscrit le 21 juillet 2017,

– A titre subsidiaire sur l’absence d’information annuelle de la caution, prononcer la déchéance du droit aux intérêts à l’encontre de la Caisse d’épargne,

– Ordonner la production d’un décompte expurgé des intérêts et accessoires pour la période allant du 31 mars 2016 au 31 mars 2020,

– Débouter la Caisse d’épargne de sa demande de paiement formée à son encontre,

– Dans tous les cas, débouter la Caisse d’épargne de l’intégralité de ses demandes formées à son encontre,

– La condamner au paiement de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre entiers frais et dépens de première instance et d’appel ».

Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :

– le tribunal n’a repris que les prétentions de la Caisse d’épargne, sans reprendre ses demandes et argumentation et n’y a pas répondu,

– le billet à ordre n’est pas régulier, car le souscripteur, le bénéficiaire et l’endossataire sont une seule et même personne, la société Aurhea,

– il ne peut davantage valoir cautionnement, car les dispositions des articles L. 331-1 et L. 341-3 du code de la consommation n’ont pas été respectées,

– l’engagement de caution est disproportionné ; revenus à hauteur de 5 000 euros par an, propriétaire indivis par moitié d’un immeuble évalué à la somme de 255 000 euros et engagement de caution souscrit auprès de la Bred le 30 août 2010 à hauteur de 180 000 euros et auprès de la SMC à hauteur de 143 000 euros sur 10 ans,

– il perçoit désormais le revenu de solidarité active,

– il n’a jamais reçu l’information annuelle, hormis celle du 31 mars 2020, les procès-verbaux d’huissiers produits concernent les emprunteurs ou ne le nomment pas en qualité de caution.

La Caisse d’épargne sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 11 août 2022 :

« – (…) A titre principal, confirmer purement et simplement le jugement (…)

– Par conséquent, dire et juger

– régulier l’aval souscrit (…) et le billet à ordre mobilisé selon la convention d’ouverture de crédit à durée indéterminée du 20 octobre 2010,

– que l’acte de cautionnement contracté auprès d’elle (…) en date du 21 juillet 2017 n’est manifestement pas disproportionné,

– qu’elle a respecté ses obligations d’information au titre des articles L.333-1 et L.333-2 du code de la consommation,

– condamner M. [Z] [W]-[D] au paiement des sommes suivantes :

– la somme de 200 000 euros au titre du billet à ordre à échéance du 05 juillet 2015 augmenté des intérêts postérieurs au taux conventionnel de l’Euribor 3 mois majoré de deux points et ce jusqu’à parfait paiement,

– la somme de 47 761,93 euros au titre du prêt PCM taux fixe n° 4498883 selon décompte arrêté au 23 octobre 2019 sera augmenté des intérêts contractuels majorés de trois points à compter du 24 octobre 2019 jusqu’à parfait paiement conformément aux dispositions de l’article 2 des conditions spécifiques du contrat de ce prêt (…),

– Entendre y avoir lieu à application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil pour les sommes réclamées précitées,

– Dire et juger que les intérêts se capitaliseront de plein droit au bout d’une année entière,

– A titre subsidiaire, s’agissant de la somme due au titre de la convention d’ouverture de compte courant, condamner M. [Z] [W]-[D] à verser la somme de 200 000 euros au titre de la convention d’ouverture de crédit, augmenté des intérêts postérieurs au taux conventionnel de l’Euribor 3 mois majoré de deux points et ce jusqu’à parfait paiement,

– A titre incident, condamner M. [Z] [W]-[D] à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront distraits (…). »

Elle expose en substance que :

– le jugement vise expressément les conclusions de l’appelant, et il n’existe aucune obligation de reprendre les prétentions des parties lorsqu’elles sont visées,

– aucune irrégularité du billet à ordre n’est caractérisée, l’ensemble des mentions étant apparentes et précises,

– l’article 3.6 de la convention d’ouverture de crédit stipule qu’elle peut être résiliée par la banque en cas de liquidation judiciaire, ce qui est le cas,

– à défaut, elle est créancière en application de l’article 2.3 de ladite convention, qui prévoit l’aval de M. [W] pour sûreté de l’exécution de toutes les obligations résultant de la convention, la société ayant bien reçu les fonds qu’elle n’a pas remboursés,

– selon la fiche de renseignement du 5 mai 2015, le patrimoine est le suivant : immeuble évalué à 400 000 euros, 17 % d’une SCI propriétaire d’un immeuble évalué à 4 000 000 euros, immeuble évalué à hauteur de 150 000 euros à Bédarieux et 70 % du fonds de commerce de la société Aurhea estimé à 600 000 euros et la caution dispose de revenus fonciers,

– elle produit les courriers d’information annuelle et la preuve de leur envoi par des listings informatiques, outre deux procès-verbaux de constats d’huissier.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 25 août 2022.

Par ordonnance de référé du 10 février 2021, le premier président de cette cour a déclaré irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement critiqué, formée par M. [W]-[D].

Sur demande de la cour lors de l’audience de plaidoiries du 15 septembre 2022, la Caisse d’épargne a déposé au greffe le 11 octobre 2022 l’original du billet à ordre litigieux.

Motivation

MOTIFS de la DECISION :

1- Sur la nullité du jugement :

Selon les articles 455 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit exposer à peine de nullité succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

Le jugement peut être annulé pour défaut de motifs, lorsque la motivation est de pure forme, d’ordre général, et ne traduit pas un travail d’analyse du juge ou, par équivalent, pour défaut de réponse à conclusions.

En l’espèce, le jugement comporte le visa des conclusions de chaque partie. Si l’exposé des faits et procédure s’avère être une copie conforme de l’assignation introductive d’instance, délivrée par la Caisse d’épargne, cet exposé est similaire à celui figurant dans les conclusions de M. [W]-[D]. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, si le premier juge n’a exposé que les prétentions de la Caisse d’épargne, sans, pour autant, reprendre ses moyens, il a répondu expressément aux prétentions et moyens formés par M. [W]-[D], relatifs à la régularité du billet à ordre, à la disproportion de l’engagement de caution et à l’information annuelle due aux cautions. Il en résulte que l’énoncé des prétentions d’une seule partie alors que celles de l’autre partie ne font que l’objet d’un visa, suivi d’une motivation répondant aux prétentions et moyens de chaque partie, ne caractérise pas une apparence de motivation de nature à faire peser un doute légitime sur l’impartialité du juge.

La demande de nullité du jugement sera donc rejetée.

2 – Sur le billet à ordre et l’aval :

Selon l’article L. 512-1 du code de commerce,

I. – Le billet à ordre contient ;

1° La clause à ordre ou la dénomination du titre insérée dans le texte même et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre ;

2° La promesse pure et simple de payer une somme déterminée ;

3° L’indication de l’échéance ;

4° Celle du lieu où le paiement doit s’effectuer ;

5° Le nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait ;

6° L’indication de la date et du lieu où le billet est souscrit ;

7° La signature de celui qui émet le titre dénommé souscripteur.

II. – Le billet à ordre dont l’échéance n’est pas indiquée est considéré comme payable à vue.

III. – A défaut d’indication spéciale le lieu de création du titre est réputé être le lieu de paiement et, en même temps, le lieu du domicile du souscripteur.

IV. – Le billet à ordre n’indiquant pas le lieu de sa création est considéré comme souscrit dans le lieu désigné à côté du nom du souscripteur.

L’article L. 512-2 suivant précise que le titre dans lequel une des énonciations indiquées au I de l’article L. 512-1 fait défaut ne vaut pas comme billet à ordre, sauf dans les cas déterminés aux II à IV de l’article L. 512-1.

Selon les articles L. 512-4 et L. 511-21 du même code, le paiement d’un billet à ordre peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval.

En l’espèce, le billet à ordre, produit en original, mentionne au recto la société Aurhea, seulement au titre du souscripteur, et non, contrairement à ce que soutient l’appelant, également au titre du bénéficiaire, l’apposition du tampon de cette dernière à côté de la case destinée au bénéficiaire étant manifestement une erreur. Outre que cet emplacement réservé au bénéficiaire, n’est, en réalité, pas renseigné, la domiciliation auprès de la Caisse d’épargne étant, à ce titre, sans incidence, le billet à ordre mentionne au verso en qualité d’endossataire à nouveau la société Aurhea, et non la Caisse d’épargne.

Il comporte également l’aval de M. [W]-[D] pour la somme de 200 000 euros.

Dépourvu de la mention obligatoire du bénéficiaire, le billet à ordre est irrégulier et ne vaut que titre au porteur sans que la Caisse d’épargne, qui n’est pas désignée sur celui-ci comme étant celle qui l’a endossé, ne puisse en réclamer le paiement sur le fondement du droit cambiaire.

L’aval d’un billet à ordre irrégulier ne comportant pas la mention de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait peut constituer un cautionnement, alors, soumis aux dispositions du code de la consommation, qui, si elles font défaut, rendent ce cautionnement nul. Outre qu’à défaut d’indication du bénéficiaire, l’aval est réputé donné pour le souscripteur, M. [W]-[D] s’est porté avaliste sans reprendre les mentions prévues par les disposition des articles L. 331-1 et suivants du code de la consommation, alors applicables ; le cautionnement ne pourra qu’être annulé.

L’action en paiement de la Caisse d’épargne sur fondement du droit commun ne peut davantage prospérer à l’encontre du donneur d’aval, eu égard à la nullité du cautionnement tandis que les dispositions de la convention d’ouverture de crédit du 20 octobre 2010, qui prévoient l’aval de M. [W]-[D] par ‘acte séparé’, ne lient pas, pour autant, ce dernier, tiers à ladite convention en cette qualité.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

3 – Sur la disproportion du cautionnement du 21 juillet 2015 :

L’article L. 341-4 (devenu L. 332-1) du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, applicable à la cause, prévoit qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution, qui invoque la disproportion, de fournir les éléments permettant de l’apprécier.

L’engagement de caution, en date du 21 juillet 2015, est à hauteur de 81 250 euros ; M. [W]-[D] a été mis en demeure le 22 juillet 2019 et assigné en paiement le 2 mars 2020.

La proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie et doit être appréciée à la date de la conclusion du contrat ainsi qu’à la date à laquelle elle est appelée, en tenant compte du montant de l’engagement, des biens et revenus et de l’endettement de la caution.

Lorsque les époux sont communs en biens, le consentement exprès, donné en application de l’article 1415 du code civil par l’un au cautionnement consenti à l’autre a pour effet d’étendre l’assiette du gage du créancier aux biens communs et la proportionnalité de l’engagement de la caution doit être appréciée, tant au regard de ses biens et revenus propres que de ceux de la communauté, incluant les salaires de l’époux.

En l’absence d’anomalies apparentes, le créancier n’a pas à vérifier l’exactitude des biens et revenus déclarés par la caution, qui est tenue d’une obligation de loyauté et de sincérité dans les informations transmises. En l’espèce, la fiche de renseignements en date du 5 mai 2015 a été complétée par Monsieur [W]-[D], qui l’a signée en indiquant la mention « certifié sincère et vériable ».

Elle mentionne qu’il est divorcé, avec un enfant à charge, qu’il a des revenus fonciers à hauteur de 15 000 euros par an, et est propriétaire d’une maison individuelle évaluée à la somme de 400 000 euros (sans crédit), de 17 % de parts d’une SCI le petit Chartreux, avec une évaluation à hauteur de 4 000 000 euros (sans crédit), d’un bâtiment, évalué à 150 000 euros (capital restant dû : 100 000 euros) et du fonds de commerce de la société Aurhea à 70 %, évalué à la somme de 600 000 euros (sans crédit).

Cette fiche ne comporte aucune charge.

Les pièces produites par M. [W]-[D] mentionnent que celui-ci a perçu en 2014, 2015 et 2016, des revenus de 5 000 euros par an et a perçu en novembre 2020 le revenu de solidarité active (avis d’imposition ), que la maison individuelle aurait une valeur en 2019 entre 226 300 euros et 283 700 euros et serait un bien indivis, dont il ne serait propriétaire qu’à 50 % et qu’il était également au profit de la Société marseillaise de crédit caution tout engagement à hauteur de 143 000 euros et au titre d’un prêt à hauteur de 81 250 euros ainsi qu’avaliste à hauteur de 175 000 euros.

Toutefois, ces pièces ne contredisent ni les déclarations concernant la perception de revenus fonciers en 2015, ni celles concernant l’existence d’autres biens mobiliers ou immobiliers que la maison individuelle tandis qu’aucune pièce (hormis une mise en demeure en date du 30 septembre 2019) concernant les autres engagements de caution auprès d’un établissement bancaire tiers, n’est produite permettant d’apprécier, notamment, la date de leur souscription.

En conséquence, compte tenu des revenus et charges ainsi que du patrimoine immobilier déclarés, aucune disproportion manifeste n’est caractérisée lorsque Monsieur [W]-[D] s’est engagé ; les demandes de ce dernier à ce titre ne pourront prospérer.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

4- Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Selon les dispositions de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2013-544 du 27 juin 2013, applicable en l’espèce, les établissements de crédit ou les sociétés de financement, ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement.

Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

La Caisse d’épargne ne justifie de l’envoi des lettres d’information annuelle que pour l’année 2019 (courrier du 13 mars 2020), ni le listing en date du 15 mars 2016, ni les procès-verbaux de constat d’huissier en date des 17 mars 2016 et 3 février 2017 ne permettant de s’assurer que M. [W]-[D] en sa qualité de caution faisait partie des destinataires.

Elle sera donc déchue de son droit aux intérêts contractuels échus pour non-respect de l’obligation d’information annuelle de la caution depuis l’engagement jusqu’au 31 décembre 2018. La créance peut, ainsi, être fixée à la somme de 79 286,27 euros [84 644,45 euros [capital restant dû au 5 juin 2017 – 5 358,18 euros [intérêts échus depuis l’origine jusqu’au 5 décembre 2018]) au titre de l’engagement garantissant le prêt PCM taux fixe n° 4498883. Toutefois, la Caisse d’épargne ne réclamant (pièce n°12) que 50 % des sommes dues (et non le plafond de 81 250 euros figurant dans l’acte), M. [W]-[D] sera condamné à verser la somme de 39 643,13 euros, qui portera intérêt au taux légal à compter du 2 mars 2020, date de l’assignation introductive d’instance (le décompte du 23 octobre 2019 ne valant pas mise en demeure).Le jugement entrepris sera réformé en ce qui concerne le montant en principal et intérêts de la créance et confirmé sur le principe de la condamnation au titre de cet engagement de caution.

M. [W]-[D], qui succombe principalement, sera condamné aux dépens et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Rejette la demande de nullité du jugement critiqué,

Réforme le jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 30 novembre 2020, mais seulement en ce qu’il a fait droit à l’ensemble des demandes de la Caisse d’épargne, débouté M. [Z] [W] de toutes ses demandes et l’a condamné à payer la somme de 200 000 euros au titre du billet à ordre à échéance du 5 juillet 2015, augmentée des intérêts postérieurs au taux conventionnel de l’Euribor 3 mois, majoré de deux points ainsi que la somme de 47 761,93 euros au titre du prêt PCM taux fixe n°4498883 selon décompte arrêté au 23 octobre 2019, augmentée des intérêts contractuels majorés de trois points à compter du 24 octobre 2019,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que le billet à ordre créé par la SARL Aurhea le 12 avril 2017, à échéance au 5 juillet 2017, est irrégulier,

Constate la nullité du cautionnement découlant de l’aval, porté par Monsieur [Z] [W]-[D], sur ce billet à ordre, tenant le non-respect des dispositions des articles L. 331-1 et suivants du code de la consommation,

Rejette la demande en paiement à hauteur de 200 000 euros, formée par la SA Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon sur le fondement du droit cambiaire et sur celui du droit commun,

Dit que la SA Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon est déchue de son droit aux intérêts contractuels échus depuis l’engagement de caution jusqu’au 31 décembre 2018,

Condamne [Z] [W]-[D] à payer à la SA Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc-Roussillon la somme de 39 643,13 euros au titre de son engagement de caution en date du 21 juillet 2015 en garantie du prêt PCM taux fixe n° 4498883, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2020,

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,

Condamne M. [W]-[D] à payer à la SA Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de M. [W]-[D] fondée sur les dispositions del’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [W]-[D] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

le greffier, le président,

 

 


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