Comptes courants d’associés : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 20/00445

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Comptes courants d’associés : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 20/00445

5 janvier 2023
Cour d’appel de Caen
RG
20/00445

Chambre sociale section 3

AFFAIRE : N° RG 20/00445

N° Portalis DBVC-V-B7E-GP7K

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 15 Janvier 2020 – RG n° 17/00552

COUR D’APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 05 JANVIER 2023

APPELANTE :

SARL [7]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

URSSAF DE NORMANDIE VENANT AUX DROITS DE L’URSSAF DE BASSE-NORMANDIE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par Mme [J], mandatée

DEBATS : A l’audience publique du 24 octobre 2022, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 05 janvier 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par la SARL [7] d’un jugement rendu le 15 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l’opposant à l’Urssaf de Basse -Normandie.

Exposé du litige

FAITS et PROCEDURE

La société [7] (la société) a fait l’objet d’une vérification de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires par les services de l’Urssaf de Basse- Normandie (l’Urssaf) sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Suite à ce contrôle, une lettre d’observations a été établie par l’Urssaf le 26 octobre 2016 portant sur les chefs de redressement suivants:

– 1°) Assiette minimum conventionnelle : salaire minimum = observation pour l’avenir

– 2°) Assiette minimum conventionnelle : prime TVA: 53 euros

– 3°) Réduction générale des cotisations : règles générales : 47 euros

– 4°) Comptes courants et mise à disposition d’argent : 29 712 euros

– 5°) Frais professionnels : limites d’exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques) : 3147 euros

– 6°) Prise en charge des dépenses personnelles du salarié: 499 euros

Soit un rappel de cotisations et contributions de 33 458 euros.

Par lettre du 30 novembre 2016, la société a fait des observations sur les chefs de redressement n° 4 et n° 5.

Par courrier du 14 décembre 2016, l’inspecteur du recouvrement a maintenu en totalité le chef de redressement n° 4 et annulé le chef de redressement n°5 au vu des pièces versées par la société.

Le 20 décembre 2016, l’Urssaf a adressé une mise en demeure à la société portant sur la somme totale de 33 981 euros soit 30 311 euros de cotisations et 3 670 euros de majorations de retard.

Le 20 janvier 2017, la société a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester le chef de redressement n° 4.

Par décision du 5 juillet 2017, son recours a été rejeté.

Le 6 septembre 2017, la société a contesté cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen.

Par jugement du 15 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Caen, auquel a été transféré le contentieux général de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :

– débouté la SARL [7] de l’ensemble de ses demandes,

– confirmé la décision de la commission de recours amiable du 5 juillet 2017,

– validé la mise en demeure du 20 décembre 2016,

– condamné la SARL [7] au paiement de la somme de 33 981 euros correspondant aux cotisations au titre des années 2013, 2014 et 2015 et aux majorations de retard au titre de ces années sous réserve des majorations de retard décomptées définitivement,

– débouté l’Urssaf de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL [7] aux entiers dépens.

Par acte du 21 février 2020, la société a interjeté appel de cette décision.

Moyens

Aux termes de ses conclusions du 13 mai 2020, déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, la société demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris,

– prononcer l’annulation de la décision rendue par l’Urssaf du 21 décembre 2016 et la décision de rejet de la commission de recours amiable en date du 5 juillet 2017 en ce qu’elles ont redressé la société pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 concernant un rappel de cotisations de 30 311 euros, outre la somme de 3 670 euros à titre de majorations de retard,

– condamner l’Urssaf à lui payer la somme de un euro sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les éventuels dépens.

Par conclusions du 13 mai 2022, reprises oralement à l’audience par son représentant, l’Urssaf de Normandie, venant aux droits de l’Urssaf de Basse- Normandie, demande à la cour de :

– déclarer mal fondé l’appel de la société SARL [7] et rejeter ses demandes,

– confirmer le jugement entrepris, et y ajoutant,

– condamner la SARL [7] au paiement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

– Sur le chef de redressement n° 4 : comptes courants et mise à disposition d’argent

Le capital social de la société [7], constituée de trois associés, est réparti comme suit:

– M. [S] [I] : 248 parts

– M. [H] [I] : 126 parts

– M. [G] [I]: 126 parts.

M. [S] [I] , gérant de la société, dispose de 49,60% de capital et bénéficie du statut social de gérant minoritaire non rémunéré.

En application des dispositions des articles L. 242-1, L. 136-1 et L. 136-2 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, et notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire.

Il est constant que constituent des avantages devant être soumis à cotisations et contributions sociales, les sommes mises à disposition du dirigeant salarié de la société par inscription à son compte courant personnel dès leur versement.

En l’espèce, il est établi que les associés ont décidé d’affecter la totalité des bénéfices perçus pour les exercices 2013, 2014 et 2015 sur le compte [XXXXXXXXXX03] ‘associés compte courant’, qui englobe l’ensemble des comptes courants des trois associés, sans qu’ils soient individualisés, compte utilisé uniquement par M. [S] [I], et que les sommes ont été virées sur le compte bancaire personnel de M. [S] [I], soit 27 861 euros pour l’exercice 2013, 21 185 euros pour l’exercice 2014 et 78 442 euros pour l’exercice 2015.

L’Urssaf relève que les articles 13 et 21 des statuts de la société prévoient expressément une distribution des bénéfices proportionnellement au nombre de parts sociales détenues par les associés sous forme de dividendes, que les statuts ne comportent aucune stipulation dérogeant à cette règle mais qu’aucune répartition de ce type n’a été effectuée à l’occasion de chaque versement périodique et que les sommes ont été intégralement versées à M. [S] [I].

La société, qui conteste la requalification des dividendes en avantage en nature opérée par l’Urssaf, prétend que M. [S] [I] a perçu les dividendes revenant à ses deux fils en application des statuts afin de les gérer pour leur compte, en exécution d’un mandat tacite. Elle en déduit qu’il n’y a donc pas lieu de réintégrer dans l’assiette des cotisations, comme avantages en nature, les sommes litigieuses.

Au soutien de ses prétentions, la société fournit notamment des attestations de M. [H] [I] et [G] [I], qui indiquent avoir confié le paiement de certaines sommes concernant notamment les impôts, taxes ou amendes à leur père, sans plus de précision ni aucun justificatif.

La société produit encore des documents bancaires et notamment des extraits de relevés de comptes portant des mentions manuscrites à propos desquelles il convient toutefois de rappeler qu’elles ne sauraient constituer des éléments de preuve de l’origine ou de l’affectation des sommes concernées.

M. [S] [I] prétend ainsi avoir réglé pour le compte de son fils [H] [I] :

– le 2 décembre 2015, 14 906 euros au titre de l’impôt sur le revenu : cependant, si un chèque de ce montant apparaît bien débité de son compte à cette date (pièce 9), rien ne permet d’établir l’affectation du versement et ce d’autant qu’il ne produit pas d’avis d’imposition correspondant, les pièces 18 et 48 étant inopérantes à cet égard, et qu’il ne justifie pas de l’origine des fonds utilisés.

– le 2 février 2016, 1 189 euros, au titre de l’impôt sur le revenu : une lettre de relance, adressée à M. [H] [I] datée d’octobre 2015, est produite (pièce 47) avec un chèque d’un montant correspondant débité du compte de M. [S] [I] (pièce 25). Rien ne permet toutefois de déterminer l’origine des fonds utilisés.

– le 9 septembre 2016, 360 euros au titre de l’impôt sur le revenu pour lequel est produit un avis (pièce 18) portant la date de mai 2016, adressé à M. [H] [I] . La pièce 17, portant relevé de compte des opérations réalisées sur le compte de M. [S] [I] pour le mois de septembre 2016 est toutefois incomplète, n’indiquant pas les mouvements antérieurs au 14 septembre 2016 et ne laissant donc pas apparaître le versement allégué.

– le 16 septembre 2016, 6 459 euros au titre des impôts sur le revenu : un chèque de ce montant a bien été débité à cette date du compte de M. [S] [I] mais il n’est produit de justificatif ni de l’affectation des fonds, ni de l’origine des revenus.

– le 28 février 2017, 1 541 euros au titre de l’impôt sur le revenu : un chèque de ce montant apparaît bien débité de son compte à cette date (pièce 14) et une mise en demeure correspondant à ce montant (pièce 48), émise par le centre des finances publiques à l’encontre de M. [H] [I] et datée du 15 février 2017, est produite, mais rien ne permet d’établir l’origine des fonds utilisés.

– le 9 mai 2016, 300 euros au titre d’une amende : est produit un avis émanant du trésor public (pièce 49), sans que soit justifié un paiement correspondant sur le relevé de compte correspondant, incomplet (pièce 19 ).

– à une date non précisée, la taxe d’habitation 2017 pour un montant de 644 euros, ce qui est rendu vraisemblable par le rapprochement entre un avis d’impôts (pièce 50) et le relevé de compte de M. [S] [I] en date du 3 janvier 2018 (pièce 51). L’origine des fonds n’est toutefois pas justifiée, étant précisé que le contrôle porte sur des exercices antérieurs.

– à une date non précisée, les impôts sur le revenu 2013 pour 2 144 euros, pour lequel est produit un avis d’imposition (pièce 54) sans que ne soit justifié un paiement correspondant.

– à une date non précisée, 769 euros au titre de la taxe d’habitation, ce dont M. [S] [I] indique lui-même ne pouvoir justifier (pièce 46).

M. [S] [I] soutient également avoir versé à son fils [H] des sommes dont il reconnaît ne pouvoir justifier, se contentant dans un premier temps d’invoquer :

-un versement par chèque de 2 000 euros en mars 2015, rendu vraisemblable par la lecture combinée des comptes bancaires (pièces 39 et 40) mais pour lequel ne sont déterminées ni sa cause, ni l’origine des fonds utilisés,

-un versement par chèque de 500 euros en 2020, soit 5 ans après le dernier exercice objet du contrôle de l’Urssaf.

M. [S] [I] prétend ensuite avoir effectué :

– deux versements de 2 500 euros les 6 mars 2017 et 24 novembre 2016, rendus vraisemblables par la comparaison des relevés bancaires (pièces 13 et15 ) mais sans que ne soient démontrées ni leur cause ni l’origine des fonds utilisés.

– un versement de 4 000 euros le 23 décembre 2015, qui est également allégué comme ayant été établi au bénéfice de la SARL [5] et apparaît, à la date indiquée, au crédit de celle-ci, selon le relevé de compte fourni (pièce 28).

M. [S] [I] soutient également avoir, pour le compte de son fils M. [G] [I], réglé :

– le 27 octobre 2016, une somme de 11 208 euros en paiement de l’impôt sur le revenu (pièce16), qui n’est pas justifiée par les pièces produites, les montants figurant sur les avis d’imposition fournis ne correspondant pas (pièce 52),

– à une date non précisée, une somme de 3 791 euros au titre des prélèvements sociaux impayés pour les années 2013 et 2014 (pièce 53), pour lequel n’est pas démontrée l’existence d’un paiement.

M. [S] prétend enfin avoir effectué au nom de ses fils des apports en compte courant d’associé au profit de la société [5] pour un total de 40 000 euros les 19 février, 11 avril et 26 avril 2016, pour 4 000 euros le 23 décembre 2015, et pour 10 000 euros le 22 mars 2016.

S’il résulte des pièces que des apports en compte courant ont effectivement été faits sur le compte de M. [H] [I] et M. [G] [I] courant 2016 (pièce 10), il résulte du grand livre des comptes généraux provisoire :

– que les 16 400 euros versés au nom de M. [G] [I] l’ont été par des versements émanant de son père entre mars 2016 et février 2017 (pièces 10 et 12), sans toutefois que l’origine des fonds soit déterminée,

– que les sommes concernant M. [H] [I] ont été versées par lui, selon le grand livre des comptes généraux provisoire fourni (pièce 11).

Il résulte donc de l’ensemble de ce qui précède et des pièces produites que des rapprochements bancaires rendent vraisemblables le paiement par M. [S] [I] :

– à M. [H] [I] des sommes de 1 189 euros en février 2016 et 1 541 euros en février 2017 et le versement de 7 000 euros en 2 ans, entre mars 2015 et mars 2017,

– au nom de M. [G] [I], d’un total de 16 400 euros entre mars 2016 et février 2017.

Rien ne permet toutefois de justifier ni la cause de ces paiements ou versements, ni l’origine des fonds utilisés. Ces paiements très ponctuels, dont aucun n’est antérieur à 2016, ne sauraient caractériser l’existence d’un mandat tacite de gestion donné par [G] [I] et [H] [I] à leur père [S] [I], des dividendes de la SARL [7] pour les années 2013, 2014 et 2015, visées par le contrôle.

Contrairement à ses affirmations, l’appelante ne démontre pas, par les pièces produites, que les dividendes prétendument perçus par M. [S] [I] pour le compte de ses fils [G] [I] et [H] [I] ont effectivement été inclus, en conséquence du mandat allégué et conformément aux règles applicables, dans le calcul des revenus imposables de ces derniers pour les 3 années concernées.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments une application non conforme des dispositions des statuts de la SARL [7] relatives à la répartition des dividendes entre les associés.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que la totalité des sommes versées à M. [S] [I] en sus de la portion correspondant à son nombre de parts sociales, soit 14 042 euros pour l’année 2013, 10 677 euros pour l’année 2014 et 39 535 euros pour l’année 2015 ne pouvaient constituer des dividendes et devaient s’analyser en une rémunération soumise à cotisations au sens des dispositions du code de la sécurité sociale sus visées.

La décision déférée sera par voie de conséquence confirmée en ce qu’elle a débouté la SARL [7] de sa demande d’annulation du chef de redressement critiqué concernant les comptes courants et mises à disposition, validé la mise en demeure du 20 décembre 2016 et confirmé la décision de la commission de recours amiable du 5 juillet 2017 et condamné la société au paiement d’une somme de 33 981 euros correspondant aux cotisations au titre des années 2013, 2014 et 2015 et aux majorations de retard au titre de ces années sous réserve des majorations de retard décomptées définitivement.

– Sur les demandes accessoires

La société qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a mis les dépens de première instance à la charge de la société.

L’équité commande d’allouer à l’Urssaf la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision déférée

Y ajoutant

Déboute la société [7] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL [7] aux dépens d’appel,

Condamne la SARL [7] à payer la somme de 1000 euros à l’Urssaf de Normandie au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX

 

 


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