30 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/12844
Chambre 3-4
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 30 MARS 2023
N°2023/72
Rôle N° RG 19/12844 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXJU
SCI ROMEO
C/
[P] [X]
[M] [Y]
Société MJ [I]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Thierry BENSAUDE
Me Pascal ALIAS
Me Cyril BORGNAT
Me Charles TOLLINCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 17 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/06488.
APPELANTE
SCI ROMEO, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 5]
représentée par Me Thierry BENSAUDE de la SELARL INTERJURIS FRANCE, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
Madame [P] [X]
née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 4] (TUNISIE), demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
PARTIES INTERVENANTES
SELARL MJ [I], représentée par Me [F] [I], mandataire judiciaire, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI ROMERO,
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [M] [Y],
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6] (TUNISIE), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Cyril BORGNAT, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,
et Madame Françoise FILLIOUX, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, magistrat rapporteur
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
M. [M] [Y] et Mme [P] [X] sont associés de la SCI Romeo, chacun détenant 50% du capital.
La société a été constituée alors que M. [Y] et Mme [X] étaient mariés sous le régime de la communauté légale.
La SCI a acquis un bien immobilier financé au moyen des apports des époux [Y] [X].
Les comptes de la SCI font apparaître un compte courant d’associé au nom de M. et Mme [Y], d’un montant de 368704,82 euros.
Les époux [Y] [X] ont divorcé en 2014.
Par acte du 9 décembre 2016, Mme [P] [X] a fait assigner la SCI Romeo devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins d’obtenir la condamnation de la société à lui rembourser la somme de 185352, 41 euros au titre de son compte courant d’associé.
M. [M] [Y] est intervenu volontairement à l’instance.
Par jugement du 17 juin 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a statué comme suit :
– déclare les conclusions du 27 février 2019 de M. [M] [Y] inopposables à la société Romeo et à Mme [P] [X] et ses demandes de condamnation formulées au sein de ces dernières, à l’encontre de la société Romeo, irrecevables,
– déclare en conséquence irrecevable l’intervention volontaire de M. [M] [Y],
– condamne la société Romeo à payer à Mme [P] [X] la somme de 184352,41 euros en remboursement de son compte courant d’associé,
– déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la société Romeo au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de Maître Béatrice Lecas,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Le tribunal a retenu à cet effet :
– que M. [Y] avait déposé un dossier de plaidoirie sans accompagner ses conclusions de la preuve de leur notification aux autres parties,
– qu’il est de principe qu’un compte courant d’associé est remboursable à tout moment sauf convention contraire des parties,
– que le solde du compte courant d’associé apparaît au bilan du passif de la société et sur le grand livre des comptes généraux,
– que si le compte courant d’associé est au nom des deux associés, il n’est pas contesté que leur créance est à répartir à concurrence de moitié pour chacun ni que Mme [X] réclame le remboursement de sa part divise,
– que la cession du patrimoine relève d’une décision collective des associés selon l’article 17 des statuts et que la SCI Romeo ne démontre pas avoir inscrit la vente du bien immobilier à l’ordre du jour d’une quelconque assemblée générale,
– que le remboursement d’un compte courant d’associé doit intervenir même en cas de difficultés financières de la société.
M. [M] [Y] a interjeté appel de ce jugement le 15 juillet 2019 (RG n°19/11437).
La SCI Romeo a également formé un appel principal le 5 août 2019.
Par ordonnance du 13 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel inscrite par M. [M] [Y], enregistrée sous le n°RG 19/11437.
Exposé du litige
La SCI Romeo a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 28 novembre 2019.
Moyens
Par conclusions déposées et notifiées le 25 avril 2020, la SCI Romeo et la SELARL MJ [I] représentée par Maître [F] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Romeo demandaient à la cour, vu les articles L.641-5, R.624-1 du code de commerce, 554 du code de procédure civile, 815-2, 815-3 et suivants du code civil de :
– dire et juger recevable l’intervention volontaire de la SELARL MJ [I] ès qualités,
– dire et juger qu’une créance indivise doit être déclarée au passif pour le compte de l’indivision, les règles de la procédure collective du débiteur, pas plus que la mission confiée au liquidateur judiciaire, n’ayant vocation à établir des comptes entre les indivisaires titulaires d’une même créance,
– infirmer le jugement rendu le 17 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse,
– débouter Mme [P] [X] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [P] [X] à payer à la SELARL MJ [I] ès qualités la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et notifiées le 13 février 2023, la SELARL MJ [I] représentée par Maître [F] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Romeo, demande à la cour, vu les articles L.641-5, R.624-1 du code de commerce, 554 du code de procédure civile, 815-2, 815-3 et suivants du code civil de :
– dire et juger recevable l’intervention volontaire de la SELARL MJ [I] ès qualités,
– constater que les comptes de la SCI Romeo font apparaître une créance de 368704 euros au profit de l’indivision [M] [Y] [P] [X], laquelle est inscrite au passif,
– dire et juger qu’une créance indivise doit être déclarée au passif pour le compte de l’indivision, les règles de la procédure collective du débiteur, pas plus que la mission confiée au liquidateur judiciaire, n’ayant vocation à établir des comptes entre les indivisaires titulaires d’une même créance,
– infirmer le jugement rendu le 17 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse,
– débouter Mme [P] [X] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [P] [X] à payer à la SELARL MJ [I] ès qualités la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions aux fins d’intervention volontaire déposées et notifiées le 29 octobre 2019, M. [M] [Y] demande à la cour, vu l’article 544 du code de procédure civile de :
– donner acte à M. [M] [Y] de son intervention volontaire,
– juger que M. [M] [Y] qui n’était ni partie ni représenté en première instance justifie d’un intérêt à intervenir en cause d’appel,
– déclarer recevable la demande d’intervention volontaire de M. [M] [Y],
vu les dispositions des articles 1832 et suivants du code civil,
– à titre principal, infirmer le jugement prononcé le 17 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse et statuant à nouveau,
– déclarer irrecevable Mme [X] en son action en remboursement partiel d’une créance indivise,
– débouter Mme [P] [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Mme [P] [X] à payer à M. [M] [Y] la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– à titre subsidiaire, condamner la SCI Romeo à payer la somme de 184352,41 euros à M. [M] [Y] en remboursement de sa part du compte courant d’associé au 31 mars 2015,
– condamner la SCI Romeo à payer à M. [M] [Y] la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et notifiées le 12 janvier 2023, Mme [P] [X] demande à la cour, vu les articles 1832 et suivants du code civil, 122 et 564 du code de procédure civile de :
– juger irrecevable l’intervention volontaire de M. [Y],
– juger irrecevables les demandes de la SCI Romeo comme constituant des demandes nouvelles en cause d’appel,
– juger irrecevables les demandes de la SCI Romeo pour être dépourvue de qualité et d’intérêt à agir,
Par conséquent,
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la SCI Romeo à payer à Mme [X] la somme de 184352,41 euros en remboursement de son compte courant d’associé établi au 31 mars 2015,
Compte tenu du placement de la SCI Romeo en liquidation judiciaire,
– fixer la créance de Mme [X] à la somme de 184352,41 euros au titre de son compte courant d’associé
– débouter la SCI Romeo de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la SCI Romeo à payer à Mme [P] [X] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Pascal Alias.
La procédure a été clôturée le 14 février 2023 avant l’ouverture des débats.
Motivation
MOTIFS :
M. [M] [Y] n’a pas justifié de l’acquittement du droit prévu à l’article 1635 bis P du code général des impôts, malgré la demande qui lui en a été faite par avis du magistrat de la mise en état le 20 juillet 2022, lui rappelant l’irrecevabilité encourue en application des articles 963 et 964 du code de procédure civile.
M. [Y] sera en conséquence déclaré irrecevable en ses conclusions d’intervention volontaire portant appel incident, conformément aux textes précités, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par Mme [X] à son encontre.
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses et faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Ces dispositions ne sont pas opposables à la SELARL MJ [I] qui n’était pas partie en première instance et dont l’intervention est justifiée par la liquidation judiciaire de la SCI Romeo prononcée par jugement du 28 novembre 2019, aucune fin de non-recevoir n’étant d’ailleurs soulevée par Mme [X] à l’encontre du liquidateur.
L’irrecevabilité des prétentions nouvelles édictée par l’article 564 du code de procédure civile n’interdit pas aux parties de présenter en cause d’appel des moyens nouveaux.
En cause d’appel, la SCI Romeo demande en premier lieu à la cour de recevoir l’intervention volontaire de la SELARL MJ [I] ès qualités. Cette prétention est recevable s’agissant d’une question née de la survenance, postérieurement au jugement de première instance, d’une situation nouvelle tenant à la liquidation judiciaire de la société.
La demande de la SCI Romeo de ‘dire et juger qu’une créance indivise doit être déclarée au passif pour le compte de l’indivision, les règles de la procédure collective du débiteur, pas plus que la mission confiée au liquidateur judiciaire, n’ayant vocation à établir des comptes entre les indivisaires titulaires d’une même créance,’ constitue l’énoncé d’un moyen et non d’une prétention.
La SCI Romeo conclut principalement au débouté de Mme [X], comme elle le faisait déjà en première instance, de sorte qu’aucune irrecevabilité n’est encourue sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile.
La SCI Romeo, en liquidation judiciaire, dispose d’un droit propre à défendre à une action tendant à la fixation d’une créance au passif de la procédure collective et est recevable à ce titre à invoquer le moyen tiré du caractère indivis du compte courant d’associé des ex époux [Y] [X].
Les fins de non-recevoir opposées par Mme [X] seront en conséquence rejetées.
Mme [X] se prévaut d’une créance contre la SCI Romeo au titre d’un compte courant d’associé.
Il n’est pas contesté par la société débitrice et par le liquidateur que les comptes de la SCI font apparaître un compte courant d’associé au nom de ‘M. et Mme [Y]’, d’un montant de 368704,82 euros.
Il résulte des explications de l’ensemble des parties, concordantes sur ce point, que les sommes portées au crédit de ce compte correspondent à des avances effectuées par M. [Y] ou Mme [X] alors mariés sous le régime de la communauté.
Ainsi que le fait valoir à juste titre le liquidateur, la créance de compte courant de la communauté est devenue, ensuite du divorce des époux [Y] [X], une créance de l’indivision post communautaire, soumise au régime légal de l’indivision.
Le liquidateur déclare que cette créance indivise est bien inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Romeo pour son montant de 368704 euros, il lui en sera donné acte.
Compte tenu du caractère indivis de la créance inscrite, Mme [X] n’est pas fondée à faire inscrire concurremment au passif de la procédure collective une créance individuelle correspondant à la quote part des droits qu’elle estime devoir lui revenir dans l’indivision.
La détermination de la part de la créance indivise revenant à Mme [X] relève des opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux telles qu’ordonnées par le jugement de divorce du 30 juillet 2014 confirmé sur ce point par arrêt du 9 juillet 2015.
Il appartiendra à Mme [X], si les opérations de liquidation permettent le paiement de la créance indivise de compte courant, de justifier de la quote part lui revenant par l’effet d’un acte valant partage.
Le jugement dont appel sera en conséquence infirmé et Mme [X] déboutée de ses demandes.
Partie succombante, Mme [X] sera condamnée aux dépens, à l’exception de ceux exposés devant la cour d’appel par M. [M] [Y] qui resteront à la charge de ce dernier, sans qu’il y ait lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Déclare M. [M] [Y] irrecevable, pour défaut de paiement du timbre, en ses conclusions d’intervenant volontaire portant appel incident,
Rejette les fins de non-recevoir opposées par Mme [P] [X] à l’encontre de la SCI Romeo,
Reçoit en son intervention volontaire la SELARL MJ [I] représentée par Maître [F] [I] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI Romeo,
Infirme, dans les limites de sa saisine, le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Romeo à payer à Mme [P] [X] la somme de 184352,41 euros en remboursement de son compte courant d’associé et condamné la SCI Romeo aux dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Donne acte à la SELARL MJ [I] représentée par Maître [F] [I] de l’inscription au passif de la SCI Romeo, d’une créance indivise de 368704 euros au nom des ex époux [Y] [X],
Déboute Mme [P] [X] de sa demande tendant à l’inscription au passif de la SCI Romeo d’une créance individuelle de 184352,41 euros,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [X] aux dépens de première instance et d’appel à l’exception des dépens exposés devant la cour d’appel par M. [M] [Y], qui resteront à la charge de ce dernier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT