5 avril 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
22/04720
8ème chambre
N° RG 22/04720 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OMME
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Référé
du 30 mai 2022
RG : 21/01805
ch n°
S.A.S. SOPAGEMO EDIFICE
C/
S.C.I. SCCV LA ROCHETTE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 05 Avril 2023
APPELANTE :
La société SOPAGEMO EDIFICE, SAS inscrite au RCS de LYON sous le n° 339 810 814, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de son dirigeant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Antoine ROUSSEAU de la SELARL B2R & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 781
INTIMÉE :
La société LA ROCHETTE, Société Civile de Construction Vente (SCCV) immatriculée au RCS de LYON sous le n° 798 174 157, dont le siège est sis [Adresse 1], représentée par sa Gérante, la société SMCI Editeur immobilier SAS, dont le siège social est sis [Adresse 2], elle-même représentée par son Président en exercice.
Représentée par Me Marie-Josèphe LAURENT de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768
Ayant pour avocat plaidant Me Vanina BEVALOT, avocat au Barreau de BESANCON
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 22 Février 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Février 2023
Date de mise à disposition : 05 Avril 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
* * * *
La société Sopagemo Edifice détient 49 parts sur les 100 parts du capital de la SCCV La Rochette, constituée le 28 octobre 2013 et ayant pour objet la réalisation d’une opération immobilière et dont la gérante est l’autre associée la société SMCI Editeur Immobilier.
La société Sopagemo a été associée à deux autres opérations menées par la société SMCI au sein de deux entités commerciales : la SNC Abbaye de la Rochette et la SNC le 128.
Par acte du 21 octobre 2021 la société Sopagemo a fait assigner la SCCV La Rochette en paiement due la somme de 31 101,39 euros, montant de son compte courant de 31 116,59 euros après déduction du résultat déficitaire.
Par ordonnance du 30 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon a :
rejeté les demandes de la société Sopagemo Edifice ;
condamné la société Sopagemo Edifice aux dépens ;
condamné la société Sopagemo Edifice à payer à la société La Rochette la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
En sa décision, le juge des référés a retenu que les sommes en compte courant des associés d’une société civile de construction vente correspondent à l’exécution des obligations d’associé et non pas des versements facultatifs. Ces versements servent à la réalisation de l’objet social. Ils sont indisponibles et constituent des apports non capitalisés. Ces fonds doivent être maintenus à la disposition de la société tant que cela est nécessaire à l’accomplissement de l’objet social. La qualification de compte courant de ses comptes est erroné. Il n’était pas certain que le résultat final approuvé par l’assemblée générale lors de la dissolution de la société La Rochette sera positif.
Par déclaration au greffe du 24 juin 2022, le conseil de la SAS Sopagemo Edifice a interjeté appel de l’entier dispositif.
Moyens
Par conclusions n°1 régularisées le 26 août 2022, la SAS Sopagemo Edifice sollicite voir :
Infirmer l’ordonnance dont appel sur les points suivants :
‘- rejetons les demandes de la société Sopagemo Edifice,
– condamnons la société Sopagemo Edifice aux dépens,
– condamnons la société Sopagemo Edifice à payer à la société La Rochette la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. ‘
Statuant à nouveau,
Vu l’article 835 du CPC, la Jurisprudence citée, et les pièces ci-après listées,
Condamner la SCCV La Rochette à payer à la société Sopagemo Edifice :
la somme de 19 069,43 euros,
à titre très infiniment subsidiaire la somme de 15 882,96 euros,
outre intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation.
Condamner la SCCV La Rochette à payer à la société Sopagemo Edifice la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers de l’instance.
À l’appui de ses prétentions, l’appelante fait valoir :
Les apports en capital des associés ne devaient pas être confondus avec les apports nécessaires à une SCCV par ses associés et avec le compte courant des associés ;
Les apports ne peuvent être remboursés qu’à l’issue de la dissolution de la société, alors que les apports en compte courant doivent être payés à première demande ;
Le principe d’intangibilité du capital social qui régit les apports ne s’applique pas aux avances en compte courant. La SCCV ne justifie pas que la somme de 20 117,01 euros résulte d’un appel de fonds nécessaire à l’exécution des contrats de vente conclus ou l’achèvement des constructions déjà commencées en application de l’article L 211-3 du CCH. Les travaux de construction ont été terminés en 2017/2018, les apports de fonds propres par les associés ont été remboursés, le compte courant ci-dessus mentionné résulte des résultats bénéficiaires de la SCCV ;
Le principe est rappelé constamment par la jurisprudence : sauf clause contraire des statuts, le compte courant d’un associé est remboursable à tout moment ;
Si deux exceptions sont possibles : 1- l’éventuelle compensation : il n’était pas justifié en l’espèce de perle sociale et d’appel de fonds auquel la requérante n’aurait pas donné suite ; 2- les conventions de blocage de compte courant : l’exception au principe doit être certaine. En l’espèce, le fait que les comptes courants doit être soulevé à l’approbation des comptes définitifs ne signifie pas qu’ils n’ont pas à être payés avant, lorsqu’ils résultent de comptes définitifs, validés par l’expert-comptable, et approuvés par l’assemblée générale des associés. Il aurait fallu que les statuts disposent que les associés ne peuvent exiger le remboursement de leur compte courant avant l’approbation des comptes définitifs.
Si les statuts faisaient effectivement obstacle au paiement des comptes courants avant la dissolution, le gérant de la SCCV n’aurait pas ressenti le besoin de soumettre à l’AG du 29 juin 2022 une résolution ayant le même objet ;
Le « blocage » d’un compte courant ne saurait être imposé par une décision collective adoptée à la majorité des associés ;
Les comptes de la SCCV au 31/12/2020 ont été validés par l’AG du 30 juin 2021 ;
L’obligation n’est pas sérieusement contestable ;
Sopagemo ne s’oppose pas à la dissolution de la SCCV La Rochette : si la société Sopagemo refuse la dissolution de la SCCV, c’est parce qu’elle n’a pas obtenu d’éclaircissements sur les comptes de l’opération ;
Au 31 décembre 2020, la SCCV disposait de disponibilités de 78 834 euros, et au 31/12/2021 la SCCV disposait de disponibilités de 62 358 euros ;
La SCCV ne peut opposer à une créance certaine, liquide et exigible de la société Sopagemo Edifice une éventuelle créance future indéterminée ;
Le bilan au 31 décembre 2021 faisant apparaître un résultat déficitaire n’était pas à retenir puisque l’état de la trésorerie disponible ne peut justifier le défaut de paiement d’un compte courant d’associé.
Par conclusions en réponse n°1 régularisées le 23 septembre 2022, la société civile de construction vente (SCCV) La Rochette sollicite voir :
Rejetant toute prétention plus ample ou contraire,
A TITRE PRINCIPAL,
Vu l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Vu l’article 1353 du Code civil,
Vu l’article 31 des statuts de la SCCV La Rochette,
Vu la jurisprudence citée et les pièces versées aux débats,
CONFIRMER en toutes ses dispositions l’ordonnance du 30 mai 2022 entreprise.
Ce Faisant,
DÉBOUTER la société Sopagemo de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,
Vu l’article 1343-5 du Code civil :
FIXER le montant de la créance de la société Sopagemo à l’égard de la société SCCV La Rochette à la date du 31 décembre 2021 à QUINZE MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT DEUX EUROS ET QUATRE VINGT UN CENTS (15 882,81 euros) ;
OCTROYER à la société LA Rochette un délai de 2 ans à compter de la décision à intervenir pour s’acquitter de cette somme de 15 882,81 euros.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
Vu les articles 31 et 32-1 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1240 et 1348 du Code civil,
CONDAMNER la société Sopagemo à verser à la société SCCV La Rochette la somme de VINGT MILLE EUROS (20 000 euros) en réparation du préjudice occasionné par l’abus d’ester en justice qui contrevient manifestement à l’intérêt social ;
ORDONNER la compensation des sommes qui pourraient être mises à la charge réciproque des parties ;
CONDAMNER la société Sopagemo à verser à la société SCCV La Rochette la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
À l’appui de ses prétentions, l’intimée fait valoir :
La société est en droit de refuser le remboursement immédiat du solde créditeur d’un compte courant si les statuts comportent une disposition contraire ;
Il faut attendre la réalisation complète de l’opération pour laquelle la société a été constituée et l’arrêté définitif des comptes pour connaître le solde ;
Éventuellement remboursable aux associés ;
La société Sopagemo ne peut pas invoquer les règles relatives aux avances faites par les associés à la société pour en réclamer un remboursement immédiat ;
La créance dont entend se prévaloir la société Sopagemo n’est en outre pas certaine dans son montant, pour ses besoins et jusqu’à sa liquidation la société devra encore supporter des charges ;
Les documents comptables établis à la date du 31 décembre 2021 font apparaître un déficit de 6 503,30 euros. La contribution de la société Sopagemo à ce résultat s’élève à 3 186,62 euros qui devront en tout état de cause être déduits du montant de sa demande de remboursement ;
Seule la liquidation, à laquelle la société Sopagemo s’oppose sans aucune explication valable pourra permettre de solder les comptes entre associés sous réserve de l’application de l’article L 211-2 du Code de la Construction et de l’habitat relatif aux sociétés de construction vent au terme duquel : ‘ Les associés sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux ‘ ;
Factuellement, la société Sopagemo, en qualité d’associé, refuse d’approuver les comptes et ce faisant les résultats comptables de la société SCCV La Rochette ;
La société Sopagemo entrave indûment la dissolution de la SCCV La Rochette. La société, qui n’a plus aucune activité, n’enregistre plus que des charges auxquelles elle devra faire face ;
Il a été versé à la société Sopagemo 83 300 euros en juillet 2017, 24 500 euros en juin 2018 et 34 300 euros en mars 2020, soit un total de 142 100 euros.
Cependant, la somme réclamée par la société Sopagemo représente plus de la moitié du solde disponible à ce jour, outre les charges subsistantes. Compte tenu de l’existence d’autres créanciers, et de l’obligation de contribuer aux pertes de la société pour chacun des associés, il y a lieu de reporter de deux ans le paiement du solde créditeur, le cas échéant du compte courant d’associé de la société Sopagemo. Le solde dû sera alors celui qui ressortira des comptes de liquidation de la société SCCV La Rochette ;
La société Sopagemo abuse de son droit d’ester en justice.
Motivation
MOTIFS
En application de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire dans les limites de sa compétence peut dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l’execution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Par lettre du 2 septembre 2021, la société Sopagemo Edifice a mis en demeure la SCCV La Rochette de lui payer la somme de 19 069,43 euros :
compte-courant la société Sopagemo Edifice : 20 117,01 euros,
à déduire quote-part du résultat déficitaire de l’exercice clos le 31 décembre 2020 : 1 047,58 euros.
Par lettre datée du 17 septembre 2021, la Gérante de la SCCV La Rochette lui a répondu que l’article 31 de ses statuts s’opposait à sa demande mais qu’une assemblée statuant sur la dissolution de la société serait convoquée courant octobre.
La cour relève que l’article 31 des statuts de la société SCCV La Rochette prévoit :
‘Comptes courants : Un compte courant est ouvert au nom de chaque associé dans les livres de la société. Ces comptes courants sont rémunérés sur la base du taux fiscalement déductible. Les versements effectués au titre des appels de fonds sont faits sur ces comptes courants. A l’approbation des comptes définitifs de l’opération, ces comptes courants seront soldés. »
L’appelante fait valoir que cette clause n’indique pas que les comptes courants ne pourront pas être soldés avant l’approbation des comptes définitifs et qu’un associé est en droit d’exiger le remboursement de son compte courant à tout moment. Elle rappelle que des versements sont déjà intervenus à hauteur de 142 100 euros, que les comptes au 31 décembre 2020 ont été validés, que la SCCV disposait de disponibilités de 78 834 euros, et 62 358 euros au 31/12/2021.
Certes, mais la clause contractuelle prévoit expressément que les comptes courants seront soldés à l’approbation des comptes définitifs de l’opération.
Or l’approbation des comptes définitifs n’est pas intervenue et la soumission à l’assemblée générale des associés du 22 juin 2022 d’une résolution indiquant que le solde des sommes inscrites au compte courant des associés ne pourra exercer aux associés issus du dénouement des dernières opérations de clôture de l’opération de liquidation de la société ne permet pas d’écarter la contestation opposée par la société SCCV La Rochette au paiement de la provision demandée de 19 069,43 euros.
De plus, l’intimée invoque le caractère non certain de la créance dont se prévaut la société Sopagemo.
La contestation est sérieuse. La décision attaquée doit être confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande en paiement.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Par application des dispositions de l’article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10’000 euros,sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
La SCCV La Rochette sollicite la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice occasionné par l’abus d’ester en justice qui contrevient manifestement à l’intérêt social.
Sa demande, par ailleurs contestée, n’est pas caractérisée. Elle doit être rejetée.
Sur les mesures accessoires :
L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut même d’office pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
La cour confirme la décision attaquée ayant condamné la société Sopagemo Edifice aux dépens et en équité à payer à la société La Rochette la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Succombant en cause d’appel, la SAS Sopagemo Edifice supportera les dépens.
En équité la cour la condamne à payer à la SCI SCCV La Rochette la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La demande présentée par la SAS Sopagemo Edifice tendant à l’application à son profit des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ne peut qu’être rejetée.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme la décision attaquée.
Y ajoutant,
Condamne la SAS Sopagemo Edifice aux dépens d’appel,
Condamne la SAS Sopagemo Edifice à payer à en cause d’appel à la SCCV La Rochette la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT