Comptes courants d’associés : 28 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01118

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Comptes courants d’associés : 28 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01118

28 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/01118

Pôle 5 – Chambre 8

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2023

(n° / 2023, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01118 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6EK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020052996

APPELANTE

Madame [E] [Z] née [B]

Née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7]

Demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034,

Assistée de Me Nicolas LEMIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0791,

INTIMÉES

S.C.P. THEVENOT PARTNERS, prise en la personne de Maître [N] [J], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de de la société HOTEL DU PARC,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 481 943 587,

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

S.E.L.A.R.L. AXYME, prise en la personne de Maître [C] [V], en qualité de mandataire judiciaire de la société HOTEL DU PARC,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 830 793 972,

Ayant son siège social [Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentées par Me Valerie DUTREUILH, avocate au barreau de PARIS, toque : C0479, Assistées de Me Frédéric DUBERNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0479,

S.A.R.L. HÔTEL DU PARC, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 712 031 129,

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

Non constituée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [M] [O] dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– rendu par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Exposé du litige

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

La SARL Hôtel du Parc, constituée en 1971, exploitait un hôtel 3 étoiles, situé

[Adresse 5]. Son capital social est détenu par M. [Y] [Z] (38 parts sociales en pleine propriété et 142 parts sociales en usufruit), ses deux filles Mmes [G] [Z] (37 parts en nue-propriété) et [E] [Z] divorcée [B] (10 parts en pleine propriété et 105 parts en nue-propriété), ainsi que M. [T] [B] (10 parts en pleine propriété), ce dernier étant l’ex-époux de Mme [Z]-[B].

M.[B], succédant à M.[Z] qui avait pris sa retraite, a été le gérant de la société du 26 juin 1997 au 15 décembre 2015, date à laquelle il a été révoqué de ses fonctions. Mme [G] [Z] a été désignée comme nouvelle gérante .

Mme [E] [Z] a été salariée de l’hôtel du 1er mars 1993 au 15 janvier 2015, date à laquelle il a été pris acte de la rupture de son contrat de travail

Le divorce des époux [B] -[Z] a été prononcé le 8 novembre 2016.

Mme [E] [Z]-[B] a souhaité obtenir le remboursement de son compte courant d’associé en 2015. Dans un premier temps des paiements mensuels ont été effectués par la société Hôtel du Parc.

Ces versements ayant cessé, Mme [E] [Z]-[B] a, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 25 avril 2016, mis en demeure la société Hôtel du Parc de procéder au remboursement du solde de son compte courant s’élevant à la somme de 94.410,83 euros.

La société Hôtel du Parc n’ayant pas déféré à cette mise en demeure,

Mme [E] [Z]-[B], par acte du 9 juin 2016, a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Paris pour obtenir le paiement de son compte courant, lequel, le 23 juin 2016, a renvoyé l’affaire au fond.

Devant le tribunal de commerce, la société Hôtel du Parc a sollicité un sursis à statuer dans l’attente des résultats de la plainte qu’elle avait déposée contre les époux [B] des chefs d’abus de biens sociaux, vol et recel, invoquant une possible compensation entre la créance de compte courant et la condamnation qui serait prononcée contre Mme [B].

Par jugement en date du 20 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a fait droit aux demandes de Mme [Z]-[B], débouté la société Hôtel du Parc de ses demandes de sursis à statuer et de compensation et a condamné la société Hôtel du Parc à lui payer la somme de 94.410,83 euros en remboursement de son compte courant d’associé, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure, la déboutant de sa demande d’échelonnement, ainsi que celle de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Statuant sur l’appel interjeté par la société Hôtel du Parc à l’encontre de cette décision, la cour d’appel de Paris a constaté que la déclaration d’appel de la société Hôtel du Parc n’avait déféré à la cour aucune disposition du jugement du 20 octobre 2017, de sorte qu’elle n’était pas saisie .

Pour recouvrer sa créance Mme [Z]-[B] a mis en ‘uvre deux mesures de saisie-attribution:

– la première, pratiquée le 8 septembre 2020 entre les mains de la Banque Populaire Rives de Paris, a permis d’appréhender la somme de 56.351,22 euros,

– la seconde, pratiquée le 15 octobre 2020 entre les mains de la banque CRCAM Charentes Maritimes Deux Sèvres dans les livres de laquelle le compte de la société présentait alors un solde créditeur de 73.196,47 euros, a permis d’appréhender le solde des sommes dues.

Par jugement en date du 19 octobre 2020, rendu sur déclaration de cessation des paiements effectuée le 2 octobre 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Hôtel du Parc, fixé la date de cessation des paiements au 2 octobre 2020, désigné la SCP Thevenot Partners, en la personne de Maître [N] [J] en qualité d’administrateur judiciaire, et la Selarl Axyme, en la personne de Maître [C] [V], en qualité de mandataire judiciaire.

Le 25 novembre 2020, la SCP Thevenot Partners et la Selarl Axyme, ès qualités, ont fait assigner Mme [Z]-[B] devant le tribunal de commerce de Paris, en sollicitant la nullité de la seconde saisie-attribution pratiquée le 15 octobre 2020 en période suspecte, ainsi que sa mainlevée.

Par jugement du 6 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a:

– dit la SCP Thevenot Partners et la Selarl Axyme, ès-qualités respectivement d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la SARL Hôtel du Parc, recevables en leurs demandes,

– prononcé la nullité de la saisie attribution pratiquée le 15 octobre 2020 à la requête de Mme [E] [Z]- [B],

– ordonné la mainlevée de la saisie attribution pratiquée,

– condamné Mme [E] [Z]- [B] à verser à la SCP Thevenot Partners, en la personne de Maître [J] et la Selarl Axyme, en la personne de Maître [V], ès-qualités, respectivement, d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la sarl Hôtel du Parc, la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

– débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires,

– condamné Mme [E] [Z]- [B] aux entiers dépens.

Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a retenu que la créance en compte courant s’inscrivait dans un contentieux plus large opposant la société aux époux [B] qui avait pris la forme d’une plainte pénale, que le 22 mars 2020, la gérante avait sollicité de son bailleur, la SCI Côté Jardin dont les ex -époux [B] sont les seuls associés et cogérants, une remise ou suspension de loyer exceptionnelle compte tenu de la crise sanitaire, que Mme [E] [Z]-[B] avait refusé tout report ou remise exceptionnelle et que la SCI Côté Jardin avait fait délivrer le 5 mai 2020 un congé sans indemnité d’éviction à effet du 11 novembre 2020, que la lecture du procès-verbal d’assemblée générale du 15 juillet 2020 faisait apparaître que Mme [Z]-[B] n’avait pas répondu à la demande de délais de paiement, que la gérante indiquant que le remboursement en une fois mettrait en péril la société avait saisi le juge de l’exécution suite à la première saisie attribution pour obtenir une demande de délais. Le tribunal a également relevé que Mme [Z]-[B], qui avait été informée du plan de cession et du fait que les offres recueillies permettaient d’envisager une sortie largement in bonis, avait refusé le remise en cause de la saisie-attribution, position qui allait à l’encontre de ses intérêts d’actionnaire et de caution solidaire des emprunts souscrits auprès de la CRCAM Charente Maritime Deux Sèvres , qu’en faisant pratiquer une seconde saisie exécution, Mme [Z]-[B] ne pouvait prétendre ignorer l’extrême précarité de la situation financière de la société placée de plus dans un environnement économique chaotique et les conséquences dramatiques qui allaient s’ensuivre, que Mme [Z]-[B] n’ignorait pas que la société n’avait pas réglé le loyer d’octobre 2020, ce qui vu l’assignation du 18 septembre 2020 justifiait l’ouverture d’une procédure collective suite à une déclaration de cessation des paiements, qu’en poursuivant sans relâche, avec les informations précises et quasiment de première main dont elle disposait ses procédures de saisie- attribution et particulièrement la seconde, Mme [Z]-[B] avait provoqué, puis confirmé par assèchement de la trésorerie, en toute connaissance de cause, une situation de cessation des paiements et une rupture d’égalité entre créanciers contraires aux dispositions de l’article L 632-2 du code de commerce.

Mme [Z]-[B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration régularisée le 14 janvier 2021 et a critiqué toutes les dispositions lui faisant grief.

Moyens

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 avril 2022, Mme [E] [Z]-[B] demande à la cour, vu l’article 16 du code de procédure civile, vu l’article L 632-2 alinéa 2 du code de commerce, de:

– annuler le jugement à raison de la violation, par les premiers juges, du principe du contradictoire résultant de l’article 16 du code de procédure civile et du droit au procès équitable résultant de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme,

-évoquant le fond, infirmer le jugement en ce qu’il a dit la SCP Thevenot Partners et la Selarl Axyme, ès-qualités, recevables en leurs demandes, prononcé la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 15 octobre 2020, ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée, en ce qu’il l’a condamnée à verser à la SCP Thevenot Partners, et la Selarl Axyme, ès-qualités la somme de 2 .500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civiles, débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires et l’a condamnée aux entiers dépens,

– statuant à nouveau de ces chefs, débouter la SCP Thevenot Partners et la Selarl Axyme, ès qualités, de l’intégralité de leurs demandes fins et prétentions, et les condamner, à lui payer la somme de 25.000 euros par application de l’article 700 du code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions déposées au greffe et notifiées le 8 avril 2022 la SCP Thevenot Partners, en la personne de Maître [J] et la Selarl Axyme, en la personne de Maître [V], ès-qualités, respectivement d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la SARL Hôtel du Parc, demandent à la cour , vu l’article L 632-2 du code de commerce, vu l’article 562 du code de procédure civile, de les dire recevables en leurs conclusions d’intimés, et les disant bien fondées, débouter Mme [E] [Z]-[B] de toutes ses demandes, fins et conclusions, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, en tout état de cause, prononcer la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 15 octobre 2020 par Mme [E] [Z]-[B] et ordonner sa mainlevée, condamner Mme [E] [Z]-[B] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens .

Motivation

SUR CE,

– Sur l’annulation du jugement

Mme [Z]-[B] soutient, tout d’abord, que le jugement doit être annulé en ce que le tribunal a violé le principe du contradictoire, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 16 du code de procédure civile .

Elle explique que le tribunal de commerce, pour statuer sur les prétentions des parties, s’est appuyé sur deux pièces qui n’avaient pas été communiquées, d’une part, les conclusions de la société Hôtel du Parc, dans le cadre de la procédure au fond qui portait sur le principe et le quantum de sa créance qui a abouti au jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 octobre 2017 et à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du

19 mai 2020, d’autre part, l’attestation établie par l’expert comptable de la société Hôtel du Parc.

Les organes de la procédure répliquent, s’agissant de la première pièce que le jugement déféré fait référence, non pas aux conclusions, mais aux décisions que

Mme [Z] -[B] a elle même communiquées et qu’en outre elle était elle même partie à cette procédure. S’agissant de la seconde pièce, ils affirment qu’elle a été communiquée en pièce n° 10 avec l’assignation du 18 septembre 2020 devant le juge de l’exécution .

Mme [Z]-[B] incrimine deux passages du jugement déféré pour justifier ses prétentions.

Dans le premier il est écrit ‘ Attendu que la créance de compte courant de Madame [Z] divorcée [B] n’est pas contestée par la société Hôtel du Parc; Attendu que ladite créance s’inscrit dans un contexte contentieux plus large opposant la société aux consorts [B] (divorce prononcé le 08 novembre 2016) notamment M.[T] [B], ancien gérant jusqu’à sa révocation par l’AG du 15/12/2015 ; Attendu que ce contentieux fait l’objet d’une procédure pénale pendante, que la société, si elle obtenait gain de cause, pourrait réaliser une compensation de créances, tel que mentionné dans ses conclusions remises au tribunal de céans et à la Cour d’Appel'( souligné par la cour).

Mme [Z]-[B] ne conteste pas avoir versé aux débats devant le tribunal de commerce qui a rendu la décision déférée, le jugement rendu le 20 octobre 2017 par le tribunal de commerce de Paris et l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le

19 mai 2020, ces décisions étant également produites devant la cour en pièces 10 et 11.

Le jugement et l’arrêt reproduisent le dispositif des écritures procédurales de la société Hôtel du Parc . Dans le jugement du 19 mai 2020, il est indiqué que la société Hôtel du Parc a demandé au tribunal de ‘ … In limine litis constater qu'(elle) a déposé plainte à l’encontre de madame [Z] divorcée [B] et de son époux [T] [B] pour des faits constitutifs d’abus de biens sociaux, vol et recel le 21 juin 2016 … à titre subsidiaire d’ordonner la compensation entre la créance en compte courant détenue par les époux [B] et la créance qui naîtra des condamnations que le juge pénal prononcera à l’encontre des époux [B] pour les infractions pénales qui leur sont reprochées’ .

Dans l’arrêt il est mentionné que dans ses ‘ conclusions n°3 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 8 avril 2019, la société Hôtel du Parc demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions ….. subsidiairement , d’ordonner la compensation entre la créance de compte courant détenue par les époux [B] et la créance qui naîtra des condamnations que le juge pénal prononcera à l’encontre des époux [B] suite aux infractions qui leur sont reprochées ….’

Dès lors il ne ressort aucunement des énonciations du jugement déféré, qui s’est contenté de reprendre ce qui était rappelé des conclusions dans les décisions de justice qui avaient été régulièrement communiquées, que le tribunal de commerce ait disposé des conclusions elles mêmes déposées devant le tribunal et devant la cour, par la société Hôtel du Parc, dans le cadre de l’instance en fixation de la créance.

Le second passage incriminé est ainsi rédigé :

‘ Attendu que par assignation du 18 septembre 2020 devant le juge d’exécution près le tribunal judiciaire de Paris, la société Hôtel du Parc a sollicité une demande de délai de paiement sur 24 mois en faisant état du fait que « la société se trouve aujourd’hui en difficulté financière car en l’état de la crise sanitaire qui sévit dans le pays, la société a subi une grosse baisse d’activité depuis plusieurs mois » de -75% de janvier au 8.09.20 au regard de la même période 2019 ou de -96% de septembre 2019 à septembre 2020 selon les indicateurs professionnels de l’hôtellerie et, plus précisément pour ce qui la concerne de -72,8% soit une perte de recette de

572 526, 07 € du 1er janvier au 8 septembre 2020 sur la même période 2019 selon une attestation établie par l’expert-comptable de la société qui, par ailleurs, atteste d’un solde débiteur de – 7,07 € au 15 septembre 2020 sur le compte bancaire de la société ouvert après de la Banque Populaire Rives de Paris’.

Mme [Z]-[B], qui admet que l’assignation devant le juge de l’exécution en date du 18 septembre 2020 a bien été communiquée dans le cadre de l’instance devant le tribunal de commerce, échoue à démontrer que cette communication n’incluait pas l’attestation litigieuse, dès lors que les mandataires judiciaires établissent que leur pièce n°10 (même numerotation en première instance et devant la cour) incluait l’assignation ainsi que toutes les pièces qui y étaient visées, au nombre desquelles figurent l’attestation litigieuse, le procès verbal mentionnant qu’il comprenait ’34 feuilles’, et qu’il est manifeste que devant la cour, et en réponse aux prétentions de l’appelante, les pièces visées dans l’assignation (objet de la pièce 10) ont été dissociées et font l’objet d’une pièce n°10 bis.

Ainsi Mme [Z]-[B] ne peut se prévaloir d’une violation à son préjudice du principe du contradictoire et doit être déboutée de sa demande d’annulation du jugement.

– Sur le fond

Aux termes de l’article L632-2 du code de commerce .

‘ Les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements. /Toute saisie administrative, toute saisie attribution ou toute opposition peut également être annulée lorsqu’elle a été délivrée ou pratiquée par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci.’

Mme [Z]-[B] soutient que la saisie attribution qu’elle a pratiquée le

15 octobre 2020 n’encourt pas la nullité. Elle conteste tout d’abord que la société Hôtel du Parc se soit trouvée en état de cessation des paiements à la date de la saisie querellée, faisant valoir que les premiers incidents se rapportant aux prêts souscrits par la société, dont elle est caution, sont postérieurs à l’ouverture de la procédure collective et n’en sont pas la cause mais la conséquence, et que les organes de la procédure n’ont produit aux débats aucune pièce de nature à rapporter la preuve de dettes exigibles à la date du

15 octobre 2020, souscrites vis à vis de tiers, que, contrairement à ce qu’a dit le tribunal, le loyer d’octobre 2020 a été payé et que donc rien ne permet d’établir un état de cessation des paiements de la société Hôtel du Parc à la date de la saisie-attribution. Elle argue ensuite que les mandataires judiciaires ne démontrent pas sa connaissance de l’état de cessation des paiements de la société lorsqu’elle a fait pratiquer la saisie, une telle connaissance ne se présumant pas, soulignant qu’elle n’a pas été informée du dépôt le

2 octobre 2020 d’une déclaration de cessation des paiements par sa soeur, qu’elle n’a jamais été dirigeante de la société et n’était qu’une actionnaire ultra minoritaire, que les comptes annuels n’étaient pas révélateurs puisqu’il en résultait que la société avait réalisé un bénéfice de 123.048 euros, tout en accumulant 378.765 euros de trésorerie au

31 décembre 2019 et que ni les correspondances échangées avec la gérante ni le procès-verbal de l’assemblée générale tenue au mois de juillet 2020 n’évoquent un état de cessation des paiements, que l’attestation établie par l’expert comptable est incomplète et entachée d’inexactitudes et d’incohérences. Elle ajoute que la nullité de l’article L632-2 du code de commerce est facultative et que la cour doit écarter le prononcé de la nullité puisque le plan de cession a permis d’appréhender la somme de 1.030.000 euros et permet de désintéresser tous les créanciers de la société Hôtel du Parc, la saisie pratiquée le 15 octobre 2020 étant sans impact sur la suite de la procédure collective alors qu’elle même est sans revenus et risque d’être recherchée comme caution.

Les mandataires de justice rappellent, tout d’abord, que la date de la cessation des paiements a été fixée au 2 octobre 2020, qu’elle n’a pas été contestée et que le jugement d’ouverture bénéfice de l’autorité absolue de chose jugée en ce qui la concerne. Ils évoquent ensuite les conséquences de la crise sanitaire et l’arrêt de l’activité en 2020 qui ont remis en cause les résultats ainsi que la trésorerie de la société. Ils indiquent que dès le mois de mars 2020, la gérante de la société a demandé un aménagement des loyers en cours à Mme [Z]-[B] que celle-ci a refusé et a fait délivrer le 5 mai 2020 un congé qui a fragilisé son activité, que la gérante s’est clairement ouverte de ses craintes quant aux conséquences dommageables et prévisibles d’une saisie susceptible d’être pratiquée, que Mme [Z]-[B] étant passée à l’acte, la société Hôtel du Parc a saisi le juge de l’exécution d’une demande de délais suite à la première saisie attribution et que Mme [Z]-[B] en connaissance des difficultés financières de la société a délibérément aggravé ces difficultés en asphyxiant totalement la trésorerie.

Ils précisent que Mme [Z]-[B] a déclaré sa créance à titre privilégié pour 49.404,45 euros et qu’en tout état de cause elle sera désintéressée comme tous les créanciers.

La date de cessation des paiements a été fixée au 2 octobre 2020 par le jugement d’ouverture, et n’a fait l’objet d’aucun report ultérieur. L’autorité absolue de chose jugée attachée au jugement d’ouverture s’étend à la date de cessation des paiements et

Mme [Z]-[B] ne peut utilement venir contester dans le cadre de la présente instance la date de cessation des paiements, faute d’avoir exercé une voie de recours sur la partie du jugement d’ouverture de la procédure collective fixant la date de cessation des paiements.

Il s’ensuit que la saisie-attribution du 15 octobre 2020 a bien été pratiquée pendant la période suspecte .

Il incombe toutefois aux mandataires de justice de démontrer que Mme [Z]-[B] avait connaissance, le 15 octobre 2020, de l’état de cessation de paiements de son débiteur, la société Hôtel du Parc.

Il sera rappelé que la société Hôtel du Parc a refusé, depuis mars 2016, de rembourser à Mme [Z]-[B] son compte courant, dont ni le principe ni le montant n’étaient discutés et n’a pas exécuté spontanément la décision judiciaire la condamnant au remboursement, même partiellement.

Les développements des mandataires de justice relatifs aux refus opposés, le

22 mars 2020, puis le 5 mai 2020, par Mme [Z]-[B], par le truchement de la

SCI Côté Jardin (bailleresse), à la demande de remise ou de suspension de loyer exceptionnelle, à la délivrance d’un congé, ainsi que le fait que son refus de renoncer à la saisie attribution aurait été à l’encontre de ses intérêts d’actionnaire et de caution solidaire des emprunts, sont inopérants pour démontrer la connaissance qu’avait

Mme [Z]-[B], le 15 octobre 2020, de l’état de cessation des paiements de la société Hôtel du Parc .

Les circonstances de l’espèce ne permettent aucunement d’établir que

Mme [Z]-[B], qui est domiciliée dans l’Eure et Loir, bénéficiait d’informations ‘ précises et de quasi première main’sur la situation de la société Hôtel du Parc. Toutes les pièces versées aux débats démontrent au contraire l’animosité que lui manifestaient les autres membres de la famille, qui avaient déposé une plainte pénale contre elle et le conflit aigu qui existait entre Mme [G] [Z], gérante de la société, et sa soeur

Mme [Z]-[B], de sorte que cette dernière ne disposait que des informations destinées aux associés.

Il n’est ni prouvé, ni même allégué que Mme [Z]-[B] a été informée de la déclaration de cessation des paiements effectuée par sa soeur, gérante de la société.

La connaissance de la cessation des paiements ne saurait davantage résulter d’un défaut de paiement du loyer d’octobre 2020 à la SCI bailleresse dont elle est

co-gérante, si tant est que cette seule défaillance suffise à caractériser un état de cessation de paiements, ce moyen manquant en fait puisque ce loyer a bien été réglé à la SCI Côté Jardin.

Mme [Z]-[B] a eu connaissance des comptes de l’exercice 2019 par sa convocation à l’assemblée générale qui devait les approuver. Il ressort du procès verbal de l’assemblée générale du 15 juillet 2020 que la trésorerie de la société Hôtel du Parc s’élevait à 378.766 euros au 31 décembre 2019, que le bénéfice de l’exercice de 123.048 euros a été affecté au compte report à nouveau, que les capitaux propres sont reconstitués à un niveau au moins égal à la moitié du capital social, qu’à compter du 1er janvier 2020 la rémunération fixe mensuelle de la gérante est restée fixée à son montant antérieur (4.500 euros). Rien dans ces énonciations ne fait état d’éléments susceptibles d’indiquer que la société allait être incapable, à brève échéance, de faire face à son passif exigible à l’aide de son actif disponible.

La connaissance de l’état de cessation des paiements au 15 octobre 2020 ne peut se déduire de son absence de réponse, lors de l’assemblée générale du 15 juillet 2020 aux questions de la gérante qui voulait savoir si celle-ci allait exiger le remboursement de son compte courant en une fois, et sans délais, voire même saisir directement la somme sur le compte bancaire par l’intermédiaire d’un huissier sans prévenir, ni même des seuls propos de Mme [Z]-[B] selon lesquels ‘ cela risquerait d’engendrer des difficultés économiques majeures pour la société’.

Ne saurait davantage constituer une telle preuve, le passage de la lettre du

4 septembre 2020, qui constitue une réponse à celle de Mme [Z] -[B] qui y explique les motifs (étrangers à la question du compte courant) de son refus de signer le procès-verbal de la dite assemblée générale évoquée ci-dessus, dans lequel la gérante écrit ‘ en ces temps de catastrophe économique dans notre secteur d’activité, en l’absence quasi-totale de recettes depuis 6 mois, votre choix d’agir de la sorte (pratiquer une saisie sur les comptes bancaires de l’entreprise) risque de causer des dommages définitifs à notre société comme ( sic) pourriez vous l’ignorer », alors que dans l’assignation devant le juge de l’exécution délivrée près de 15 jours plus tard, le

18 septembre 2020, suite à la première saisie attribution, la société Hôtel du Parc sollicitait seulement des délais de grâce, compte tenu des difficultés économiques dues à la crise du Covid.

Enfin, comme le soutient justement Mme [Z]-[B], la situation de trésorerie de la société Hôtel du Parc, qui détenait 56.351,22 euros sur le compte ouvert dans les livres de la BPRP, lors de la première saisie attribution, et 73.196,47 euros sur le compte ouvert auprès du CRCAM, lors de la saisie litigieuse, ne permettait pas d’augurer d’un état de cessation des paiements.

En définitive, la SCP Thevenot Partners et la SELARL Axyme, ès qualités, n’établissent pas que Mme [Z]-[B] connaissait l’état de cessation des paiements de la société le 15 octobre 2020, lequel était au demeurant très récent.

Il s’ensuit que la demande d’annulation de la saisie-attribution pratiquée le

15 octobre 2020 doit être rejetée .

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions, les mandataires de justice étant déboutés de toutes leurs demandes.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile .

La SCP Thevenot Partners et la Selarl Axyme, en leur qualité respective d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la SARL Hôtel du Parc, qui succombent et seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel, ne peuvent prétendre à l’octroi de sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. L’équité commande au contraire de les condamner, ès qualités à ce titre au paiement de la somme de 5.000 euros à Mme [Z]-[B].

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Dit n’y avoir lieu à annulation du jugement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la SCP Thevenot Partners, en la personne de Maître [J] et la Selarl Axyme, en la personne de Maître [V], en leur qualité respective d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la SARL Hôtel du Parc de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de la saisie attribution pratiquée le 15 octobre 2020 par Mme [E] [Z]- [B] et ordonner sa mainlevée,

Condamne la SCP Thevenot Partners, en la personne de Maître [J] et la Selarl Axyme, en la personne de Maître [V], en leur qualité respective d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la SARL Hôtel du Parc à verser la somme de 5.000 euros à Mme [E] [Z]- [B] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne la SCP Thevenot Partners, en la personne de Maître [J] et la Selarl Axyme, en la personne de Maître [V], en leur qualité respective d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la SARL Hôtel du Parc aux dépens de première instance et d’appel .

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 

 


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