Comptes courants d’associés : 4 avril 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/00087

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Comptes courants d’associés : 4 avril 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/00087

4 avril 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG
22/00087

2ème Chambre

ARRET N°156

FV/KP

N° RG 22/00087 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GOLA

S.A. BNP PARIBAS

C/

[M]

[Adresse 8]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 04 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00087 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GOLA

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 décembre 2021 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de POITIERS.

APPELANTE :

S.A. BNP PARIBAS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 5]

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas GILLET de la SELARL MADY-GILLET-BRIAND-PETILLION, avocat au barreau de POITIERS

INTIMES :

Madame [D] [M]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Ayant pour avocat plaidant Me Hervé PIELBERG de la SCP KPL AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS.

Monsieur [W] [K]

né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Ayant pour avocat plaidant Me Hervé PIELBERG de la SCP KPL AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

EXPOSE DU LITIGE

La SARL NOS ANGES GOURMANDS, constituée par Madame [D] [M], gérante, et Monsieur [W] [K], a été immatriculée le 15 octobre 2013 et a ouvert un compte dans les livres de BNP PARIBAS n°00357-103145-81 pour les besoins de son activité.

Par acte sous seing privé en date du 28 novembre 2013, la SA BNP PARIBAS a accordé à la SARL NOS ANGES GOURMANDS un prêt professionnel global de 160.000 € destiné au financement de l’acquisition du droit au bail d’un fonds de commerce, se décomposant comme suit :

27.000 € remboursable sur une période de 84 mois, moyennant un taux d’intérêt nominal de 2,75 % l’an soit un taux effectif global de 4,25 % l’an ;

133.000 € remboursable sur une période de 82 mois, moyennant un taux d’intérêt nominal de 2,75 % l’an soit un taux effectif global de 4,10 % l’an ;

En garantie du remboursement de ce prêt, Madame [D] [M] et Monsieur [W] [K] se sont portés cautions solidaires, à concurrence de 32 % du montant de l’encours du prêt, ceci, dans la limite de la somme de 58.880 €.

Par acte sous seing privé en date du 15 janvier 2015, Madame [D] [M] s’est également portée caution de tous les engagements de la SARL NOS ANGES GOURMANDS dans la limite de 6.000 €, pour une durée de 10 ans.

Par jugement daté du 08 décembre 2015, le tribunal de commerce de Poitiers a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l’égard de la SARL NOS ANGES GOURMANDS et désigné Maître [E] en qualité de liquidateur.

Par lettre recommandée datée du 05 janvier 2016, la SA BNP PARIBAS a déclaré ses créances entre les mains de Maître [E], ès qualité de liquidateur de la SARL NOS ANGES GOURMANDS ainsi qu’il suit :

A titre chirographaire au titre du solde débiteur de compte de dépôt à hauteur de la somme de 5.331,35 € ;

A titre privilégié au titre des deux tranches du prêt pour les sommes respectives en principal et intérêts arrêtés au jour du jugement d’ouverture de 121.788,92 € ;

Le 21 février 2017, un certificat d’irrécouvrabilité a été émis par Me [E] et la clôture de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée a été prononcée.

Par exploit en date du 21 février 2017, la BNP PARIBAS a saisi le tribunal de commerce de Poitiers afin d’obtenir la condamnation de Madame [D] [M] et Monsieur [W] [K] à payer les sommes dues en exécution de leurs engagements de caution respectifs.

Par jugement en date du 13 décembre 2021, la juridiction saisie a statué ainsi :

– Dit et juge nuls et de nuls effets les cautionnements souscrits par Madame [D] [M] et Monsieur [W] [K] au profit de BNP PARIBAS ;

– Rejette la demande de nullité des consorts [M] / [K] portant sur le TEG du prêt professionnel conclu par acte sous seing privé en date du 28 novembre 2013 ;

– Constate la disproportion des cautionnements contractés par Monsieur [W] [K] et Madame [D] [M] au profit de BNP PARIBAS, et en conséquence dit et juge que BNP PARIBAS ne peut s’en prévaloir ;

– Déboute BNP PARIBAS de l’intégralité de ses autres demandes ;

– Prononce la déchéance totale des intérêts et pénalités de retard dont BNP PARIBAS sollicite le paiement ;

– Condamne BNP PARIBAS à verser à Madame [D] [M] et à Monsieur [W] [K] la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d’instance, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 88,92 € TTC ;

– Ordonne l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toute voie de recours et sans caution.

Par déclaration au greffe en date du 12 janvier 2022, la SA BNP PARIBAS a fait appel de cette décision en visant ses chefs expressément critiqués.

Moyens

La SA BNP PARIBAS, par dernières conclusions RPVA du11 octobre 2022 demande à la cour de :

Vu le bordereau annexé aux présentes des pièces fondant les prétentions de BNP PARIBAS par application des dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile,

– Infirmer le jugement rendu le 13 décembre 2021 par le Tribunal de commerce de Poitiers en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a refusé d’annuler la stipulation d’intérêts au titre du TEG afférent au prêt du 28 novembre 2013,

Et statuant à nouveau,

– Déclarer recevable et bien fondée BNP PARIBAS en ses demandes,

– Condamner solidairement Monsieur [W] [K] et Madame [D] [M], ès-qualité de caution, à lui payer les sommes suivantes :

Prêt n° 00357-622643-86 (tranche 1) d’un montant de 27.000 € à l’origine consenti suivant acte en date du 28 novembre 2013 :

* 6 457,82 € correspondant à 32 % de la créance en capital (32 % x 20.180,69 € somme déclarée à la liquidation judiciaire de la SARL NOS ANGES GOURMANDS) outre les intérêts au taux conventionnel à échoir de 5,75 %, arrêtés au 07 février 2017 pour une somme de 434,40 €, outre, pour mémoire, les intérêts postérieurs jusqu’à parfait paiement sur 32 % du capital (6 457,82€) au taux conventionnel à échoir de 5,75 %, et ce, dans la limite de leur engagement de caution,

Prêt n° 000357-622644-83 (tranche 2) d’un montant de 133.000 € à l’origine consenti suivant acte en date du 28 novembre 2013 :

* 32 514,63 € correspondant à 32 % de la créance en capital (32 % x 101.279,42 € somme déclarée à la liquidation judiciaire de la SARL NOS ANGES GOURMANDS) outre 2.187,16€ au titre des intérêts au taux conventionnel à échoir de 5,75 %, arrêtés au 07 février 2017 et pour mémoire, les intérêts postérieurs jusqu’à parfait paiement sur 32 % du capital (32 514,63 €) au taux conventionnel de 5,75 %, et ce, dans la limite de leur engagement de caution,

– Condamner Madame [D] [M] à lui payer, ès-qualité de caution, les sommes suivantes :

Au titre du compte de dépôt n° 00357-103145-81 ;

* 5 345,29 € solde débiteur compte courant et intérêts arrêtés au 07 février 2017 outre, pour mémoire, les intérêts postérieurs au taux légal jusqu’à parfait paiement sur la somme de 5 331,35€ déclarée à la liquidation judiciaire de la SARL NOS ANGES GOURMANDS, et ce, dans la limite de son engagement de caution,

Vu l’article L. 312-2 du Code la consommation,

Vu l’article 1907 du Code Civil,

Vu l’article 122 du Code de procédure civile,

– Dire et juger irrecevable et en tout cas mal fondée la demande de Madame [M] et de Monsieur [K] tendant à faire prononcer la nullité du TEG du prêt litigieux,

Vu les articles L. 333-1 et L. 343-5 du Code de la consommation,

– Débouter Madame [M] et Monsieur [K] de leurs prétentions formées à ce titre,

Vu les articles 1108 et suivants anciens du Code Civil,

– Débouter Madame [M] et Monsieur [K] de leur demande tendant à faire prononcer la nullité de leurs engagements de caution,

Vu l’article L. 341-4 du Code de la consommation devenu l’article L. 332-1 du même Code,

– Débouter Madame [M] et Monsieur [K] de leur demande tendant à faire déclarer inopposable à BNP PARIBAS leurs engagements de caution,

Vu l’article 1147 ancien du Code Civil,

– Débouter Madame [M] et Monsieur [K] de leur demande visant à faire consacrer la responsabilité civile de BNP PARIBAS,

– Plus généralement, débouter Madame [M] et Monsieur [K] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre BNP PARIBAS,

– Condamner Monsieur [W] [K] et Madame [D] [M], chacun, à payer à BNP PARIBAS la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile pour a procédure d’appel,

– Dire et juger que tous intérêts échus depuis un an en produiront eux-mêmes, conformément à l’article 1154 ancien du Code civil,

– Condamner solidairement Monsieur [W] [K] et Madame [D] [M] en tous les frais et dépens tant de 1ère instance que d’appel dont distraction au profit de la SELARL MADY GILLET BRIAND PETILLON, avocat qui pourra les recouvrer dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Madame [D] [M] et Monsieur [W] [K], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 12 juillet 2022, demandent à la cour de :

– Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

Dit et jugé nuls et de nuls effets les cautionnements souscrits par Madame [D] [M] et Monsieur [W] [K] au profit de BNP PARIBAS.

Constaté la disproportion des cautionnements contractés par Monsieur [W] [K] et Madame [D] [M] au profit de BNP PARIBAS et en conséquence dit et jugé que BNP PARIBAS ne pouvait s’en prévaloir

Débouté BNP PARIBAS de l’intégralité de ses demandes,

Prononcé la déchéance totale des intérêts et pénalités de retard dont BNP PARIBAS sollicite le paiement

Retenu que BNP PARIBAS avait commis une faute

Condamné BNP PARIBAS à verser à Madame [D] [M] et à Monsieur [W] [K] la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens d’instance, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 88,92 € TTC

Pour le surplus,

– Réformer la décision entreprise en ce qu’elle a :

Rejeté la demande de nullité des consorts [M]/[K] portant sur le TEG du prêt professionnel conclu par acte sous seing privé en date du 28 novembre 2013,

Alloué à Madame [D] [M] et Monsieur [W] [K] une somme limitée à 5.000 € à titre de dommages-intérêts,

Et statuant à nouveau,

– Dire et juger nul le TEG du prêt professionnel conclu par acte sous seing privé en date du 28 novembre 2013,

– Condamner BNP PARIBAS à verser à Monsieur [W] [K] la somme de 65.000 € à titre de dommages-intérêts et à verser à Madame [D] [M] la somme de 71.000 € à titre de dommages-intérêts,

– Ordonner la compensation entre les éventuelles créances réciproques des parties,

En tout état de cause,

– Dire et juger nuls et de nuls effets les cautionnements souscrits par Madame [D] [M] et Monsieur [W] [K] au profit de BNP PARIBAS,

– Dire et juger nul le TEG du prêt professionnel conclu par acte sous seing privé en date du 28 novembre 2013,

– Constater la disproportion des cautionnements contractés par Monsieur [W] [K] et Madame [D] [M] au profit de BNP PARIBAS, et en conséquence dire et juger que BNP PARIBAS ne peut s’en prévaloir,

– Débouter BNP PARIBAS de l’intégralité de ses demandes,

– Dire et juger que dans l’hypothèse d’une condamnation, les consorts [K] et [M] ne sauraient être condamnés solidairement à une somme supé-rieure à 36.318,82 €.

– Prononcer la déchéance totale des intérêts et pénalités de retard dont la BNP PARIBAS sollicite le paiement, à compter du 28 novembre 2015,

– Condamner BNP PARIBAS à verser à Madame [D] [M] la somme de 71.000€ à titre de dommages-intérêts et à M. [W] [K] la somme de 65.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des fautes commises par BNP PARIBAS, et dire que cette somme viendra en compensation avec les sommes éventuellement mises à leur charge,

Y ajoutant,

– Condamner BNP PARIBAS à verser à Madame [D] [M] et à Monsieur [W] [K] la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux entiers dépens d’instance.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée suivant ordonnance datée du 02 janvier 2023 pour être plaidée à l’audience du 30 janvier 2023, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la disproportion des engagements de caution

1. L’article L.341-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, devenu articles L.332-1 et L.343-4 du même code, dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Au sens de ces dispositions, la disproportion s’apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance, y compris l’endettement résultant d’autres engagements de caution.

2. En application des précisions apportées par la jurisprudence quant aux conditions de mise en oeuvre de l’article susvisé, il appartient à la caution de démontrer la disproportion alléguée au jour de la conclusion de son engagement.

Cependant, il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, soit au jour où la caution est assignée, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

3. La disproportion doit s’apprécier en fonction de tous les éléments du patrimoine de la caution, actifs comme passifs, tant en ce qui concerne les biens propres que les biens communs, en prenant en considération l’endettement global de la caution y compris celui résultant d’engagements de caution, et l’actif constitué par les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d’associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée, mais pas au regard des revenus escomptés de l’obligation garantie et, pour l’appréciation du patrimoine, le créancier peut se contenter de la déclaration effectuée dont il n’est pas tenu de vérifier l’exactitude en l’absence d’anomalies apparentes. En outre, la disproportion du cautionnement s’apprécie en prenant en considération l’endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs.

4. La disproportion du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu’elle s’engage, dans l’impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus et la jurisprudence considère qu’il y a disproportion manifeste dès lors que l’engagement de la caution, même modeste, est de nature à la priver du minimum vital nécessaire à ses besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge.

5. A titre liminaire, la cour rappelle que dès lors que chacune des deux cautions solidaires, qui vivaient en concubinage, peut se voir réclamer le paiement intégral de la dette, la cour rappelle que le caractère manifestement disproportionné de l’engagement des cautions s’apprécie au regard des revenus et du patrimoine de chacune d’entre elles.

6. Il convient donc d’examiner successivement leur situation à la date de souscription de l’engagement et, dans l’hypothèse d’une disproportion manifeste, d’apprécier si leur patrimoine et leurs revenus permettaient d’y faire face à la date à laquelle ils ont été appelés.

– Sur la proportionnalité de l’engagement à la date de la souscription

7. La BNP PARIBAS fait valoir que la déclaration de situation patrimoniale a été établie le 13 août 2013 en vue de la conclusion de l’acte de prêt et de cautionnement du 28 novembre 2013, soit, le délai normal d’instruction d’un prêt et que dans ce laps de temps, aucun autre engagement n’a été souscrit par Mme [M] ou par M. [K] de sorte, qu’en l’absence d’anomalies apparentes, elle était fondée à se prévaloir de cette fiche de renseignement.

Ainsi, indique le prêteur, il n’était à aucun titre, sur le principe même, tenu de solliciter l’établissement d’une nouvelle fiche de déclaration de situation patrimoniale et en cas de changement, il revenait aux cautions de le lui signaler.

8. Les intimés objectent que contrairement à ce que soutient la BNP PARIBAS, les éléments fournis dans la fiche de renseignements étaient sincères et véritables au 13 août 2013 mais que, toutefois, le prêteur n’a pas actualisé cette situation, et ce, alors même que leur situation avait nécessairement évolué, la société NOS ANGES GOURMANDS n’étant pas créée à la date de rédaction de cette fiche.

9. La cour rappelle qu’en l’absence d’anomalies apparentes, si une banque est fondée à se prévaloir d’une fiche de renseignement établie pour les besoins de l’octroi d’un prêt et la souscription d’engagements de caution qu’elle aurait établie trois mois avant ledit prêt et lesdites sûretés, il n’en demeure pas mois que ce prêteur ne peut se prévaloir de cette même fiche pour les besoins d’un cautionnement tous engagements qu’elle sollicite près d’un an et demi plus tard.

10. La cour précise encore que les cautions qui doivent apporter la preuve de la disproportion manifeste de leur engagement au moment où ils l’ont souscrit restent recevables à produire des éléments qui, sans être contraires aux renseignements portés dans ladite fiche, viennent préciser l’état de leurs ressources et charges, dès lors qu’au moment de leur engagement, la banque en avait connaissance.

11. En l’absence de fiche valide sur laquelle s’appuyer, la preuve de cette disproportion est librement apportée par la caution.

S’agissant de Mme [M]

Concernant l’engagement de caution du 28 novembre 2013

12. La cour se réfère expressément au questionnaire du 13 août 2013 dont il ressort que Mme [M], qui a un enfant de 9 ans avec M. [K] avec qui elle vit en union libre, dispose :

– de revenus annuels de 25.320 € composés de revenus annuels de 22.800 € (il est à noter que l’intéressée se déclare sans emploi à compter du 1er août 2013), auxquels s’ajoutent des revenus locatifs et fonciers annuels de 2.520 € (5.040 € / 2). Mme [M] doit faire face avec ces revenus à une charge annuelle d’emprunts de 4.747,56 € (1920 € pour un crédit auto BFM+ 2.827,56 € au titre du prêt immobilier), soit un boni net de 20.572,44 € ;

– son actif patrimonial est déclaré à hauteur de 107.814,40 € (compte épargne de 44.000 € + valeurs mobilières de 5.000 € outre 10.764,40 €, soit un total de 15.764,40 € + un patrimoine immobilier estimé par la caution à 90.000 €, détenu pour moitié avec sa soeur, soit 45.000 €) duquel il convient de retrancher le montant des prêts en cours, représentant la somme de 47.618,75€ (38.285,75 € pour le prêt immobilier [76.571,50 €/2] + 9.333 €), ce qui laisse subsister en sa faveur un patrimoine net de prêts de 60.195,65 €.

13. La cour précise qu’en l’absence d’éléments supplémentaires produits aux débats, elle estime que la preuve de l’existence d’un compte courant de Mme [M] à hauteur de 34.000 € n’est pas rapportée dès lors que la mention manuscrite attestant du blocage d’un tel compte au bénéfice de la SARL NOS ANGES GOURMANDS ne peut lui être attribuée avec certitudes. En effet, sous cette mention reproduite à deux reprises, seuls figurent les nom et prénom de M. [K], suivis de sa signature.

14. Au titre de ses engagement de caution et/ou d’aval, il résulte encore des pièces produites que :

– ceux-ci sont inexistants mais doivent être portés à la somme de 58.880 € correspondant au cautionnement litigieux, cette somme devant être retenue intégralement sans qu’il y ait lieu de rechercher si elle a été effectivement mobilisée ;

15. Il ressort des éléments qui précèdent qu’à la date de son engagement de caution, le 28 novembre 2013, et le patrimoine net et les ressources nettes de Mme [M], lui permettaient de faire face à l’ensemble des engagements sans le priver du minimum vital nécessaire à ses besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge.

Concernant l’engagement de caution du 15 janvier 2015

16. L’appelante ne conclut pas sur ce point.

17. Mme [M] indique qu’au 15 janvier 2015, son patrimoine net revêtait une valeur négative.

18. La cour rappelle que cet engagement a été recueilli sans réaliser une nouvelle fiche de renseignements de sorte que Mme [M] peut faire librement la démonstration de sa disproportion.

19. Il ressort des éléments produits aux débats que la situation de cette caution peut être établie ainsi qu’il suit :

– revenus annuels de 14.670 € auxquels s’ajoutent des revenus locatifs et fonciers annuels de 2.520 € (5.040 € / 2) tandis qu’elle devait faire face avec ces revenus à une charge annuelle d’emprunts de 2.827,56 € au titre du prêt immobilier, soit un boni net de 14.362,44 € ;

– actif patrimonial est déclaré à hauteur de 45.100 € (patrimoine immobilier estimé par la caution à 80.000 € détenu pour moitié avec sa soeur, soit 40.000 € + des parts sociales de société à hauteur de 5.100 €) dont il convient de retrancher le montant des prêts en cours, représentant la somme de 32.622,77 € pour le prêt immobilier (71.245,54 € d’encours /2), soit un patrimoine net de prêts de 12.477,23 €.

– engagements de caution et aval, la somme de 64.880 € en incluant le cautionnement litigieux pour 6.000 € et tenant compte de l’engagement du 13 novembre 2013 à hauteur de 58.880 € qui doit être retenu intégralement sans qu’il y ait lieu de rechercher s’ils ont été effectivement mobilisés.

20. Au regard des éléments qui précèdent, la cour indique qu’à la date de l’engagement du 15 janvier 2015, ni le patrimoine net, ni les ressources nettes, ne permettaient à Mme [M] de faire face à l’ensemble des engagements sans le priver du minimum vital nécessaire à ses besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge.

S’agissant de M. [K]

21. Ici encore, la cour se réfère expressément au questionnaire du 13 août 2013 dont il ressort que Mme [K], qui a un enfant de 9 ans avec Mme [M] avec qui il vit en union libre, dispose :

– de revenus annuels de 28.680 € composés de 25.680 € de traitement de militaire de la gendarmerie nationale outre 3.000 € de ‘pension alimentaire’ et doit faire face à des charges d’emprunt à hauteur de 3.769 € (prêt automobile à hauteur de 2.664 € + 1105 € de prêt à la consommation), ce qui représente un boni net de 24.911 € ;

– d’un patrimoine inexistant, dès lors la mention du blocage de son compte courant à concurrence de 34.000 € dans les livres de la SARL NOS ANGES GOURMANDS ne permet pas, en l’absence d’éléments de preuve supplémentaires, de déterminer que cette somme était bien en possession de M. [K] au moment de l’engagement ;

– engagements de caution et aval inexistants mais devant être portée à la somme de 58.880 € correspondant au cautionnement litigieux et devant être retenu intégralement sans qu’il y ait lieu de rechercher s’ils ont été effectivement mobilisés ;

22. Il ressort des éléments qui précèdent qu’à la date de l’engagement du 28 novembre 2013, ni le patrimoine net, ni les ressources nettes, ne permettaient à M. [K] de faire face à l’ensemble des engagements sans le priver du minimum vital nécessaire à ses besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge.

23. Au regard de l’ensemble des constatations de la cour, il appartient désormais à la BNP PARIBAS qui entend se prévaloir respectivement, de l’engagement de caution de Mme [M] en date du 15 janvier 2015 et de M. [K], en date du 28 novembre 2013, de démontrer qu’à la date de l’assignation du 21 février 2017, le patrimoine de la caution, net des dettes existantes et y compris postérieures au cautionnement, permettait de faire face à cette obligation.

– Sur la capacité des cautions à faire face à son engagement à la date où elles ont été appelées

24. Sur point l’appelante ne conclut pas à l’instar des intimés.

25. La BNP PARIBAS n’apportant pas la preuve qu’il lui incombe de démontrer qu’à la date du 21 février 2017, date de l’assignation, Mme [M] et M. [K] pouvaient respectivement répondre des cautionnements disproportionnés des 15 janvier 2015 et 28 novembre 2013, elle ne pourra se prévaloir desdits cautionnements.

Sur la nullité de l’engagement de caution de Mme [M] en date du 28 novembre 2013

26. Selon l’article 1109 du Code civil applicable à la cause, devenu l’article 1130, Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

L’article 1110 du même code, désormais codifiés aux articles 1132 et 1134 du Code civil, dispose que :

‘L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.

Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.’

27. La BNP PARIBAS fait valoir qu’il ne ressort en aucun cas de l’argumentation des cautions que leurs consentements respectifs auraient été affectés d’une erreur au moment de la conclusion des deux actes de cautionnement garantissant le prêt sous seing privé.

Elle rappelle en outre qu’il est de jurisprudence constante que la seule appréciation erronée par la caution des risques que lui faisait courir son engagement ne constitue pas une erreur sur la substance de nature à vicier son consentement et que dans l’hypothèse où l’existence d’une erreur serait retenue, encore faut-il qu’elle soit déterminante du consentement respectif des deux cautions, ce qui n’est ni allégué ou justifié en l’espèce.

28. Les intimés répliquent qu’ils se sont engagés en qualité de caution de la SARL NOS ANGES GOURMANDS au sein du même acte de prêt régularisé le 28 novembre 2013 et expliquent qu’en l’absence d’engagement de l’une des cautions, l’autre n’aurait donc pas contracté et inversement et ce d’autant plus que ces derniers vivent en union libre.

Mme [M] et M. [K] expliquent, consécutivement, que chacune des cautions avait fait de la souscription d’un autre cautionnement une condition déterminante de son propre engagement et que dès lors que l’un des engagements de caution est qualifié de disproportionné, empêchant le prêteur de s’en prévaloir, alors l’autre cautionnement est nécessairement affecté de nullité.

29. La cour rappelle que la demande de nullité d’un acte de cautionnement doit nécessairement se fonder, au regard des textes visés, sur un vice du consentement. Or, aucun vice du consentement n’est allégué. Dès lors, la disproportion constatée par la cour en ce qui concerne M. [K] lors de la souscription de son engagement de caution du 28 novembre 2013, n’a aucune incidence sur celui recueilli au même acte par le prêteur en ce qui concerne M. [M].

30. La décision sera infirmée de ce chef.

Sur les sommes réclamées au titre de l’engagement de caution de Mme [M] du 28 novembre 2013

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

En raison des erreurs affectant le taux effectif gobal

31. Il résulte des dispositions de l’article 1907 du Code civil que l’intérêt est légal ou conventionnel. L’intérêt légal est fixé par la loi. L’intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas. Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit.

32. Selon l’article L. 313-1 du Code de la consommation que :

‘Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, pour l’application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.

Pour les contrats de crédit entrant dans le champ d’application du chapitre Ier du présent titre, le taux effectif global, qui est dénommé « Taux annuel effectif global », ne comprend pas les frais d’acte notarié.

En outre, pour les prêts qui font l’objet d’un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l’amortissement de la créance.’

33. Il en est déduit qu’entrent ainsi dans l’assiette du TEG, l’ensemble des frais obligatoires c’est à dire conditionnant l’octroi du prêt, dès lors qu’ils sont connus ou déterminables avant la conclusion du prêt.

34. La BNP PARIBAS fait valoir que la contestation du TEG demeurait impossible dès lors que, par application de la théorie des coobligés, l’admission de la créance au passif du débiteur principal a autorité de la chose jugée à l’égard des cautions sauf si celles-ci contestent l’état des créances dans le délai de dix jours qui leur est imparti à compter de sa publication au BODACC.

35. Les intimés exposent qu’en l’absence de TEG, ou la présence d’un TEG erroné, la sanction est l’impossibilité pour l’établissement prêteur de solliciter le paiement par l’emprunteur des intérêts au taux conventionnel.

36. La cour relève qu’en page 7 de l’acte, au sein du chapitre dédié aux ‘CONDITIONS FINANCIÈRES’, est inséré un article dénommé ‘Taux Effectif Global’ aux termes duquel, la méthode de calcul, aussi bien de la tranche 1 que de la tranche 2 du prêt est explicité en vue de se conformer aux dispositions de l’article L. 313-1 du Code de la consommation susmentionné.

37. Le TEG étant déterminable, ses règles de calcul étant exposées par écrit et conformes aux dispositions des articles R. 313-1 et suivants du Code de la consommation aucun grief ne peut être adressé à la banque sur ce point.

38. La décision entreprise sera réformée.

Pour défaut d’information de la caution

39. L’article L. 341-1 du Code de la consommation dispose que sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

40. En application de cette disposition, il incombe à l’établissement de crédit de démontrer par tous moyens qu’il a effectivement adressé à la caution l’information requise mais il n’a pas à établir que celle-ci l’a effectivement reçue. Cette information doit être donnée jusqu’à l’extinction de l’obligation garantie par le cautionnement. En outre, la déchéance du droit aux intérêts ne vaut que pour les intérêts conventionnels, et non pour les intérêts au taux légal.

41. L’appelante fait valoir, en premier lieu, que les dispositions en cause ne sont pas applicables au présent litige dès lors qu’il n’a jamais existé d’incident de paiement non régularisé. En second lieu, qu’il conviendrait de se reporter à la date des deux dernières échéances impayées, à savoir, celles du 28 octobre 2015, pour appliquer à compter du 28 décembre 2015, le taux d’intérêts légal, et ce, jusqu’au 05 janvier 2016, date de la mise en demeure adressée aux cautions d’avoir à exécuter leur engagement.

42. Les intimés répliquent que ce sont bien les intérêts échus à compter de du 28 novembre 2015 et non pas le 28 décembre de la même année qui font courir le délai et que la mise en demeure du 05 janvier 2016 ne vaut pas information de l’incident de paiement de sorte que ce délai continue à courir.

43. La cour observe, au regard des éléments produits aux débats, que le défaut d’information de la défaillance du débiteur principal ne peut être imputé à la banque que pour le délai courant du 28 décembre 2015 au 05 janvier 2016.

42. Cependant, ainsi que l’intimé le soutient à bon droit, les sommes restant dues au titre du prêt, ne serait-ce qu’en capital, excèdent largement le montant de l’engagement de Mme [M] et au regard du tableau d’amortissement produit, même en déduisant pour les sept jours en cause, les intérêts au taux conventionnels de 2,75% pour les deux tranches de prêts, la somme restant due est très supérieur au montant du cautionnement souscrit à hauteur de 58.800 €.

43. La déchéance du droit aux intérêts encourue du 28 décembre 2015 au 05 janvier 2016 est donc sans incidence concrète sur les sommes dues par Mme [M].

44. Le jugement sera néanmoins réformé en ce qu’il a prononcé la déchéance totale de la BNP PARIBAS de son droit aux intérêts et pénalités (non réclamées en l’espèce pour ces dernières).

Sur les sommes dues par la caution

45. Au regard des règles précédemment dégagées (absence de décompte tenant compte de la déchéance du droit à intérêt), des tableaux d’amortissement et des déclarations de créances produits aux débats, la cour est en mesure d’arrêter la créance du prêteur ainsi qu’il suit :

– s’agissant du Prêt n° 00357-622643-86 (tranche 1) d’un montant de 27.000 € à l’origine consenti suivant acte en date du 28 novembre 2013 ; 20.115,38 € de capital restant dû outre intérêts conventionnels à échoir de 5,75% à compter du 05 janvier 2016 ;

– concernant le Prêt n° 00357-622644-83 (tranche 2) d’un montant de 133.000 € à l’origine consenti suivant acte en date du 28 novembre 2013 ; 101.279,42 € au titre du captal restant dû, assorti des intérêts conventionnels à échoir de 5,75% à compter du 05 janvier 2016 ;

46. Mme [M] s’étant engagée, aux termes des actes de prêt à garantir ‘pendant toute la durée du prêt à concurrence de 32 % du montant de l’encours du prêt, constitué du principal, des intérêts ainsi que le cas échéant pénalités ou intérêts de retard et ce, dans la limite d’une somme maximum de 58 880 €’, elle sera condamnée à régler cette dernière somme à la BNP Paribas.

47. La décision sera réformée de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts dirigée contre la BNP PARIBAS

48. Les appelants soutiennent que le tribunal a réalisé une mauvaise interprétation de la cause en réduisant leur demande indemnitaire à la somme de 5.000 € dès lors que peuvent être imputées à la charge de la BNP PARIBAS aussi bien une faute délictuelle, consistant à leur accorder un prêt inconsidéré d’un montant de 160.000 €, mais également une faute contractuelle, pour manquement à son obligation de mise en garde.

Sur la faute délictuelle

49. La cour observe que les intimés ne versent aucun élément aux débats au soutien de l’existence d’une faute et rappelle en outre que les deux prêts du 28 novembre 2013 ont été accordés à la SARL NOS ANGES GOURMANDS. Ils ne peuvent ainsi personnellement se prévaloir d’un prêt inconsidéré de 160.000 € accordé.

Sur le devoir de mise en garde

50. En application des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil, dans leur version antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, les conventions qui doivent être exécutées de bonne foi, obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. La partie contractante qui n’a pas exécuté ses obligations peut être condamnée à des dommages et intérêts.

En application de ces textes, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

51. Le dommage résultant d’un manquement à l’obligation d’information, de conseil ou de mise en garde ne consiste qu’en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses.

52. A cet égard, le banquier est tenu de se renseigner sur la situation des emprunteurs sur la base d’éléments objectifs, sans outrepasser son devoir de non-immixtion. Ce devoir de mise en garde n’existe toutefois qu’en présence d’un prêt inadapté aux capacités financières déclarées de l’emprunteur et à condition qu’il ait la qualité de non-averti.

53. Il appartient à l’emprunteur qui se prévaut d’un crédit excessif, pour pouvoir bénéficier du devoir de mise en garde, de rapporter la preuve de l’inadaptation de son engagement par rapport à ses facultés de remboursement, en produisant des documents de nature à établir la réalité de sa situation économique à la date de la souscription du crédit.

La perte de chance se mesure à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

54. L’appelante ne conclut pas sur ce point.

55. Mme [M] et M. [K] soutiennent que le prêteur a commis une faute à leur égard faute de les avoir mis en garde à raison de leurs capacités financières et à raison du risque d’endettement né de l’octroi du prêt à la SARL NOS ANGES GOURMANDS.

56. La cour constate que les parties ne concluent sur le caractère averti ou non de Mme [M], en sa qualité de caution de sorte qu’elle doit être considérée comme une caution profane et, comme telle, créancière d’un devoir de mise en garde.

57. Cependant, la cour constate que Mme [M] est défaillante à démontrer que ses engagements étaient inadaptés à ses capacités financières à la date où ils ont été souscrits et relève en outre que la caution n’apporte pas davantage d’élément sur un risque d’endettement anormal supporté par elle, lequel serait né de l’octroi du prêt garanti.

57. Il s’ensuit que le prêteur n’est tenu à aucun dommages et intérêts à son égard et la décision sera réformée de ce chef.

Sur les frais de procès

58. L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

59. Les dépens seront mis à la charge des intimés.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme la décision du tribunal de commerce de Poitiers en date du 13 décembre 2021 sauf en ce qu’il a :

– jugé que la SA BNP PARIBAS ne pouvait se prévaloir de l’engagement de caution tous engagements de Madame [D] [M] au profit de la SARL NOS ANGES GOURMANDS dans la limite de 6.000 €, correspondant à son compte courant, en raison de sa disproportion ;

– jugé que la SA BNP PARIBAS ne pouvait se prévaloir de l’engagement de caution de Monsieur [W] [K] à concurrence de 32 % du montant de l’encours du prêt professionnel du 28 novembre 2013, d’un montant à l’origine de 160.000 €, ceci, dans la limite de la somme de 58.880 €, en raison de sa disproportion ;

– rejeté la demande de nullité des consorts [M]/[K] portant sur le TEG du prêt professionnel conclu par acte sous seing privé en date du 28 novembre 2013

– condamné la SA BNP PARIBAS à verser a Madame [D] [M] et à Monsieur [W] [K] la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens d’instance, dont les frais de greffe liquidés a la somme de 88,92 euros TTC ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que l’engagement de caution de Madame [D] [M] à concurrence de 32 % du montant de l’encours du prêt professionnel à l’origine de 160.000€ accordé à la SARL NOS ANGES GOURMANDS par acte du 28 novembre 2013, dans la limite de la somme de 58.880 €, n’est pas disproportionné,

Condamne Madame [D] [M] à payer à la SA BNP PARIBAS, en sa qualité de caution de la SARL NOS ANGES GOURMANDS, dans la limite 58.880 €, les sommes restant dues au titre des prêts du 28 novembre 2013, à savoir :

– Prêt n° 00357-622643-86 (tranche 1) d’un montant de 27.000 € à l’origine ; 20.115,38 € de capital restant dû outre intérêts conventionnels à échoir de 5,75% à compter du 05 janvier 2016;

– Prêt n° 00357-622644-83 (tranche 2) d’un montant de 133.000 € à l’origine ; 101.279,42 € au titre du captal restant dû, assorti des intérêts conventionnels à échoir de 5,75% à compter du 05 janvier 2016 ;

Rejette les autres demandes,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Madame [D] [M] et Monsieur [W] [K], in solidum, aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 

 


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