Comptes courants d’associés : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/01772

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Comptes courants d’associés : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/01772

30 mars 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG
21/01772

CHAMBRE DE LA FAMILLE

ARRET

[R]

C/

[D] [R]

[R]

VN./MCD

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE DE LA FAMILLE

ARRÊT DU TRENTE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/01772 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IBVW

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES D’AMIENS DU CINQ FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [G] [R]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Anne WADIER de la SCP FAYEIN BOURGOIS- WADIER, avocat au barreau d’AMIENS, et ayant pour avocat Me MEILLIER du barreau d’ARRAS.

APPELANT

ET :

Madame [I] [D]

née le 02 Octobre 1949 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Décédée.

Madame [T] [R] épouse [X]

née le 24 Mars 1972 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Monsieur [K] [R]

né le 24 Octobre 1979 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Marc DECRAMER, avocat au barreau d’AMIENS.

INTIMES

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue pour entendre les plaidoiries des avocats à l’audience tenue en chambre du conseil du 18 janvier 2023 devant Mme Marie VANHAECKE-NORET, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des parties conformément à l’article 805 du Code de procédure civile, qui en a ensuite rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de Mme Marie-Christine LORPHELIN, président de chambre, Mme Sandra LEROY et Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillères.

Le magistrat chargé du rapport était assisté à l’audience de Mme Roxane DUGARO, greffier, et les observations orales de Me WADIER et Me DECRAMER y ont été entendues.

Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 mars 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 30 mars 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Marie-Christine LORPHELIN, président de chambre, et Mme Roxane DUGARO, greffier.

*

* *

DÉCISION :

Exposé du litige

– Rappel de la procédure :

M. [G] [R] (ci-après M. [R]) et Mme [I] [D] (ci-après Mme [D]) se sont mariés le 6 novembre 1971 devant l’officier d’état civil de [Localité 7], sans contrat de mariage préalable.

M. [R] est agriculteur et exploite des parcelles agricoles avec son frère dans le cadre d’un Groupement agricole d’exploitation en commun (‘Gaec [R]’).

Les époux se sont séparés en décembre 2002, leur divorce a été prononcé le 27 août 2015.

Le jugement de divorce a notamment :

condamné M. [R] à payer à Mme [D] une prestation compen-satoire de 50.000 euros et a reporté la date des effets du divorce au 1er décembre 2002 ;

ordonné l’ouverture des opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux et les a invités à saisir le notaire de leur choix afin de procéder à un partage amiable.

Le 24 octobre 2017, Mme [D] a fait assigner M. [R] devant le tribunal de grande instance d’Amiens aux fins, pour l’essentiel de voir désigner Maître [O], notaire à [Localité 6], pour procéder aux opérations de liquidation partage de la communauté et sollicitant notamment que les parts sociales détenues par l’époux au sein de Gaec [R] soient prises en compte dans le cadre des opérations de liquidation.

Le juge aux affaires familiales a ordonné une mesure de médiation qui n’a pas abouti.

Par jugement du 5 février 2021, le juge aux affaires familiales d’Amiens a notamment :

ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux existant entre M. [R] et Mme [D] ;

désigné Maître [O], notaire à [Localité 6] aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux ;

dit que les parts sociales détenues par M. [R] dans le Gaec [R] sont des biens de communauté ;

ordonné l’attribution préférentielle à M. [R] des parcelles suivantes, mises à disposition du Gaec [R] :

– sur la commune de [Localité 7] : parcelles cadastrées [Cadastre 14], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 15], [Cadastre 16],

– sur la commune d'[Localité 8] : parcelle cadastrée [Cadastre 19],

– sur la commune de [Localité 11] : parcelle cadastrée [Cadastre 18],

– sur la commune de [Localité 9] : parcelle cadastrée [Cadastre 17];

débouté Mme [D] de sa demande formée à titre subsidiaire tendant à ce qu’il soit fait application de l’article 1476 alinéa 2 du code civil ;

dit que le notaire commis répartirait entre les parties le solde du compte courant selon les règles de l’indivision, à la date du partage ;

débouté Mme [D] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeté le surplus des demandes des parties ;

dit que les dépens seraient partagés par moitié entre M. [R] et Mme [D] et utilisés en frais privilégiés de partage avec droit pour les avocats des parties de recouvrer ceux dont ils avaient fait l’avance sans avoir reçu provision ;

ordonné l’exécution provisoire.

Par une déclaration transmise à la cour par la voie électronique le 2 avril 2021, M. [R] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

– dit que les parts sociales détenues par M. [R] dans le Gaec [R] sont des biens de communauté ;

– dit que le notaire répartira entre les parties le solde du compte courant selon les règles de l’indivision à la date du partage.

Me Marc Decramer a déposé sa constitution d’avocat au soutien des intérêts de Mme [I] [D], intimée, le 28 avril 2021.

Le 9 mai 2022, Me Decramer s’est constitué avocat au soutien des intérêts de Mme [T] [R] épouse [X] et de M. [K] [R], fille et fils de Mme [D] et venant aux droits de cette dernière décédée le 11 mars 2022, et intervenants volontaires à l’instance d’appel.

Les parties ont déposé leurs conclusions dans les délais légaux, l’appelant le 28 juin 2021, le 14 novembre 2022, le 25 novembre 2022, Mme [I] [D] intimée le 24 septembre 2021, ses ayants droit le 17 mai 2022 et le 21 novembre 2022.

Après clôture de l’instruction par ordonnance du 22 novembre 2022, l’affaire a été appelée à l’audience du 24 novembre 2022 et a fait l’objet d’un renvoi à l’audience du 18 janvier 2023.

Par voie de conclusions régularisées le 25 novembre 2022, l’appelant a sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 18 janvier 2023.

A l’issue des débats, la décision de la cour a été mise en délibéré au 30 mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt aux parties au greffe.

Moyens

– Prétentions des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions du 25 novembre 2022, M. [R] demande à la cour de :

le dire et juger recevable et bien fondé en son appel ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les parts sociales qu’il détient dans le Gaec [R] sont des biens de communauté et que le notaire répartira entre les deux parties le solde du compte courant selon les règles de l’indivision à la date du partage ;

Statuant à nouveau,

juger que les parts sociales qu’il détient au sein du Gaec [R] sont des biens qui lui sont propres ;

juger que le montant du compte courant dont il était titulaire à la date du 1er décembre 2002, date des effets du divorce entre époux devra être partagé par moitié entre lui et les héritiers de Mme [D] ;

juger que la différence entre le solde du compte courant à la date des effets du divorce et celui apparaissant à la date du partage lui demeurera acquis ;

A titre subsidiaire et si par impossible les parts sociales devaient être considérées communes :

ordonner au notaire instrumentaire, éventuellement avec le concours d’un expert agricole et foncier, de procéder à l’évaluation de l’indemnité susceptible d’être dûe par M. [R] à l’indivision en vertu de l’article 815-9 du Code Civil à raison de l’usage privatif effectué des parts détenues dans le Gaec de la date d’effet du divorce à la date du partage ;

confirmer le jugement pour le surplus ;

porter les dépens en frais privilégiés de partage dont distraction au profit de Me Wadier, avocat aux offres de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions du 21 novembre 2022, Mme [T] [X] et M. [K] [R], intimés, demandent à la cour de :

débouter M. [R] de son appel et de l’intégralité de ses demandes ;

confirmer le jugement rendu le 5 février 2021 ;

écarter les conclusions de M. [R] en date du 14 novembre 2022 ;

condamner M. [R] à payer à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

le condamner aux dépens.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile

Motivation

SUR CE, LA COUR,

Sur le rabat de l’ordonnance de clôture :

Par conclusions transmises à la cour par voie électronique le 25 novembre 2022, l’appelant sollicite le rabat de l’ordonnance de clôture afin de lui permettre de répondre aux dernières conclusions des intimés déposés la veille de la clôture et de rectifier l’erreur matérielle contenue dans ses propres conclusions signifiées le 14 novembre précédent.

Conformément aux dispositions de l’article 802 du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office ; sont cependant notamment recevables les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture.

L’article 803 alinéa 1er du code de procédure civile énonce que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue, la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constituant pas, en soi, une cause de révocation.

Au cas présent, la recevabilité des conclusions sollicitant la révocation de l’ordonnance de clôture signifiées le 25 novembre 2022 n’est pas contestée.

Les conclusions de l’appelant remises et notifiées le 14 novembre 2022 ne visent pas en qualité d’intimés les ayants droit de Mme [D] décédée en cours d’instance qui sont intervenus volontairement ; cette erreur a été relevée par voie de conclusions par ces derniers qui ont signifié leurs dernières écritures la veille de l’ordonnance de clôture.

Il convient, afin de permettre à l’appelant de rectifier l’erreur, de révoquer l’ordonnance de clôture rendue le 22 novembre 2022 et d’en reporter les effets au 18 janvier 2023 date des débats, les intimés ne s’y opposant pas.

Les conclusions sur le fond notifiées par RÊVA le 25 novembre 2022 sont en conséquence recevables.

Sur l’intervention volontaire :

Il convient de constater que Mme [T] [R] épouse [X] et M. [K] [R], ayants droit de leur mère Mme [I] [D] décédée le 11 mars 2022 interviennent volontairement à l’instance.

Sur la demande tendant à voir écarter les conclusions signifiées par l’appelant le 14 novembre 2022 :

Les intimés soulignent que les conclusions en question visent Mme [I] [D] sans tenir compte du décès de cette dernière et de la reprise de l’instance.

Cependant, l’appelant a rectifié l’erreur en régularisant des dernières conclusions sur le fond le 25 novembre 2022 qui saisissent la cour et définissent l’objet du litige.

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur cette demande qui est devenue sans objet.

Sur la nature des parts sociales détenues au sein du Gaec [R] :

Pour retenir que ces parts sociales sont des biens communs, les premiers juges ont considéré en substance qu’il n’était pas établi que M. [R] avait la qualité d’agriculteur avant son mariage le 6 novembre 1971, que lors de la constitution du Gaec le 4 novembre 1983, M. [R] a apporté divers biens dont une partie, valorisée à la somme de 219.170 francs, avait été précédem-ment vendue par ses parents à ce dernier et à l’épouse, Mme [D], et qui relevaient donc nécessairement de la communauté pour avoir été acquis pendant le mariage, que s’agissant des biens apportés lors de la constitution du Gaec qui ne provenaient pas d’une acquisition faite pendant le mariage, ils devaient être considérés conformément à l’article 1404 in fine du code civil comme l’accessoire de l’exploitation faisant partie de la communauté, qu’en outre les parts sociales et le numéraire apportés lors de la constitution du Gaec ne rentraient pas dans la catégorie des ‘instruments de travail’.

Pour contester cette décision, M. [R] soutient qu’il était installé en qualité d’agriculteur avant son mariage, que l’exploitation qu’il mettait en valeur était donc un propre par application de l’article 1405 du code civil, qu’après avoir exploité à titre personnel durant plusieurs années il s’est associé au sein du Gaec [R] en 1983 avec son frère, qu’il a apporté alors le matériel dont il disposait et le cheptel vif constituant son exploitation ainsi que les stocks et parcelles, que c’est son exploitation initiale constituée avant le mariage qui a été ainsi agrandie sans être modifiée à l’occasion de la constitution du Gaec, le rachat du matériel de ses parents par la communauté justifiant la calcul d’une récompense au profit de celle-ci sans avoir d’incidence sur la nature de l’exploitation, que les biens qu’il a apportés au Gaec étaient donc des propres comme acquis pour partie avant le mariage, ceci d’autant plus qu’une partie

non négligeable était attachée à sa propre exploitation individuelle, que le matériel et le cheptel vif acquis en 1983 sont des instruments de travail nécessaires à sa profession et rattachés à son exploitation qui est un bien propre.

Les intimés, qui sollicitent la confirmation du jugement entrepris, opposent pour l’essentiel que M. [R] ne fait pas la preuve de son début d’activité en qualité d’exploitant individuel avant le mariage, que durant le mariage, selon acte sous seing privé du 30 septembre 1983, les parents de M. [R] ont vendu aux deux époux divers biens, que Mme [D] est intervenue à l’acte constitutif du Gaec le 31 décembre 1983, que les apports de M. [R] comprennent les biens acquis par les deux époux le 30 septembre 1983, qu’il n’existe aucun motif permettant de déroger à la qualification de bien commun s’agissant des parts sociales du Gaec peu important que seul M. [R] ait la qualité d’associé.

Sur ce,

L’article 1467 du code civil dispose que «la communauté dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n’étaient point entrés en communauté, s’ils existent en nature, ou les biens qui y ont été subrogés».

Il est de principe que la nature propre ou commune d’un bien se détermine au moment de son acquisition, les événements postérieurs – ayant trait, notamment, au financement du bien – n’ayant aucune influence sur cette qualification.

Aux termes de l’article 1401 du code civil, ‘la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres’.

L’article 1402 alinéa 1er du code civil dispose ‘Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi’.

Ainsi tout bien est présumé commun tant que son caractère propre n’est pas établi par l’accord des époux sur ce point ou tout autre moyen évoqué au second alinéa de cet article qui énonce ‘Si le bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, la propriété personnelle de l’époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit. A défaut d’inventaire ou autre preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures. Il pourra même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s’il constate qu’un époux a été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit’.

Aux termes de l’article 1404 du code civil ‘Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.

Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s’il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté’.

Enfin, en application de l’article 1405 du code civil, restent propres les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, ou qu’ils acquièrent, pendant le mariage, par succession, donation ou legs.

Au cas présent, M. [R] et Mme [D] ainsi que précédemment exposé au titre des faits constants se sont mariés le 6 novembre 1971 sans contrat de mariage préalable de sorte qu’ils sont soumis au régime légal.

Les parts sociales dont la nature est querellée ont été acquises par M. [G] [R] aux termes de l’acte de constitution du Gaec [R] reçu le 4 novembre 1983, soit au cours de l’union, en contrepartie de son apport au dit groupement de matériel pour un montant de 166.360 francs, de cheptel vif pour un montant de 124.800 francs, des stocks pour un montant de 36.370 francs, de parts sociales pour un montant de 650 francs et de numéraire (1.820 francs).

Ainsi que souligné par les intimés, Mme [D] est intervenue à l’acte pour donner son accord aux apports ainsi réalisés, circonstance qui tend à renforcer la présomption de communauté édictée par l’article 1402 alinéa 1er du code civil dont bénéficient les parts ainsi acquises par M. [R] au cours du mariage.

Comme il a été relevé par les premiers juges, le 30 septembre 1983, les parents de M. [R] ont vendu à celui-ci et à son épouse, Mme [D], du matériel, des stocks et du cheptel vif pour la somme globale de 219.170 euros. Il apparaît que l’intégralité de ces biens, acquis au cours du mariage par les époux ensemble, ont été apportés au Gaec contre l’attribution des parts sociales.

M. [R] soutient que ces parts constituent des propres dès lors que l’exploitation qui a été poursuivie dans le cadre du Gaec a été constituée initialement avant le mariage et expose à cet égard s’être installé en qualité d’agriculteur en 1970 reprenant alors 6ha 60a de terre répartis en trois parcelles appartenant à son grand-père et qui était précédemment cultivées par M. [P].

Force est toutefois de constater que les attestations qu’il se cantonne à verser aux débats sont insuffisantes à corroborer cette assertion, dès lors qu’elles indiquent en substance et uniquement qu’il a repris ou ‘est entré dans les’ terres de son grand-père, sans qu’il soit possible de vérifier au vu des éléments produits de quelles parcelles il s’agit, le cadre juridique dans lequel il les a exploitées, s’il les a exploitées en tant que chef d’exploitation et n’a pas seulement participé à leur mise en valeur. Les attestations apparaissent particulièrement fragiles dès lors que, comme le soulignent à juste titre les intimés elles sont établies 50 ans après les événements qu’elles rapportent et que la marge d’erreur est minime puisque les époux se sont mariés en novembre 1971 soit à quelques mois d’écart près. Aucun titre n’est produit ni relevé de parcellaire ou de carrière établi par la MSA ni encore d’élément rendant compte objectivement de la situation de l’époux antérieurement à la célébration du mariage de nature à les conforter et établir qu’il était effectivement immatriculé et installé en qualité d’exploitant antérieurement à la date du mariage.

Les éléments de M. [R] dont il ne ressort pas avec certitude que les biens apportés au Gaec lui étaient acquis pour partie avant le mariage ou étaient la propriété d’une exploitation individuelle créée avant le mariage, ne permettent pas de renverser la présomption de communauté.

Dès lors c’est par une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, non sérieusement contestée en cause d’appel, que les premiers juges ont retenu que quand bien même les biens apportés au Gaec peuvent être considérés comme des instruments de travail, ils constituent l’accessoire d’une exploitation faisant partie de la communauté et non un propre au mari.

En conséquence, si seul l’époux est associé du Gaec, les parts sociales pour leur valeur dépendent de la communauté puis de l’indivision post-communautaire.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur le compte courant :

Aux termes de la décision entreprise, les premiers juges ont dit qu’il appartiendra au notaire instrumentaire de répartir les fonds déposés sur le compte entre les ex-époux selon les règles de l’indivision à la date du partage en retenant que ces fonds étaient présumés indivis en application de l’article 1538 alinéa 3 du code civil.

M. [R] conteste cette décision en faisant valoir à titre principal que si le compte courant d’associé constitue un revenu entrant en communauté, les parts sociales du Gaec ne dépendent pas de la communauté de sorte que le notaire instrumentaire devra prendre en considération le montant du compte courant d’associé dont il dispose à la date des effets du divorce entre les époux soit le 1er décembre 2002 et non à la date du partage. Il fait valoir aussi que le compte courant dont il pourrait être titulaire dans le Gaec doit lui demeurer acquis étant le fruit de son travail après la date d’effet du divorce et correspondant à sa quote part de bénéfice.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement entrepris.

Sur ce,

Il convient de rappeler que le compte courant d’associé est une avance de fonds consentie par l’associé à la société, un solde créditeur conférant à ce dernier une créance de restitution contre la société.

La nature du solde créditeur d’un compte-courant ouvert au nom d’un associé marié sous un régime de communauté suit les principes généraux des régimes matrimoniaux. Ainsi, le compte-courant est réputé commun s’il n’est pas prouvé qu’il est propre.

Il a été précédemment statué que les parts sociales du Gaec avaient la nature de biens communs et il n’est pas soutenu ni établi que le compte courant d’associé de M. [R] a été alimenté par des fonds propres à l’époux.

Il n’est pas contesté que le Gaec a poursuivi son activité au-delà de la dissolution du mariage et de la date de ses effets entre les époux.

Dès lors le solde créditeur du compte courant d’associé détenu par M. [R], bien commun, a relevé à compter de la date de la dissolution de la communauté soit le 1er décembre 2002 de l’indivision post-communautaire régie par les articles 815 à 815-18 du code civil.

Il s’en évince que la demande de l’appelant tendant à ce que le notaire prenne en considération dans le cadre des opérations de liquidation le compte courant à la date de la dissolution de la communauté doit être rejetée.

Par application des dispositions de l’article 815-10 du code civil, le compte-courant d’associé de M. [R], assimilable à un revenu ou des fruits, accroît en effet à l’indivision jusqu’à la date du partage.

Pour ces motifs, substitués à ceux des premiers juges, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les fonds du compte courant devaient être partagés entre les ex-époux selon les règles de l’indivision à la date du partage et de débouter M. [R] de sa demande tendant à ce que la différence entre le solde du compte courant à la date des effets du divorce et celui apparaissant à la date du partage lui demeure acquis.

Sur la demande subsidiaire formée par M. [R] :

M. [R] sollicite qu’il soit fait application des dispositions de l’article 815-9 du code civil et qu’il soit ordonné au notaire, éventuellement avec le concours d’un sapiteur, de procéder à l’évaluation de l’indemnité susceptible d’être dûe par lui à l’indivision en vertu de ces dispositions à raison de l’usage privatif effectué des parts sociales détenues dans le Gaec depuis la date d’effet du divorce.

Il soutient qu’il ne saurait être redevable de l’intégralité de la quote-part des bénéfices dégagés par le Gaec alors qu’il a avec son seul frère et associé à l’exclusion de l’épouse fait prospérer le Gaec par son travail durant toute la période post-communautaire.

Toutefois les dispositions de l’article 815-9 du code civil en ce qu’elles instituent le principe d’une indemnité d’occupation due à l’indivision par l’indivisaire qui use et jouit privativement d’un bien indivis ne trouvent pas à s’appliquer.

La valeur des parts sociales du Gaec qui ont été acquises par M. [R] durant le mariage dépend de la communauté, dès lors par application des dispositions de l’article 815-10 alinéa 2 du code civil, les bénéfices et dividendes perçus par l’époux associé pendant l’indivision post-commu-nautaire accroissent à l’indivision et entrent dans la composition de la masse partageable. De même la plus-value éventuelle résultant de la gestion par l’époux du Gaec durant l’indivision post-communautaire accroît à l’indivision étant observé que M. [R] a droit à une rémunération de sa gérance appréciée souverainement par les juges du fond, ce qu’il ne demande pas.

En conséquence, la demande subsidiaire doit être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions de première instance seront confirmés.

Succombant en son appel, M. [R] sera condamné aux dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Decramer ainsi qu’à payer aux intimés en application de l’article 700 du code de procédure civile une indemnité de 2.000 euros pour la procédure d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort

REVOQUE l’ordonnance de clôture du 22 novembre 2022 et en reporte les effets au 18 janvier 2023 ;

CONSTATE l’intervention volontaire de Mme [T] [R] épouse [X] et de M. [K] [R] en leur qualité d’ayants droit de Mme [I] [D] ;

DIT sans objet la demande tendant à voir écarter les conclusions sur le fond signifiées par M. [G] [R] le 14 novembre 2022 ;

CONFIRME le jugement rendu le 5 février 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d’Amiens en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

DEBOUTE M. [G] [R] de sa demande tendant à ce que la différence entre le solde du compte courant d’associé à la date des effets du divorce et celui à la date du partage lui demeure acquis ;

DEBOUTE M. [G] [R] de sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné au notaire instrumentaire, éventuellement avec le concours d’un expert agricole de procéder à l’évaluation de l’indemnité susceptible d’être due par lui à l’indivision en vertu de l’article 815-9 du code civil ;

CONDAMNE M. [G] [R] à payer à Mme [T] [R] épouse [X] et à M. [K] [R] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

CONDAMNE M. [G] [R] aux dépens d’appel dont distraction au profit de Mme Decramer.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 

 


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