8 décembre 2022
Cour d’appel de Pau
RG n°
21/00291
2ème CH – Section 1
MM/ND
Numéro 22/4299
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRÊT DU 08/12/2022
Dossier : N° RG 21/00291 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HYFP
Nature affaire :
Appel sur une décision du juge commissaire relative à l’admission des créances
Affaire :
S.A.S. HESLYOM
C/
S.A.S. HORIZON ENERGIES, S.E.L.A.R.L. EKIP’
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 08 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 06 Octobre 2022, devant :
Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l’appel des causes,
[I] [P], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. HESLYOM
immatriculée au RCS de Tarbes sous le n° 793 282 591, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualité au siège, agissant dans les droits propres du débiteur
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean Philippe LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Stéphane DAYAN (membre de l’AARPI ARKARA AVOCATS ASSOCIES), avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. HORIZON ENERGIES
immatriculée au RCS d’Aix-en-Provence sous le n° 522 858 604, prise en la personne de son Président, représentant légal domicilié au siège ès-qualité
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me François PIAULT, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Laurence D’ORSO (AARPI D’ORSO ABRASSART & Associés), avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.R.L. EKIP’
immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 453 211 393, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de Maître [E] [K], prise en son établissement secondaire de Tarbes situé [Adresse 3],
agissant en qualité de liquidateur de la SAS HESLYOM désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de Tarbes du 18 septembre 2018
Représentée par Me Camille ESTRADE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 20 JANVIER 2021
rendue par le JUGE COMMISSAIRE DE TARBES
Exposé du litige
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
La SA CAPG Energies Nouvelles (CAPGEN), anciennement dénommée CAM Énergie, est la filiale du Crédit Agricole Pyrénées Gascogne dédiée à l’investissement et au développement de projets dans les énergies renouvelables.
La SAS Heslyom, anciennement dénommée SAS [M] Énergie Service, puis SAS CAM Énergie Service a pour activité la construction, la maintenance, le nettoyage de centrales de production d’énergie renouvelable, l’exploitation de centrales de production d’énergie renouvelable, la structuration juridique et financière de projets de construction d’énergies renouvelables, l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la construction de centrales de production d’énergie renouvelable et en gestion de centrales de production d’énergie renouvelable en exploitation.
La société CAM Énergie devenue CAPGEN était l’actionnaire majoritaire de la SAS [M] Énergie Service devenue CAM Énergie Service puis Heslyom et lui a consenti trois avances en compte courant d’associé en 2012, 2015 et 2017.
Un autre actionnaire était la société SAS ENERCAM détenue à l’époque par Monsieur [A] [M].
CAM Energie était par ailleurs cliente de la société CAM Energie Service.
Courant 2016, la société CAM Energie a refusé de régler à la société CAM Energie Service diverses factures représentant environ 860 000,00 euros au 16 novembre 2016.
A la suite de ce différend, un protocole d’accord a été signé le 13 décembre 2016, entre la société CAM Energie et le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, d’une part, et la société CAM Energie Service (devenue Heslyom), messieurs [Y] [U] et [D] [T], salariés qui devenus associés en reprenaient la direction, la société ENERCAM, la SAS [M] Energie Service et la SAS Isaby, toutes trois représentées par M [A] [M], ce dernier intervenant également à titre personnel et comme porte-fort de son épouse, d’autre part, impliquant divers engagements croisés, notamment l’engagement de la société CAM Energie Service (devenue Heslyom) de rembourser un compte courant d’associé détenu dans des sociétés tierces par la société Chili Invest.
A la fin de l’année 2017, la société CAM Energie devenue CAPGEN aurait créé un nouveau partenariat avec la société Tenergie, société concurrente de la société Heslyom, ce qui a conduit cette dernière à une perte importante de son chiffre d’affaires.
Par jugement en date du 18 septembre 2018, le tribunal de commerce de Tarbes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité à l’égard de la société Heslyom, anciennement CAM Energie Service et désigné la SELARL FHB pris en la personne de Me [H] [G], en qualité d’administrateur judiciaire, et la SELARL [E] [K], devenue la SELARL Ekip’, en qualité de liquidateur.
Par jugement du 15 octobre 2018, le tribunal a mis fin à la poursuite d’activité.
La société Horizon Energies qui a pour activité la production et la vente d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables notamment photovoltaïque est propriétaire d’une centrale photovoltaïque sur la commune de [Localité 7].
Selon contrat en date du 7 mai 2015, elle a confié à la société Heslyom l’exploitation et la maintenance de ladite centrale. Constatant au cours de l’exécution du contrat la facturation par le gestionnaire du réseau, la société ENEDIS (ERDF), de pénalités au titre de l’énergie réactive de sa centrale excédant les plafonds fixés, la société Horizon Energies a demandé des explications à la société Heslyom.
Estimant que ces pénalités étaient la conséquence de manquements de la société Heslyom dans l’exécution de ses obligations de maintenance de la centrale, elle a décidé de lui répercuter les pénalités en question arrêtées à la somme de 29255,58 euros Hors Taxe, par courrier du 24 novembre 2017.
Cette demande d’indemnisation étant restée sans suite, la société Horizon Energies a, postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, déclaré sa créance, pour la somme de 29255,58 euros. Le mandataire liquidateur l’a informée que sa créance était contestée et qu’il formulerait une proposition de rejet total.
Elle a maintenu sa déclaration.
Les parties ont été convoquées devant le juge-commissaire qui par décision du 20 janvier 2021 a admis la créance de la requérante à hauteur de la somme déclarée.
La SAS Heslyom a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 28 janvier 2021.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2022, l’affaire étant fixée au 11 avril 2022 puis renvoyée au 6 octobre 2022.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
Moyens
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Vu les conclusions en date du 28 avril 2021, de la SAS Heslyom, agissant dans les droits propres du débiteur, par lesquelles elle demande de :
Réformer en intégralité l’ordonnance rendue par le Juge-Commissaire à la procédure de liquidation judiciaire de la société Heslyom le 20 janvier 2021 ayant admis la créance de la société Horizon Energies au passif de la procédure à hauteur de 29.255,58 euros ;
Et, statuant à nouveau, de :
A titre principal :
Rejeter en intégralité de la créance déclarée par la société Horizon Energies au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société Heslyom ;
A titre subsidiaire :
Constater l’existence d’une contestation sérieuse à l’encontre de la créance déclarée par la société Horizon Energies au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société Heslyom ;
En conséquence,
Inviter la société Horizon Energies à saisir le Tribunal compétent et Surseoir à statuer dans l’attente que le juge du fond statue sur le bien fondé de sa créance ;
En tout état de cause :
Condamner la société Horizon Energies à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens ;
Débouter la société Horizon Energies de l’ensemble de ses demandes.
*
Vu les conclusions en date du 23 juillet 2021 de la SELARL Ekip’, agissant ès qualités, par lesquelles elle demande de :
Vu l’article L. 624-2 et L. 622-7 du code de commerce,
Vu l’article 1353 du Code civil,
Vu l’article 9 du code de procédure civile
Vu la jurisprudence précitée
A titre principal, sur les fins de non-recevoir
Faire droit à la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire pour statuer comme juge de la vérification des créances au regard des contestations sérieuses invoquées.
Renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond,
A titre subsidiaire,
Réformer l’ordonnance du Juge-commissaire entreprise en date du 20 janvier 2021 en ce qu’elle a admis la créance déclarée par la société Horizon Énergies à hauteur de 29 255,58€ HT à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Heslyom.
Statuant à nouveau,
Rejeter en totalité la créance déclarée par la société Horizon Energies le 19 novembre 2018.
Condamner la société Horizon Energies à payer à la SELARL Ekip’ ès qualités, la somme de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en règlement des frais irrépétibles d’appel.
Condamner la société Horizon Énergies aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Camille Estrade en application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Débouter la société Horizon Énergies de ses demandes, fins et conclusions contraires,
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Vu les conclusions en date du 21 octobre 2021 de la société Horizon Energies par lesquelles elle demande de :
Vu les articles L. 624-2, L. 622-24, L. 622-25 et L. 641-3 du Code de Commerce
Confirmer l’ordonnance rendue par le juge commissaire du tribunal de commerce de Tarbes en date du 20 janvier 2021 enrôlée sous la référence RG n° 2019 004536 en ce qu’elle a dit que la créance de la société Horizon Energies est admise au passif de la société Heslyom, pour la somme de 29.255,58 € HT à titre chirographaire
Et, y ajoutant :
Condamner la société Heslyom au paiement de la somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Débouter la société Heslyom de toutes demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société Horizon Energies.
Débouter la SELARL Ekip’ ès-qualité de toutes demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société Horizon Energies.
Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation.
Motivation
MOTIVATION :
La SAS Heslyom, agissant dans la limite de ses droits propres de débiteur en liquidation judiciaire, et la SELARL Ekip’, agissant en qualité de liquidateur de ladite société concluent à l’infirmation de l’ordonnance du juge-commissaire, au rejet de la créance déclarée par la société Horizon Energies et, à défaut, demandent à la cour de constater l’existence d’une contestation sérieuse qui excède le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire.
Elles font valoir que le juge-commissaire est juge de l’évidence, de l’existence ou de l’inexistence de la créance, et ne pouvait admettre une créance indemnitaire dont l’existence même était contestée, les manquements imputés à la société Heslyom dans l’exécution du contrat de maintenance et le préjudice qui en résulterait n’étant pas établis.
La société Heslyom fait valoir plus particulièrement que la société Horizon Energies ne produit aucun commencement de preuve qui serait de nature à démontrer qu’elle aurait réglé à la société Enedis quelques pénalités que ce soit ; ni ne démontre à quel titre les facturations d’énergie réactive établies par ENEDIS devraient être répercutées à la société Heslyom.
Elle fait valoir à cet égard que la maintenance réalisée sur la centrale photovoltaïque de la société Horizon Energies n’a pas été défaillante, à tel point qu’elle s’est vue verser par la société CAPGEN un bonus de surperformance en 2017, de 106058,00 euros, au titre de la garantie disponibilité.
La société Horizon Energies conclut au contraire à la confirmation de la décision déférée, aux motifs notamment :
‘ qu’elle rapporte la preuve des pénalités réglées à ENEDIS, par les factures émises par ce gestionnaire de réseau, au titre de l’énergie réactive consommée par la centrale photovoltaïque de [Localité 7] au-delà des paramètres de facturation définis par les conditions particulières du contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité en injection HTA, dit CARD-I ;
‘ que la société Heslyom était tenue de respecter ce document qui lui a été remis avec la convention d’ exploitation et la convention de raccordement passée entre Horizon Energies et ERDF ;
‘ que des explications ont été sollicitées de la part d’Heslyom sur cette facturation anormale, celle-ci reconnaissant l’existence de consommations excessives d’énergie réactive dues à une erreur de paramétrage des onduleurs, laquelle était imputable à l’un de ses sous-traitants ;
‘ que de ce constat, il ressort que la société Heslyom a manqué à ses obligations contractuelles de conduire le système électrique de production d’énergie de la centrale de [Localité 7] en prenant en compte les autorisations et restrictions d’injection sur le réseau émises par le gestionnaire de réseau ERDF( devenu ENEDIS) et/ou le client (article 6.1.2 iii) ;
‘ qu’il n’est pas sérieux de contester dans le cadre d’une procédure judiciaire une responsabilité antérieurement admise et qui ne peut disparaître derrière celle de son sous-traitant ;
A titre liminaire, il convient de rappeler ce qu’est l’énergie réactive.
L’énergie électrique est acheminée par les réseaux de transport et de distribution sous forme de courant alternatif. Cela signifie que la tension, exprimée en Volts, varie régulièrement entre des valeurs normées positives et négatives. Par opposition, le courant délivré par une pile électrique est un courant continu. La valeur de tension est alors constante.
Seule une partie de l’énergie qui transite sur le réseau est exploitable directement par l’utilisateur, suivant ses usages : éclairage, chauffage, force motrice. Appelée « énergie active », elle est exprimée en kilowattheure (kWh).
Le reste de cette énergie est utilisé de manière indirecte, notamment par les champs magnétiques générés par certains appareils en fonctionnement. Appelée « énergie réactive », elle est exprimée en kilovoltampère réactif/heure (kVArh).
Plus il y a consommation de puissance réactive et plus les volumes d’énergies transportées sur le réseau sont importants. Cela provoque des pertes supplémentaires sur le réseau,l’usure et l’échauffement des câbles, et la surcharge des transformateurs induisant des coûts supplémentaires pour le gestionnaire de réseau.
Malgré le fait que la puissance réactive soit utile à certaines machines, son coût est donc répercuté sur les utilisateurs des réseaux haute tension et moyenne tension selon des paramètres prédéfinis.
A consommation identique d’énergie active, donc d’usage de l’électricité pour les besoins d’un utilisateur donné, la quantité d’énergie réactive qui devra transiter par le réseau dépendra des solutions techniques retenues par l’utilisateur. L’énergie globale, donc la charge des réseaux, en dépendra directement.
C’est ainsi que pour les sites concernés, les distributeurs facturent la fourniture d’énergie ‘réactive’ afin d’inciter les opérateurs reliés au réseau à réduire l’énergie réactive absorbée par leurs installations.
En droit, l’article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, applicable en la cause, dispose : ‘Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission.’
L’article R. 624-5 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 30 juin 2014, dispose : ‘Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’ appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.’
Il résulte de ces textes que le juge-commissaire dispose du pouvoir juridictionnel de statuer sur toutes les contestations qui ne sont pas de la compétence exclusive d’une autre juridiction (par exemple la juridiction administrative pour la contestation d’une créance fiscale), sauf si la contestation est sérieuse et que, dans ce dernier cas, il doit inviter une des parties à saisir la juridiction du fond compétente.
Et il ressort d’une jurisprudence constante que lorsque le juge-commissaire doit connaître du fond de la créance, il lui appartient de statuer, comme le fait le juge des référés, en juge de l’évidence. Il incombe dès lors à la cour d’appel qui retient l’existence d’une contestation sérieuse de préciser en quoi le juge-commissaire, puis elle-même, statuant avec les pouvoirs de ce dernier, dépassent leur office juridictionnel, pour permettre à la cour de cassation d’exercer son contrôle sur le caractère sérieux de la contestation.
Il a été jugé que le juge-commissaire, et à sa suite la cour d’appel, sont dépourvus de pouvoir juridictionnel pour statuer, lorsqu’ils sont saisis d’une demande d’admission de la créance, sur la rupture d’un contrat ayant donné naissance à la créance (Cassation Com. 18 février 2003, n° 0012666, B. No 23), ou sur sa validité ( Cassation Com. 5 novembre 2003, n° 0017773 ; Com. 19 mai 2004, n° 0115741), ou sur l’exécution défectueuse d’un contrat ( Cassation Com. 21 juin 2005, n° 0410868 ; Com. 5 juillet 2005, n° 0413129 ; …).
Si le juge-commissaire n’est saisi d’aucune contestation sérieuse, il relèvera donc de son pouvoir juridictionnel de trancher la contestation.
En l’espèce , il ressort du contrat d’ exploitation-maintenance conclu entre la SAS Horizon Energies et la SAS CAM Energie Service devenue Heslyom que cette dernière, exploitant-mainteneur devait notamment, dans la conduite du système électrique de production d’énergie photovoltaïque de la centrale de [Localité 7], prendre en compte les autorisations et restrictions d’injection sur le réseau émises par le gestionnaire de réseau ERDF( ENEDIS) et/ou le client.
De ce fait, elle devait assurer le pilotage de la centrale dans le respect des paramètres définis par ENEDIS, au travers du contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité en injection (CARD I) HTA (ligne moyenne tension), concernant les seuils de facturation de l’énergie réactive « soutirée » (consommée). Ce document définissait notamment des paramètres généraux et une méthode de facturation, et les paramètres de l’installation de production. Un schéma orthonormé matérialisait une zone ou « bandeau » de non facturation et le document précisait qu’en dehors de cette zone l’énergie réactive serait facturée au prix du KvArh.
Le contrat d’ exploitation-maintenance, en revanche, ne prévoit aucune modalité de refacturation, à l’exploitant-mainteneur, de l’énergie réactive facturée par ENEDIS.
Par ailleurs, le contrat passé entre les parties prévoyait qu’en cas de différend de nature technique au titre du contrat, notamment sur les incidents, les parties conviennent de requérir avant tout procès, l’avis d’un tiers-expert. Il n’est pas justifié qu’un tel avis aurait été recueilli.
Or, il ressort des échanges de courriels versés aux débats par l’intimée en pièce 16 que la surproduction d’énergie réactive aurait eu pour cause le blocage du « programme automate…dans une situation qui n’avait pas été envisagée et qui ne s’était pas encore produite jusqu’à présent. » Il ressort de ces échanges que le programme aurait été modifié pour ne plus rencontrer ce problème.
La cause du problème serait donc technique. Par ailleurs la société Horizon Energies soutient en réalité que, tenue au respect du CARD I, la facturation d’énergie réactive par ERDF ENEDIS scellerait en quelque sorte le manquement de la société CAM Energie Service devenue Heslyom à une obligation de résultat, ce que conteste cette dernière.
Au-delà du seul constat de la facturation d’énergie réactive par ENEDIS, l’examen des manquements imputés à la société Heslyom par la société Horizon Energies implique notamment de déterminer la nature de l’obligation qui pesait en la matière sur la société prestataire. Cette appréciation nécessite d’examiner l’ensemble des documents contractuels et techniques qui encadraient les prestations de la société Heslyom.
Cette analyse échappe par conséquent au pouvoir juridictionnel du juge de la vérification des créances, juge de l’évidence qui n’est pas compétent pour statuer sur l’exécution prétendument défectueuse d’un contrat.
L’ordonnance déférée est en conséquence infirmée, la cour décidant de surseoir à statuer sur l’admission ou le rejet de la créance de la société Horizon Energies, en renvoyant la société Horizon Energies à saisir la juridiction compétente pour statuer sur l’existence et le montant de sa créance, dans le délai d’un mois de la notification de la présente décision par le greffe de la cour, à peine de forclusion.
Le sursis à statuer est prononcé jusqu’à la décision définitive qui sera rendue par la juridiction saisie au fond.
Il y a lieu également de réserver la décision sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme l’ordonnance du juge-commissaire,
Statuant à nouveau,
Constate l’existence d’une contestation sérieuse, concernant la créance déclarée par la société Horizon Energies, qui excède les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire,
Invite la société Horizon Energies à saisir la juridiction compétente pour trancher cette contestation, dans le délai d’un mois de la notification du présent arrêt, à peine de forclusion,
Sursoit à statuer sur l’admission ou le rejet de la créance contestée, dans l’attente de la décision définitive qui sera rendue par la juridiction saisie au fond,
Réserve l’examen des demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens jusqu’en fin d’instance,
Ordonne la radiation de l’affaire du rôle et dit qu’elle sera réinscrite à l’initiative de la partie la plus diligente après la décision du juge du fond,
Dit que la présente décision sera portée sur l’état des créances, en application de l’article R. 624-9 du code de commerce.
Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière La Présidente