Comptes courants d’associés : 4 avril 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/06303

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Comptes courants d’associés : 4 avril 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/06303

4 avril 2023
Cour d’appel de Rennes
RG
20/06303

3ème Chambre Commerciale

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°177

N° RG 20/06303 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RGFN

Mme [M] [T] épouse née [R]

M. [I] [T]

S.A.R.L. FREGAN ET MANAIG

C/

M. [N] [O]

Mme [B] [D]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me DARDY

Me VERRANDO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre, rapporteur,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Décembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [M] [T] épouse née [R]

née le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Monsieur [I] [T]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

S.A.R.L. FREGAN ET MANAIG, immatriculée au RCS de SAINT-BRIEUC sous le n°353 844 897, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentés par Me Hervé DARDY de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

INTIMÉS :

Monsieur [N] [O]

né le [Date naissance 6] 1950 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Madame [B] [D]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 10]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentés par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Exposé du litige

FAITS

Après avoir cédé son fonds de commerce d’ambulance et taxi, la société FREGAN ET MANAIG s’est transformée en société holding de prise de participation. Elle est dirigée par Mme [M] [T] (gérante).

En 2013 elle s’est rapprochée de M. [N] [O] et Mme [D] son épouse, aux fins d’acquérir la totalité des parts sociales de la société JEAN BART MARINE à [Localité 5], propriétaire et exploitante d’un fonds de commerce de ‘toutes fournitures pour la navigation, la pêche, la plaisance et toutes activités annexes, achat vente location gardiennage et entretien de tous vêtements de protection et équipements marins (cirés, bottes, pantalons, pulls overs, etc.)’.

Le prix provisoire de la cession a été fixé entre les parties en prenant pour base les capitaux propres figurant au bilan établi au 31 décembre 2012 et une valeur de fonds de commerce fixée, d’un commun accord entre les parties à 220.000 euros.

Il était prévu qu’il varierait en plus ou en moins de la variation positive ou négative des capitaux propres, constatée dans les comptes de cession arrêtés au 31 juillet 2013, l’augmentation ou la diminution des capitaux propres n’étant prise en compte qu’au delà de 5.000 euros en plus ou en moins.

Les parties ont régularisé la cession le 31 juillet 2013.

Dès la cession la société FREGAN ET MANAIG explique avoir dû réaliser des apports sur les comptes bancaires de la société JEAN BART MARINE en raison de soldes débiteurs, atteignant un cumul de 152.700 euros au 30 mars 2015.

Entre temps les parties avaient arrêté le prix de cession définitif à hauteur de 203.580 euros.

Par jugement du 25 novembre 2015, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société JEAN BART MARINE et nommé Maître [Y] en qualité de liquidateur.

Mme [M] [T] a alors mandaté un expert comptable pour procéder à l’analyse des conditions juridiques et financières de la cession.

Il a établi un rapport le 8 décembre 2015.

Par acte du 1er juillet 2016, la société FREGAN ET MANAIG a saisi le tribunal de commerce de Saint-Brieuc d’une demande de nullité de l’acte de cession du contrôle conclu le 31 juillet 2013.

La société FREGAN ET MANAIG a sollicité un expertise judiciaire et par jugement du 22 mai 2017, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a désigné M. [V] [S] qui a déposé son rapport définitif le 27 février 2019.

Les époux [T] ont été poursuivis par le CREDIT MUTUEL et condamnés au titre de l’engagement de caution qu’ils avaient souscrit pour garantir les engagements de la société JEAN BART MARINE à hauteur de la somme en principal de 30.000 euros.

Ils sont intervenus volontairement à l’instance devant le tribunal de commerce pour solliciter l’indemnisation de leur préjudice .

Par décision du 30 novembre 2020 le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a :

– Pris acte de l’intervention volontaire de Mme [M] [T] née [R] et de M. [I] [T] ;

– Rejeté la demande de la société FREGAN ET MANAIG de déclarer nulle et de nul effet la cession portant sur le capital de la société JEAN BART MARINE conclue le 31 juillet 2013 entre M. [N] [O] et Mme [B] [D] et la société FREGAN ET MANAIG ;

– Dit qu’aucune irrégularité ou faute n’est imputable ni à M. [N] [O] ni à Mme [B] [D] ;

– Ecarté le grief d’une faute quasi-délictuelle commise par M. [N] [O] et Mme [B] [D] ;

– Constaté que la déconfiture de la SARL JEAN BART MARINE ne procède en aucune manière d’une quelconque responsabilité de M. [N] [O] et Mme [B] [D] ;

– Dit infondée la procédure engagée à l’encontre de M. [N] [O] et Mme [B] [D]

– Débouté la société FREGAN ET MANAIG et les époux [T] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– Condamné la société FREGAN ET MANAIG à verser à M. [N] [O] et Mme [B] [D] chacun, une somme de 10.000 euros à titre de dommage et intérêts ;

– Condamné la société FREGAN ET MANAIG à rembourser à M. [N] [O] et Mme [B] [D] la somme de 19.432 euros correspondant aux dépenses par eux engagées pour assurer la défense de leurs intérêts jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ;

– Condamné in solidum la société FREGAN ET MANAIG et les époux [T] à verser à M. [N] [O] et Mme [B] [D] chacun, une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné in solidum la société FREGAN ET MANAIG et les époux [T] aux entiers dépens

– Dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif du présent jugement, les ena débouté respectivement ;

– Liquidé au titre des dépens les frais de greffe au titre du présent jugement à la somme de 154,49 euros TTC.

La société FREGAN ET MANAIG, Mme [M] [T] et de M. [I] [T] ont interjeté appel du jugement le 22 décembre 2020.

Par ordonnance du 14 octobre 2021 le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de M. [O] et de Mme [D] du 1er juillet 2021 au visa des l’article 909 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est en date du 1er décembre 2022.

Moyens

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans leurs écritures notifiées le 19 mars 2021 la société FREGAN ET MANAIG, Mme [M] [T] demandent à la cour de :

– Infirmer le jugement rendu par tribunal de Saint-Brieuc le 30 novembre 2020 en toutes ses dispositions et en ce qu’il a :

– Rejeté la demande de la société FREGAN ET MANAIG de déclarer nulle et de nul effet la cession portant sur le capital de la société JEAN BART MARINE conclue le 31 juillet 2013 entre M. [N] [O] et Mme [B] [D] et la société FREGAN ET MANAIG ;

– Dit qu’aucune irrégularité ou faute n’est imputable ni à M. [N] [O] ni à Mme [B] [D] ;

– Ecarté le grief d’une faute quasi-délictuelle commise par M. [N] [O] et Mme [B] [D] ;

– Constaté que la déconfiture de la SARL JEAN BART MARINE ne procède en aucune manière d’une quelconque responsabilité de M. [N] [O] et Mme [B] [D] ;

– Dit infondée la procédure engagée à rencontre M. [N] [O] et Mme [B] [D] – – Débouté la société FREGAN ET MANAIG et les époux [T] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– Condamné la société FREGAN ET MANAIG à verser à M. [N] [O] et Mme [B] [D] chacun, une somme de 10.000 euros à titre de dommage et intérêts ;

– Condamné la société FREGAN ET MANAIG à rembourser à M. [N] [O] et Mme [B] [D] la somme de 19.432 euros correspondant aux dépenses par eux engagées pour assurer la défense de leurs intérêts jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ;

– Condamné in solidum la société FREGAN ET MANAIG et les époux [T] à verser à M. [N] [O] et Mme [B] [D] chacun, une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné in solidum la société FREGAN ET MANAIG et les époux [T] aux entiers dépens Statuant à nouveau de tous ces chefs réformés

Vu les articles 1116 et suivants du code civil dans sa rédaction et numérotation antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en raison de la date de l’acte de cession de contrôle :

– Déclarer nulle et de nul effet la cession portant sur le capital de la société JEAN BART MARINE conclue le 31 juillet 2013 entre M. [N] [O] et Mme [B] [D] épouse [O] et la société FREGAN ET MANAIG avec toutes conséquences de droit,

En conséquence,

– Condamner M. [N] [O] et Mme [B] [D] à payer chacun à la société FREGAN ET MANAIG la somme de 101.790 euros somme majorée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêté du prix de cession en date du 31 octobre 2013,

– Condamner in solidum M. [N] [O] et Mme [B] [D] à payer à la société FREGAN ET MANAIG les sommes suivantes :

152.700 euros en remboursement des sommes apportées en pure perte à la société JEAN BART MARINE

30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier

30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

Lesdites sommes étant majorées des intérêts au taux légal à compter de l’assignation en date du 1 juillet 2016 valant mise en demeure jusqu’à parfait paiement

Vu les articles 1165 et 1382 du code civil dans sa rédaction et numérotation antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en raison de la date de l’acte de cession de contrôle

– Déclarer recevable et bien-fondé M. et Mme [T] en leur intervention volontaire

– Condamner M. [O] et Mme [D] à payer à M. et Mme [T] la somme de 34.647,88 euros à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter des présentes valant mise en demeure jusqu’à parfait paiement,

En toute hypothèse,

– Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 code civil

-Condamner in solidum M. [N] [O] et Mme [B] [D] à payer à la société FREGAN ET MANAIG la somme de 8.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner in solidum M. [N] [O] et Mme [B] [D] à payer à M. et Mme [T] la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [N] [O] et Mme [B] [D] aux entiers dépens, de première Instance et d’appel, lesquels incluront les frais d’expertise taxés à la somme de 20 560 euros.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

Motivation

DISCUSSION

Procédure

En raison de l’irrecevabilité des écritures des intimés, ces derniers sont réputés avoir adopté les motifs du jugement critiqué.

La cour n’examinera donc pas leurs pièces.

La nullité de la cession

Les appelants reprochent aux cessionnaires leur réticence dolosive en ayant fait une fausse déclaration sur le périmètre de l’activité de la société cédée, présenté des comptes sociaux inexacts ou incomplets alors que la société JEAN BART MARINE était dans une situation d’insolvabilité et en ne révélant pas des accords commerciaux dérogatoires et limités dans le temps.

Ils s’estiment victimes d’un dol qui justifierait l’annulation de la cession.

1) Le périmètre de l’activité du fonds cédé

Les appelants indiquent que l’acte du 31 juillet 2013 définit le périmètre de l’activité du fonds cédé en limitant depuis 5 ans les ventes aux vêtements et équipements marins alors que les ventes de matériel d’accastillage et de décoration se seraient poursuivis jusqu’en 2012, ce qui aurait faussé leur analyse du chiffre d’affaire qu’ils pensaient uniquement réalisé sur la base de la vente de vêtements.

L’acte de cession du 31 juillet 2013 précise :

Cette société est propriétaire et exploite un fonds de commerce de TOUTES FOURNITURES POUR LA NAVIGATION, LA PECHE, LA PLAISANCE ET TOUTES ACTIVITES ANNEXES, ACHAT VENTE LOCATION GARDIENNAGE ET ENTRETIEN DE TOUS BATEAUX DE PLAISANCE ET DE TOUS ACCESSOIRES, COMMERCE DE TOUS VETEMENTS DE PROTECTION ET EQUIPEMENTS MARINS (CIRES, BOTTES,PANTALONS, PULL OVERS, ETC ) , situé à l’adresse de son siège social.

Etant précisé que depuis cinq ans, seules sont exploitées les activités suivantes : COMMERCE DE TOUS VETEMENTS DE PROTECTION ET EQUIPEMENTS MARINS ( CIRES, BOTTES, PANTALONS, PULL OVERS, ETC ), ce dont le CESSIONNAIRE reconnaît avoir été informé préalablement aux présentes.

L’expert indique bien que les ventes d’accastillage sont quasi inexistantes de 2009 à 2012 et les ventes décoration passent de 186 210 euros en 2010 à 2 052 euros en 2011 et 3060 euros en 2012.

Il est donc établi que ces ventes n’ont pas cessé à compter de 2008.

Il convient de rappeler que les résultats les plus significatifs sont ceux de 2012 qui sont les plus proches de la vente.

L’acte de cession mentionne un chiffre d’affaire HT au 31 décembre 2010 de 492 821 euros, au 31 décembre 2011 de 280 467 euros et au 31 décembre 2012 de 362 049 euros.

Les cessionnaires ont été informés que ce chiffre d’affaire a subi une baisse de 212 354 euros entre 2010 et 2011.

Le fait qu’à la date de la cession litigieuse les locaux n’étaient pas aménagés qu’en surface de vente de vêtements ne leur permettait pas de savoir depuis combien de temps il en était ainsi.

La déclaration sur la date de cessation des ces activités complémentaires était donc erronnée.

Il n’est pas établi que cette erreur ait été volontaire dans la mesure où de toute façon l’activité en question avait cessé depuis l’incendie survenu en 2010 dont les acquéreurs avaient été complètement informés.

2) La présentation inexacte des comptes :

Les appelants font valoir que l’expert a relevé des anomalies dans la présentation des comptes sociaux 2012 et une dégradation de la rentabilité de la société influant sur la présentation du prévisionnel 2013.

. Le chiffre d’affaire prévisionnel :

L’expert précise que le chiffre d’affaire prévu pour 2013 établi par les cédants devait être en progression de 25,45 % pour atteindre 454 167 euros HT alors qu’une progression de 5 % aurait été plus raisonnable soit un prévisionnel réalisable entre 406 342 euros et 417 883 euros.

Pour autant l’expert ajoute que cette non réalisation du chiffre d’affaire prévu ne peut être imputé aux cédants dans la mesure où M. [O] (l’exploitant du fonds de commerce) n’a exploité que jusqu’au 31 juillet 2013 et en raison de la baisse des effectifs de vendeuses après la cession qui peut, peut-être expliquer une partie de la forte baisse du chiffre d’affaire sur la période d’août à décembre 2013.

En revanche en tenant compte des périodes de soldes au 31 juillet 2013 et du retrait de stock décoration, l’expert confirme que la marge retenue pour le prévisionnel 2013 de 44 % est cohérente au regard des années précédentes et des taux de marge constatés dans l’activité vente de vêtements.

. La rentabilité :

l’expert indique que l’apport financier à hauteur de 105 Ke est la conséquence d’éléments liés à l’activité jusqu’au 31 juillet 2013 :

– paiement d’indemnités de départ de deux salariées ;

– remboursement du compte courant de M. [O] ;

– augmentation du BFR du fait du règlement des dettes fournisseurs du 31 juillet 2013 ;

– capacité d’auto financement négative.

Il précise néanmoins que les indemnités de rupture conventionnelle et les remboursements de compte courant étaient prévus dans le protocole de cession du 16 juillet 2013.

Concernant la variation du BFR il ajoute qu’elle est due au règlement des achats restants dus au titre de la période du 1er janvier au 31 juillet 2013 et que la société JEAN BART MARINE se trouvait dans la même situation que l’exercice précédent compte tenu de l’activité saisonnière et du crédit accordé par des fournisseurs.

S’agissant de la capacité d’autofinancement négative, il l’explique par l’impact des deux périodes de soldes et par la charge exceptionnelle liée aux ruptures conventionnelles concernant les deux salariées.

Ces éléments étaient donc connus des cessionnaires.

. Les anomalies dans la présentation :

L’expert ajoute que le résultat de l’année 2011 a été sous-évalué de 29 330 euros car les indemnités d’assurance relatives à des charges comptabilisées en 2011 ont été comptabilisées en 2012. Inversement le résultat de l’année 2012 a donc été surévalué de 29 330 euros et la présentation a été améliorée par la comptabilisation des indemnités d’assurance (28 273 euros) couvrant des investissements qui sont passés en charges sur plusieurs exercices par voie d’amortissement.

Il en est de même pour l’enregistrement des factures fournisseurs pour la somme de 16 037 euros datées du 31 juillet 2013 qui n’ont pas été comptabilisées alors qu’elles auraient du l’être.

L’expert affirme que cette anomalie a un impact sur la présentation de la situation (postes fournisseur et charges d’avances sous évalués) mais n’a pas d’impact sur le calcul du BFR ni sur la marge commerciale.

Il n’est pas établi que ces anomalies aient été connues des vendeurs.

Il apparaît en outre que ces anomalies étaient peu significatives au vu du chiffre d’affaires et qu’elles n’ont pas pu induire en erreur les acquéreurs.

L’expert confirme aussi que la société a bénéficié d’un travail du gérant non rémunéré de 2011 jusqu’à la date de la cession le 31 juillet 2013 mais il ajoute que les cessionnaires ont eu connaissance du prévisionnel 2013 sur lequel la ligne rémunération est à 0.

3) L’état de cessation des paiements :

Les appelants font valoir qu’au jour de la cession du contrôle le 31 juillet 2013 la société JEAN BART MARINE se trouvait en état de cessation des paiements alors qu’il leur a été indiqué qu’elle n’avait pas cessé ses paiements envers ses créanciers et n’était pas insolvable (convention de garantie d’actif et de passif).

L’expert confirme que si le passif exigible (dont 32 Ke au titre des ruptures conventionnelles des deux salariées) pouvait paraître supérieur à l’actif disponible, la société JEAN BART MARINE disposait des autorisations de découvert (56 412 euros) lui permettant de faire face au passif. A la date de la cession, l’autorisation de découvert en question était encore en vigueur et n’a été résiliée que postérieurement.

Il en résulte qu’elle était en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et qu’elle ne se trouvait donc pas en état de cessation des paiements.

L’expert précise que la résiliation de l’autorisation de découvert du crédit agricole a été faite selon l’acte de cession signé le 31 juillet 2013 d’un commun accord entre les parties. En tout état de cause, il s’agit d’un évènement postérieur à la cession.

En outre il est acquis que les apports financiers de trésorerie réalisés à la suite de la cession s’expliquent en partie par une baisse de rentabilité due à une situation connue des nouveaux associés (paiement des indemnités de rupture conventionnelle des salariées, remboursement du compte courant d’associé de M. [O]).

Par ailleurs l’expert rappelle également que le chiffre d’affaires après le 31 juillet 2013, soit du 1er août 2013 au 31 décembre 2013 par rapport à la même période de l’exercice précédent est en baisse significative alors que les conditions d’exploitation sont les mêmes en termes de surface.

Il note sur ce point que les effectifs sont passés de 2012 à 2013, pour la période d’août à décembre (seule période comparable en termes de surfaces des boutiques et d’activité), de 4,73 à 3,13.

Cette modification dans l’organisation a nécessairement eu un impact sur la force de vente des deux boutiques. Mais cet élément de fait, postérieur à la cession, ne permet pas de caractériser une dissimulation dolosive à la date de la cession.

4) La dissimulation des accords commerciaux

Les appelants affirment que le cédant aurait déclaré que la société n’avait conclu aucun accord stipulant un délai pour l’établissement et le règlement d’un impôt d’une taxe ou d’une charge à payer et que tous les éléments relatifs aux contrats auxquels la société était partie avaient été communiqués alors que les accords avec la société SAINT JAMES et MAT DE MISAINE n’auraient pas fait l’objet d’une information.

Le protocole de cession mentionnait comme contrats liés à l’exploitation des contrats d’assistance téléphonique, de logiciel, de gaz, d’électricité, pages jaunes et orange, précisant qu’il n’existait entre la société et quelque personne que ce soit, aucun autre contrat écrit de direction, de représentation, de mandat commercial, de fournitures de services et de produits.

Sur ce point l’expert précise :

Les accords commerciaux avec les fournisseurs SAINT JAMES et MAT DE MISAINE sont les suivants :

– Retour pour le fournisseur SAINT JAMES de la totalité des invendus et réglement des achats en fonction des ventes effectuées. Cet accord dérogatoire, accordé du fait du sinistre était conclu jusqu’en 2013 (dernier retour de la totalité des invendus sur la collection hiver 2013)

– Taux de retour de 15 % sur le fournisseur MAT DE MISAINEsur les années 2012 et 2013. Ce taux était de 5 % en 2011. En 2014 il est revenu à 10 %.

Les accords spécifiques avec le fournisseur SAINT JAMES se sont poursuivis sur l’exercice 2013 comme cela était prévu. En ce qui concerne le fournisseur MAT DE MISAINE, il n’a pas répondu à mon courrier du 3 décembre 2018 dans lequel je lui demandais de m’indiquer les raisons de la baisse du taux de retour de 15 à 10 % après l’année 2013.

Lors de la réunion du 19 novembre 2018, Madame [D] a souhaité préciser que le taux de retour de 15 % pour MAT DE MISAINE n’était pas lié, comme pour le fournisseur SAINT JAMES, au sinistre mais aux négociations qu’elle menait avec ce fournisseur. Ce taux de retour de 15% avait pour contrepartie, un volume d’achat et des mises en avant des produits MAT DE MISAINE.

Madame [D] a également précisé qu’elle a échangé sur ces sujets avec Madame [T] qui a pu avoir accès au dossier des fournisseurs entre le 16 juillet 2013, date de signature du protocole, et la date de cession du 31 juillet 2013. En effet, Madame [T] afin de se familiariser avec l’activité était présente dans l’entreprise (présence dans les boutiques et au service comptabilité). Madame [T] confirme sa présence mais indique qu’elle n’a pas eu accès au dossier des fournisseurs et qu’elle n’a eu connaissance des accords particuliers qu’après la cession.

En conclusion, aucune information concernant les accords particuliers avec le fournisseur SAINT JAMES et MAT DE MISAINE n’a été mentionnée dans le protocole d’accord et les acquéreurs et cédants ne mentionnent pas dans la liste des informations communiquée d’informations relatives aux conditions commerciales particulières.

Sur la base de ces éléments, il apparaît que les conditions commerciales des fournisseurs SAINT JAMES et MAT DE MISAINE n’étaient pas connues des acquéreurs avant la signature du protocole.

Il apparait qu’aucun contrat écrit n’était formalisé avec les fournisseurs SAINT JAMES et MAT MISAINE. La déclaration des cédants ne mentionnant pas l’existence de contrats de fourniture passés avec ces fournisseurs par écrit correspondait donc à la réalité.

En outre, l’expert n’a pas été en mesure de chiffrer avec exactitude les bénéfices résultant de l’engagement, certes passé par écrit, de ces fournisseurs d’accorder des conditions de reprises. Il n’est pas justifié que ces conditions de reprises des invendus aient été différentes de celles accordées habituellement en la matière par les fournisseurs d’habillement.

En tout état de cause les cessionnaires n’étaient pas novices dans l’acquisition de sociétés puisque Mme [T] avait déjà exploité un restaurant et une affaire de taxi.

Ils auraient pu réclamer des précisions aux cédants sur les conditions d’approvisionnement des maisons SAINT JAMES et MAT DE MISAINE, marques emblématiques du fonds de commerce, celles qui attirent le chaland.

Les acquéreurs avaient pu obtenir une bonne connaissance de la situation de la société. Même s’ils n’avaient pas été complètement informés de la date de cession de l’activité de vente de décoration et produits d’acquastillage, ils avaient connaissance exacte de ce que depuis plusieurs années, au moins trois ans, ces activités avaient été abandonnées. Ils n’ont pas pu se méprendre sur la grande difficulté de revenir à un chiffre d’affaires qui correspondait à l’adjonction d’une telle activité.

Si leur information sur les conditions de la fourniture par les maisons SAINT JAMES et MAT DE MISAINE n’était pas complète, il ne pouvait ignorer qu’aucun accord écrit, établi dans la durée, n’avait été passé avec ces fournisseurs et que les conditions d’achat étaient donc susceptibles d’évoluer.

Il n’est pas établi que les quelques informations incomplètes dont ils ont disposé aient résulter d’une réticence consciente de la part des vendeurs. Il n’est pas non plus établi que, si des informations plus complètes sur ces quelques points leur avaient été communiquées, ils n’auraient pas contracté ou l’auraient fait à des conditions différentes.

La société FREGAN ET MANAIG, Mme [M] [T] et de M. [I] [T] n’établissent pas qu’ils auraient été victimes de dol.

Le jugement du tribunal de commerce est confirmé de ce chef.

La condamnation de la société FREGAN et MANAIG à verser à M [O] et Mme [D] à chacune la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts

Le tribunal ne motive pas sa condamnation à ce titre.

10

En outre il n’est pas établi que la société FREGAN ET MANAIG, Mme [M] [T] et de M. [I] [T] aient introduit la procédure dans un autre but que de faire valoir leurs droits.

Il convient d’infirmer le jugement de ce chef.

La condamnation de la société FREGAN ET MANAIG à rembourser à M. [O] et Mme [D] la somme de 19.432 euros correspondant aux dépenses par eux engagées pour assurer la défense de leurs intérêts jusqu’au dépôt du rapport d’expertise :

Ces frais sont compris dans les sommes accordées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dans les dépens.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la condamnation de la société FREGAN ET MANAIG, Mme [M] [T] et de M. [I] [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Il n’est pas établi que ces condamnations ne seraient pas justifiées.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Les demandes annexes

La société FREGAN ET MANAIG, Mme [M] [T] et de M. [I] [T] sont condamnés aux dépens d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour :

– Infirme le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a :

– Condamné la société FREGAN ET MANAIG à verser à M. [N] [O] et Mme [B] [D] chacun, une somme de 10.000 euros à titre de dommage et intérêts ;

– Condamné la société FREGAN ET MANAIG à rembourser à M. [N] [O] et Mme [B] [D] la somme de 19.432 euros correspondant aux dépenses par eux engagées pour assurer la défense de leurs intérêts jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ;

– Confirme le jugement du tribunal de commerce pour le surplus

Y Ajoutant :

– Rejette les autres demandes des parties,

– Condamne la société FREGAN ET MANAIG, Mme [M] [T] et de M. [I] [T] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

 


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