Comptes courants d’associés : 27 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17650

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Comptes courants d’associés : 27 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17650

27 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG
22/17650

Pôle 5 – Chambre 9

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17650 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGRNM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2022 -Tribunal de Commerce de MEAUX – RG n° 2022004989

APPELANT

Monsieur [W] [U] né le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 7] (Pérou) ,gérant de la SARL AMERICA EXOTICA, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MEAUX n°498 569 318

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me François LA BURTHE, avocat au barreau de MEAUX

INTIME

SELARL GARNIER [E], prise en la personne de Me [J] [E] immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Meaux sous le n°478 547 243,

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Carole BOUMAIZA de la SCP GOMME et BOUMAIZA, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie MOLLAT, Présidente

Mme Isabelle ROHART, Conseillère

Mme Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER : Madame Saoussen HAKIRI lors des débats.

ARRET :

– contradictoire,

Exposé du litige

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier présent lors de la mise à disposition.

**********

Par jugement du 7 février 2022, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par le tribunal de commerce de Meaux à l’encontre de la société America Exotica qui exploitait trois fonds de commerce de restauration assise et de vente de produits d’alimentation d’Amérique du Sud, et était dirigée par M. [W] [U]. La SELARL Garnier [E] a été nommée mandataire judiciaire.

Par jugement du 3 octobre 2022, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire. La SELARL Garnier [E] a été nommée liquidateur judiciaire.

Par déclaration du 14 octobre 2022, la société America Exotica a interjeté appel de cette décision.

Par une ordonnance du 10 janvier 2023, l’exécution provisoire du jugement de liquidation a été suspendu par le Premier président de la cour d’appel de Paris.

Moyens

*****

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2023, M. [W] [U] en sa qualité de représentant légal de la société America Exotica, demande à la cour de :

-INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la liquidation judiciaire de la société AMERICA EXOTICA.

-Renvoyer le dossier et les parties devant le tribunal de commerce de Meaux, pour reprendre la période d’observation du redressement judiciaire ouvert,

Très subsidiairement désigner tel autre mandataire de justice, pour poursuivre la procédure liquidative,

-Statuer ce que de droit sur les dépens.

*****

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 mars 2023, la SELARL Garnier [E], prise en la personne de Me [J] [E], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société America Exotica, demande à la Cour’:

– CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Meaux du 3 octobre 2022 en toutes ses dispositions.

– STATUER ce que de droit sur les dépens,

*****

Dans un avis notifié par voie électronique le 13 décembre 2022, le ministère public est d’avis que la cour infirme le jugement ayant prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

*****

Sur la période d’observation

La société appelante fait valoir que le tribunal a prononcé la conversion au motif que les capacités de financement de la société étaient insuffisantes alors qu’il avait jugé l’inverse lors du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; que la situation était pourtant sensiblement la même, voir s’était améliorée.

Elle reproche aux premiers juges de ne pas avoir dit que le redressement était impossible, et de s’être fondé sur des considérations sans lien avec les perspectives de redressement : les réserves émises par l’expert-comptable en 2020, corrigées en 2021, un compte courant débiteur réduit à 5 000 euros en 2021, des dettes de loyers qui étaient moratoriées.

Elle fait valoir que la société a été victime de procédés déloyaux, et que la conversion a été prononcée pour une dette de loyers de 6 000 euros ; que le trésor public a procédé à 2 avis à tiers détenteurs sur son compte bancaire pendant la période d’observation (25 mars et 20 mai 2022) ; qu’un fournisseur et un bailleur ont également réalisé des saisies.

Elle indique avoir sollicité son comptable pour préparer les comptes 2020 et 2021 et justifier de ses résultats pendant la période d’observation ; qu’elle a justifié être assuré, et avoir moratorié les créances de loyers ; que le liquidateur judiciaire fait preuve d’acharnement à son égard car il lui reproche de ne pas avoir fait attester son dernier bilan par un expert-comptable alors que c’est bien celui-ci qui l’a effectué, que le provisionnel tient compte de toues les dépenses ; que le compte courant représente une somme minime et correspond aux factures acquittées en espèces par le dirigeant.

S’agissant de ses perspectives de redressement, la société appelante indique avoir les moyens de présenter un plan permettant d’apurer les 120 000 euros de passif en 10 ans, soit 12 000 euros par an, au regard de son chiffre d’affaires de 325 920 euros en 2021 ; que malgré la crise sanitaire son chiffre d’affaires a augmenté de 33% en 2021, et que cette progression s’est poursuivie entre février et août 2022.

Elle ajoute que les nouvelles dettes dont il est fait état ne sont que la conséquence de l’ouverture de la procédure collective : le liquidateur a licencié les salariés dans les 15 jours mais a refusé de payer les indemnités et salaires dus ; l’une des dettes locatives est moratoriée, l’autre réglée ; l’URSSAF n’a pas été réglée à cause du blocage du compte bancaire.

Elle souligne enfin qu’elle n’a perdu aucun des 3 baux et que les salariés reviendront dès l’ouverture des restaurants.

Le liquidateur judiciaire fait valoir que la société America Exotica a accumulé de nouvelles dettes pendant la période d’observation :

– 1 420 euros de TVA pour la période allant de février à mai 2022,

– 3 700 euros de loyers pour les locaux du 13ème arrondissement (août et septembre 2022)

– 16 236, 40 euros de loyers pour les locaux du 11ème arrondissement (février à septembre 2022)

– 12 650, 35 euros pour les locaux du 15ème arrondissement (février à août 2022).

Il soutient que le passif créé pendant la période d’observation est a minima de 34 006,84 euros, et le passif total est passé de 112 009,34 euros à 148 016,45 euros ; que la société n’est pas en mesure de faire face à ses charges courantes.

Le liquidateur judiciaire réplique que les bilans ne sont pas attestés par l’expert-comptable, qui a refusé d’attester de la cohérence et de la vraisemblance des comptes pour 2020 et 2021 ; que le prévisionnel a été établi sur les seules déclarations du dirigeant.

Il souligne que la présentation d’un plan est subordonné à l’acquittement de toutes les dettes relevant de l’article L. 622-17 du code de commerce, ce que la société n’est pas en mesure de faire puisqu’elle ne dispose à ce jour d’aucune trésorerie (solde de 100, 50 euros sur le compte bancaire ; 6 201, 36 euros sur les comptes du liquidateur).

Il indique que 2 des baux sont menacés de résiliation pour non-paiement des loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective ; que des procédures sont en cours.

Le ministère public fait valoir que le bénéfice réalisé entre février et août 2022 (10 256 euros) permet d’envisager l’apurement du passif (112 009, 34 euros selon le ministère public) sur 10 ans.

A titre liminaire, il convient de souligner que le jugement d’ouverture et de conversion ont été prononcés à plusieurs mois d’écart, et que les éléments relatifs à la situation de la société ont évolué entre temps, ce qui peut justifier que les premiers juges aient eu une appréciation différente de la situation de la société America Exotica en février et en octobre 2022.

Il ressort des pièces produites par la société appelante que les comptes annuels des exercices 2020 et 2021 ont fait l’objet d’un refus d’attester de la part de l’expert-comptable de la société, en raison de l’impossibilité de s’assurer de l’exhaustivité du chiffre d’affaires, de l’existence de retraits d’espèces sans justificatifs et d’un compte-courant d’associé débiteur.

Concernant les trois fonds de commerce exploités par la société, il apparaît que celui du [Localité 1], qui concernait la supérette, n’est plus exploité, le bail ayant été résilié le 12 octobre 2022. Il reste donc désormais les deux restaurants, situés respectivement dans les 13ème et 15ème arrondissements.

Le passif échu à l’ouverture de la procédure collective se monte à 112 009, 34 euros, auquel il convient d’ajouter un passif postérieur se composant de :

– 1 420 euros de TVA due pour les mois de février à mai 2022,

– 3 700 euros de loyers pour le local du 13ème arrondissement (août et septembre 2022)

– 16 236, 49 euros de loyers pour le local du 11ème arrondissement (février à septembre 2022),

– la dette locative relative aux locaux du 15ème arrondissement, à hauteur de 12 650, 35 euros, moratoriée par protocole d’accord transactionnel signé en janvier 2023 avec le bailleur, qui prévoit le règlement de la dette locative en 8 échéances débutant à compter du 1er février 2023.

Le passif postérieur exigible se chiffre donc à 21 356, 49 euros, qu’il convient de prendre en compte, en plus des 112 009, 34 euros, dans l’appréciation des perspectives de redressement.

La société appelante fait état d’un chiffre d’affaires, pour le restaurant du 15ème arrondissement, de 3 738 euros en janvier 2023 et 13 763 euros en février 2023 ; pour le restaurant du 13ème arrondissement, d’un chiffre d’affaires de 2 882 euros pour janvier 2023 et 13 947 euros pour février 2023. Il n’est pas précisé quel bénéfice pourrait être retiré de ces chiffres d’affaires, après déduction des charges. La société appelante ne produit en outre aucun prévisionnel en cause d’appel. Le dernier prévisionnel réalisé date de septembre 2022, pour l’audience s’étant tenue devant les premiers juges, et s’appuie sur le chiffre d’affaires que réaliseraient les 3 fonds de commerce alors que l’un n’existe plus. En outre, les chiffres d’affaires réalisés en février 2023 par les deux restaurants sont en deçà des projections escomptés dans ce prévisionnel pour 2023 (16 000 euros par mois pour le restaurant du 15ème et 17 500 euros par mois pour le restaurant du 13ème), et il n’est pas expliqué comment ni pourquoi le chiffre d’affaires croîtrait d’année en année.

Il en résulte que les perspectives de redressement de la société America Exotica ne sont pas établies, que celle-ci a créé un passif postérieur à l’ouverture de la procédure collective démontrant son incapacité à faire face à ses charges courantes, et qu’il y a donc lieu de confirmer la décision attaquée qui a converti la procédure en liquidation judiciaire.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement attaqué,

Y ajoutant,

Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Le greffier Le président

 

 


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