Comptes courants d’associés : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02306

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Comptes courants d’associés : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02306

26 janvier 2023
Cour d’appel de Colmar
RG
22/02306

Chambre 2 A

MINUTE N° 35/2023

Copie exécutoire à

– Me Valérie SPIESER

– la SELARL ARTHUS

Le 26/01/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 26 Janvier 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02306 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H3OO

Décision déférée à la cour : 24 mai 2022 par le président du tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

L’ASSOCIATION DES MUSULMANS D’ALSACE – AMAL, prise en la personne de son président

sise [Adresse 2]

représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

Plaidant : Me Serge LOGA, avocat à Mulhouse.

INTIMÉE :

La S.C.I. CONFLUENCES, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par la SELARL ARTHUS, société d’avocats à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 décembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Confluences (initialement dénommée SCI An Nour) a été constituée le 25 septembre 2006 entre l’Union des Organisations Islamiques de France qui disposait alors de 45 parts et l’Association des Musulmans d’Alsace – AMAL, titulaire de 55 parts. Par suite d’une cession de parts sociales, son capital social est aujourd’hui détenu à hauteur de 70 % par le Fonds de dotation Passerelles, et 30% par l’AMAL.

Le fonds de dotation Passerelles est un fonds de dotation régi par l’article 140 de la loi du 4 août 2008, inscrit au RCS de PARIS sous le numéro 820.718.393 et dont le siège social est sis [Adresse 1].

La SCI Confluences est propriétaire du terrain sis à [Adresse 2], cadastré section ME n° [Cadastre 4], sur lequel elle a notamment fait édifier un centre islamique comprenant une mosquée, dont les travaux de construction se sont achevés le 24 mai 2019.

Par acte sous seing privé en date du 25 mai 2019, la SCI Confluences a donné à bail à compter du 1er septembre 2019, une partie des locaux édifiés, d’une superficie globale de 1.371 m², à l’association des Musulmans d’Alsace – AMAL, et ce, pour une durée de 3 ans à compter de l’achèvement des travaux. Le montant du loyer annuel était alors fixé à 103.000 € HT, outre la TVA et les charges.

Le fonds de dotation Passerelles n’ayant pas respecté ses obligations légales, son organe de tutelle, la Préfecture de la Région Ile-de-France a sollicité sa dissolution, qui a été ordonnée par jugement du 14 janvier 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris, désignant Maître [N], administrateur judiciaire, en qualité de liquidateur du fonds avec mission de se faire remettre tous ses documents sociaux et bancaires, de procéder aux opérations de liquidation en ce y compris la vente des actifs mobiliers et immobiliers.

La mission de Maître [N] a depuis lors été prorogée jusqu’au 14 janvier 2023 par ordonnance du 3 mars 2022.

Estimant que l’AMAL occupe les lieux loués sans honorer son engagement de verser une contrepartie financière ‘ et ce malgré la mise en demeure du 8 mars 2022 adressée à l’association d’avoir à payer la somme globale de 378.911,94 € correspondant aux loyers et charges dus sur la période du mois de septembre 2019 à avril 2022 – la SCI Confluences a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse à l’effet de voir ordonner l’expulsion de l’association et de la voir condamnée à lui payer par provision la somme de 378.911,94 € au titre de l’arriéré de loyers et charges, selon le décompte arrêté au mois d’avril 2022, outre 11.624,50 € par mois à compter du 10 mai 2022.

Par ordonnance de référé rendue le 24 mai 2022, Monsieur le président du tribunal judiciaire de Mulhouse a fait droit à ses demandes.

Le 17 juin 2022, l’association des Musulmans d’Alsace ‘ AMAL a relevé appel de cette décision. Cet appel a été enrôlé devant la chambre 2 A sous le numéro R.G. 22/02306.

Contestant la validité de cet appel au motif que l’association des Musulmans d’Alsace ‘ AMAL n’a pas réglé les condamnations prononcées à son encontre, la SCI a saisi la présidente de la chambre pour voir prononcer la radiation de l’appel, avant de retirer sa requête par demande du 28 novembre 2022.

Parallèlement, l’association des Musulmans d’Alsace saisissait Mme la première présidente de la cour d’appel pour se voir autorisée à être dispensée de l’exécution provisoire.

Moyens

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures récapitulatives notifiées par RPVA le 24 novembre 2022, l’Association des Musulmans d’Alsace’Amal, sollicite de la cour :

‘ l’annulation de l’ordonnance du 24 mai 2022 sans effet dévolutif ni pouvoir d’évocation,

‘ subsidiairement, à défaut d’annulation, l’infirmation de l’intégralité de l’ordonnance du 24 mai 2022,

‘ statuant à nouveau, le débouté de la SCI Confluences de toutes ses demandes et la condamnation de cette dernière à lui régler la somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers frais et dépens d’appel.

Dans un premier temps, l’association entend apporter des éléments d’information quant au contexte. Elle indique que l’association Amal avait été créée en 1973 et avait entrepris la construction d’un ensemble immobilier comportant la mosquée de [Localité 5] au travers de la SCI An Nour qui deviendra par la suite SCI Confluences. Jusqu’en 2016, avant l’entrée au capital de la SCI du fonds de dotation Passerelles, le financement de la construction des locaux aurait été opéré essentiellement par l’association Amal au travers de son compte courant d’associé dans la SCI.

L’association estime qu’au 31 décembre 2019, sur un coût de construction total d’environ 20 millions d’euros, elle en a financé 16 millions ce qui représente 80 % du coût global. Rencontrant des difficultés pour terminer la construction, elle a fait appel au fonds de dotation Passerelles connue pour sa vocation à aider les associations ; en échange de cette participation, l’association avait cédé d’une part des parts sociales dans la SCI Confluences devenant ainsi minoritaire (ne disposant plus que de 30% du capital), d’autre part une partie de son compte courant d’une valeur de 8 452 235 €.

Elle estime qu’au 1er janvier 2022 – au terme de la période durant laquelle les parties avaient convenu de bloquer les avances de l’association jusqu’au 31 décembre 2021 (en application d’une convention de compte-courant du 27 juin 2020) – elle serait devenue titulaire, au titre du compte courant détenu dans la SCI, d’une créance sur la SCI de 9 250 458 €, créance certaine, liquide et exigible.

Puis, à titre liminaire, l’association soutient être représentée régulièrement en justice par son président, Monsieur [I] [R], qui disposerait de la qualité et de la capacité pour la représenter et agir en justice en son nom, comme le prouverait l’extrait du registre des associations de Mulhouse, les statuts de l’association et le procès-verbal de délibération du conseil d’administration du 2 octobre 2022. Le fonds de dotation Passerelles ne saurait alors soutenir que l’acte d’appel de l’AMAL serait irrecevable pour cause de nullité du fait qu’il ne précisait pas le nom du président en tant que représentant de l’association.

Concernant la procédure en référé qui a donné lieu à sa condamnation, l’association estime qu’elle devrait être annulée car l’assignation en justice, délivrée par acte d’huissier du 29 mars 2022, serait irrégulière en ce sens que ‘ contrairement à ce qui y est indiqué – elle n’a jamais été délivrée à l’association, qui n’a de ce fait pas été mise en situation de se défendre devant le juge des référés et de lui faire valoir ses arguments.

L’association soutient que l’assignation a été remise à une simple « passante », une visiteuse de la mosquée, et voisine, désignée faussement dans l’acte comme une « bénévole de l’association ».

L’association produit une attestation rédigée par cette « passante » à savoir Madame [C].

En application des dispositions de l’article 654-2 du code de procédure civile, l’huissier ne pouvait valablement remettre ce document à cette simple passante qui ne peut être considérée comme une personne habilitée au sens de ces dispositions. En outre, le témoignage de l’huissier produit par l’intimée, confirmerait, toujours selon l’appelante, le fait que celui-ci n’a pas fait son travail correctement en ce qu’il n’a même pas tenté de se rendre dans les locaux de l’association situés dans le complexe immobilier qui jouxtait la mosquée. Dès lors l’assignation remise à Madame [C], personne non habilitée, en dehors du siège social de l’association, devrait être annulée, comme l’ordonnance de référé subséquente du 24 mai 2022.

D’autre part l’association soulève une autre cause de nullité, estimant que maître [U] [N] ne disposerait pas de la capacité et de la qualité pour agir au nom de la SCI, et qu’en outre il y aurait incompatibilité entre sa fonction de mandataire de justice et les fonctions de gérant de la SCI.

L’association fait référence aux dispositions de l’article L811’10 du code de commerce qui interdit à un administrateur judiciaire d’exercer toute autre fonction à l’exception de celle d’avocat.

L’association estime également que maître [N] aurait dépassé la mission de liquidateur du fonds de dotation Passerelles qui lui était confiée par le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 14 janvier 2021 ; cette mission ne serait pas de nature de lui permettre de gérer la SCI Confluences. L’ordonnance du 28 mai 2021, qui autorise maître [N] à accepter les fonctions de gérante de la SCI Confluences notamment devrait être considérée comme illégale, s’agissant d’une ordonnance sur requête rendue sans que le principe du contradictoire ait pu être respecté.

L’association estime aussi que le fonds de dotation Passerelles n’a jamais été désigné gérant de la SCI Confluences régulièrement ; dans tous les actes de procédure Me [N] apparaît à titre personnel et non pas en tant que représentant de la SCI Confluences. Dès lors, l’assignation du 29 mars ne pouvait être introduite par elle « in personae ».

Quant au fond du dossier, s’agissant des conditions prévues par les articles 834 et 835 du code de procédure civile, l’association estime qu’elles ne sont nullement remplies de sorte que le président du tribunal ne pouvait accueillir la demande formulée par la SCI.

Premièrement, l’association estime qu’il n’y avait aucune urgence à statuer, et que l’assignation ne comporte aucune justification de cette urgence.

Deuxièmement, et en tout état de cause, l’appelante estime qu’il existerait une contestation sérieuse tant sur la question de l’octroi de la provision que sur celle de la clause résolutoire.

S’agissant de la question de la provision, l’association soutient qu’il existe une situation de créances réciproques entre la SCI et elle, qui au 1er janvier 2022 serait favorable à cette dernière puisqu’elle disposerait d’une créance sur la SCI de près de 9 millions d’euros. Cette créance étant liquide et exigible, se pose la question de la compensation. De ce fait, l’obligation de payer est sérieusement contestable, le litige devant être soumis à la juridiction du fond.

Concernant la clause résolutoire, l’association cite l’article 5 du bail qui stipule que « le présent bail est rompu, de plein droit, par le seul fait de l’inexécution de l’une quelconque des obligations résultant du bail par l’une ou l’autre des parties». Sa rédaction, en termes très généraux, ne prévoit pas avec précision les engagements dont l’inexécution est susceptible d’entraîner le jeu de la clause résolutoire. Aussi l’association estime, qu’en l’absence de précision, il ne pourrait y avoir de résiliation du contrat sans une mise en demeure préalable.

À défaut d’une telle mise en demeure, la cour devrait constater l’existence d’une contestation sérieuse qui empêche le juge de constater en référé la résiliation de plein droit du bail.

En outre, l’association soutient la mauvaise foi de la SCI Confluences en ce qu’elle n’a pas observé la clause de règlement des différends prévue par le contrat de bail en son article 16 qui précise que « en cas de litige né de l’interprétation ou de la mise en ‘uvre des clauses du présent bail, les parties s’efforceront de résoudre à l’amiable. À défaut de règlement amiable, le litige sera porté devant le tribunal de grande instance territorialement compétent. » L’association soutient qu’elle a tenté d’obtenir de la SCI Confluences une rencontre pour évoquer la situation, en vain.

Enfin, l’association explique qu’au quotidien c’est elle qui règle les frais de fonctionnement du complexe immobilier de sorte que sa créance sur la SCI s’est encore accrue de plusieurs dizaines de milliers d’euros.

À titre infiniment subsidiaire, l’appelante demande l’application des dispositions de l’article 1348 du code civil qui permettent la compensation en justice, même si une des obligations certaines n’est pas encore liquide ou

exigible, pour permettre d’éviter d’expulsion de l’association Amal qui pourtant assume seule l’entretien des locaux concernés.

* * *

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 11 août 2022, la SCI Confluences conclut à titre principal à l’annulation de la déclaration d’appel régularisée le 17 juin 2022 par l’AMAL, puis subsidiairement au rejet de cet appel et à la confirmation de l’ordonnance en toutes ses dispositions. Enfin elle demande la condamnation de l’association des Musulmans en Alsace, outre aux entiers dépens d’appel, à lui régler 3500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCI estime que l’acte d’appel formé par l’association des Musulmans d’Alsace est irrégulier en ce qu’il ne précisait pas quelle était la personne, ou l’entité, qui représente l’association en justice. L’association ne justifierait pas du pouvoir de son représentant légal de sorte qu’en application de l’article 117 du code de procédure civile il y aurait lieu de constater la nullité de cet acte.

Concernant la demande d’annulation de l’ordonnance de référé soutenue par l’association, la SCI Confluences soutient que la signification de son assignation en justice réalisée le 29 mars 2022 par l’huissier, serait tout à fait valable. Elle a été faite à Mme [C], qui s’est présentée comme membre de l’association, l’huissier n’ayant pas à effectuer de vérifications sur la véracité des propos de celle-ci. En tout état de cause les mentions figurant au procès-verbal feraient fois jusqu’à inscription de faux.

S’agissant du défaut de pouvoir reproché à Me [N], la SCI estime que le moyen développé par l’appelante est dénué de toute pertinence. Elle rappelait l’historique du dossier et notamment le fait que la mandataire de justice a été désignée par une décision judiciaire en tant que représentant légal du fonds de dotation Passerelles et que par la suite elle a été autorisée à devenir gérante de la SCI Confluences, détenue majoritairement par le fonds de dotation.

L’intimée estime que le juge a fort logiquement ordonné l’expulsion de l’association et sa condamnation à verser une provision au titre de l’arriéré de loyer car le bail comporte une clause résolutoire de plein droit, l’association n’a pas honoré son obligation de verser un loyer prévu par l’article 11 du bail de 8600 € par mois hors charges et hors taxes, et contrairement à ce que soutient l’association, la SCI Confluences lui a bel et bien adressé une lettre recommandée avec accusé de réception le 8 mars 2022 lui demandant de régulariser la situation.

Il s’en déduirait que l’obligation de payer les loyers n’est pas sérieusement contestable au sens de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, que le maintien dans les lieux de l’association sans contrepartie financière constituerait un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835 alinéa 1, et qu’en application de l’article 1225 du code civil il était possible de mettre en ‘uvre la clause résolutoire après délivrance d’une mise en demeure infructueuse.

Enfin, pour répondre au moyen portant sur une possible compensation entre des créances croisées, la SCI déclare qu’elle ne serait pas possible car la créance invoquée par l’AMAL – au titre de son compte courant d’associé – n’est pas exigible. En leur qualité d’associés de la SCI, le fonds de dotation Passerelles et l’AMAL ont signé une convention de blocage du compte courant d’associé qui conditionnerait l’exigibilité de la créance en compte courant de ces derniers aux facultés de remboursement de la SCI Confluences. Dès lors que la SCI ne perçoit aucun revenu compte tenu de la défaillance de l’Amal, elle considère qu’elle ne disposerait pas de la moindre capacité de remboursement.

DECISION

1) sur la nullité de la déclaration d’appel formulé par l’association des musulmans d’Alsace’Amal

La déclaration d’appel du 14 juin 2022 a été régularisée à la requête de « l’association des Musulmans en Alsace’Amal prise en la personne de son représentant légal [Adresse 2] ».

L’intimée soutient que l’absence de précision quant à la personne ou les personnes, qui représente (nt) l’association constitue une cause de nullité.

La lecture des statuts de l’association permet de déterminer que le conseil d’administration est investi des pouvoirs les plus étendus (article 15) et que le président « dirige les travaux de l’assemblée générale (‘) et assure le bon fonctionnement d’AMAL qu’il représente dans les actes de la vie civile et juridique ».

Aucun article des statuts n’est spécialement consacré aux modalités prévues pour le cas où l’association souhaite ester en justice.

Dans ces conditions, il apparaît à l’aune des dispositions reprises plus haut que c’est au président de représenter l’association en justice.

Si l’acte d’appel du 14 juin 2022 ne comporte aucune précision quant au nom et la qualité du président de l’association, force est de constater que cette lacune a été régularisée en ce que l’association a produit aux débats le procès-verbal de la délibération de son conseil d’administration du 2 octobre 2022 dans laquelle elle confirme que son président, Monsieur [R], dispose du pouvoir d’agir en justice au nom de l’association, et « en cas de besoin, lui confère ces pouvoirs » (pièce 23).

Il s’en déduit que la déclaration d’appel formulée par l’association Amal doit être déclarée valable.

2) Sur la demande de nullité de l’ordonnance de référé

2-1) au motif d’une nullité de la signification de l’assignation

L’article 654 du code de procédure civile dispose que « la signification doit être faite à personne. La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, un fondé de pouvoir de ce dernier, ou à tout autre personne habilitée à cet effet ».

La SCI Confluences a assigné l’association Amal devant le juge des référés de Mulhouse, par acte introductif d’instance du 29 mars 2022. L’huissier instrumentaire explique dans son procès-verbal avoir remis une copie de cette assignation à Madame [Z] [C], présentée comme membre bénévole de ladite association.

Les mentions portées sur un procès-verbal d’huissier font foi jusqu’à inscription en faux, et ce conformément aux dispositions de l’article 1371 du code civil. Par conséquent seule une procédure d’inscription en faux est de nature à pouvoir remettre en cause la validité du procès-verbal évoqué plus haut.

L’attestation de Madame [Z] [C] – selon laquelle elle n’est pas membre de l’association assignée – n’est pas susceptible de remettre en cause la validité des déclarations de l’huissier et de son acte de signification.

Il y a lieu de considérer que celui-ci a remis une copie de l’assignation à une personne qui s’est présentée comme étant un membre de l’association Amal.

Au demeurant, la cour remarque que Madame [C], qui explique fréquenter la mosquée, n’explique pas pourquoi elle a conservé le document que l’huissier lui a remis, alors qu’elle reconnaît dans son attestation avoir été informée par lui que ce courrier était adressé à l’association.

Il s’en déduit que la signification de l’assignation doit être déclarée régulière.

2-2) sur l’irrégularité de la procédure en référé découlant d’un défaut de pouvoir de Me [N]

Motivation

Pour répondre aux moyens soutenus par l’association tendant à conclure au défaut de pouvoir de Me [N], il y a lieu de rappeler la chronologie de la procédure judiciaire qui a conduit la mandataire à attraire devant le président du tribunal judiciaire de Mulhouse l’association Amal.

Dans son jugement du 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a prononcé la dissolution du fonds de dotation Passerelles dont le siège social est à Paris et désigné Me [U] [N] en qualité de liquidateur afin de procéder aux opérations de liquidation en ce compris la vente des actifs mobiliers et immobiliers. Ce jugement a été rendu suite à la saisine réalisée par la préfecture d’Île-de-France qui reprochait notamment au fonds de dotation de ne pas respecter certaines règles de gestion financière.

De par sa qualité de nouvelle représentante légale du fonds de dotation Passerelles, lui-même actionnaire majoritaire de la SCI Confluences, Me [N] a initié une procédure pour se voir désigner représentante légale de ladite SCI.

La lecture de la requête adressée au tribunal judiciaire de Paris à l’origine de la décision du 28 mai 2021, permet de découvrir que Monsieur [X], précédent président du fonds de dotation Passerelles, avait refusé de convoquer l’assemblée générale de la SCI Confluences pour voir nommer Me [N] de sorte que cette dernière avait dû engager une procédure judiciaire en vue de voir désigner un mandataire ad hoc pour réunir une assemblée générale. La procédure ayant été admise, une assemblée générale se réunissait et Me [N] était élue gérante de la SCI Confluences.

Par ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Paris du 28 mai 2021, Me [N] était autorisée à exercer ces nouvelles fonctions de gérante de la SCI Confluences, de sorte que c’est bien elle qui apparaît dorénavant en cette qualité sur l’extrait K bis de la SCI Confluences (cf. extrait K bis mis à jour au 30 juin 2022’annexe 3).

C’est donc en application de plusieurs décisions judiciaires dont le caractère définitif n’a pas été remis en cause par l’appelante, que Me [N] est devenue gérante de la SCI Confluences.

Le moyen de l’association des musulmans d’Alsace ‘ selon lequel Me [N] ne dispose pas de la capacité à agir pour le compte de la SCI ‘ est dès lors inopérant.

D’autre part, il est vain pour l’association de prétendre qu’il y aurait incompatibilité entre la fonction de gérant assurée par Me [N] et celle d’administrateur judiciaire alors qu’elle intervient, dans le cadre de son activité, en exécution d’un mandat judiciaire.

Enfin les actes de procédure mentionnent tous que Me [N] intervient « es qualité » ce qui implique nécessairement qu’elle agit en tant que représentant de la SCI Confluences, et non à titre personnel.

En conclusion l’argumentation soutenue par l’association des musulmans d’Alsace ne peut qu’être rejetée, la procédure en référé initiée par Me [N] devant être déclarée régulière.

2-3) Sur le non-respect de l’obligation de médiation

L’article 16 du « bail civil » passé entre l’AMAL et la SCI du 25 mai 2019 (annexe 11) précise que « en cas de litige né de l’interprétation ou de la mise en ‘uvre des clauses du présent bail, les parties s’efforceront de résoudre à l’amiable. À défaut de règlement amiable, le litige sera porté devant le tribunal de grande instance territorialement compétent. »

Il s’en déduit que ces dispositions n’imposent pas aux parties de devoir mettre en place une procédure amiable préalable à la saisine de l’autorité judiciaire, sans quoi le terme « s’efforceront » n’aurait pas été utilisé. En effet le verbe « s’efforcer » n’induit pas une obligation.

La SCI pouvait dès lors saisir régulièrement le juge des référés.

3) Sur l’existence de contestations réelles et sérieuses

L’association des musulmans d’Alsace soutient plusieurs moyens, en vue de voir constater que les conditions prévues par les articles 835 et 834 du code de procédure civile ne sont pas remplies et qu’en outre elle disposerait d’une créance liquide et exigible à l’égard de la SCI, qui tendent tous à démontrer qu’il existerait une contestation réelle et sérieuse portant sur les prétentions de la SCI Confluences de sorte que le juge des référés, juge de l’évidence, n’aurait pas dû statuer et accueillir favorablement la demande de la SCI.

Le bail comporte une clause résolutoire de plein droit libellée en ces termes, « le présent bail est rompu, de plein droit, par le seul fait de l’inexécution de l’une quelconque des obligations résultant du bail par l’une ou l’autre des parties. »

Il est reconnu par toutes les parties que ce bail mettait à la charge de l’association le paiement d’un loyer de l’ordre de 8600 € par mois hors charges et hors taxes au profit de la SCI. Il est également constant que l’association Amal n’a pas réalisé de versements, au titre des loyers, en direction de la SCI.

En apparence donc l’association est défaillante.

Il apparaît cependant à l’étude du dossier et des pièces jointes que les relations financières existant entre la SCI et l’association sont plus complexes, et qu’on ne saurait considérer ces deux entités comme étant engagées l’une envers l’autre, uniquement en vertu d’un bail d’occupation.

En effet il est établi que l’association est titulaire d’un compte courant au sein de la SCI, créditeur en faveur de l’appelante de près de 9 millions d’euros, somme à rapprocher de la créance réclamée par la SCI au titre des loyers impayés de l’ordre de 378 000 €.

Les allégations de l’association selon lesquelles elle prend en outre en charge le paiement des factures courantes récentes et actuelles d’entretien de l’ensemble immobilier appartenant à la SCI, n’ont pas été combattues par cette dernière.

Dans ces conditions, peu importe de savoir si la créance de près de 9 millions d’euros détenue par l’association sur la SCI est exigible et liquide ; la

cour ne peut que constater l’existence d’une contestation réelle et sérieuse sur le bien-fondé de la demande de la SCI. En effet :

‘ le dossier pose une problématique de possible compensation entre ces créances croisées (d’une part la dette de loyer due par l’association, d’autre part la créance détenue par l’association au titre de son compte courant associé augmentée des frais que l’association avance au titre de l’entretien des bâtiments),

‘ il ressort de l’annexe 13 produite par l’association Amal que son conseil a tenté à plusieurs reprises d’organiser une rencontre avec Me [N], demandes qui n’ont pas été acceptées ; il n’y a donc en l’état pas eu d’examen de la situation dans sa globalité intégrant la question de la compensation éventuelle de dettes évoquée plus haut en sachant que le dossier s’inscrit dans un contexte particulier, l’ensemble immobilier de la SCI accueillant notamment un lieu de culte.

Dans ces conditions, il y a lieu de constater l’existence d’une contestation réelle et sérieuse qui s’opposait à toute décision. L’ordonnance sera dès lors infirmée.

Les dépens de la première instance et d’appel seront mis à la charge de l’intimée.

En revanche, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que ce soit en première instance ou à hauteur de la procédure d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré ;

INFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue le 24 mai 2022 par Monsieur le président du tribunal judiciaire de Mulhouse,

Statuant à nouveau

REJETTE l’ensemble des demandes de la SCI Confluences,

Y ajoutant

CONDAMNE la SCI Confluences aux entiers frais et dépens des procédures de première instance et d’appel.

DIT n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

 

 


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