Comptes courants d’associés : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Bourges RG n° 21/01030

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Comptes courants d’associés : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Bourges RG n° 21/01030

24 novembre 2022
Cour d’appel de Bourges
RG
21/01030

1ère Chambre

CR/MMC

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

– Me Magalie PROVOST

– la SELARL AGIN-PREPOIGNOT

LE : 24 NOVEMBRE 2022

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

N° – Pages

N° RG 21/01030 – N° Portalis DBVD-V-B7F-DMNO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NEVERS en date du 21 juillet 2021

PARTIES EN CAUSE :

I – M. [W] [P]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 4]

– Mme [M] [C] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentés par Me Magalie PROVOST, avocat au barreau de NEVERS

timbre fiscal acquitté

APPELANTS suivant déclaration du 22/09/2021

II – CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE  LOIRE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 5]

[Localité 2]

N° SIRET : 398 824 714

Représentée par la SELARL AGIN-PREPOIGNOT, avocat au barreau de NEVERS

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

24 NOVEMBRE 2022

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. WAGUETTE, Président de Chambre chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WAGUETTE, Président de Chambre

M. PERINETTI, Conseiller

Mme CIABRINI, Conseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige

**************

EXPOSÉ :

La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire (ci-après désignée ‘le Crédit agricole’) a consenti à la SARL CPM un concours bancaire professionnel pour lequel M. [W] [P] et Mme [M] [P] née [C] se sont portés cautions solidaires.

Le 15 novembre 2016, un crédit de trésorerie n°00000S55430 d’un montant de 62.000 euros d’une durée de 4 mois a été octroyé, pour lequel M. et Mme [P] se sont portés cautions solidaires de la SARL CPM dans la limite de 80.600 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard.

Par jugement rendu le 29 mars 2017 par le Tribunal de commerce de Nevers, la SARL CPM a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde.

Le 21 avril 2017, le Crédit agricole a déclaré sa créance entre les mains de la SELARL JSA, ès qualités de mandataire judiciaire.

Le 16 septembre 2019, la procédure de sauvegarde de la SARL CPM a été convertie en liquidation judiciaire.

Le 22 octobre 2019, le Crédit agricole a de nouveau confirmé sa créance à la SELARL JSA ès qualités de liquidateur judiciaire.

Par courriers recommandés avec accusé de réception en date des 22 octobre 2019 et 27 juillet 2020, le Crédit agricole a mis M. et Mme [P] en demeure de régler les sommes dues au titre des crédits pour lesquels ils étaient cautions solidaires.

Suivant acte d’huissier en date du 2 juillet 2020, le Crédit agricole a fait assigner M. et Mme [P] devant le Tribunal de commerce de Nevers aux fins de voir :

– dire et juger le Crédit agricole recevable et bien fondé en ses demandes à l’encontre des cautions de la société CPM, M. et Mme [P], et en conséquence :

– condamner solidairement M. et Mme [P] en leur qualité de cautions solidaires de la SARL CPM à payer et porter au Crédit agricole la somme de 71.996,60 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2020, date de la mise en demeure, tous les intérêts étant à capitaliser annuellement conformément à l’article 1154 du Code civil, jusqu’à complet paiement,

– débouter M. et Mme [P] de toutes leurs conclusions, fins et prétentions plus amples et contraires,

– condamner solidairement M. et Mme [P] à payer au Crédit agricole la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner les mêmes aux entiers dépens de la présente procédure.

En réplique, M. et Mme [P] ont demandé au Tribunal de :

– déclarer nulle l’assignation délivrée le 2 juillet 2020 par le Crédit agricole à M. et Mme [P],

Principalement,

Vu les articles 2289 et 1129 ancien du Code Civil,

– déclarer le Crédit agricole irrecevable et mal fondé en ses demandes et l’en débouter,

– prononcer la nullité du contrat de cautionnement conclu le 15 novembre 2016 par M. et Mme [P],

Vu l’article L. 332-1 du Code de la consommation,

– dire et juger que le cautionnement donné par M. et Mme [P] était manifestement disproportionné et, par conséquent

– prononcer la déchéance pour le Crédit agricole du droit de se prévaloir du contrat de cautionnement conclu par M. et Mme [P],

Vu l’article L. 313-22 du code monétaire et financier

– prononcer la déchéance du droit aux intérêts à l’encontre du Crédit agricole,

– Subsidiairement, réduire à l’euro symbolique l’indemnité forfaitaire par application des dispositions de l’article 1231 5 du Code Civil ;

Et vu l ‘article 1343-5 du Code Civil,

– prononcer le report du paiement de la dette de M. et Mme [P],

– Subsidiairement, accorder à M. et Mme [P] les plus larges délais de paiement, avec imputation des règlements en priorité sur le capital et réduction des intérêts au taux légal,

A titre reconventionnel,

Vu les articles 1240 et suivants du Code Civil,

– condamner le Crédit agricole à payer et porter à M. et Mme [P] une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des manquements à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde à l’égard de la caution ;

En tout état de cause,

– rejeter toutes fins, demandes et conclusions du Crédit agricole et l’en débouter ;

– dire et juger que les condamnations qui pourraient éventuellement être prononcées à l’encontre de M. et Mme [P] ne peuvent l’être que dans la limite de leur engagement de caution ;

– condamner le Crédit agricole à payer 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– condamner le même aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 21 juillet 2021, le Tribunal de commerce de Nevers a :

– Déclaré recevable et bien fondée l’assignation délivrée à l’encontre de M. et Mme [P] ;

– Déclaré recevable, bien fondée et exigible la demande du Crédit agricole ;

– Déclaré recevable le contrat de cautionnement conclu par M. et Mme [P] le 15 novembre 2016 ;

– Déclaré que le cautionnement donné par M. et Mme [P] le 15 novembre 2016 était proportionné, et par conséquent,

– Déclaré que le Crédit agricole pouvait se prévaloir du contrat de cautionnement conclu le 15 novembre 2016 par M. et Mme [P] ;

– Déclaré que le Crédit agricole avait respecté ses obligations d’information annuelle aux cautions M. et Mme [P] et maintenu ses droits à intérêts ;

– Débouté M. et Mme [P] de leur demande de réduction de l’indemnité forfaitaire à l’euro symbolique ;

– Débouté M. et Mme [P] de leur demande à percevoir des dommages et intérêts pour la somme de 10.000 euros en réparation des manquements du Crédit agricole à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde à l’égard de la caution ;

– Condamné solidairement M. et Mme [P] conformément à leur qualité de cautions solidaires de la SARL CPM à payer et porter au Crédit agricole, au titre du prêt 00000555430, la somme de 71.996,60 euros, outre les intérêts au taux légal attaché à compter du 27 janvier 2020, date de la mise en demeure, tous les intérêts étant à capitaliser annuellement, jusqu’à complet paiement ;

– Débouté M. et Mme [P] de leur demande de report de paiement de leur dette envers le Crédit agricole ;

– Condamné solidairement M. et Mme [P] à payer la somme de 2.000 euros au Crédit agricole au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté M. et Mme [P] de toutes leurs conclusions, fins et prétentions plus amples et contraires,

– Prononcé l’exécution provisoire du présent jugement ;

– Condamné M. et Mme [P] aux entiers dépens de la procédure, dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 84,48 euros TTC ;

– Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusion.

Le Tribunal a notamment retenu que toutes actions pouvaient être introduites à l’encontre de la caution au jour de l’ouverture de la liquidation judiciaire de l’emprunteur, que les conditions initiales n’avaient pas été modifiées unilatéralement par la banque et étaient conformes au contrat signé, que M. et Mme [P] ne démontraient pas la disproportion alléguée de leur engagement de caution au regard de leurs revenus, charges et patrimoine, que le Crédit agricole s’était acquitté de l’ensemble de ses obligations envers les cautions, que M. et Mme [P] étaient des professionnels et cautions qualifiés d’avertis, que l’indemnité forfaitaire d’indemnisation n’avait pas pour objet de sanctionner une inexécution et ne revêtait pas de ce fait le caractère d’une clause pénale, que les éléments produits quant à leurs revenus ne justifiaient pas d’octroyer à M. et Mme [P] d’échelonnement ou de délai de paiement, et que M. et Mme [P] ne démontraient pas qu’à la date d’octroi du prêt, la SARL CPM se soit trouvée dans une situation irrémédiablement compromise ni que la banque ait accordé le prêt de manière fautive pour permettre une poursuite artificielle de la société.

M. et Mme [P] ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 22 septembre 2021.

Par ordonnance du 3 mai 2022, Mme le Premier Président de la Cour d’appel de Bourges a :

– Ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement,

– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– Condamné le Crédit agricole aux dépens de la procédure.

Moyens

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 3 mai 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’ils développent, M. et Mme [P] demandent à la Cour de :

ORDONNER la rétractation de l’ordonnance de clôture prise par le Conseiller de la mise en état le 26 avril 2022,

DÉCLARER Mme [M] [P] née [C] et M. [W] [P] recevables et bien fondés en leur appel,

INFIRMER le jugement rendu le 21 juillet 2021 par le Tribunal de Commerce de NEVERS (RG N° 2020 000641) en ce qu’il a :

– Déclaré recevable, bien fondée et exigible la demande de le Crédit agricole,

– Déclaré que le Crédit agricole a respecté ses obligations d’information annuelle aux cautions M. [W] [P] et Mme [M] [P] et maintient ses droits à intérêts,

– Débouté M. [W] [P] et Mme [M] [P] de leur demande de réduction de l’indemnité forfaitaire à l’euro symbolique,

– Débouté M. [W] [P] et Mme [M] [P] de leur demande à percevoir des dommages-intérêts pour la somme de 10 000 € en réparation des manquements de le Crédit agricole à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde à l’égard de la caution ;

– Condamné solidairement M. [W] [P] et Mme [M] [P] conformément à leur qualité de caution solidaire de la SARL CPM à payer porter à le Crédit agricole au titre du prêt 00000555430 la somme de 71 996,60 €, outre les intérêts au taux légal attaché à compter du 27 janvier 2020 date de la mise en demeure, tous les intérêts étant à capitaliser annuellement jusqu’à complet paiement

– Débouté M. [W] [P] et Mme [M] [P] de leur demande de report de paiement de leur dette envers le Crédit agricole,

– Condamné solidairement M. [W] [P] et Mme [M] [P] à payer la somme de 2.000 € à le Crédit agricole au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Débouté M. [W] [P] et Mme [M] [P] de toutes leurs

conclusions, fins et prétentions plus amples ou contraires ;

– Condamné M. [W] [P] et Mme [M] [P] aux entiers dépens de la procédure.

Et, statuant de nouveau,

DÉCLARER irrecevable, mal fondée et non exigible la demande du Crédit agricole à l’égard de M. [W] [P] et Mme [M] [P] ;

PRONONCER la déchéance du droit aux intérêts à l’encontre du Crédit agricole ;

REJETER la demande du Crédit agricole relative au paiement de l’indemnité forfaitaire de recouvrement,

Subsidiairement, RÉDUIRE à l’euro symbolique l’indemnité forfaitaire par application des dispositions de l’article 1231-5 du Code Civil ;

Et vu l’article 1343-5 du Code Civil,

PRONONCER le report du paiement de la dette de M. et Mme [P] ;

Subsidiairement, ACCORDER à M. et Mme [P] les plus larges délais de paiement, avec imputation des règlements en priorité sur le capital et réduction des intérêts au taux légal ;

À titre reconventionnel,

Vu les articles 1240 et suivants du Code Civil,

CONDAMNER le Crédit agricole à payer et porter à M. et Mme [P] une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des manquements à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde à l’égard de la caution ;

En tout état de cause,

REJETER toutes fins, demandes et conclusions de le Crédit agricole et l’en débouter ;

DIRE ET JUGER que les condamnations qui pourraient éventuellement être prononcées à l’encontre de M. et Mme [P] ne peuvent l’être que dans la limite de leur engagement de caution ;

CONDAMNER le Crédit agricole à payer 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER la même aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 août 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’il développe, le Crédit agricole demande à la Cour, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, de :

– DÉCLARER M. [W] [P] et Mme [M] [P] née [C], pris en leur qualité de cautions solidaires de la SARL CPM à l’égard du Crédit agricole, irrecevables et mal-fondés en leur appel à l’encontre du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Nevers le 21 juillet 2021,

– EN CONSÉQUENCE, CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions, et notamment en ce que le Tribunal de Commerce de Nevers a :

. Déclaré recevable et bien fondée l’assignation délivrée par le Crédit agricole à l’encontre de M. [W] [P] et Mme [M] [P],

. Déclaré recevable, bien fondée et exigible la demande du Crédit agricole,

. Déclaré recevable le contrat de cautionnement conclu par M. [W] [P] et Mme [M] [P] le 15 novembre 2016,

. Déclaré que le cautionnement donné par M. [W] [P] et Mme [M] [P] le 15 novembre 2016 est proportionné, et par conséquent,

. Déclaré que le Crédit agricole peut se prévaloir du contrat de cautionnement conclu le 15 novembre 2016 par M. [W] [P] et Mme [M] [P],

. Déclaré que le Crédit agricole a respecté ses obligations d’information annelle aux cautions, M. [W] [P] et Mme [M] [P], et maintient ses droits à intérêts,

. Débouté M. [W] [P] et Mme [M] [P] de leur demande de réduction de l’indemnité forfaitaire à l’euro symbolique,

. Débouté M. [W] [P] et Mme [M] [P] de leur demande à percevoir des dommages et intérêts pour la somme de 10 000 € en réparation des manquements du Crédit agricole à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde à l’égard des cautions,

.Condamné solidairement, M. [W] [P] et Mme [M] [P] conformément à leur qualité de caution solidaire de la SARL CPM, à payer et porter au Crédit agricole :

– au titre du prêt 00000555430 la somme de 71 996,60 € outre intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2020, date de la mise en demeure, tous les intérêts étant à capitaliser annuellement conformément à l’article 1154 du Code civil, jusqu’à complet paiement,

. Débouté M. [W] [P] et Mme [M] [P] de leur demande de report de paiement de leur dette envers le Crédit agricole,

. Condamné solidairement, M. [W] [P] et Mme [M] [P] à payer la somme de 2 000 € au Crédit agricole au titre de l’article 700 du CPC,

. Débouté M. [W] [P] et Mme [M] [P] de toutes leurs conclusions, fins et prétentions plus amples et contraires,

. Prononcé l’exécution provisoire du jugement,

. Condamné solidairement, M. [W] [P] et Mme [M] [P] aux entiers dépens de la procédure, dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 84,48€ TTC,

. Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions,

– DÉBOUTER M. [W] [P] et Mme [M] [P] de toutes leurs conclusions, fins et prétentions plus amples et contraires en appel,

– CONDAMNER solidairement M. [W] [P] et Mme [M] [P] née [C] à payer au Crédit agricole la somme de 2.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;

– CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens de la présente procédure devant la Cour d’Appel de Bourges.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 août 2022.

Motivation

MOTIFS :

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir «dire et juger», «rappeler» ou «constater» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de «donner acte», qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.

Il sera par ailleurs précisé que la demande de rabat de l’ordonnance de clôture du 26 avril 2022 se trouve dépourvue d’objet, dès lors que le conseiller de la mise en état a reporté la clôture au 30 août suivant.

Sur la recevabilité de la demande du Crédit agricole au regard du prononcé de la déchéance du terme :

Les articles 1103 et 1104 du code civil posent pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En l’espèce, le contrat de crédit souscrit par la SARL CPM comporte les clauses suivantes :

– «Le prêt deviendra de plein droit exigible, si bon semble à la banque, en capital, intérêts, frais, commissions et accessoires par la seule survenance de l’un quelconque des événements énoncés ci-dessous et dans les huit jours de la réception d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l’emprunteur par le prêteur» ;

– «le Prêteur pourra, sans avoir à respecter d’autre formalité que l’envoi d’une lettre recommandée, exercer son recours contre elle dès que sa créance sur l’Emprunteur deviendra exigible pour une raison quelconque, notamment en cas de déchéance du terme».

M. et Mme [P] soutiennent qu’aucune information sur la déchéance du terme ne leur a été transmise, et que le Crédit agricole ne justifie pas avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme du prêt cautionné auprès de l’emprunteur.

Il convient toutefois de relever que le Crédit agricole a fait application, à l’égard de la SARL CPM, des dispositions de l’article L643-1 du code de commerce prévoyant que le jugement qui ouvre ou prononce une liquidation judiciaire rend exigible les créances non échues.

Le Crédit agricole justifie avoir une première fois déclaré sa créance à l’égard de la SARL CPM par courrier recommandé reçu le 25 avril 2017 par le mandataire-liquidateur, puis par courrier recommandé daté du 22 octobre 2019, postérieurement à la décision de liquidation. Il verse en outre aux débats les mises en demeure adressées à M. et Mme [P] par courriers recommandés avec accusé de réception datés du 22 octobre 2019, ainsi que les courriers recommandés avec accusé de réception portant déchéance du terme, reçus le 28 janvier 2020 par chacune des deux cautions. Il s’en déduit que le Crédit agricole a respecté les stipulations contractuelles convenues en la matière entre les parties.

À titre surabondant, il peut être observé que le prêt était, de fait, échu depuis le 15 mars 2017 au vu des dispositions contractuelles prévoyant son remboursement selon quatre échéances mensuelles.

La demande présentée par M. et Mme [P] tendant à voir déclarer de ce chef irrecevable, mal fondée et non exigible la demande du Crédit agricole à leur égard sera en conséquence rejetée.

Sur la demande en paiement présentée par le Crédit agricole :

Sur la demande de déchéance du Crédit agricole de son droit aux intérêts formulée par M. et Mme [P] :

Aux termes de l’article L313-22 du code monétaire et financier, en sa version applicable au présent litige, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

En l’espèce, le Crédit agricole n’établit pas l’envoi à chacune des cautions du courrier d’information annuelle conformément aux dispositions légales précitées, avant le 31 mars 2017.

La brièveté du délai écoulé entre la souscription du prêt, le 15 novembre 2016, et le 31 mars suivant ne saurait suffire à justifier cette carence. Il en va de même du début de la procédure de sauvegarde de la SARL CPM, le 29 mars 2017, qui n’avait aucune incidence sur les obligations d’information dont le Crédit agricole était débiteur envers M. et Mme [P] en leur qualité de cautions.

Concernant les années 2018 et 2019, le Crédit agricole produit des courriers d’information aux cautions datés des 9 février 2018 et 19 février 2019, adressés à M. [W] [P] en recommandé avec accusé de réception pour le premier et en lettre simple pour le second, ainsi qu’un courrier simple adressé le 19 février 2019 à Mme [M] [P].

Leur lecture révèle qu’aucun de ces courriers ne comporte de mention du terme de l’engagement de chacune des cautions, étant en outre rappelé que la seule production de la copie d’une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi.

Il ne peut ainsi être considéré que le Crédit agricole ait régulièrement exécuté son obligation d’information à l’égard de M. et Mme [P] durant les trois années examinées.

Dans ces conditions, il y a lieu de prononcer à l’encontre du Crédit agricole la déchéance de son droit aux intérêts contractuels à compter du 31 décembre 2016 et d’infirmer le jugement entrepris en ce sens. M. et Mme [P] ne seront donc tenus que des intérêts au taux légal sur les sommes dues, à compter de leur mise en demeure du 28 janvier 2020.

Sur la demande relative à l’indemnité forfaitaire de recouvrement :

Aux termes de l’article1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

En l’espèce, le contrat de prêt conclu entre le Crédit agricole et la SARL CPM, cautionné par M. et Mme [P], comporte une stipulation intitulée «Indemnité de recouvrement du si le prêt n’est pas soumis au code de la consommation» est rédigé comme suit :

«Si pour parvenir au recouvrement de sa créance, le Prêteur a recours à un mandataire de justice ou exerce des poursuites ou produit à un ordre, l’Emprunteur s’oblige à lui payer, outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaitaire de 7 % calculée sur le montant des sommes exigibles avec un montant minimum de 2 000 euros».

L’engagement de caution consenti par M. et Mme [P] comporte une mention selon laquelle ledit engagement couvre «le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard».

L’indemnité litigieuse destinée à couvrir la banque des frais imposés par le recours à un mandataire judiciaire ou à l’exercice de poursuites est stipulée à la fois comme un moyen de contraindre l’emprunteur à l’exécution spontanée, moins coûteuse pour lui, et comme l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le prêteur du fait de l’obligation d’engager une procédure. Elle constitue donc, d’une part, une clause pénale susceptible de modération en cas d’excès manifeste et d’autre part, une pénalité comprise dans l’engagement de caution de M. et Mme [P].

Eu égard au préjudice effectif du prêteur tenant au seul exercice de poursuites judiciaires et aux revenus déclarés par M. et Mme [P], la somme réclamée de 4.710,05 euros est manifestement excessive et sa réduction à la somme de 2.000 euros sera de nature à compenser le dommage subi par le Crédit agricole.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce sens.

M. et Mme [P] seront solidairement condamnés à verser au Crédit agricole la somme de 55.018,73 euros en principal, ainsi que la somme de 2.000 euros au titre de l’indemnité de recouvrement, outre intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2020, dans la limite de leurs engagements de caution respectifs. La capitalisation annuelle des intérêts, n’étant pas contestée au fond au vu des moyens développés par les appelants, sera confirmée et appliquée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la demande indemnitaire présentée par M. et Mme [P] :

Il est constant que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard des emprunteurs et cautions non averties lorsque, au jour de leur engagement, celui- ci n’est pas adapté à leurs capacités financières ou qu’il existe un risque de surendettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

À l’égard d’une caution ou d’un emprunteur averti, la banque n’est tenue à un devoir de mise en garde que si elle-même détenait au sujet de l’emprunteur des informations qui n’auraient pas été connues de la caution ou de l’emprunteur lui-même (voir notamment en ce sens Cass. Com., 15 décembre 2009, n° 08-20.702). En revanche, elle n’est pas tenue d’un devoir d’information sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée.

Concernant M. [P], il n’est pas contesté qu’il ait été le gérant de la SARL CPM depuis sa création en 2009, et auparavant dirigé une autre société, L’Abreuvoir. Son expérience en qualité de dirigeant de société sur un temps étendu et la connaissance qu’il avait de la situation financière de sa société empêchent de le considérer comme une caution profane. Cette expérience prive en outre de pertinence l’argumentation développée par M. [P] quant à son manque de connaissances sur le taux d’intérêt variable calculé sur l’index de référence Euribor 3 mois, étant rappelé que les modalités de calcul du taux d’intérêt applicable figurent expressément au contrat de prêt, que l’index Euribor 3 mois constitue une référence aisée à trouver et que les taux d’intérêts rappelés aux divers décomptes émis par le Crédit agricole apparaissent par surcroît tout à fait conformes et cohérents au regard du taux initialement mentionné au contrat.

Concernant Mme [P], aucun élément lié à son expérience ou à sa qualification professionnelles ne permet a priori de la qualifier de caution avertie. Toutefois, bien qu’elle avance avoir été employée par la SARL CPM en simple qualité de secrétaire, la lecture du bilan de la société produit par les appelants révèle que Mme [P] disposait

d’un compte courant d’associé ce qui, conjugué à sa qualité d’épouse du dirigeant de la SARL, établit un investissement dans le fonctionnement de la société et une connaissance de la situation de celle-ci qui ne permettent pas de la considérer comme une caution profane.

Il n’est nullement établi que le Crédit agricole ait disposé, au moment de la signature des engagement de caution de M. et Mme [P], d’informations qui n’auraient pas été connues de ceux-ci en leurs qualités respectives de dirigeant et de secrétaire-associée de la SARL CPM ou de cautions. La mise en ‘uvre d’une procédure de sauvegarde au profit de la SARL CPM à compter du 29 mars 2017 est insuffisante à établir que la banque aurait pu estimer, dès le mois de novembre 2016, que la situation de cette société était irrémédiablement compromise, ni même qu’elle allait péricliter rapidement. Il est ainsi pas démontré que le Crédit agricole ait accordé à la SARL CPM un concours excessif dans le seul objectif de s’en voir rembourser le montant par les cautions.

Aucun manquement fautif à ses obligations contractuelles ne pouvant être reproché sur ce point à la banque, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. et Mme [P] de leur demande indemnitaire.

Sur la demande de délais de paiement présenté par M. et Mme [P] :

Aux termes de l’article 1343-5 alinéas 1 et 2 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

En l’espèce, M. et Mme [P] déclarent percevoir des revenus mensuels à hauteur de 1.900 euros environ, à eux deux, et affichent des charges mensuelles d’un montant global de 512 euros. Ils précisent par ailleurs disposer de liquidités d’un montant global de 23.500 euros.

Le Crédit agricole ne fait pour sa part état d’aucun besoin spécifique.

Eu égard au montant des condamnations à paiement prononcées par la présente décision, il ne peut qu’être constaté qu’un échelonnement des règlements suivant 24 échéances mensuelles excéderait largement les capacités financières de M. et Mme [P].

En imaginant que les appelants versent immédiatement l’intégralité des liquidités dont ils disposent à leur créancier, le montant mensuel des échéances restant à la charge de M. et Mme [P] équivaudrait à celui de la somme qui leur demeure disponible chaque mois après règlement de leurs charges, sans même intégrer à ce calcul les intérêts qui courront sur les sommes dues.

En outre, il peut être observé que M. et Mme [P] ont de facto bénéficié de délais supérieurs à deux ans depuis réception de leur mise en demeure, du fait de la présente procédure, sans pour autant commencer de procéder au règlement de leur dette.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. et Mme [P] de leur demande de report de paiement de leur dette.

En revanche, l’importance de la créance dont ils doivent s’acquitter entre les mains du Crédit agricole au regard de leurs capacités financières justifie d’ordonner que les paiements effectués par M. et Mme [P] s’imputeront par priorité sur le capital.

Sur l’article 700 et les dépens :

L’équité et la prise en considération de l’issue du litige commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner le Crédit agricole, qui succombe partiellement en ses prétentions, à verser à M. et Mme [P] la somme de 2.000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens.

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. Le Crédit agricole, d’une part, et M. et Mme [P], d’autre part, succombant chacun pour partie en leurs prétentions, conserveront à leur la charge les dépens personnellement exposés pour les besoins de l’instance d’appel.

Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DÉCLARE recevable la demande en paiement présentée par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire ;

DIT que la demande de rétractation de l’ordonnance de clôture du 26 avril 2022 présentée par les appelants se trouve dépourvue d’objet ;

Au fond,

INFIRME partiellement le jugement rendu le 21 juillet 2021 par le Tribunal de commerce de Nevers en ce qu’il a :

– Déclaré que le Crédit agricole avait respecté ses obligations d’information annuelle aux cautions M. et Mme [P] et maintenu ses droits à intérêts ;

– Débouté M. et Mme [P] de leur demande de réduction de l’indemnité forfaitaire à l’euro symbolique ;

– Condamné solidairement M. et Mme [P] conformément à leur qualité de cautions solidaires de la SARL CPM à payer et porter au Crédit agricole, au titre du prêt 00000555430, la somme de 71.996,60 euros, outre les intérêts au taux légal attaché à compter du 27 janvier 2020, date de la mise en demeure, tous les intérêts étant à capitaliser annuellement, jusqu’à complet paiement ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Et statuant de nouveau des chefs infirmés,

PRONONCE à l’encontre de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire la déchéance de son droit aux intérêts contractuels à compter du 31 décembre 2016 ;

CONDAMNE solidairement M. [W] [P] et Mme [M] [C] épouse [P] à verser à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire la somme de 55.018,73 euros en principal, ainsi que la somme de 2.000 euros au titre de l’indemnité de recouvrement, outre intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2020, dans la limite de leurs engagements de caution respectifs ;

Et y ajoutant,

DIT que les intérêts sur les sommes dues produiront eux-mêmes intérêts dès lors qu’ils seront dûs pour une année entière ;

ORDONNE que les paiements effectués par M. [W] [P] et Mme [M] [C] épouse [P] s’imputeront par priorité sur le capital ;

CONDAMNE la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire à verser à M. [W] [P] et Mme [M] [C] épouse [P] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;

LAISSE à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire, d’une part, et M. [W] [P] et Mme [M] [C] épouse [P], d’autre part, la charge des dépens personnellement exposés pour les besoins de l’instance d’appel.

L’arrêt a été signé par M.WAGUETTE, Président et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S. MAGIS L. WAGUETTE

 

 


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