Comptes courants d’associés : 7 décembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/01898

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Comptes courants d’associés : 7 décembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/01898

7 décembre 2022
Cour d’appel de Nîmes
RG
22/01898

4ème chambre commerciale

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01898 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IOSB

CC

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

31 mai 2022

RG:2021F1255

S.E.L.A.R.L. BRMJ

C/

[V]

MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

Grosses envoyées le 07 décembre 2022 à :

– Me Stéphane GOUIN

+MP

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 31 Mai 2022, N°2021F1255

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiqué et qui a conclu le 14 octobre 2022. Absent à l’audience.

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. BRMJ, représentée par Maître [M] [E], Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée, au capital de 10.000 €, immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 812 777 142, prise en sa qualité de liquidateur Judiciaire de l’EURL NIMELEC, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de NIMES du 21 Novembre 2018.

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me VOLLE Julien, substituant Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [R] [V]

assigné à étude d’huissier

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

n’ayant pas constitué avocat

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 07 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

Exposé du litige

EXPOSÉ

Vu l’appel interjeté le 2 et enregistré le 3 juin 2022 par la SELARL BRMJ, représentée par Maître [M] [E], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de l’EURL Nimelec, à l’encontre du jugement prononcé le 31 mai 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n°2021F1255,

Vu l’avis du 14 juin 2022 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 17 novembre 2022,

Vu la signification de la déclaration d’appel et de l’avis de fixation au Parquet Général par acte du 23 juin 2022 délivrée à domicile,

Vu la signification de la déclaration d’appel et de l’avis de fixation à Monsieur [V] par acte du 23 juin 2022 déposé à étude,

Moyens

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 20 juin 2022 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé, conclusions signifiées le 22 juin 2022 à Monsieur le Procureur général près la cour d’appel de Nîmes et à Monsieur [V] par acte du 23 juin 2022,

Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui par conclusions du 14 octobre 2022 a, au visa des articles L. 621-2, L. 641-1, L. 653-3 à L. 653-6 et L. 653-8 du code de commerce, indiqué qu’il « 

-Conclut à l’infirmation par la cour de la décision entreprise et, statuant à nouveau,

-Conclut au constat de la confusion des patrimoines entretenues entre la société EURL Nimelec et son gérant de droit [R] [V] ;

-Conclut en conséquence à l’extension de la liquidation judiciaire de l’EURL Nimelec à l’égard de [V] [R] et désigner le même liquidateur que celui en charge de la procédure de liquidation de Nimelec, avec fixation de la date de cessation des paiements au 14 juin 2017 », conclusions notifiées le 17 octobre 2022 à la partie constituée.

Vu l’ordonnance du 14 juin 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 10 novembre 2022.

* * *

L’EURL Nimelec (société) exerce une activité d’électricité générale, climatisation et plomberie.

Son gérant de droit et associé unique est Monsieur [R] [V].

Par jugement du 21 novembre 2018, le tribunal de commerce de Nîmes, saisi sur déclaration de cessation des paiements du dirigeant, a prononcé la liquidation judiciaire de la société.

La date de cessation des paiements a été fixée au 14 juin 2017 et la SELARL BRMJ a été désignée liquidateur judiciaire.

Par exploit du 15 novembre 2021, la SELARL BRMJ, représentée par Maître [M] [E], prise en qualité de liquidateur judiciaire de l’EURL Nimelec a fait assigner Monsieur [R] [V] devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins d’étendre la liquidation judiciaire de l’EURL Nimelec à Monsieur [V] [R], de voir la responsabilité de ce dernier engagée pour insuffisance d’actif et de voir prononcer une interdiction de gérer à son encontre.

Par jugement du 31 mai 2022, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles L. 621-5, L. 651-2 et L. 653-1 à L. 653-8 du code de commerce :

-Débouté la SELARL BRMJ de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur [V] [R], gérant de l’EURL Nimelec, fins et conclusions ;

-Dit les dépens du présent jugement en frais privilégiés de procédure collective.

La SELARL BRMJ a relevé appel de ce jugement pour le voir réformer en toutes ses dispositions.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour de :

Au principal,

Vu les articles L. 621-2 et L. 621-4 I du code de commerce,

-Accueillir l’appel de la SELARL BRMJ, es qualité de liquidateur judiciaire de l’EURL Nimelec ;

-Réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 31 mai 2022 ;

Statuant à nouveau,

-Déclarer recevable à l’action en extension de la procédure de liquidation judiciaire de l’EURL Nimelec à l’égard de Monsieur [R] [V] ;

-Constater la confusion des patrimoines entre l’EURL Nimelec et Monsieur [R] [V] ;

En conséquence,

-Étendre la liquidation judiciaire de l’EURL Nimelec à l’égard de Monsieur [R] [V] ;

-Désigner la SELARL BRMJ prise en la personne de Maître [M] [E], liquidateur judiciaire ;

-Fixer la date de cessation des paiements de Monsieur [R] [V] à la même date que celle de l’EURL Nimelec, c’est-à-dire au 14 juin 2017 ;

-Ordonner les publicités prévues par la loi en pareille matière ;

-Dire et juger que les dépens seront privilégiés de la procédure collective.

Subsidiairement, pour le cas où la liquidation judiciaire de l’EURL Nimelec ne serait pas étendue à [R] [V] ;

Vu l’article L. 651-2 du code de commerce,

-Accueillir l’appel de la SELARL BRMJ, es qualité de liquidateur judiciaire de l’EURL Nimelec ;

-Réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 31 mai 2022 ;

Statuant à nouveau,

-Juger que Monsieur [R] [V] a commis des fautes de gestion contribuant à l’insuffisance d’actif de l’EURL Nimelec en déclarant tardivement l’état de cessation des paiements, en utilisant les biens et le crédit de la société comme des biens propres et contrairement à l’intérêt social et en ne tenant pas de comptabilité complète, sincère et régulière ;

En conséquence,

-Condamner Monsieur [R] [V] à porter et payer à la SELARL BRMJ es qualité de liquidateur judiciaire de l’EURL Nimelec la somme de 90 255,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir représentant l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la société ;

-Condamner Monsieur [R] [V] à porter et payer à la SELARL BRMJ es qualité de liquidateur judiciaire de l’EURL Nimelec la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Le condamner aux entiers dépens.

En tout état de cause,

Vu les articles L. 653-4 3°, L. 653-5 6°, L. 653-8 du code de commerce,

-Prononcer une interdiction de gérer à l’encontre de Monsieur [R] [V] pour une durée de dix ans ;

-Ordonner les publicités prévues par la loi en la matière.

Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir que :

S’agissant de la demande principale en extension de procédure collective,

-qu’il existe des relations financières anormales résultant des opérations en compte courant d’associé (compte courant débiteur, dépenses personnelles, écritures comptables injustifiées et donc fictives) et de rémunérations injustifiées,

– ces relations financières anormales ne sont justifiées ni par l’intérêt social, ni par des engagements réciproques,

– elles sont répétées.

S’agissant de la demande subsidiaire en insuffisance d’actif,

-le dirigeant a commis des fautes de gestion consistant en un retard dans la déclaration de cessation des paiements, un usage des biens et du crédit de la société Nimelec contraire aux intérêts de celle-ci, une comptabilité irrégulière,

-l’insuffisance d’actif s’établit à la somme de 90 255,15 euros,

-les fautes de gestion ont contribué à l’aggravation de l’insuffisance d’actif,

S’agissant de l’interdiction de gérer,

-le dirigeant a commis des faits sanctionnés par les articles L.653-4 3°, L.653-5 6° et L.653-8 du code de commerce,

-la gravité des faits commis par le dirigeant justifie le prononcé d’une interdiction de gérer pendant une période de 10 ans.

Monsieur [V], qui n’avait pas comparu en première instance, n’a pas constitué avocat en cause d’appel.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

Motivation

DISCUSSION

Sur la demande d’extension :

La preuve de l’existence de relations financières anormales justifiant une extension de la procédure collective à Monsieur [V] impose de démontrer un mélange patrimonial c’est-à-dire des transferts d’actifs ou de passifs d’un patrimoine à l’autre, un déséquilibre significatif tenant à une absence de contrepartie et l’absence d’intérêt social ou d’obligation juridique. Le tout procédant d’une volonté systématique de son auteur de procéder à une confusion des patrimoines.

Com., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-21.284

Le liquidateur judiciaire produit le Grand Livre Général 2018 de la société Nimelec, le bilan 2017 et ses annexes d’où il ressort que :

Le compte courant d’associé de Monsieur [V] devient débiteur le 18 février 2016 et ne redevient créditeur que le 18 novembre 2016 par le jeu d’une écriture comptable intitulée « avance M. [V] [R] 151D1 » qui n’est pas justifiée, alors même que le dirigeant percevait une rémunération ; il passe à nouveau en négatif le 16 février 2017 et ne devient créditeur que le 17 mai 2017 par une nouvelle écriture comptable intitulée « avance M. [V] [R] 151D17737N00 »

Le solde débiteur est dû notamment à la carte bancaire de l’entreprise utilisée à des fins personnelles (Espace Foot, Tabac presse [Localité 4], I Tunes, Space Bowling, Winamax, Appart City’),

Les 2 opérations portées au crédit du compte courant pour un montant respectif de 21 000 euros et de 13 000 euros ne sont justifiées par aucune pièce comptable.

En ce qui concerne plus particulièrement l’exercice 2017, l’expert-comptable a refusé de les certifier en raison d’incertitudes ne lui permettant d’être assuré de la cohérence et de la vraisemblance des comptes.

Le jugement déféré n’a pas retenu l’extension de procédure au motif qu’il n’est pas interdit au dirigeant d’utiliser son compte courant pour régler des dépenses personnelles et qu’il n’est apporté aucune preuve du caractère injustifié des apports en compensation en compte courant en 2016 et 2017, ceux-ci pouvant provenir de diverses origines.

Il est cependant interdit au dirigeant de faire fonctionner en débit son compte courant d’associé et l’absence de justification des apports en compensation ainsi que le refus de certification par l’expert-comptable de la comptabilité de l’exercice 2017 démontrent la fictivité, à tout le moins, de l’avance du 17 mai 2017.

En laissant croître son solde débiteur pendant plusieurs mois et en procédant à des régularisations artificielles, Monsieur [V] qui a usé anormalement du crédit de la société a eu un comportement non justifié par l’intérêt social, ni par des engagements réciproques. Ce comportement, qui a duré deux ans traduit une volonté systématique de son auteur de créer une confusion entre le patrimoine de la société et le sien propre. A ce titre la demande d’extension est justifiée et il y sera fait droit selon les modalités prévues au dispositif. La rémunération du dirigeant qui est elle aussi critiquée par l’appelante, a par contre en principe une contrepartie : le travail effectué par l’intéressé. Or le liquidateur judiciaire ne conteste pas la réalité de ce travail, il se focalise sur l’absence de décision statutaire ou collective autorisant une rémunération du gérant et sur le caractère excessif de cette rémunération au regard des difficultés de la société. Ce sont des arguments pouvant être invoqués au soutien d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif mais ils sont impropres à justifier l’existence de relations financières anormales.

Sur l’interdiction de gérer :

L’article L.653-4 3° du code de commerce est relatif à l’usage contraire des biens ou du crédit de la société à des fins personnelles. Monsieur [V] a effectivement usé du crédit de la société pour régler des dépenses personnelles, ce qui est contraire à l’intérêts social.

L’article L.653-5 6° concerne le défaut de comptabilité ou la comptabilité irrégulière, ce qui est établi par le refus de l’expert comptable de certifier les comptes de l’exercice 2017.

L’article L.653-8 permet au juge de substituer une mesure d’interdiction de gérer à la sanction de la faillite personnelle.

Les fautes étant caractérisées et le désintérêt porté par Monsieur [V] au sort de la société dont il était dirigeant justifient le prononcé d’une mesure d’interdiction de gérer pour une durée de 6 ans.

Sur les frais de l’instance :

Les dépens de première instance et d’appel seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt de défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Déclare recevable à l’action en extension de la procédure de liquidation judiciaire de l’EURL Nimelec à l’égard de Monsieur [R] [V],

Constate la confusion des patrimoines entre l’EURL Nimelec et Monsieur [R] [V],

Etend la liquidation judiciaire de l’EURL Nimelec à l’égard de Monsieur [R] [V],

Désigne la SELARL BRMJ prise en la personne de Maître [M] [E], liquidateur judiciaire ;

Fixe la date de cessation des paiements de Monsieur [R] [V] au 14 juin 2017,

Prononce une interdiction de gérer à l’eencontre de Monsieur [R] [V] pour une durée de 6 ans,

Dit que les dépens de première instance et d’appel seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

Dit qu’en application de l’article R.621-8-1 du code du commerce, la présente décision sera signifiée à Monsieur [R] [V] dans les 8 jours de son prononcé à la diligence du greffe de la cour d’appel.

Dit qu’une copie de la présente décision sera adressée dans les mêmes délais à la s.e.l.a.r.l. BRMJ es qualités de liquidateur judiciaire de la société Nimelec et de Monsieur [V], au ministère public, au directeur départemental des Finances Publiques du Gard, conformément aux dispositions de l’article R.621-7 du code de commerce,

Dit qu’une copie de la présente décision sera transmise dans les huit jours de son prononcé au greffier du tribunal pour l’accomplissement des mesures de publicité prévues aux articles R.621-8, R. 621-8-1, R.641-7 et R.123-124 du code du commerce.

La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine Codol, présidente et par Monsieur Julian Launay-Bestoso, greffier présent lors de son prononcé.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 

 


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