Comptes courants d’associés : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02914

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Comptes courants d’associés : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02914

4 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG
22/02914

Pôle 1 – Chambre 3

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 04 JANVIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02914 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGQS

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Décembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 21/56485

APPELANTE

S.C. RECIMMO prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée par Me Philippe SCHMIDT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.C.I. CESAR prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Sébastien FLEURY de la SELEURL SEBASTIEN FLEURY, avocat au barreau de PARIS, toque : R207

Assistée par Me Alexandre MATAR, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 Août 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Monsieur Jean-paul BESSON, Président conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre,

M. Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre,

Mme Patricia LEFEVRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-paul BESSON, Président et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

******

La société Cesar est une société civile familiale dont l’objet social est de gérer certains immeubles en usufruit et dont les gérants sont Mme [L] épouse [D] et M. [O] [L].

Cette société a été créée en 1997 par les époux [T] [L] et [F] [I] épouse [L] et leurs trois enfants [M], [O] et [V] [L] afin de gérer différents bien immobiliers de la famille.

A la suite du décès de Mme [I] épouse [L] le 26 novembre 2019, puis de son époux M. [T] [L] le 5 juin 2020, les biens immobiliers détenus par la société Cesar ont été répartis en pleine propriété entre les trois enfants et son capital social a été redistribué entre les quatre associés la société Cordiale dirigée par M. [O] [L], la société Rafal dirigée par Mme [L], la société civile Recimmo dont le gérant est M. [V] [L] et l’indivision successorale [T] [L] composée de la mère et des trois enfants.

C’est ainsi que depuis le 26 novembre 2019, la société Cesar n’a plus de biens immobiliers à gérer et par assemblée générale du 17 décembre 2020, il a été décidé la dissolution de cette société. Mme [L] et M. [O] [L] ont été désignés comme liquidateurs.

Depuis le décès de Mme [I], une dizaine de contentieux ont été initiés entre M. [V] [L] d’une part et Mme [L] et M. [O] [L] d’autre part.

C’est ainsi notamment que, par jugement en date du 25 novembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a rejeté les demandes de la société Recimmo de voir désigner un mandataire ad hoc afin de superviser les opérations de retrait de la société Recimmo de la société Cesar et la demande reconventionnelle de la société Cesar de lui restituer les 85 documents et 2 cartons d’archives qui lui ont été subtilisés le 19 août 2020.

Le 29 avril 2021, l’assemblée générale de la société Cesar a décidé de la distribution de dividendes entre les différents associés sur la base de 108,75 euros par part sociale. C’est ainsi qu’une somme de 1 346 361,25 euros devait revenir à la société Recimmo.

Le 21 mai de la même année, les liquidateurs de la société Cesar ont informé la société Recimmo qu’ils refusaient de lui verser directement les dividendes qu’ils plaçaient sur le compte-courant d’associé qu’ils créaient au sein de la société Cesar.

Par lettre du 14 juin 2021, la société Recimmo mettait en demeure la société Cesar de lui transférer les fonds, de son compte courant d’associé sur le compte de la société Recimmo, ce que cette dernière a refusé de faire en indiquant qu’à la suite de la résolution de l’assemblée générale de la société du 17 décembre 2020, il a été décidé la suspension temporaire des dividendes dus à la société Recimmo tant que celle-ci n’aura pas restitué les documents subtilisés au cours du mois d’août 2020.

Soutenant que la somme de 1.346.361,25 euros, qui devait lui être versée au plus tard le 29 mai 2021 au titre de la distribution d’un dividende, ne lui avait pas été payée, la société Recimmo a assigné, par acte en date du 19 juillet 2021, la société Cesar devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de la voir principalement condamnée à lui payer une provision de 1.346.361,25 euros, outre les intérêts au taux légal.

Par ordonnance contradictoire du 31 décembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de la société Recimmo en paiement d’une provision de 1.346.361,25 euros, augmentée d’intérêts de retard au taux légal ;

déclaré sans objet la demande de la société Cesar en désignation d’un séquestre ;

dit n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la société Cesar tendant à voir ordonner à la société Recimmo la restitution de l’intégralité des documents comptables et sociaux subtilisés par son gérant le 19 août 2020, sous astreinte comminatoire de 250 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois ;

rejeté la demande subsidiaire de la société Cesar tendant à ordonner à la société Recimmo de déposer l’intégralité des documents comptables et sociaux subtilisés par son gérant le 19 août 2020 chez un séquestre sous astreinte comminatoire de 250 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois ;

rejeté la demande de réouverture des débats ;

invité les parties à reprendre le processus de médiation ;

dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;

dit n’y avoir lieu à référé sur toute autre demande.

Par déclaration du 02 février 2022, la société Recimmo a relevé appel de cette décision en ce qu’elle a :

dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de la société Recimmo en paiement d’une provision de 1.346.361,25 euros, augmentée d’intérêts de retard au taux légal ;

dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Elle demande à la cour, par ses dernières conclusions remises et notifiées le 29 juin 2022, au visa des moyens qui précèdent et des pièces versées aux débats, des articles 145, 835 et 1355 du code de procédure civile, 1231-6, 1691, 1836, 1842 et 1844-1 du code civil, de :

infirmer les chefs du dispositif attaqués de l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Paris du 31 décembre 2021 ;

statuant à nouveau :

condamner la société Cesar à payer à la société Recimmo une provision de 1.346.361,25 euros, augmentés d’intérêts de retard au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure du 14 juin 2021 ;

débouter la société Cesar de son appel incident ;

en conséquence :

confirmer l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Paris du 31 décembre 2021, en ce qu’elle a :

déclaré sans objet la demande de la société Cesar en désignation d’un séquestre ;

dit n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la société Cesar tendant à voir lui être ordonné de restituer l’intégralité des documents comptables et sociaux subtilisés par son gérant le 19 août 2020, sous astreinte comminatoire de 250 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois ;

rejeté la demande subsidiaire de la société Cesar tendant à voir lui être ordonné de déposer l’intégralité des documents comptables et sociaux subtilisés par son gérant le 19 août 2020 chez un séquestre sous astreinte comminatoire de 250 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois ;

en tout état de cause :

condamner la société Cesar à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Cesar aux dépens.

La société Cesar demande à la cour, par ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 juin 2022, et au visa des articles 835 du code de procédure civile, 1103, 1104 et 1832 du code civil, des jurisprudences et des pièces versées aux débats, de :

la déclarer recevable et bien fondée, et recevoir l’intégralité de ses moyens et prétentions ;

en conséquence :

confirmer l’ordonnance de référé du 31 décembre 2021 dans l’instance RG 21/56485 en ce qu’elle a rejeté la demande de la société Recimmo en paiement d’une provision de 1.346.361,25 euros, augmentée d’intérêts de retard au taux légal pour cause de contestations sérieuses ;

subsidiairement :

rejeter la demande de la société Recimmo du versement d’une provision d’un montant de 1.346.361,25 euros qui se heurte à plusieurs contestations sérieuses et ordonner que cette somme soit déposée sur un compte séquestre entre les mains du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris ; au titre de son appel incident :

infirmer l’ordonnance de référé du 31 décembre 2021 dans l’instance RG 21/56485 en ses autres dispositions ;

en conséquence :

ordonner à la société Recimmo la restitution de l’intégralité des documents comptables et sociaux subtilisés par son gérant le 19 août 2020 (85 dossiers et 2 cartons d’archives détaillés dans le courrier du 7 septembre 2020) sous astreinte comminatoire de 250 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois afin de faire cesser ce trouble manifestement illicite ou alternativement faire exécuter l’obligation non contestable de restitution, au besoin ordonner la réouverture des débats pour mise en cause personnelle d'[V] [L] ;

subsidiairement :

ordonner à la société Recimmo de déposer l’intégralité des documents comptables et sociaux subtilisés par son gérant le 19 août 2020 (85 dossiers et 2 cartons d’archive détaillé dans le courrier du 07 septembre 2020 de M. [V] [L]) chez un séquestre sous astreinte comminatoire de 250 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois afin de faire cesser ce trouble manifestement illicite ou alternativement faire exécuter l’obligation non contestable de restitution, au besoin ordonner la réouverture des débats pour mise en cause personnelle d'[V] [L] ;

en tout état de cause :

condamner la société Recimmo au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens et au paiement des frais d’exécution postérieurs restant à la charge du créancier.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 29 août 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

Sur la demande de provision

Selon l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, ‘dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.

L’octroi d’une provision suppose le constat de ce que la demande repose sur une obligation non sérieusement contestable. L’appréciation des éléments de fait qui permettent d’accorder cette provision est laissée à l’appréciation souveraine du juge.

La société Recimmo soutient que l’obligation de la société Cesar de lui verser la somme de 1.346. 361,25 euros n’est pas sérieusement contestable puisque celle-ci naît d’une résolution de l’assemblée générale de la société Cesar du 29 avril 2021 décidant la distribution du dividende au prorata du capital social détenu par chaque associé, ce qui correspond à cette somme. La décision des liquidateurs de la société Cesar de placer cette somme sur un compte courant d’associé et de la bloquer est prise en violation de cette résolution. Car, selon la loi, seul l’accord de l’associé concerné peut justifier le blocage d’une somme sur son compte courant. En l’absence d’un tel accord, l’argent placé sur ce compte peut être retiré à tout moment par cet associé sans que l’on puisse lui opposer la moindre contestation. La Cour de cassation affirme que dans une telle situation, l’obligation est non contestable et une provision peut être allouée par le juge des référés.

Elle réfute l’argument adverse selon lequel les associés auraient voté lors de l’assemblée générale du 17 décembre 2020 la suspension du versement de cette somme, au moyen que la résolution litigieuse a été votée par les associés majoritaires, en violation manifeste de l’article 1836 alinéa 2 du code civil. Elle souligne que :

Exposé du litige

les faits reprochés à la société Recimmo par les associés majoritaires dans cette résolution sont en réalité éventuellement imputables à M. [V] [L], personne physique indépendante d’elle et dont le patrimoine ne se confond pas avec le sien ;

cette résolution ne porte pas sur le versement puis le blocage des fonds qui lui sont dus ;

n’ayant pas été votée à l’unanimité, elle ne peut pas permettre de bloquer les fonds dus à un associé sur un compte courant d’associé ;

cette résolution n’a pas été respectée puisque les liquidateurs ont versé les dividendes répartis entre les autres actionnaires.

Dès lors, ces arguments ne peuvent constituer une contestation sérieuse.

La société civile Cesar soutient que les dispositions des articles 1103, 1104, 1219 et 1832, alinéa 1, du code civil autorisent une société à suspendre ses obligations quel que soit leur cause à l’égard d’un de ses associés lorsque ce dernier commet une faute violant l’affectio societatis inhérent à toute société.

Elle fait valoir qu’elle a bien versé les dividendes conformément aux résolutions d’assemblée générale, contrairement à ce que prétend la société Recimmo, puisqu’elle les a versé sur son compte-courant d’associé, dont les fonds lui reviennent inéluctablement.

En outre, elle rappelle qu’il n’existe pas de délai de libération totale des dividendes pour une société civile immobilière en droit positif, ni de délai de versement de ces dividendes, notamment lorsqu’ils ont été versés sur un compte courant d’associés.

Elle soutient que la retenue temporaire du compte-courant d’associé de la société Recimmo est fondée puisqu’elle procède d’une résolution d’assemblée générale du 17 décembre 2020, résolution prise en réaction à la subtilisation de documents lui appartenant par le gérant de la société Recimmo, à savoir M. [V] [L] et au refus subséquent de les lui rendre. De plus, l’existence de cette résolution constitue une contestation sérieuse de l’obligation de verser les dividendes à la société Recimmo en ce que, selon la Cour de cassation, l’existence d’une résolution de l’assemblée générale d’une société prise à la majorité pour retenir temporairement le compte-courant d’un associé constitue une contestation sérieuse de la demande de provision formulée au titre de l’article 873 du code de procédure civile, même si cette résolution a été votée postérieurement à une première ordonnance de référé ordonnant la libération des dividendes.

Moyens

Elle avance également qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’annuler une délibération de l’assemblée des associés d’une société, ni de passer outre cette résolution, quand bien même elle serait postérieure à l’introduction d’une demande en justice. Elle souligne que la jurisprudence invoquée par la société Recimmo, selon laquelle une société ne peut exciper d’une contestation sérieuse pour refuser de verser un compte-courant d’associé sans l’accord de l’associé concerné, ne porte pas sur des faits similaires qu’en l’espèce puisque dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, la décision de refus de versement du compte-courant d’associé provenait du gérant de la société et non de l’assemblée générale.

Il ressort des pièces produites aux débats que l’assemblée générale du 29 avril 2021 de la société Cesar a décidé la distribution d’un dividende à ses associés d’un montant de 4 040 932,50 euros, sur la base d’un prix de 108,75 euros par part sociale, et c’est ainsi qu’une somme de 1 346 361,21 euros devait être versée à la société Recimmo en sa qualité d’associé à hauteur de 12 380 parts dans les 30 jours de la décision. Ce versement n’était pas effectué malgré une mise en demeure de le faire du 14 juin 2021, mais était déposé sur le compte courant d’associé de la société Recimmo qui a été créé à cette occasion.

La société Cesar appliquait là une autre résolution prise en assemblée générale par la société le 17 décembre 2020, aux termes de laquelle ‘ en vertu du principe d’exception d’inexécution, l’assemblée générale des associés décide la suspension temporaire du versement des dividendes dus à la société Recimmo tant que celle-ci n’aura pas restitué l’ensemble des documents subtilisés.

Ce procès-verbal d’assemblée a été notifié à la société Recimmo le 15 janvier 2021, et à ce jour cette décision n’a pas été ni annulée ni retirée.

C’est ainsi qu’en exécution de cette résolution, la société Cesar s’est estimée légitime à procéder à une inscription en compte courant d’associé des dividendes de la société Recimmo et de bloquer les fonds ainsi inscrits dans le cadre d’un conflit lié à l’appréhension d’archives qu’elle détenait jusqu’alors, dont seul le juge du fond peut connaître.

Il co-existe donc deux décisions d’assemblée générale de la société Cesar qui n’ont pas été judiciairement contestées et qui s’appliquent donc aux parties en cause.

Motivation

C’est ainsi qu’il existe une contestation sérieuse sur l’obligation de la société Cesar de verser les dividendes dus à la société Recimmo. Il n’y a donc pas lieu à référé sur la demande de provision formulée par la société Recimmo. Il n’y a pas d’avantage lieu d’ordonner le versement de la somme litigieuse sur un compte séquestre. L’ordonnance entreprise sera donc confirmée sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de restitution de documents

La société Cesar sollicite, dans le cadre d’un appel incident, la restitution des documents litigieux car leur soustraction frauduleuse par M. [V] [L], agissant en tant que gérant de la société Recimmo, constitue un trouble manifestement illicite. Elle soutient que c’est à tort que le juge des référés l’a débouté de cette demande alors que :

elle avait la garde de tous les documents subtilisés, dont elle était la propriétaire ou pour lesquels elle a obtenu le mandat de les récupérer de la part de la majorité des indivisaires et du président du syndic à qui ils appartiennent ;

certains documents sont indispensable pour établir sa comptabilité ;

certains documents ne sont pas utiles à M. [V] [L] mais le sont pour l’Indivision Consorts [L], qui a fait d’elle le gardien de ces documents ;

certains documents sont nécessaires au syndic bénévole, M. [O] [L], pour la bonne administration de l’immeuble sur lequel ils portent ;

M. [V] [L] et la société Recimmo n’ont jamais été autorisés par les propriétaires de ces documents à les récupérer, déplacer, etc ; il s’agit donc bien d’une soustraction frauduleuse ;

à cause de la soustraction frauduleuse de ces documents, elle ne peut pas produire les documents demandés par l’administration dans le cadre d’un contrôle de TVA ;

la société Recimmo a fait preuve de mauvaise foi et a refusé ses nombreuses tentatives de résolution amiable de ce litige ;

les clés de son local n’ont été confié à M. [V] [L] qu’en raison de sa qualité de gérant de la société Recimmo, ce qui implique nécessairement qu’il a agi en cette qualité lorsqu’il a utilisé ces clés pour subtiliser les documents ; à tout le moins, s’il est reconnu que M. [V] [L] a agi à titre personnel, la société Recimmo est complice des faits commis ; le fait que la société Recimmo défende M. [V] [L] dans cette affaire prouve la confusion de ces deux personnes ;

M. [V] [L] aurait pu se contenter de photocopier les documents, et peut toujours les photocopier et les restituer ;

En réponse, la société Recimmo indique que le trouble manifestement illicite qu’elle allègue n’est pas caractérisé puisque les faits reprochés le sont à M. [V] [L], dont les agissements ne lui sont pas imputables et qui a un patrimoine propre, et sont indifférents s’agissant de sa demande de provision.

Elle affirme que la demande de la société Cesar tendant à la restitution, ou à titre subsidiaire, au dépôt chez un séquestre, des documents sous astreinte de 250 euros par jour de retard se heurte à l’autorité de la chose jugée, cette demande ayant déjà été rejetée par une ordonnance du président du tribunal judiciaire de Paris du 25 novembre 2021.

A toutes fins utiles, elle fait valoir que les demandes reconventionnelles de la société Cesar sont irrecevables en ce qu’elles concernent M. [V] [L], qui a agi à titre personnel en récupérant les documents dont il est demandé la restitution – ces documents concernant des biens dont il est le seul propriétaire – et qui n’est pas partie à la présente instance.

Elle argue également que ces demandes reconventionnelles sont mal fondées en ce qu’elle n’a commis aucune violation de la loi permettant de caractériser un trouble manifestement illicite. D’une part, les faits reprochés ont été commis par M. [V] [L] à titre personnel, et d’autre part, aucun vol ne peut lui être reproché, M. [V] [L] ayant libre accès au local où les documents étaient entreposés et les documents n’appartenant pas à la société Cesar.

Elle expose en effet que Mme [L] épouse [D] et M. [O] [L] ont, en qualité de liquidateur de la société Cesar, établit et signé des documents le 09 décembre 2021 dans le but de justifier rétrospectivement qu’ils étaient les gardiens de ces documents.

Elle explique que les documents récupérés par M. [V] [L] concernaient uniquement deux biens immobiliers dont il était le nu-propriétaire exclusif, et sur lesquels la société Cesar n’a jamais eu de droits.

Elle souligne que la société Cesar ne justifie pas de la nécessité qu’elle aurait de récupérer ces documents.

Elle en conclut que la demande reconventionnelle fondée sur l’article 1961 du code civil doit être rejetée.

Sur l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle

Selon l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La société Recimmo invoque l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle devant le juge des référés pour absence de lien suffisant avec l’objet principal du litige sur le fondement de l’article 70 du code de procédure civile mais également du fait d’un précédent jugement du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris du 25 novembre 2021 qui a déjà rejeté une telle demande et qui a acquis l’autorité de la chose jugée.

Il y a lieu de noter que la société Recimmo n’a évoqué cette irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société Cesar, qui constitue une fin de non recevoir, que dans le corps de ses conclusions, mais pas dans le dispositif de ces dernières.

Or, selon l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

C’est ainsi que la cour n’est pas saisie de cette prétention.

Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite

Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il est constant que M. [V] [L] a récupéré le 19 août 2020 au siège de la société Cesar qui les détenaient différentes pièces, dossiers et archives dont la liste figure dans le courrier recommandé qu’il a adressé le 7 septembre 2020 et qui n’est pas contestée par les parties.

Il apparaît également que les documents de l’immeuble du [Adresse 3] appartiennent à l’indivision Consorts [L] et les documents liés à l’immeuble du [Adresse 4] sont la propriété du syndic de copropriété de cet immeuble. Ces deux propriétaires ont donné expressément pouvoir à la société Cesar pour récupérer leur documents auprès de la société Recimmo.

Il ressort des pièces produites aux débats que les documents litigieux étaient détenus dans les locaux de la société Cesar et qu’ils ont été récupérés par M. [L].

C’est ainsi qu’il existe un conflit important entre les membres de la famille [L], par ailleurs associés au travers des deux sociétés concernés, ce qui rend difficile de déterminer à quel titre M. [V] [L] est intervenu le 19 août 2020. Le seul fait qu’il ait écrit son courrier du 27 avril 2021 sur le papier à en-tête de la société Recimmo est insuffisant pour caractériser une intervention en qualité de gérant. De plus, ce dernier a d’ailleurs précisé dans ce courrier que ‘cela ne concerne absolument pas la société Recimmo puisque c’est à titre individuel, en ma qualité de propriétaire personne physique de l’immeuble situé [Adresse 1] que j’ai récupéré ces documents’.

Dans ces conditions, en l’absence de démonstration de l’existence d’un trouble illicite imputable à la société appelante, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de séquestration des fonds

Selon l’article 145 du code de procédure civile, re la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Subsidiairement, la société Cesar soutient qu’il y a lieu d’ordonner la séquestration des documents visés, en présence d’une contestation sérieuse quant à la propriété des documents et au regard de son besoin de conserver les documents subtilisés dans l’éventualité d’un futur contrôle fiscal. Elle prétend que ses demandes reconventionnelles sont recevables car, contrairement à ce que fait valoir la société Recimmo, elles présentent un lien étroit avec ses prétentions.

La société Recimmo avance que la demande reconventionnelle de séquestre fondée sur l’article 145 du code de procédure civile doit être rejetée pour défaut de motif légitime, aucun litige n’ayant vocation à se nouer, la mesure n’ayant pas pour but de conserver ou d’établir une preuve dont pourrait dépendre la solution d’un litige, et la demande étant contraire aux intérêts légitimes de M. [V] [L].

Dès lors qu’il n’est pas démontré que la société Recimmo soit à l’origine du transfert de dossiers et d’archives du 19 août 2020, ni qu’elle en soit l’actuelle détentrice, aucun motif légitime résultant d’un procès potentiel ne paraît constitué. Il n’y a donc pas lieu à référé sur cette demande.

L’ordonnance entreprise sera également confirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

L’appelante et l’intimée sollicitent chacune l’allocation d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des sociétés Recimmo et Cesar leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens. Aucune somme ne leur sera donc allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

La société Recimmo, qui succombe, sera tenue aux dépens d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l’appel,

Confirme l’ordonnance entreprise du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en date du 31 décembre 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes de condamnations sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel;

Condamne la société Recimmo aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

 


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