29 novembre 2022
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
22/00182
Chambre civile TGI
Arrêt N°
PC
R.G : N° RG 22/00182 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FVCU
S.C.I. [U]
C/
S.A.R.L. SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022
Chambre civile TGI
Appel d’une ordonnance rendue par le JUGE DE L’EXECUTION DE SAINT-DENIS en date du 10 FEVRIER 2022 suivant déclaration d’appel en date du 18 FEVRIER 2022 rg n°: 21/00543
APPELANTE :
S.C.I. [U] La SCI [U] gère des immeubles et est représentée par son gérant en exercice.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Pierre-yves BIGAIGNON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
S.A.R.L. SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE immatriculée au RCS de Saint-Denis (La Réunion), prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Alicia BUSTO de la SELARL CHICAUD ET PREVOST OCEAN INDIEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture: 21 juin 2022
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Septembre 2022 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Mélanie CABAL, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 29 Novembre 2022.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 29 Novembre 2022.
Greffier : Mme Véronique FONTAINE, Greffier.
Exposé du litige
LA COUR:
Suivant acte notarié dressé le 20 février 2013, Monsieur [R] [F] [U] s’est porté caution solidaire de la SCI LES TAMARINS envers la SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE (SCB), dans la limite d’un plafond de 500.000,00 euros en principal, majoré de tous intérêts, frais, commissions et accessoires.
La SCI LES TAMARINS a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du 8 septembre 2020.
Considérant que la SCI LES TAMARINS n’avait pas honoré l’intégralité de sa dette envers la SCB, celle-ci a fait procéder, le 9 octobre 2020, à une saisie-attribution, entre les mains de la SCI [U], des sommes détenues par elle pour le compte de Monsieur [R] [U], pour le recouvrement d’une créance d’un montant principal de 450.000,00 euros, outre les frais de procédure et autres intérêts. La saisie attribution a été dénoncée à Monsieur [R] [U] le 14 octobre 2020.
Par exploit d`huissier en date du 5 mars 2021, la société SCB a fait citer la SCI [U] devant le juge de l’exécution en fixation d’une astreinte à défaut de production des pièces justificatives à l’appui de son affirmation de ce qu’elle n’était tenue à aucune obligation à l’égard de Monsieur [R] [U] à la date de la saisie-attribution tentée le 9 octobre 2020 (tel son Grand Livre Comptable relatif aux exercices 2019 et 2020) , outre en paiement de la somme de 2 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 10 février 2022 (RG-21-543), le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes :
Valide, en tant que de besoin, la saisie-attribution effectuée le 9 octobre 2020 entre les mains de la SCI [U] par la S.A.R.L. Société de Construction Bourbonnaise (SCB), sur les sommes détenues par elle au profit de Monsieur [R] [U], et portant sur la somme de 451.475,17 € ;
Rappelle l’effet attributif immédiat produit par la mesure et notamment sur les sommes figurant au compte courant d’associé à la date du 9 octobre 2020 pour un montant de 46.728,02 € ;
Condamne la SCI [U] à verser à la S.A.R.L. Société de construction Bourbonnaise (SCB) la somme de 10.000€ (DIX MILLE EUROS), à titre de dommages et intérêts ;
Ordonne à la SCI [U] de produire dans le délai de huit jours suivants la signification de la présente décision, l’ensemble des documents et bilans comptables relatifs à ses exercices 2019 et 2020 ;
Assortit cette injonction de production de pièces comptables d’une astreinte de 500€ (CINQ CENTS EUROS) par jour passé un délai de huit jours, après la signification de la présente décision, et pour une durée de quatre mois, à l’encontre de la SCI [U] ;
Condamne la SCI [U] à verser à la S.A.R.L. Société de construction Bourbonnaise (SCB) la somme de 2.000 € (DEUX MILLE EUROS) en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la SCI [U] aux entiers dépens ;
Rappelle que les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit.
Par déclaration déposée par RPVA le 18 février 2022 au greffe de la cour, la SCI [U] a formé appel du jugement.
L’affaire a été fixée à bref délai selon un avis en date du 4 mars 2022.
L’appelante a déposé ses premières conclusions par RPVA le 4 avril 2022.
L’intimée a déposé ses premières conclusions par RPVA le 29 avril 2022.
La clôture est intervenue le 21 juin 2022.
L’affaire a été examinée le 20 septembre 2022.
***
Moyens
Aux termes de ses uniques conclusions d’appelante déposées par RPVA le 4 avril 2022, la SCI [U] demande à la cour de :
Infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris d’appel.
STATUANT A NOUVEAU :
Débouter la SCB de l’ensemble de ses prétentions dirigées contre la SCI » DEVI » (en réalité [U])
Condamner la SCB à payer à la SCI [U] la somme de 3 000,00 € au titre des frais irrépétibles.
Faire masse des dépens de première instance et d’appel.
Condamner la SCB aux entiers dépens ainsi consolidés.
L’appelante reproche au jugement querellé :
De l’avoir condamnée au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 10 000,00 €, alors même que la SCB n’a pas rapporté la preuve de son préjudice, ni celle du lien de cause à effet entre la faute alléguée et le prétendu dommage ;
D’autre part, de lui avoir fait injonction de produire, sous astreinte, » des documents et bilans comptables relatifs à ses exercices 2019 et 2020 « , alors que les pièces versées initialement aux débats permettaient une appréciation complète de la situation quant aux obligations de la SCI [U] envers Monsieur [R] [F] [U].
Selon l’appelante, bien qu’il appartienne au créancier (la SCB) d’administrer la preuve de l’existence de la dette du tiers saisi, la SCI [U] a versé aux débats une attestation établie le 29/03/2021, sous forme de courrier par le cabinet d’expertise-comptable et de commissariat aux comptes dénommé EXCO ANIS EXPERTS démontrant qu’elle n’était tenue à aucune obligation de paiement d’une quelconque somme envers Monsieur [R] [F] [U] au moment de la saisie-attribution litigieuse.
Elle plaide que la possibilité de condamnation du tiers saisi à des dommages et intérêts, à l’occasion d’une saisie-attribution pratiquée entre ses mains, ne déroge pas au droit commun de la responsabilité civile. Le créancier qui entend mettre en jeu la responsabilité du tiers saisi doit donc rapporter la triple preuve de l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de cause à effet entre la faute et le dommage allégué, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Elle affirme enfin que l’injonction sous astreinte est » incompréhensible » car elle a versé aux débats les pièces suivantes, largement suffisantes selon elle pour prouver l’inexistence d’une quelconque obligation de la SCI [U] envers Monsieur [R] [F] [U], ceci d’autant plus qu’elle est corroborée par d’autres pièces versées aux débats.
***
Aux termes de ses dernières conclusions en réplique N° 2, déposées par RPVA le 20 juin 2022, la SARL SCB demande à la cour de :
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 10 février 2022,
LA CONDAMNER à verser à la SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE la somme de 3.000,00 euros au titre des frais irrépétibles, et ce en application de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.
Selon l’intimée, Monsieur [U] et ses sociétés sont coutumiers, depuis de nombreuses années, de la dissimulation de leurs éléments comptables à l’égard de la société SCB.
La société SCB précise que la réponse du gérant de la SCI [U] à l’huissier instrumentaire de la saisie-attribution du 9 octobre 2020 fut : » Je ne détiens aucune somme pour le compte de Monsieur [R] [U]. »
Malgré la demande de remise de tout document justificatif, conformément à l’article R. 211-
4 du code des procédures civiles d’exécution, L’huissier rapporte dans son acte :
» Aucune pièce justificative ne nous est transmise à l’appui des déclarations qui nous sont faites. »
L’intimée en déduit que la SCI [U] n’a pas satisfait à son obligation de produire les justificatifs à l’appui de sa réponse, malgré l’invitation d’y procéder reçue de la part de l’huissier.
La SOCIETE BOURBONNAISE DE CONSTRUCTION s’estime fondée à solliciter la remise de ces pièces justificatives, telles que le Grand livre comptable relatif aux exercices 2019 et 2020 pour s’assurer de l’exactitude de la réponse donnée par la SCI [U].
Selon elle, la production, en défense, d’une attestation d’un expert-comptable ne satisfait pas les obligations à la charge du tiers saisi au titre de son devoir de renseignement. Or, en l’espèce, plus de six mois se sont écoulés entre la demande signifiée par l’huissier de recevoir les pièces justificatives, et la production de l’attestation de l’expert-comptable évoquant l’absence de compte courant créditeur détenu par Monsieur [U] en qualité d’associé.
La SARL SBC soutient qu’en cause d’appel, la SCI [U] se borne à produire le bilan de la société pour les années 2019 et 2020. Ces deux pièces qui selon lui confirment la teneur de la seule attestation produite en première instance (Pièces adverses n° 3 et 4). Pourtant, il convient de constater qu’en mars 2021, l’expert-comptable attestait que le compte courant présentait un solde nul (Pièce adverse n° 3) alors qu’en mars 2022, une deuxième attestation est produite dans l’espoir de démontrer que Monsieur [F] [U] » ne dispose pas de compte courant dans la société » (Pièce adverse n° 4). Ces informations semblent particulièrement fantaisistes afin de tromper le créancier sur l’étendue des obligations de l’associé.
L’intimée plaide que la production de l’attestation de l’expert-comptable de SCI [U] ne satisfait toujours pas l’obligation de renseignement qui pèse sur le tiers saisi car un associé peut recevoir des sommes de la part de la société de trois manières différentes :
o En rémunération et ou en remboursement de son compte courant
o En dividendes
o En rémunération pour un mandat au sein de la société
Mais l’attestation de l’expert-comptable n’évoque que le premier cas, le traitement du compte courant d’associé ; mais en aucune manière il n’exclut que la société ne soit pas redevable de sommes à d’autres titres.
La SARL SCB considère que Manifestement, le tiers saisi, sans raison valable, alors qu’elle en a l’obligation légale, s’oppose toujours à communiquer les pièces justificatives de ses propres engagements à l’égard de Monsieur [U] malgré l’obligation incombant à tout commerçant par l’effet de l’article R. 123-175 du code de commerce. Pourtant, même en cause d’appel, la SCI [U] se borne à ne produire que les comptes annuels des exercices 2019 et 2020.
La production de ces nouvelles pièces ne permet toujours pas de démontrer l’absence d’obligation de la SCI [U] à l’encontre de Monsieur [F] [U] ni d’indiquer :
– si Monsieur [F] [U] disposait d’un compte-courant mais uniquement de constater la présence d’un compte-courant associé évalué à 175.163 euros,
– si des dividendes seront distribués
– ou si Monsieur [F] [U] doit éventuellement être rémunéré en qualité de mandataire social.
Pour l’intimée, rien ne permet de connaître sur la foi de quoi l’expert-comptable s’exprime, dans la mesure où il ne lui appartient nullement d’authentifier la comptabilité, mais simplement de s’assurer de son équilibre.
Son attestation n’est donc jamais que la reproduction des éléments qui lui ont été produits par sa cliente ; or, l’attestation date du 29 mars 2021 alors que la saisie est intervenue le 9 octobre 2020.
Enfin, la SARL SCB pointe une anomalie dans l’édition des comptes annuels car elle fait observer que les comptes de résultat pour les années 2019 et 2020 ont été édités le même jour, soit le 9 mars 2022. Il aurait fallu plus de deux ans pour que les comptes annuels de l’exercice 2019 soient mis à disposition du client par l’expert-comptable. Elle considère que, face au mécanisme de dissimulation des rémunérations perçues par Monsieur [R] [F] [U], il n’est pas permis de se satisfaire des éléments produits par le tiers saisi.
Selon la SARL SCB, la réponse de la SCI [U] concernant les informations réclamées sur l’existence d’éventuelle dividendes ou rémunération qui seraient dues à Monsieur [R] [U] sont en contradiction avec le principe même d’une éventuelle extinction de son obligation. En effet, la SCI [U] élude l’interrogation quant à l’existence d’une telle dette au jour de la saisie attribution en se contentant d’affirmer que : » si les dividendes ont été distribués, mais n’ont pas été réglés directement à l’associé concerné, les sommes correspondantes sont obligatoirement portées au crédit du compte courant dudit associé, lequel, du fait de cette écriture comptable, est réputé avoir perçu lesdits dividendes. Il en est de même pour ce qui est de la rémunération d’un mandataire social par ailleurs associé de la société. »
Ce faisant elle entre en contradiction avec les dispositions de l’article 1342 du code civil qui dispose que seul le paiement de l’obligation libère le débiteur à l’égard de son créancier.
Or, contrairement à ce qui est avancé par la SCI [U], la seule écriture comptable de ces sommes éventuelles ne la déliait pas de son obligation vis-à-vis de Monsieur [R] [U].
La SARL SCB conclut que la SCI [U] a manifestement manqué à son obligation de renseignement pendant plus d’une année.
***
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Motivation
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de » constatations » ou de » dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Aux termes de l’article L. 211-3 du code des procédures civiles d’exécution, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.
Selon le deuxième alinéa de l’article L. 211-4 du même code, en l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent.
L’article R. 211-4 impose au tiers saisi de fournir sur-le-champ à l’huissier de justice les renseignements prévus à l’article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives.
Selon les prescriptions de l’article R. 211-5, Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur.
Il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que :
– le tiers saisi qui ne s’est pas abstenu de procéder à la déclaration requise mais qui a fourni des renseignements inexacts ou mensongers encourt une condamnation au paiement de dommages-intérêts (2e Civ., 13 juillet 2005, pourvoi n° 03-19.138, Bull. 2005, II, n° 204) ;
– le tiers, tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur saisi, est celui qui est tenu d’une obligation portant sur une somme d’argent, envers ce débiteur (2e Civ., 21 octobre 2004, pourvoi n° 03-10.131, Bull., 2004, II, n° 473) ;
– en application de l’article 1353 du code civil, il appartient au créancier qui a fait pratiquer une saisie-attribution d’établir que le débiteur est créancier du tiers saisi (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-30.008, Bull. 2011, II, n° 38);
– l’efficacité de la saisie n’est pas une condition d’application de l’alinéa 2 de l’article R. 211-5 du CPCE. Dès lors, un tiers saisi peut, même s’il n’est redevable d’aucune somme envers le débiteur saisi, être condamné au versement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de renseignement (2e Civ., 19 mars 2009, pourvoi n° 08-11.303, Bull. 2009, II, n° 78) ;
– lorsqu’il n’est tenu à aucune obligation envers le débiteur, le tiers saisi ne peut être condamné aux causes de la saisie pour manquement à son obligation de renseignement et n’encourt qu’une condamnation au paiement de dommages-intérêts (2e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-15.298). Mais, lorsque ce point est contesté, les juges doivent donc rechercher si, au jour de la saisie, le tiers n’était tenu à aucune obligation envers le débiteur saisi (2e Civ., 4 octobre 2001, pourvoi n° 99-11.574).
En l’espèce, le procès-verbal de saisie-attribution dressé le 9 octobre 2020 à la requête de la SARL SCB mentionne que la SCI [U], dont le gérant est Monsieur [U] [J], a répondu à l’huissier de justice » Je ne détiens aucune somme pour le compte de Monsieur [U] [R]. »
L’acte mentionne clairement les dispositions des articles L. 211-2, L. 211-3, L. 211-4, R. 211-5 du code des procédures civiles d’exécution. Il fait sommation au tiers saisi d’indiquer au créancier saisissant toutes les sommes qu’il est susceptible de détenir pour le compte de Monsieur [U] [R], et plus précisément les sommes portées au crédit de ses comptes courant.
La SCI [U] ne justifie pas avoir répondu au créancier saisissant malgré cette sommation visée dans l’acte de saisie-attribution dont elle a eu connaissance. D’ailleurs, l’appelante ne forme aucune contestation à ce sujet.
Il résulte clairement des débats et des pièces produites que la SCI [U] n’a pas répondu au créancier saisissant dans un délai raisonnable, puisqu’elle verse aux débats, selon son bordereau de communication de pièces en appel :
1°. Acte notarié en date du 20/02/2013
2°. Procès-verbal de saisie-attribution en date du 09/10/2020
3°. Courrier du cabinet EXCO ANIS EXPERTS du 29/03/2021
4°. Comptes annuels des exercices 2019 et 2020 transmis en cours d’instance
5°. Attestation du cabinet EXCO ANIS EXPERTS en date du 15/03/2022.
Il convient donc de juger que le tiers saisi n’a pas répondu à la demande de la SARL SCB après avoir été destinataire du procès-verbal de saisie-attribution du 9 octobre 2020 d’éventuelles sommes dues à Monsieur [R] [U]. En outre, la cour remarque que le courrier de l’expert-comptable en date du 29 mars 2021 mentionne que le compte courant du débiteur saisi présente un solde nul puis que le courrier daté du 15 mars 2022 ajoute qu’en réalité, Monsieur [R] [U] ne dispose pas d’un compte courant d’associé dans la SCI [U].
Il incombe ensuite au créancier saisissant de démontrer que Monsieur [U] était créancier de la SCI [U] au jour de la saisie-attribution.
L’intimée verse aux débats dix pièces numérotées à son BCP mais aucune n’évoque un commencement de preuve de l’existence de la créance alléguée au profit de Monsieur [R] [U], due par la société [U]. La SARL SCB se borne à évoquer une fraude dans les écritures comptables de la société [U], mettant en doute la validité du courrier du co-gérant du cabinet d’expertise comptable EXCO Anis EXPERTS sans étayer son hypothèse autrement qu’en sous-entendant que la société appelante aurait eu le temps de masquer l’existence des avoirs dus au débiteur saisi, alors que cet expert-comptable s’engage en attestant qu’à la date du 9 octobre 2020, le compte courant de la Monsieur [R] [U] dans la SCI [U] présente un solde nul puis en 2022 qu’il n’existe pas de compte courant d’associé pour le débiteur saisi.
Enfin, l’intimée affirme que Monsieur [R] [U] pourrait avoir disposé d’autres sources de revenus provenant de la société [U], sans en justifier ni proposer une analyse précise des bilans versés aux débats.
Ainsi, la SARL SCB échoue à démontrer que le tiers saisi détenait des sommes au titre d’une créance du débiteur saisi à la date du 9 octobre 2020.
En conséquence, la SCI [U], n’étant tenue d’aucune obligation certaine envers Monsieur [R] [U] à la date de la saisie litigieuse, mais ne justifiant d’aucun motif légitime expliquant l’absence de communication de pièces comptables après délivrance du procès-verbal de saisie-attribution, ne peut être condamnée qu’au paiement de dommages et intérêts en raison du manquement à son obligation de renseignement.
Contrairement à ce que soutient l’appelante, la sanction de l’article R. 211-5 n’est pas conditionnée par la justification d’un lien de causalité directe entre la déclaration mensongère et un dommage mais vise d’abord à inciter les tiers saisis à répondre rapidement et sincèrement aux réclamations du créancier saisissant.
Le premier juge a donc justement apprécié le montant des dommages et intérêts dus à la SARL SCB par la SCI [U], tiers saisi ayant manqué à son obligation de renseignement imposée par l’article R. 211-4 du CPCE en condamnant l’appelante à payer la somme de 10.000 euros à la SARL SBC à titre de dommages et intérêts.
Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.
Sur l’injonction de production de pièces sous astreinte :
L’appelante fait grief au jugement entrepris d’avoir prononcé une astreinte afin de produire les documents et bilans comptables relatifs à ses exercices 2019 et 2020, alors que les pièces versées initialement aux débats permettaient une appréciation complète de la situation quant aux obligations de la SCI [U] envers Monsieur [R] [F] [U].
En réalité, la SCI [U] considère que l’injonction n’était pas opportune car les documents produits étaient suffisants.
Enfin, l’intimée précise dans ses conclusions qu’il aura fallu plus de deux ans pour que les comptes annuels de l’exercice 2019 soient mis à sa disposition.
Ce seul fait justifie le prononcé de l’astreinte par le juge de l’exécution puisqu’il est incontestable que le grand livre comptable n’avait pas encore été produit à la SARL SCB.
Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes :
La SCI [U] supportera les dépens de première instance et d’appel.
Elle sera condamnée à payer à la SARL SCB une indemnité de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, en plus de ceux déjà alloués par le premier juge.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE la SCI [U] à payer à la SARL SOCIETE DE CONSTRUCTION BOURBONNAISE (SCB) la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;
CONDAMNE la SCI [U] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT