31 mars 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
20/01884
Chambre civile TGI
ARRÊT N°
PF
R.G : N° RG 20/01884 – N° Portalis DBWB-V-B7E-FN75
[R]
C/
[R]
[R]
[R]
S.C.I. BOMONT
RG 1ERE INSTANCE :
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 31 MARS 2023
Chambre civile TGI
Appel d’une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 22 SEPTEMBRE 2020 RG n° suivant déclaration d’appel en date du 22 OCTOBRE 2020
APPELANT :
Monsieur [D] [R]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentant : Me Najwa EL HAÏTÉ de la SELEURL NEH AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS – Représentant : Me Yannick CARLET, Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Représentant : Me Najwa EL HAÏTÉ de la SELEURL NEH AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [L] [R]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentant : Me Stéphanie IÈVE, Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION – Représentant : Me Fanny PENCHE, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
Madame [A] [R]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentant : Me Stéphanie IÈVE, Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION – Représentant : Me Fanny PENCHE, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
Monsieur [X] [R]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentant : Me Stéphanie IÈVE, Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION – Représentant : Me Fanny PENCHE, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
S.C.I. BOMONT
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représentant : Me Stéphanie IÈVE, Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION – Représentant : Me Fanny PENCHE, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
CLOTURE LE : 24 Mars 2022
DÉBATS : En application des dispositions de l’article 804 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Décembre 2022 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : M. Alain LACOUR, président
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 10 mars 2023. Le délibéré a été prorogé au 31 Mars 2023.
Greffier lors des débats : Mme Véronique FONTAINE, Greffier.
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 31 Mars 2023.
* * *
Exposé du litige
LA COUR
Par acte authentique des 3 et 5 avril 2007, M. [D] [R], a cédé à son frère, M. [X] [R], et à son neveu et nièce, M. [L] [R] et Mme [A] [R], les parts sociales qu’il détenait dans la SCI [D], moyennant un prix total de 404.604 euros, et payable par versement au comptant de 248.391,75 euros ainsi que de dix annuités constantes du 5 avril 2008 au 5 avril 2017 sans intérêt.
Suivant actes d’huissier des 29 février et 8 mars 2012, M. [D] [R] a fait délivrer assignation devant le tribunal de grande instance de Saint Denis à M. [X] [R], M. [L] [R] et Mme [A] [R], aux fins de solliciter l’annulation de la cession des parts sociales pour vil prix, dol ou violence morale, et, subsidiairement, d’ordonner une expertise sur la valeur des parts.
Suivant jugements des 20 août 2013 et 20 juillet 2016, la juridiction a ordonné une première mesure d’expertise, confiée à M. [HX], puis une seconde à Mme [O] et M. [U] aux fins d’obtenir tous éléments d’information permettant d’établir la valeur en 2007 des parts sociales cédées.
Par acte du 12 mars 2019, M. [D] [R] a fait assigner en intervention forcée dans l’instance la SCI Bomont (ex SCI [D]) aux fins de lui rendre commune la décision à intervenir.
Dans le dernier état de ses écritures devant le tribunal, M. [D] [R] demandait, à titre principal, l’annulation de la cession, outre 250.000 euros au titre de son préjudice moral et, à titre subsidiaire, l’indemnisation de son préjudice à raison de l’abus de faiblesse allégué par la somme de 1.892.000 euros équivalente au montant de la valeur des parts calculée par le collègue d’experts.
Par jugement en date du 22 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a’:
– débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamne M. [D] [R] aux dépens.
Par déclaration au greffe de la cour du 22 octobre 2020, M. [D] [R] a formé appel du jugement.
Moyens
PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 14 janvier 2022, M. [D] [R] demande à la cour de’:
– Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Denis du 22 septembre 2020 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– Annuler la cession de parts sociales réalisée à vil prix, à un prix dérisoire et non sérieux, à son préjudice,
– Annuler la cession de parts sociales pour erreur substantielle sur la situation financière de la SCI [D],
– Annuler la cession de parts sociales entachée de dol en raison de man’uvres et mensonges qui l’ont déterminé à conclure la cession de parts sociales dans l’erreur,
– Annuler la cession de parts sociales intervenue dans des circonstances de violence morale (pression et menaces psychologiques) à son préjudice,
– Annuler la cession de parts sociales intervenue les 3 et 5 avril 2007 entre lui d’une part et, d’autre part, MM. [A], [L] et [X] [R],
En conséquence,
– Ordonner la réintégration des parts sociales cédées dans son patrimoine ainsi que sa réintégration dans ses fonctions de gérant de la SCI, sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la décision à intervenir,
– Condamner MM. [A], [L], [X] [R] et la SCI Bomont, à lui restituer le montant des dividendes perçus au titre de leur qualité d’associés depuis la date de la cession des parts sociales de la SCI, après expertise,
– Enjoindre à MM. [A], [L] et [X] [R] ainsi qu’à la SCI Bomont de verser aux débats les trois derniers bilans et tous les procès-verbaux d’assemblée générale d’approbation des comptes, pour toute la période de détention des parts sociales et tous les actes ayant pu porter atteindre à l’intégrité du patrimoine telle une vente d’un immeuble, un nantissement ou une caution consentie à un tiers, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et à défaut, ordonner une mesure d’expertise, aux frais avancés des défendeurs, pour évaluer la valeur des parts sociales à la date la plus proche du jugement à intervenir et le montant des dividendes distribués,
– Ordonner que les sommes auxquelles les défendeurs devront être condamnés devront porter intérêt au taux légal à compter de la demande en justice, avec capitalisation annuelle des intérêts.
– Ordonner que le remboursement du prix de cession qu’il a perçu et qui devra entrer en voie de compensation avec les sommes dues par les défendeurs.
Subsidiairement,
– Condamner solidairement les défendeurs à lui verser à la somme de 1.892.360 euros correspondant à la valeur des parts sociales cédées en avril 2007 telle qu’établie par rapport d’expertise judiciaire, en conséquence d’un manquement caractérisé à la bonne foi contractuelle et d’un abus de faiblesse sur sa personne,
– Fixer le préjudice subi en lien de causalité direct avec le comportement fautif à la valeur vénale des parts sociales appréciée à la date de la cession, soit la somme de 1.892.360 euros comme établi par la seconde expertise judiciaire, sous déduction du prix de cession versé,
– Ordonner que les sommes auxquelles les défendeurs devront être condamnées devront porter intérêt au taux légal à compter de la demande en justice, avec capitalisation annuelle des intérêts.
En toute hypothèse,
– Condamner les défendeurs à lui verser la somme de 250.000 euros au titre du préjudice matériel et moral,
– Ordonner que les sommes auxquelles les défendeurs devront être condamnés devront porter intérêt au taux légal à compter de la demande en justice, avec capitalisation annuelle des intérêts,
– Condamner les défendeurs à lui verser la somme de 45.000 euros correspondant aux sommes versées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux frais d’huissier, d’expertise et de publicité foncière et aux dépens dont distraction au profit de Me V. Richard.
M. [D] [R] fait valoir tout d’abord la nullité de l’acte de cession sur le fondement de l’article 1591 du code civil considérant le prix de la cession comme un prix vil, dérisoire et non sérieux. Il considère que la disproportion constatée entre le prix payé et la valeur réelle des parts cédées est telle qu’elle prive de cause l’obligation du vendeur et justifie l’annulation de l’acte.
M. [D] [R] affirme que la cession de parts sociales n’est intervenue ni pour pallier à la situation financière dégradée de la SCI [D], ni pour lui permettre de récupérer des liquidités.
L’appelant soutient que l’acte de cession de parts sociales litigieux ne s’insère pas dans une opération globale de plusieurs cessions. A cet égard, il indique que ledit acte ne fait aucune référence à d’autres actes de cession de parts sociales qui viendraient compensées un quelconque dû du cédant à l’acquéreur.
L’appelant fait également état de l’absence d’engagement particulier de M. [X] [R] à son égard qui aurait permis de justifier le montant dérisoire de la cession.
Enfin, il indique que sa qualité de gérant ne permet pas de considérer qu’il était le mieux placé pour apprécier la valeur des parts sociales.
M. [D] [R] fait valoir ensuite la nullité de l’acte de cession sur le fondement de l’article 1109 du code civil considérant que son consentement a été vicié.
Au visa des articles 1132 et 1133 du code civil, il indique que l’erreur sur la valeur est caractérisée dès lors que la présentation erronée de la situation de la société a eu pour conséquence l’établissement d’une valorisation très inférieure à la valeur réelle des parts sociales cédées.
Au visa de l’article 1116 ancien du code civil, l’appelant indique que la mise en ‘uvre de manipulations comptables aux fins de diminution de la valeur des parts sociales est constitutive d’un dol. Il fait état du rapport familial qui existe entre M. [X] [R] et l’expert-comptable mandaté, belle-s’ur de ce dernier.
Au visa des articles 1111 et 1113 anciens du code civil, l’appelant soutient avoir fait l’objet de violence morale considérant que M. [X] [R] a profité de sa vulnérabilité (état de santé et état psychologique fragile) pour le conduire à conclure le contrat dans des conditions particulièrement préjudiciables.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 24 janvier 2022, M. [X] [R], M. [L] [R], Mme [A] [R] et la S.C.I. Bomont demandent à la cour de’:
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Denis le 22 septembre 2020 en ce qu’il a débouté M. [D] [R] de l’intégralité de ses demandes ;
– Débouter M. [D] [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
– Condamner M. [D] [R] à payer à chacun des intimés la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner M. [D] [R] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Stéphanie Iève, avocat au Barreau de Saint Denis de la Réunion.
Les intimés soutiennent que le prix de la cession n’est ni inexistant ni dérisoire pour recevoir la qualification de vil prix.
Ils font valoir que ce prix a été parfaitement négocié et fixé entre les parties eu égard aux circonstances particulières entourant cette cession, lesquelles doivent être prises en considération, à savoir’:
La situation financière de la SCI [D], laquelle ne disposait ni de la trésorerie requise ni de résultats satisfaisants’;
L’inscription de la vente des parts litigieuses dans une opération globale incluant deux autres cessions de parts sociales, intervenues le même jour et, surtout, selon les mêmes modalités de fixation du prix de cession et de paiement dudit prix,’afin de permettre à M. [D] [R] de retrouver des revenus disponibles’;
La valeur de la SCI [D], laquelle n’est pas réductible à ses seuls actifs mais inclut également le montant de son passif, soit un prix de cession total de 1.456.985 €’;
La lecture des différents rapports rendus (rapports d’expertises judiciaires, rapport de l’expert-comptable), pour lesquels les intimés affirment que quel que soit le résultat de ces rapports, le débat autour de la valorisation des parts sociales n’a pas vocation à permettre la qualification d’un quelconque « vil prix»’;
La situation financière de M. [D] [R], lequel avait effectué des dépenses personnelles conséquentes’et avait exprimé le besoin de bénéficier de liquidités rapidement’;
La qualité de M. [D] [R], lequel a lui-même communiqué les chiffres, les informations et les bilans de la SCI [D] en sa qualité de gérant.
Les intimés considèrent que l’ensemble de ces circonstances, quelle que soit la valeur abstraite du marché au moment de la cession, démontre l’existence d’un prix réel et sérieux.
M. [X] [R], M. [L] [R], Mme [A] [R] et la S.C.I. Bomont font également valoir l’absence d’un quelconque vice de consentement.
Tout d’abord, ils contestent toute erreur substantielle portant sur la situation financière de la SCI [D] considérant que gérant de ladite SCI, ainsi que de plusieurs autres sociétés, M. [D] [R] était un habitué du monde des affaires et en pleine capacité de mesurer la portée des actes qu’il signait.
Ils soutiennent également, sur le fondement des articles 1109 et 1116 anciens du code civil, que le dol n’est pas caractérisé, en l’absence de preuve de l’existence des prétendus mensonges, man’uvres et stratagèmes qui leur sont imputés ainsi que l’absence de preuve du caractère déterminant du dol. Ils affirment que le cabinet d’expertise comptable qui a procédé à l’évaluation du prix des parts sociales dispose d’un mandat depuis la création de la SCI [D], et a été choisi par M. [D] [R].
Enfin, les intimés font également valoir que la violence n’est pas caractérisée au sens de l’article 1112 du code civil considérant que l’appelant ne prouve là encore ni l’existence de violences, ni qu’elles auraient été déterminantes de son consentement. Ils avancent l’argument selon lequel M. [D] [R] était un chef d’entreprise expérimenté âgé de 50 ans au moment de la vente litigieuse, et qui avait déjà par le passé créé et géré plusieurs autres sociétés que la SCI [D].
La clôture a été prononcée par ordonnance du 24 mars 2022.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Motivation
MOTIFS
A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle souligne également qu’elle n’analyse que les pièces régulièrement produites aux débats avant la clôture, à savoir les pièces 1 à 44 suivant bordereau joint aux conclusions de M. [D] [R] et les pièces 1 à 105 de M. [X] [R], M. [L] [R], Mme [A] [R] et la S.C.I. Bomont suivant bordereau joint à ses dernières conclusions déposées le 24 janvier 2022.
Par ailleurs, M. [D] [R] a déposé une note en délibéré le 11 janvier 2023, sans que cette note n’ait été ni sollicitée, ni autorisée. Pour justifier la production d’une telle note, M. [D] [R] invoque le manquement à la loyauté des débats à raison de l’abstention des intimés lors de leur plaidoirie à évoquer la situation économique actuelle des sociétés Safari et Aux bois précieux mais il convient d’observer d’une part que la procédure devant la cour est écrite et, qu’en tout état de cause, l’état de liquidation de ces deux sociétés avait été précisé dans les conclusions des intimés déposées le 24 janvier 2022 en pages 48 et 49. Il n’y a donc pas lieu pour la cour de tenir compte la note du 11 janvier 2023.
Enfin, M. [D] [R] verse aux débats une analyse par la SARL VLP Conseil de la valeur des parts de la SCI [D] au 5 avril 2007, datée du 12 mai 2009 (pièce 3 appelant). Ce rapport est toutefois signé de M. [CY] [E] [H] dont il est démontré que celui-ci était alors à tout le moins en relation professionnelle par ailleurs pour avoir été, à la même période, associé de la SARL Palais du Meuble, gérée par la compagne de M. [D] [R], lequel était employé par cette même société (pièces 63, 65, 66 à 67 intimés). Eu égard au conflit d’intérêt dans lequel était placé M. [E] [H] lors de l’établissement de l’analyse susvisée, cette dernière ne sera pas retenue par la cour pour fonder sa décision.
Sur la demande principale en nullité de la vente.
A titre liminaire, il résulte de l’acte de cession de parts litigieux et les actes d’acquisition des immeubles par la SCI [D] produits à l’instance, que:
– la SCI [D] a été constituée par M. [D] [R] le 25 février 2000, avec ses deux enfants, [W] et [Y], avec pour capital social 3.000 euros, les participations étant réparties comme suit:
. [D] [R] 270 parts;
. [W] [R] 15 parts;
. [Y] [R] 15 parts.
– le capital de la SCI [D] a été porté à la somme de 307.890 euros, consécutivement à l’apport par M. [D] [R] d’un immeuble sis [Adresse 13] à [Localité 17], avec création de 30.489 parts au bénéfice de M. [D] [R];
– la SCI [D] a ensuite souscrit divers emprunts pour la réalisation de travaux ou l’acquisition de nouveaux biens immobiliers:
. Un emprunt bancaire de 91.469,41 euros remboursable sur 96 mois au taux de 6,8% l’an pour des travaux sur le bien sis à [Localité 17];
. Un emprunt bancaire de 259.163 euros remboursable sur 180 mois au taux de 6,5% l’an pour l’acquisition, le 29 décembre 2000, d’un appartement 3 pièces sis [Adresse 4] à [Localité 12];
. Un emprunt bancaire de 152.449 euros conclu aux mêmes conditions, pour l’achat, le même jour, d’un immeuble sis à [Localité 10], [Adresse 11] et [Adresse 2] et [Adresse 3];
. Un emprunt bancaire de 658.000 euros, remboursable sur 180 mois avec intérêts indexés sur l’Euribor +1,5% l’an pour l’acquisition le 15 novembre 2002 d’un terrain avec hangar de 1.500m2 situé Ravine à Marquet à la Possession;
. Un emprunt bancaire de 30.490 euros, remboursable sur 120 mois avec intérêts indexés sur l’Euribor +1,5% l’an pour l’acquisition le 7 février 2003 d’un studio sis [Adresse 7] à [Localité 15].
– la SCI [D] a également acquis le 29 décembre 2000 un immeuble d’habitation sis [Adresse 14] à [Localité 15], occupé par M. [D] [R] à titre gratuit, pour la somme de 167.693,92 euros.
. Sur l’erreur au titre des qualités substantielles de la valeur des parts
Vu l’article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016;
1- M. [D] [R] soutient en substance que la valeur à laquelle les parts ont été vendues en 2007 a été largement sous-évaluée et cédées à un prix imposé auquel il n’aurait pas accepté la cession si la situation de la SCI ne lui avait pas été présentée comme criblée de dettes.
2- La cour rappelle que ne peut constituer une cause de nullité d’une cession de parts l’erreur invoquée par le cédant portant non pas sur les qualités substantielles des parts mais sur leur valeur, sauf si cette erreur sur la valeur est induite par une présentation elle-même erronée des données comptables de la société.
En l’espèce,
3- il résulte de la lecture des expertises judiciaires, et notamment de l’expertise de Mme [O], que la valorisation de la SCI à 1.862.206 million d’euros repose pour l’essentiel sur l’adoption d’une méthode d’évaluation suivant l’actif net réévalué après nouvelle évaluation des actifs immobiliers de la SCI à la somme de 2.069.117 euros, au lieu et place de la valorisation à 1.387.286.25 euros correspondant à la valeur d’achat des biens, reprise à l’actif du bilan et sur laquelle les parties s’accordent à considérer qu’elle a servi de référence au calcul de la valeur des parts lors de la cession de 2007.
Or, c’est par la main de M. [D] [R], gérant et actionnaire ultra-majoritaire de la SCI, que les biens immobiliers ont été acquis par la SCI entre 2000 et 2003. Celui-ci n’explique pas comment, quelques années après l’acquisition de ces biens, la valeur de ces derniers a été augmentée de plus de moitié par rapport à leur valeur d’achat pas plus qu’il n’apporte de contradiction à l’affirmation des intimés exposant que certains biens acquis auprès de sociétés « familiales » avaient été vendus en deçà de leur valeur de marché. Eu égard à l’objet social de la SCI et à la position de gérant de M. [D] [R] au sein de la SCI, celui-ci ne pouvait ignorer la sous-évaluation du prix d’acquisition de biens de la SCI, retranscrite à l’actif de cette dernière.
M. [D] [R] ne peut ainsi invoquer une erreur sur la valorisation du patrimoine de la SCI dont il a lui-même pu se convaincre.
4- S’agissant de la présentation trompeuse de la situation de la SCI qui l’aurait contraint à accepter la vente, M. [D] [R] se réfère au rapport de Mme [O], laquelle a relevé trois points permettant d’améliorer la présentation comptable de la situation de la SCI [D], telle qu’elle résultait de la situation établie par le cabinet comptable KPMG Tartaroli, laquelle était jusqu’alors non contestée par les parties:
. La comptabilisation de 195.000 euros de factures de travaux en immobilisations et non en charges externes;
. L’absence d’amortissement des immeubles;
. La comptabilisation des loyers potentiels.
Sur ce,
4.1- la cour rappelle que M. [D] [R], exerçant la gérance de la SCI [D], et qu’à ce titre, la responsabilité de l’établissement des comptes lui incombait. S’il énonce qu’il avait déménagé en 2003 pour s’établir au Canada et qu’il n’avait plus la gestion effective de la SCI, déléguée à son frère, les décisions de gestion ou d’affectation comptables mises en exergue par l’expert remontent, en tout état de cause, aux premières années d’activité de la SCI et avant 2003.
4.2 – S’agissant des rectifications proposées par l’expert, il convient de souligner que le fait d’amortir les immeubles et celui de ne pas percevoir de loyers de certains immeubles résultent de décisions de gestion. Le retraitement comptable des données de la SCI ne peut conduire à modifier cette réalité.
En outre, la comptabilisation des travaux en immobilisation est certes possible mais n’efface pas du résultat d’exploitation les charges induites par la facturation de ces travaux.
Aussi, ni les erreurs comptables alléguées, ni les effets induits de ces erreurs sur la situation de trésorerie de la société ne sont établis.+ [J] P.34
A l’inverse et de surcroit, la lecture d’expertise privée Finexi, corroboré par les données afférentes aux emprunts et au montant des locations consenties figurant à l’acte de vente des parts, établit en ses pages 7-8 et 9 que le montant des échéances bancaires échus en 2006 (dernier exercice clos avant la vente) nécessitait le remboursent d’une somme de 114.750 euros alors que les revenus des loyers attendus étaient de 140.116 euros, à minorer de charges d’exploitation de 37.652 euros. Le résultat ne pouvait ainsi qu’être négatif pour 2006, sans même tenir compte du déficit d’exploitation important cumulé les premières années d’exploitation, incluant le prix des travaux susmentionnés.
Enfin, si M. [D] [R] cite le rapport privé établi par M. [J] (pièce 33) pour affirmer que la « SCI a dégagé des marges de trésorerie qui lui ont permis de faire face à ses engagements; », cette assertion de M. [J] se rapporte à la période 2007-2013. En outre, s’il indique que « au jour de la cession de parts sociale, sa trésorerie était excédentaire, que ses capitaux propres ont progressé », l’excédent de trésorerie est caractérisé par renvoi au montant du solde de banque de 18.690 euros, nécessairement connu du gérant, et la progression de capitaux propres est déterminé après retraitement des données comptables et notamment du reclassement du coût des travaux de 195.000 euros mentionné supra. De plus, lorsque M. [J] expose qu’il n’y avait pas lieu à décote de la valeur des parts à raison d’incertitudes sur le futur de la SCI, il justifie cette analyse par référence aux réserves accumulées telles que précisées aux comptes sociaux de 2013, ce qui n’apparait pas pertinent pour estimer la valeur des parts en 2007.
5- En conséquence de ce qui précède, M. [D] [R] n’apporte pas la preuve de l’erreur déterminante qu’il invoque.
. Sur le dol
Vu les articles 1109 et 1116 du code civil dans leur version applicable au litige,
M. [D] [R] affirme avoir cédé ses parts sur la base d’une évaluation fausse de la valeur des parts sociales, établie par la société KPMG – Tartaroli, avec la collusion de Mme [VX], belle-s’ur de M. [X] [R] et « vraisemblablement » avec la participation du clerc de notaire ayant préparé l’acte de cession.
1- En premier lieu, la cour relève que l’appelant ne précise pas quelle part le clerc, qui aurait rédigé l’acte, aurait pris part dans la sous-évaluation du prix des parts, de sorte que l’argument ne vient pas utilement au soutien du moyen tiré du dol.
2. a – Par ailleurs, l’acte de cession litigieux précise que le prix de vente » a été directement arrêté et négocié entre les parties, sans le concours du notaire associé soussigné ».
Le rapport établi par la SAS Tartaroli KPMG ayant évalué la valeur de la SCI [D] à la somme de 420.878,70 euros, soit 13,67 euros la part, versé aux débats, est daté du 10 octobre 2012, soit postérieur à la vente.
Dès lors, s’il n’est pas contesté que la valeur des parts a été fixée par référence aux comptes de la SCI [D] établis par la SAS Tartaroli KPMG, la preuve de ce que cette dernière aurait imposé ou suggéré une méthode d’évaluation des parts volontairement trompeuse aux parties à la vente, ne résulte d’aucun acte écrit antérieur à la vente.
Hors les critiques formées par Mme [O] dans son rapport, examinées supra, auxquelles M. [D] [R] fait renvoi, il ne développe aucune autre critique précise des erreurs comptables ou manipulations d’écritures comptables commises par la SAS dans les comptes versés aux débats.
2. b- En outre, le fait que la dirigeante de la SAS Tartaroli KPMG, comptable de la SCI depuis sa création, ait été dans une situation de conflit d’intérêt à l’égard de M. [X] [R] pour être la belle-s’ur de ce dernier, n’est pas, en soi, de nature à établir une présentation erronée des données et valorisations comptables de la SCI.
3. c – De plus, comme le relèvent à juste titre les premiers juges, M. [D] [R], gérant de plusieurs sociétés, était un homme d’affaire avisé à même de lire des comptes et de poser un regard critique sur une méthode d’évaluation des parts qui lui serait soumise.
3. d- Si M. [D] [R] affirme qu’il était en retrait des affaires des sociétés dont il était le gérant dès lors qu’il était au Canada à compter de 2003 et que son frère, M. [X] [R], était gérant de fait desdites sociétés, la cour ne peut que constater que M. [D] [R] a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Saint Pierre du 27 mars 2014, comme gérant, et pour des faits d’abus de biens sociaux commis au préjudice de la SARL Safari, domiciliée à la Réunion, sur la période de 2002 à 2005.
Dans ce contexte, et nonobstant l’existence de procurations confiées à M. [X] [R] le 4 janvier 2005 puis le 19 août 2002, limitée jusqu’au 15 novembre 2002, pour administrer la SCI [D] (pièce 24), la preuve de ce qu’au moment de la vente en 2007, M. [D] [R] n’exerçait ni pouvoir ni contrôle sur les sociétés réunionnaises dont il était le gérant en titre n’est pas apportée.
En particulier, si, pour justifier de son éviction de la gérance, M. [D] [R] prétend qu’il n’avait plus connaissance des comptes de la SCI, les courriers de réclamation des comptes 2005 à 2008 qu’il verse aux débats pour justifier de son éviction de la gestion de la SCI concernent, non la SCI [D], mais la SARL Arts et Pierres (15b,21) ou la SARL Safari (15a).
4- Il résulte de ce qui précède que M. [D] [R] échoue à apporter la preuve d’une manipulation des comptes de la SCI du fait des intimés, par le truchement du comptable de la SCI et du clerc de notaire qui aurait rédigé l’acte de cession. Il ne caractérise pas davantage une réticence dolosive imputable aux intimés qui l’aurait conduit à conclure la vente litigieuse.
. Sur les violences
Vu l’article 1112 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige;
L’appelant soutient avoir consenti aux actes de cessions des 3 et 5 avril 2007 alors qu’il était dans un état de santé et un état psychologique fragile et dénonce le comportement de M. [X] [R], son frère, agissant pour lui et ses enfants, comme ayant profité de sa vulnérabilité pour le conduire à conclure la vente des parts dans des conditions particulièrement préjudiciables à son égard.
1. Comme l’ont justement relevé les premiers juges, s’il ressort du certificat médical du docteur [S] que M. [D] [R] se trouvait lors de la signature des actes de cessions dans un état anxio-dépressif, il n’en demeure pas moins que celui-ci n’a pas jugé utile de lui prescrire des arrêts de travail avant 2009, donc postérieurement à la signature des actes de cession de sorte qu’il n’est pas établi que les actes de la vie quotidienne de M. [D] [R] auraient été entravés par cet état dépressif.
2. Par ailleurs, les médecins ou personnes extérieures à la famille cités par M. [D] [R] (pièces 12, 13, 34) ne relatent aucune pression de M. [X] [R] sur son frère dont ils auraient directement été témoins mais se bornent à rapporter les propos de M. [D] [R] dénonçant des pressions de son frère.
Il en va de même du courrier adressé par M. [D] [R] le 18 mai 2009 à un inspecteur des impôts pour dénoncer une sous-évaluation du prix de cession des parts de la SCI [D] indiquant, sans mentionner le suivi psychiatrique qu’il revendique aujourd’hui, que « à cette époque [2007], j’étais dépressif, sous anxiolytique et antidépresseur et que cette vente a été faire sous menace et pression en tout genre » (pièce 14 appelant).
3. En outre, il résulte des témoignages versés aux débats que depuis le début des années 2010, la famille est clivée:
– M. [B] [T] (pièce 27 intimés – courrier du 24 mars 2010 envoyé aux membres de la fratrie [R]), dénonçant les divisions et le comportement des enfants [R], notamment dans leur devoir de secours envers leur mère » Suite à mon passage à la Réunion après dix ans d’absence, j’ai retrouvé une famille que j’avais connue, complètement différente aujourd’hui./ Aussi, après avoir rencontré [X], [D], [I] et [C], je me permet de vous écrire à vous tous afin d’une part de remercier votre accueil et de vous donner mon avis après un séjour écourté dû à l’ambiance qui m’a « cueillie ». […][[K]] est moralement complètement éteinte au vu de l’inconduite de ses enfants. […] aucun de ses enfants ne subvient à ses besoins, [X] mis à part. [D], depuis huit mois, ne peut plus rien donner, car, dit-il, il est ruiné par [X] et ne vient plus la voir qu’une fois par semaine. […][[C]] dit que [X] est méchant et nerveux. A cette question, il m’a répondu « c’est grâce à cela que je suis devenu ce que je suis ». […] J’ai lu également une lettre de dénonciation de [I] à la brigade financière contre [X] et cette brigade est venue perquisitionner deux fois dans le magasin de celui-ci. […]j’ai appris que [D] et son fils [W] avait (sic) volé et roulé leur associé dans le magasin « Palais du meuble » à [Localité 18]. Celui-ci a déposé plainte contre les « [R] ». […]J’ai dit tout ceci dans le but que chacun sache ce que l’autre a dit de vous car vous avez coupé les ponts entre vous[…]tout a été fait pour résoudre les problèmes mais vous avez tous refusé ».
– Mme [P] [G] (pièce 23 intimés): […]2010, année où les problèmes ont commencé avec [I] et [D], accusés de détournement de sommes d’argent importantes dans différentes sociétés où ils étaient associés avec M. [[X]] [R] ».
– M. [V] [R] à M. [D] [R] (pièce 30 intimés, courrier du 12 mars 2011): « j’étais en cours de mise sous tutelle par ta bande: [F], [I], [C] et toi même »;
– Mme [M] [R], (pièce 16 appelant- attestation 2018) » [D], tout comme nos autres frères, a été victime de notre propre frère [X] »;
– Mme [C] [R] (pièce 17 appelants- attestation 2018) » M. [R] [X] a toujours fonctionné comme un despote au sein de la famille et nous avons tous été victimes de sa tyrannie psychologique ».
3.a – Il s’ensuit que les témoignages des membres de la famille sur l’attitude de M. [X] [R] envers son frère [D] doivent être replacés dans le contexte de ce conflit:
– Mme [M] [R], (pièce 16 appelant) « Il y a une dizaine d’années, en 2007, notre frère [D] a dû affronter la colère et les menaces de notre frère [X] pour lui vendre sa SCI a un prix dérisoire. […] il a tenu grâce à la prise d’antidépresseurs. Affaibli, totalement démoralisé, il s’est séparé de la SCI »
– Mme [C] [R] (pièce 17 appelants) » En 2007, [D] s’est vu contraint et acculé à céder la « SCI [D] » à [X], tant les pressions psychologiques et le harcèlement étaient devenus insoutenable. [D] était devenu méconnaissable…dépressif, sujet à des crises d’angoisse répétées, vivant dans la peur et dans l’insécurité ».
– Mme [F] [R] (pièce 18 appelants) »Dans les années 2006-2007, j’ai constaté et même vu [D] complètement déboussolé, sous anxiolytiques, il semblait être un zombi, terrorisé. »
Par attestations complémentaires (pièce 23 appelant), ces s’urs et M. [I] [R] détaillaient une attitude tyrannique de M. [X] [R] à l’égard de ses frères et s’urs, notamment dans leur vie privée, à raison de l’exclusion de certaines personnes du cercle familial, de remarques acerbes voire des violences physiques.
Pour autant, aucune de ces attestations ne décrivent de manière circonstanciée des propos, gestes, écrits, menaces, violences destinées à contraindre M. [D] [R] à céder ses parts de la SCI [D] à M. [X] en 2007.
3.b. De plus, si tant l’appelant que les intimés font état d’un climat de violences physiques que l’un aurait exercé sur l’autre, ces dénonciations sont afférentes à une période postérieure à 2010. Avant 2007, M. [D] [R] était d’ailleurs installé au Canada, de sorte que le climat de pressions physiques auquel il est fait référence par l’appelant à travers les accusations d’attaques physiques contre sa personne par son frère n’apparait, en tout état de cause, pas pouvoir caractériser la période immédiatement antérieure à la signature de l’acte de cession alors que M. [D] [R] était domicilié à l’étranger.
4. Il est souligné qu’en 2007, l’acte litigieux a été passé devant notaire et que M. [D] [R] était présent, de sorte que l’attention du notaire, de son propre fait ou du fait de M. [D] [R] aurait pu être appelée, sur la situation de faiblesse ou de pressions subies par ce dernier. Aucun élément tangible n’est produit en ce sens.
5. Enfin, il résulte d’un courrier du conseil de M. [D] [R] à M. [X] [R] en date du 26 mars 2009 qu’à cette époque, c’est M. [D] [R] qui s’est rapproché de son frère afin de savoir s’il était intéressé pour lui acheter les parts qu’il détenait encore dans trois sociétés, invoquant des raisons de santé qui le poussaient à envisager sa démission (pièce 37 intimés).
Cette démarche vient affaiblir, sinon contredire, l’affirmation suivant laquelle M. [X] [R], dans un contexte d’emprise psychologique, exerçait des pressions envers M. [D] [R] pour que ce dernier lui vende les parts des sociétés qu’il détenait.
6. Aussi, aucun acte circonstancié de violence commis par M. [X] [R] à l’encontre de son frère [D] avant la vente litigieuse n’est démontré.
Au vu de ce qui précède, M. [D] [R] n’apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que son consentement à la vente des parts de la SCI [D] aurait été obtenu par violence.
. Sur le vil prix, prix dérisoire et non sérieux
Selon les dispositions de l’article 1591 du code civil, «’le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ».
Il résulte de cet article que le prix est l’affaire des parties, le juge n’ayant qu’un pouvoir souverain d’appréciation du caractère éventuellement dérisoire du prix.
En l’espèce, M. [D] [R] prétend que le prix de cession des parts sociales de la SCI [D] était un vil prix, la somme de 404.604 euros à laquelle elles ont été cédées étant dérisoire par rapport à leur valeur réelle.
1- Ainsi qu’il a été rappelé, Mme [N] [O] a estimé la valeur de la SCI en 2007, suivant la méthode de l’actif net actualisé évalué par M. [U] et après retraitement comptable, à 1.862.206 euros.
M. [HX], expert immobilier avait pour sa part, déduit de la réévaluation des immeubles, une valeur de 2.904.580 euros.
Les intimés versent aux débats un rapport d’expertise privée réalisée par le cabinet [Z], lequel valorise la SCI en 2007 suivant la méthode du discount cash-flow à une valeur comprise dans fourchette de 685.000 à 940.000 euros et suivant la méthode de l’actif net réévalué à 891.000 à 1.157.000 euros (pièce 50 intimés).
Ainsi, hors l’estimation établie par la SAS KPMG Tartataroli en 2012, les différents rapports d’expertise versés aux débats induisent tous, suivant les méthodes d’évaluation comptables classiques, une sous-évaluation du prix des parts de SCI acquises par les intimés en 2007 entre les mains de M. [D] [R].
2- La sous-évaluation des parts ne suffit pas à caractériser le vil prix.
Différents éléments de nature à justifier une minoration du prix, pour des raisons comptables et d’un contexte d’affaires familiales, doivent également être pris en considération :
2. a- Le fait que les biens immobiliers acquis par la SCI aient été valorisés lors de la vente des parts à leur prix d’acquisition peut être mis en lien avec le fait que l’essentiel de ses biens étaient, quelques années auparavant, détenus par des sociétés gérées par M. [X] [R]:
– trois immeubles acquis à [Localité 16], [Localité 10] et [Localité 12] le 29 décembre 2000 auprès de la SARL Immosat gérée par M. [X] [R] (pièce 4 intimés);
– un entrepôt à la Possession acquis le 15 novembre 2002 auprès de la SARL Safari alors gérée par M. [X] [R] (pièce 5 intimés);
2.b – Le fait que certains immeubles étaient occupés à titre gracieux par des membres de la famille ou M. [D] [R] lui-même (immeuble de [Localité 10] ou maison [Adresse 14] à [Localité 15]) diminuant la rentabilité de la SCI (cf. expertises [O] ou [Z]) ;
2. c- L’existence dans les livres de la SCI [D] (pièce 94 intimés):
. D’un compte courant d’associé débiteur au 1er janvier 2007 de 80.317,31 euros de M. [D] [R];
. D’une ligne de crédit débitrice au profit de la SARL Immosat de 63.754, 51 euros au 31 décembre 2006;
. D’une ligne de crédit débitrice au profit de M. [X] [R] de 62.208 euros au 31 décembre 2006 ;
2. d – L’existence de deux autres ventes de parts ont été conclues les mêmes jours et entre les mêmes parties que l’acte litigieux, à savoir la vente des parts de M. [D] [R] dans les SARL Safari, d’une part, et SARL Aux Bois Précieux d’autre part, à M. [X] [R], M. [L] [R] et Mme [A] [R].
La validité de ces deux ventes n’a pas été contestée et l’identité de date et de parties entre ces trois ventes implique une appréhension globale des enjeux, répartition des actionnariats et mouvements de fonds entre les parties.
Pour ces trois ventes, aucune garantie de passif du gérant n’a en outre été prévue.
2. e – Au total, les différents éléments listé ci-dessus mettent en exergue des circulations de fonds et de valeurs entre MM. [R] d’une part et entre les sociétés détenues par eux, d’autre part, qui s’inscrivent dans une logique reposant sur la prise en compte d’intérêts intrafamiliaux concurrençant ceux des sociétés et le respect des règles légales ou comptables.
[La vente par M. [D] [R] des parts de la SCI et celle de deux autres sociétés a permis à ce dernier de bénéficier de liquidités en retour sans que le capital et la direction de ces sociétés ne revienne à des personnes étrangères aux intérêts familiaux intégrés à leur gestion].
Ce contexte spécifique, non sans impact sur le fonctionnement de la société et sur les contraintes de gestion future de la SCI, permet d’expliquer la fixation du prix des parts, convenu entre les parties à un montant minoré, et ce d’autant que le prix de 404.604 euros, représentant environ 1/5e de la valeur établie par le collège d’experts [O]/ [U] désigné par le tribunal, n’est pas dérisoire.
3. Enfin, le fait qu’une partie du prix soit payée de manière échelonnée est une modalité de paiement du prix, non un élément déterminant de celui-ci.
Le jugement entrepris ayant rejeté la demande d’annulation de la vente des parts sociales de la SCI [D] par M. [D] [R] sera ainsi confirmé.
Sur les demandes subsidiaires et complémentaires
Ainsi, qu’il précède, n’est pas rapportée la preuve :
. De violences morales alléguées par M. [D] [R],
. D’un abus de faiblesse de ce dernier;
. D’un manquement à la bonne foi contractuelle à raison d’une collusion frauduleuse entre le comptable de la SCI [D] et de M. [X] [R].
En conséquence, doivent être rejetées les demandes subsidiaires et supplémentaires formées par M. [D] [R] en indemnisation :
– de la somme de 1.892.360 euros en conséquence d’un manquement caractérisé à la bonne foi contractuelle et à un abus de faiblesse sur sa personne;
– de la somme de 250.000 euros au titre de son préjudice moral et matériel;
Le jugement entrepris sera confirmé pour le surplus.
Sur les demandes au titre des frais irrépétibles et aux dépens
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;
M. [D] [R], qui succombe, supportera les dépens.
L’équité commande en outre de le condamner à verser à chaque intimé, personne physique, la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
– Confirme le jugement entrepris;
Y ajoutant,
– Condamne M. [D] [R] à payer à M. [X] [R], M. [L] [R] et Mme [A] [R] la somme de 4.000 euros à chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
– Le condamne aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT