Comptes courants d’associés : 28 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04033

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Comptes courants d’associés : 28 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04033

28 mars 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG
22/04033

Chambre commerciale

AFFAIRE :

[Y]

C/

[H]

[G]

S.C.I. FAC VERDUN [Localité 2]

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 28 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/04033 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PQE6

Décisions déférées à la Cour;

Arrêt de la Cour de cassation du 02 Février 2022, enregistrée sous le n° 96 F-D cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 05 Novembre 2020, enregistré sous le n° 2020/151 à l’encontre du jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 15 mars 2017 (RG. : 11/04814)

Vu l’article 1037-1 du code de procédure civile;

DEMANDERESSE A LA SAISINE:

Madame [J] [U] [Y] divorcée [H]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 2]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean Marc NGUYEN-PHUNG de la SELARL PHUNG 3P, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Candice POLLAUD DULIAND de la SELARL PHUNG 3P, avocat au barreau de MONTPELLIER

DEFENDEURS A LA SAISINE

Monsieur [O] [D] [H]

né le [Date naissance 7] 1947 à [Localité 2]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me Fanny LAPORTE substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Isabelle GORTINA, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant

Monsieur [R] [G]

né le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

S.C.I. FAC VERDUN [Localité 2]

[Adresse 10]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL GDG, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Matthieu BOTTIN, avocat au barreau de NICE substituant Me Benoît BROGINI de la SELARL NEVEU- CHARLES & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 26 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 FEVRIER 2023,en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 805 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

Exposé du litige

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

[J] [Y] et [O] [H] se sont mariés le [Date mariage 4] 1972 devant l’officier d’état civil de la ville de [Localité 11] sous le régime de la séparation de biens.

Sur requête en date du 27 octobre 2008 déposée par Mme [Y], une ordonnance de non-conciliation a été rendue par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice le 31 mars 2009.

Le divorce a été prononcé par jugement en date du 28 février 2012, confirmé par un arrêt en date du 21 février 2013 de la cour d’appe1 d’Aix-en-Provence.

Suite à une augmentation de capital et à un changement de nom, la société civile immobilière SCI FAC Verdun [Localité 2] (créée en mars 1986) avait pour associés:

– la SA Locamur-Sofigros 20 parts

– Mme [J] [Y] 150 parts

– M. [O] [H] 160 parts

– la SARL F.A.C. (Fiduciaire d’audit et de conseils) au sein de laquelle Monsieur [H] exerce son activité professionnelle d’expert-comptable

670 parts

La SCI FAC Verdun [Localité 2] a acquis le 4 septembre 1986 des locaux à usage professionnel par le biais de deux prêts, dont l’un auprès de la société Locamur-Sofigros, qui ont été donnés en location sous la forme d’un crédit-bail immobilier sur quinze années à la société F.A.C., qui a renoncé à exercer l’option d’achat à l’issue.

Suivant assemblée générale extraordinaire du 28 décembre 2001, la société F.A.C. s’est retirée de la SCI FAC Verdun [Localité 2] ; les 690 parts sociales lui appartenant (après acquisition des parts sociales de la société Locamur-Sofigros) étant annulées, entraînant une réduction de capital dans le cadre de laquelle elle s’est vue attribuer une somme de 412 340 euros, outre le remboursement de son compte courant d’associée, pour un montant de 98 363,44 euros.

À la demande de la SCI FAC Verdun [Localité 2] en recherche de financement, la SA Société générale a émis une offre de prêt le 28 novembre 2002 à hauteur de 3 000 000 euros sur une durée de dix années. Cette offre a été acceptée le 3 décembre 2002 et a fait l’objet d’un acte authentique en date du 27 février 2003.

Par acte sous seing privé en date du 14 janvier 2003, Mme [Y] a cédé à [S] [G] l’intégralité des 150 parts sociales qu’elle détenait dans le capital de la SCI FAC Verdun [Localité 2] à leur valeur nominale, soit la somme totale de 225 euros.

Aux termes du même acte, M. [H] a cédé à M. [G] deux parts sociales sur les 160 parts qu’il détenait dans le capital de la SCI FAC Verdun pour un prix de 3 euros.

Par acte sous seing privé du 7 mars 2008, M. [H] a cédé à leur valeur nominale (4,5 euros) à M. [G], trois parts sociales ; chacun étant désormais détenteur de 155 parts sociales de la SCI FAC Verdun [Localité 2].

Saisi par actes d’huissier en date des 4, 5 et 10 août 2011 délivrés par Mme [Y] à l’encontre de MM. [G] et [H] et de la SCI FAC Verdun [Localité 2] sur le fondement du dol au titre des manoeuvres frauduleuses et de la contrainte économique subies lors de la cession du 14 janvier 2003 aux fins d’être indemnisée des préjudices découlant de la perte de la valeur des parts sociales et de leurs dividendes ainsi que d’un préjudice moral, le tribunal de grande instance de Nice a, par jugement du 15 mars 2017, déclaré prescrite son action et a débouté MM. [G] et [H] de leurs demandes de dommages-intérêts.

Saisie d’un appel interjeté le 22 mai 2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a, par un arrêt du 5 novembre 2020, infirmé partiellement le jugement, déclarant recevable l’action de Mme [Y] et la rejetant.

Cette dernière a formé un pourvoi, donnant lieu à un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 2 février 2022, cassant et annulant partiellement cet arrêt en ce qu’il a rejeté les demandes d’indemnisation de Mme [Y] et renvoyant les parties devant la cour de Montpellier aux motifs que :

‘- Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :

9. Pour rejeter Ies demandes de dommages-intéréts de Mme [Y], l’arrêt retient, tout d’abord, que la lecture de la page 3 de l’acte de cession de parts montre qu’a la date de cet acte, Mme[Y], contrairement à ce qu’elle soutient, était dûment avisée de l’existence de ce prét, qu’en revanche, il ne résulte d’aucun des éléments du dossier que le montant du prêt ait été porté à sa connaissance avant les conclusions du 17 mars 2009, qu’ainsi son action n’est pas prescrite.

10. ll ajoute que, toutefois, si dès le 31 décembre 2002, la Société générale a formulé une offre de prêt adressée à la SCI énumérant les garanties exigées, il est acquis que ce n’est que le 27 février 2003, que celle-ci a contracté le prêt auprès de l’établissement bancaire, soit postérieurement à l’acte de cession du 14 janvier 2003, qu’il n’est donc pas démontré qu’à la date de Ia signature de l’acte de cession, le montant du prêt était déterminé et fixé par M. [H] et M. [G] qui l’auraient alors sciemment dissimulé à Mme [Y] afin de la convaincre d’accepter la cession à vil prix, que faute de preuve d’une intention dolosive, la réticence ne peut être retenue.

11. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, Mme [Y] soutenait que, ce qu’elle ignorait lors de la signature de la cession de parts, ce n’était pas l’existence d’un prêt, mais que ce prêt n’avait pas été conclu, de sorte qu’à cette date, elle avait été trompée, MM. [H] et [G] lui ayant fait croire à un important endettement, afin de lui racheter ses parts à vil prix, la cour d’appel, qui a dénaturé ces écritures, a violé le principe susvisé.’

Désignée comme juridiction de renvoi, cette cour a été saisie par Mme [Y] par déclaration reçue le 22 juillet 2022.

Moyens

Elle demande à la cour, en l’état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, de :

« – Vu l’adage Fraus omnia corrumpit ; vu les articles 1111, 1112, 1116 anciens du code civil; vu l’article 1134 ancien du code civil, vu l’article 1304 ancien du code civil, (…)

– l’accueillir en son action, la déclarer recevable et bien fondée,

– juger que la cour n’est saisie que de ses demandes indemnitaires,

– débouter Monsieur [H] de ses demandes tendant à voir juger son action prescrite,

– juger que Monsieur [H] et Monsieur [G] ont usé de man’uvres et de réticence dolosives pour l’évincer de la SCI FAC Verdun,

– juger qu’en l’état des contraintes économiques et des man’uvres dolosives subies (…), l’acte de cession du 14 janvier 2003, de ses 150 parts sociales de la SCI FAC Verdun, et de la signature de garantie de passif du 10 juin 1991 est entaché d’un vice du consentement,

– En conséquence, lui donner acte de ce qu’elle renonce par pragmatisme, au regard du temps écoulé, à solliciter la nullité de l’acte de cession du 14 janvier 2003, sans pour autant que cet abandon ne consacre une reconnaissance de régularité de cet acte,

– Tout au contraire, au regard des dispositions légales susvisées,

– condamner Monsieur [H] et Monsieur [G] conjointement et solidairement à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 2 346 774 euros, sauf à parfaire, correspondant à la valeur des parts sociales de la SCI FAC Verdun cédées (…) et dont elle a été spoliée depuis le 14 janvier 2003 (…),

– constater que depuis la cession de ses parts sociales, elle a été privée des dividendes lui revenant, condamner en conséquence Monsieur [H], Monsieur [G] et la SCI FAC Verdun, conjointement et solidairement à lui payer à titre de dommages et intérêts, la somme de 877 690 euros, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice financier correspondant aux dividendes des exercices 2003 à 2022 dont elle a été privée,

– condamner Monsieur [H], Monsieur [G] et la SCI FAC Verdun [Localité 2], conjointement et solidairement à lui payer à titre de dommages et intérêts, la somme de 100 000 euros, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice moral,

– condamner Monsieur [H], Monsieur [G] et la SCI FAC Verdun [Localité 2], conjointement et solidairement à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [H], Monsieur [G] et la SCI FAC Verdun [Localité 2], conjointement et solidairement à payer les entiers dépens de l’instance. »

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

– lors de la cession, elle était plongée dans une grave dépression du fait du comportement de son époux après trente ans de vie commune, l’ayant conduite à déposer une requête en divorce et se trouvait dans une situation de dépendance économique,

– son époux et M. [G], tous deux experts-comptables, lui ont dissimulé la véritable valeur des parts sociales, l’acte de prêt n’était pas signé à la date de la cession, et la SCI Immo Verdun, que détenait seul son mari, devait racheter l’immeuble, elle a été spoliée,

– elle a découvert tout cela dans le cadre de la procédure en divorce dans le courant de l’année 2009,

– elle n’a jamais eu connaissance des comptes de la SCI, ni n’a été convoquée à une assemblée générale, elle n’a pas été informée de la véritable situation de la SCI,

– la valeur des parts au moment de la cession était en réalité de 1 173 387,10 euros sur la base d’une rentabilité de 8 %, elle a également perdu des dividendes sur 11 exercices sociaux,

– la question de la prescription a d’ores et déjà été tranchée, l’arrêt de la Cour de cassation limite les débats à l’indemnisation, jugeant ainsi que les manoeuvres dolosives sont caractérisées,

– l’acceptation du prêt a été effectuée en clandestinité et la fraude corrompant tout, elle n’a pu avoir aucun effet,

– l’offre de prêt comprenait des conditions suspensives, telle qu’une affection en compte courant d’associé pour M. [G], qui ne pouvait avoir lieu avant la cession le 14 janvier 2003 et le prêt n’a pu se former valablement le 3 décembre 2002.

M. [G] sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes et qu’elle soit condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il expose en substance que :

– la saisine de la présente cour est limitée à la demande d’indemnisation et l’arrêt de la Cour de cassation ne contient aucune consécration de man’uvre dolosive,

– aucune man’uvre dolosive n’est rapportée ; l’acte de cession mentionne qu’un prêt a été accordé et est en cours de régularisation, de sorte que l’appelante ne peut prétendre qu’elle ignorait que l’acte n’était pas conclu,

– l’appelante n’explicite ni la fraude, ni la violence qu’elle allègue,

– la procédure de divorce est bien postérieure à la cession,

– l’appelante ne démontre pas en quoi le prix des parts sociales serait insuffisant, ne procédant à aucune évaluation du capital social,

– l’offre de prêt en date du 28 novembre 2002 a été acceptée le 3 décembre 2002, soit avant la cession et le passif était existant,

– l’appelante n’a jamais fait valoir que les parts sociales avaient une valeur plus élevée et ne démontre pas en quoi le montant du prêt a pu l’induire en erreur.

La SCI FAC Verdun [Localité 2] sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023,

‘- Vu l’ancien article 1179 du code civil, applicable en la cause, vu l’article 1857 du code civil,(…)

– Déclarer que la SCI FAC Verdun [Localité 2] était engagée dés le 3 décembre 2002 par un contrat de prêt avec la banque Société générale,

– Déclarer que Madame [Y] avait connaissance de1’endettement de la SCI FAC Verdun [Localité 2] lors de la cession de ses parts à Monsieur [G],

– En conséquence, dire que Madame [Y] est prescrite en ces demandes,

– En tout état de cause, déclarer que Madame [Y] n’apporte pas la preuve d’avoir subi un quelconque préjudice, ni la preuve d’une fraude, d’une violence ou encore d’une réticence dolosive émanant de Monsieur [G], qui aurait pu affecter son consentement à 1’acte de cessiondu 14 janvier 2013,

– En conséquence,

– Débouter en conséquence Madame [Y] de l’intégralité de ses demandes,

– Condamner également Madame [Y] à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de 1’article 700 et en tous les dépens.’

Elle expose en substance que : 

– seules les demandes d’indemnisation ont fait l’objet de la cassation,

– l’offre de prêt a été acceptée le 3 décembre 2002 (contrat consensuel), elle n’est pas caduque et à cette date, l’endettement n’était nullement fictif, représentant environ 1 500 000 euros pour Mme [Y], titulaire de 150 parts,

– le contrat de prêt a été réitéré devant notaire le 27 février 2003 afin de constituer une hypothèque (et un titre exécutoire) au profit de la banque, l’acte authentique n’était pas nécessaire pour la validité de l’acte,

– l’accomplissement des conditions suspensives du prêt a rétroagi au jour de l’acceptation du prêt,

– le prêt a été évoqué lors d’une assemblée générale le 9 juillet 2002, et n’était pas clandestin,

– la cession a été opérée dans le respect des formalités applicables,

– aucun contrainte économique n’est rapportée, l’appelante n’étant pas liée à M. [G] par un contrat de travail,

– M. [G] n’était pas associé et ne pouvait disposer d’informations qu’il lui aurait dissimulées,

– la lésion n’est possible qu’en cas de vente immobilière et la contestation du prix de parts sociales relève de l’expertise prévue par l’article 1843-4 du code civil,

– l’action est prescrite, elle a eu connaissance du prêt lors de son acceptation, soit plus de 5 ans avant l’assignation délivrée le 14 août 2011,

– le dol ouvre droit à une perte de chance de contracter à de meilleurs conditions, et non en celle d’un prétendu gain, que l’appelante ne démontre pas,

– la valeur de l’immeuble ou sa rentabilité n’ont rien à voir avec celles des parts sociales, qui doit tenir compte de l’endettement de la société,

– l’actif de la SCI a été évalué en 2002 pour les besoins du prêt à la somme de 1 353 904 euros alors que le prêt souscrit était de 3 000 000 euros, la valeur des parts ne pouvait être fixée qu’à leur valeur nominale, elle ne peut prétendre à des dividendes, ayant quitté la société, alors qu’au demeurant à compter de 2008, le loyer ne couvrait plus le prêt et les associés ont dû couvrir la perte de loyer (247 000 euros) et le différentiel restant à charge à la fin du prêt (515 612 euros).

M. [H] sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023 :

‘- Vu1’article 1304 ancien du code civil, Vu 1’article 2224 du code civil,

– Prononcer la prescription de l’action et confirmer le jugement.

– Vu les articles 1130, 1137, 1140 et 1142 du code civil, Vu l’article 1179 ancien du code civil,

– Juger que Madame [J] [Y] divorcée [H] ne rapporte nullement la preuve qu’il ait pu commettre, une fraude, une violence, ou un dol, lors de la cession de parts sociales en date du 14 janvier 2003,

– Juger que Madame [J] [Y] divorcée [H] ne rapporte nullement la preuve d’avoir subi un préjudice,

– En conséquence, débouter purement et simplement Madame [J][Y] divorcée [H] de l’ensemble de ses demandes (…),

– Condamner Madame [J] [Y] divorcée [H] à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– La condamner aux entiers dépens de l’instance, avec distraction’.

Il reprend en substance les mêmes moyens que la SCI FAC Verdun [Localité 2] ajoutant que :

– lors de la cession, le montant du prêt était déterminé et fixé,

– le retrait de Mme [Y] traduit sa connaissance de la situation de la SCI et sa volonté de ne pas être endettée,

– l’action est prescrite, Mme [Y] avait eu connaissance du prêt lors de la cession et ne démontre pas quand elle l’aurait appris, se contentant de viser des conclusions sans précision,

– Mme [Y] n’indique pas quelle serait la fraude, l’acte était régulier, ni quelles seraient les violences, ayant indiqué dans la procédure en divorce qu’il ne l’avait pas laissée dans l’embarras financier (séparation de fait en octobre 2002),

– la procédure en divorce a été entamée bien postérieurement à la cession,

– la SCI Immo Verdun a pour associés [O] [H] et [L] [H], qui est le fils du couple, cette SCI a renoncé à acquérir l’immeuble de la SCI FAC Verdun,

– les parts sociales ont chaque fois été cédées à leur valeur nominale.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 26 janvier 2023.

L’affaire a été fixée à bref délai à l’audience dans les conditions de l’article 905 du code de procédure civile, conformément à l’article 1037-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 891-2017 du 6 mai 2017.

Motivation

MOTIFS de la DECISION :

1- sur l’étendue de la saisine de la cour :

En application des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile, l’étendue de la saisine de la cour de renvoi n’est pas liée au contenu de l’acte de saisine, elle est la conséquence directe de la portée de la cassation intervenue, laquelle est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce et s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire. Les parties sont replacées dans l’état où elles se trouvaient avant la décision cassée sur les points atteints par la cassation et l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

L’arrêt en date du 5 novembre 2020 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé partiellement le jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 15 mars 2017, ayant déclaré recevable l’action de Mme [Y], mais la rejetant tandis que l’arrêt de la Cour de cassation en date du 2 février 2022 a cassé cet arrêt partiellement en ce qu’il a rejeté les demandes d’indemnisation de Mme [Y], de sorte que cette cour, statuant en tant que cour de renvoi, ne pouvant statuer à nouveau sur les chefs de l’arrêt non atteints par la cassation en ce qu’ils n’entrent pas dans sa saisine, n’est saisie que de la demande d’indemnisation de Mme [Y] en son principe et son montant, la prescription admise par le premier juge et écartée par le juge d’appel n’étant plus dans les débats.

2- sur la cession de parts sociales en date du 14 janvier 2003 :

Selon l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l’espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’article 1111 du même code, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que la violence exercée contre celui qui a contracté l’obligation est une cause de nullité, encore qu’elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite.

L’article 1116 suivant, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 131-2016 du 10 février 2016, dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume point et doit être prouvé.

L’acte de cession de parts sociales en date du 14 janvier 2003 a été conclu entre Mme [Y] et M. [G], qui était, également, associé de M. [H] dans l’exercice de leur activité professionnelle d’expert-comptable.

Madame [Y] soutient avoir cédé les parts litigieuses à leur prix nominal (225 euros) dans le cadre d’une situation de dépendance économique et un contexte de grave dépression compte tenu de la séparation concommitante du couple, au sein duquel seul M. [H] bénéficiait d’une situation patrimoniale aisée et avoir été trompée quant à la valeur des parts eu égard à un passif, résultant d’un prêt, en réalité non souscrit, et, ainsi, inexistant et à la volonté de son époux de l’exclure de la SCI FAC Verdun [Localité 2].

Toutefois, elle ne rapporte aucun comportement imputable à son cocontractant, M. [G], au titre d’une quelconque pression, susceptible de traduire une complicité avec son époux, pour obtenir la cession, alors qu’aucune relation de nature économique ne les liait. Elle n’explicite pas comment M. [G], qui n’était que cessionnaire et, par définition, tiers à la SCI FAC Verdun [Localité 2], aurait pu détenir des informations, sur lesquelles elle est taisante, qu’elle-même, prétend ne pas connaître. Si M. [H] et Mme [Y] vivaient séparément lors de la cession, ce que M. [G] n’ignorait probablement pas, cette dernière n’introduira une instance en divorce que cinq années plus tard, dans le cadre de laquelle aucun non-respect du devoir alimentaire, pesant sur M. [H], n’est caractérisé.

Mme [Y] ne démontre pas davantage l’existence de manoeuvres dolosives dans la mesure où le prêt litigieux, à hauteur de 3 000 000 euros, s’est formé par l’acceptation le 3 décembre 2002 de l’offre du prêteur, émise le 28 novembre 2002, les conditions relatives aux garanties (imposées par la banque) ayant rétroagi et l’acte authentique de prêt en date du 27 février 2003 -qui est strictement identique- n’étant pas nécessaire pour sa validité. Ce prêt a effectivement été remboursé par la SCI FAC Verdun [Localité 2]. L’acte de cession du 14 janvier 2003 indique clairement que ‘le prix [des parts sociales] a été fixé compte tenu du passif existant au jour de la cession et notamment, compte tenu d’un prêt accordé par la Société générale en décembre 2002, en cours de régularisation, dont Mme [H] est totalement libérée par M. [G] et par M. [H]’. Mme [Y] ne peut raisonnablement soutenir que ce prêt, expressément porté à sa connaissance à cette date après avoir été évoqué lors d’une assemblée générale en date du 9 juillet 2002, a été accepté clandestinement et avoir été trompée sur la réalité du passif de la société, qui, outre ledit prêt, était déjà constitué par les sommes dues à la SARL F.A.C. à hauteur de 412 340 euros (montant de ses parts) et 98 363,44 euros (montant de son compte courant d’associé) dans le cadre de son retrait, accepté à l’unanimité par une assemblée générale en date du 28 décembre 2001, ayant elle-même signé le procès-verbal de cette assemblée en sa qualité d’associée et ne soutenant pas l’avoir contesté.

Au demeurant, sa signature figure également sur d’autres procès-verbaux d’assemblées générales de la SCI FAC Verdun [Localité 2] en date des 9 novembre 2001, 28 décembre 2001, 22 avril 2002 ou sur la mise à jour des statuts en date du 28 décembre 2001.

Ainsi, si la SCI FAC Verdun [Localité 2] disposait à l’actif d’un immeuble situé [Adresse 10], évalué en juillet 2002, à la somme de 985 434 euros, son passif était réel et bien supérieur, sans que Mme [Y] ne produise la moindre évaluation des parts à cette date et n’étaye ses allégations de prix dérisoire, au titre duquel il lui appartenait de solliciter la nullité de la vente. Elle ne démontre pas avoir été induite en erreur concernant la substance de la chose vendue, et partant la valeur des parts, qu’elle connaissait parfaitement.

S’il ressort des statuts modificatifs d’une SCI Immo Verdun (5 mars 2003), dans laquelle M. [H] est associé majoritaire et gérant, que celle-ci devait acquérir auprès de la SCI FAC Verdun [Localité 2] l’immeuble situé [Adresse 10], cette acquisition n’a jamais eu lieu, puisque cette dernière est demeurée propriétaire dudit immeuble ainsi que le montre son avis d’imposition de la taxe foncière pour l’année 2022.

Postérieurement, la cession de parts sociales du capital de la SCI FAC Verdun [Localité 2] entre M. [H] et M. [G] en date du 7 mars 2008 a également eu lieu au prix nominal.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme [Y] ne rapporte aucune violence de nature économique, ni aucun dol déterminant, ayant vicié son consentement, ni aucune violation de l’obligation de loyauté présidant toute convention, ni, encore, aucun comportement, susceptible d’être qualifié de frauduleux, de son cocontractant et de son époux, en ses qualités d’associé et gérant de la SCI FAC Verdun [Localité 2] et de la SCI Immo Verdun ; ses demandes en indemnisation au titre de la perte de la valeur des parts cédées, de celle de dividendes non perçus et d’un préjudice moral seront donc rejetées.

Le jugement entrepris sera confirmé dans le surplus de ses dispositions non atteintes par la cassation.

3- sur les autres demandes :

Succombant sur son appel, Mme [Y] sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 3 000 euros à M. [G] et à M. [H] et de 1 500 euros à la SCI Fac Verdun, sa demande sur ce fondement étant rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Statuant sur renvoi de cassation dans la limite de sa saisine,

Rejette la demande en paiement de [J] [Y] à hauteur de la somme de 1 346 774 euros à titre de dommages-intérêts, formée à l’encontre de [O] [H] et de [S] [G],

Rejette la demande en paiement de [J] [Y] à hauteur de la somme de 877 690 euros à titre de dommages-intérêts, formée à l’encontre de [O] [H], de [S] [G] et de la SCI FAC Verdun [Localité 2],

Rejette la demande en paiement de [J] [Y] à hauteur de la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, formée à l’encontre de [O] [H], de [S] [G] et de la SCI FAC Verdun [Localité 2],

Confirme le ju gement entrepris dans le surplus de ses dispositions non atteintes par la cassation,

Condamne Mme [Y] à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Y] à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Y] à payer à la SCI FAC Verdun la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de Mme [Y] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Y] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

le greffier, le président,

 

 


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