Comptes courants d’associés : 24 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09447

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Comptes courants d’associés : 24 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09447

24 novembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
19/09447

Chambre 3-4

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 24 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 288

Rôle N° RG 19/09447 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BENJB

Société SELARL DES DOCTEURS [K]-[F] [R] ET [I] [Y]

C/

[I] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Frédéric FAUBERT

Me Philippe DUTEIL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 06 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01020.

APPELANTE

SELARL DES DOCTEURS [K]-[F] [R] ET [I] [Y],

dont le siège est sis [Adresse 3]

représentée par Me Frédéric FAUBERT de la SELARL DEFENZ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [I] [Y]

né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 4] (74), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Philippe DUTEIL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président (rédacteur)

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022,

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

***

Le 10 février 2003, M. [K]-[F] [R] médecin rhumatologue, a créé une SELARL [K] [R], dont il était l’associé unique.

Par acte du 2 janvier 2012, M. [R] a cédé à M. [Y] 280 parts sur les 700 qui composaient le capital de la SELARL [K] [R], soit 40 %.

M. [Y] est devenu cogérant et la société a été renommée ‘SELARL des docteurs [K]-[F] [R] et [I] [Y]’.

Un litige a opposé les associés au sujet de la perception par M. [Y] de revenus qui échappaient à la SELARL.

Par décision du 4 juin 2015, la chambre disciplinaire interrégionale PACA Corse de l’Ordre des médecins a sanctionné M. [Y] d’un avertissement pour son comportement, et notamment pour n’avoir pas obtenu l’autorisation de la SELARL pour exercer une activité dont les revenus lui échappaient.

Le 16 avril 2015, M. [Y] a informé la société de son retrait fondé sur l’article 31 des statuts et démissionnait de ses fonctions de cogérant.

L’assemblée générale des associés a acté cette situation par procès-verbal du 20 novembre 2015.

M. [Y] a alors sollicité du président du tribunal de grande instance de Marseille la désignation d’un expert judiciaire afin de faire déterminer le prix de ses parts.

Par ordonnance du 26 mai 2015 rectifiée par ordonnance du 16 janvier 2017, Madame [S] a été désignée avec pour mission de déterminer la valeur actuelle et le prix de rachat des 280 parts du Dr [Y] en vertu de l’Article 1843-4 du code civil.

Le rapport de l’expert a été déposé le 26 septembre 2017.

Le 21 juillet 2016, la SELARL a mis M. [Y] en demeure de régulariser sa situation au regard des dispositions de l’article L.223-21 du code de commerce quant à certaines dépenses dont il n’était pas justifié qu’elles avaient été engagées dans l’intérêt de la société.

Par exploit d’huissier en date du 17 janvier 2017, la SELARL [K]-[F] [R] et [I] [Y] a fait assigner M. [Y] devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins d’obtenir le remboursement de frais d’avocat et du solde débiteur du compte courant d’associé ainsi que la réparation de son préjudice.

M. [Y] s’opposait aux demandes et sollicitait reconventionnellement la condamnation de la SELARL à lui payer la somme de 84000 euros au titre du prix de rachat de ses parts tel que fixé par l’expert.

Par jugement du 6 juin 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a :

– déclaré recevables les demandes reconventionnelles formées par [I] [Y],

– condamné [I] [Y] à payer à la SELARL des docteurs [K]-[F] [R] et [I] [Y] la somme de 16236,52 euros,

– débouté la SELARL des docteurs [K]-[F] [R] et [I] [Y] du surplus de ses demandes,

– condamné la SELARL des docteurs [K]-[F] [R] et [I] [Y] à payer à [I] [Y] la somme de 84000 euros,

– débouté [I] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– laissé à chacune des parties la charge de ses dépens,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a retenu à cet effet :

– sur la demande en remboursement des frais d’avocats exposés par la SELARL pour l’engagement de la procédure disciplinaire :

qu’en l’absence de démonstration d’un lien de causalité entre le manquement reproché et le préjudice subi, la SELARL devait être déboutée de sa demande,

– sur la demande de remboursement du compte courant d’associé débiteur :

que le montant du solde débiteur du compte correspond à des frais exposés par M. [Y] avec les fonds de la SELARL du temps de sa cogérance,

que pour ces dépenses (examinées une par une par le tribunal), il n’est pas justifié qu’elles aient été effectuées dans l’intérêt de la société, de sorte que M. [Y] doit restituer à la SELARL la somme de 16236,52 euros,

– sur la demande en dommages et intérêts, que la SELARL ne démontre pas le préjudice financier qu’elle allègue,

– sur les demandes reconventionnelles :

qu’elles présentent un lien suffisant avec la demande de remboursement de dépenses personnelles de l’associé prises en charge à tort par la SELARL, que la demande de remboursement suite au retrait d’un associé est dirigée uniquement contre la SELARL et ne nécessite pas l’appel en cause du second associé,

que l’article 31 des statuts relatif au droit de retrait ne prévoit que des conditions de forme, qu’il doit en conséquence être fait application des dispositions de l’article 1869 alinéa 2 du code civil aux termes desquelles, à moins qu’il ne soit fait application de l’article 1844-9 3ème alinéa de ce code, l’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d’accord amiable, conformément à l’article 1843-4 du code civil,

que l’expert désigné a fait une juste évaluation des parts sociales, que la valeur des droits sociaux de M. [Y] est de 84000 euros, que la SELARL doit être condamnée à lui rembourser.

La SELARL des docteurs [K]-[F] [R] et [I] [Y] a interjeté appel de cette décision le 13 juin 2019.

Moyens

Par conclusions déposées et notifiées le 8 avril 2022, elle demande à la cour, vu les articles 1240, L.223-21 et L.223-22 du code de commerce, 70 alinéa 1 du code de procédure civile de :

– confirmer le jugement rendu le 6 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille uniquement en ce qu’il a condamné M. [I] [Y] au paiement de la somme de 16236,52 euros en remboursement de son compte courant d’associé débiteur au sein de la SELARL,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SELARL à payer à M. [Y] la somme de 84000 euros et statuant de nouveau,

– dire et juger que les demandes de M. [I] [Y] sont irrecevables et subsidiairement infondées,

– condamner M. [Y] à payer à la SELARL [K]-[F] [R] et [I] [Y] la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Frédéric Faubert pour la SELARL Defenz.

Par conclusions déposées et notifiées le 27 mai 2022, M. [I] [Y] demande à la cour de:

Rejeter l’appel de la SELARL [K]-[F] [R] et [I] [Y] car infondé,

La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement rendu le 6 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu’il a condamné la SELARL [K]-[F] [R] et [I] [Y] à payer à Monsieur [I] [Y] la somme de 84000 euros,

Confirmer le jugement rendu le 6 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu’il a débouté la SELARL [K]-[F] [R] et [I] [Y] du surplus de ses demandes concernant la responsabilité du Dr [I] [Y],

Recevoir l’appel incident du Dr [I] [Y], le dire bien fondé,

Et statuant à nouveau :

Débouter la SELARL [K]-[F] [R] et [I] [Y] de sa demande concernant le remboursement du compte courant associé débiteur,

Réformer le jugement en ce qu’il a condamné M. [I] [Y] à payer à la SELARL [K]-[F] [R] et [I] [Y] la somme de 16236,52 euros,

Condamner la SELARL [K]-[F] [R] et [I] [Y] à payer à M. [I] [Y] la somme de 3000 euros à titre de remboursement des frais d’expertise mis à la charge du Dr [R] qu’il a refusé de régler et dont M. [Y] a fait l’avance,

Condamner la SELARL [K]-[F] [R] et [I] [Y] à payer à M. [I] [Y] la somme de 10000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SELARL [K]-[F] [R] et [I] [Y] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Duteil avocat, sur son affirmation de droit.

La procédure a été clôturée le 13 septembre 2022.

Motivation

MOTIFS :

La cour n’est saisie d’aucune demande de réformation du chef du jugement ayant débouté la SELARL de sa demande en remboursement des frais d’avocats exposés pour l’engagement de la procédure disciplinaire et de sa demande en dommages et intérêts

Sur la demande en remboursement du compte courant d’associé débiteur :

Le solde débiteur du compte courant d’associé de M. [Y] résulte du fait que la SELARL a porté au débit de ce compte à la clôture de l’exercice 2015 des dépenses personnelles que M. [Y] aurait selon elle indûment fait supporter par la société.

M. [Y] soutient que ces frais correspondent à des dépenses de fonctionnement qui ont toujours été prises en charges par la société et que le docteur [R] procédait de même.

M. [Y] ne fait valoir en cause d’appel aucun moyen ni justificatif autre que ceux déjà soumis au premier juge.

Le tribunal, qui a examiné les sept postes de dépenses litigieux, a considéré à juste titre, par des motifs que la cour adopte, qu’il s’agissait de dépenses personnelles dont il n’était pas justifié qu’elles soient supportées par la société.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles :

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevables, au regard de l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles formées par M. [Y] à l’encontre de la SELARL.

Les demandes initiales et reconventionnelles concernent les comptes à opérer, à la suite de la cessation d’activité de M. [Y], entre la société et cet associé, et présentent en conséquence un lien suffisant entre elles.

M. [Y] sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la SELARL à lui payer la somme de 84000 euros en remboursement de la valeur de ses droits sociaux à la suite de son retrait volontaire de la société.

Les sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée sont soumises aux dispositions de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 ainsi qu’aux articles L.223-1 et suivants du code de commerce relatifs aux sociétés à responsabilité limitée.

Lorsqu’elles sont constituées entre des médecins, elles sont également soumises aux articles R.4113-1 et suivants du code de la santé publique.

Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, les dispositions de l’article 1869 du code civil ne sont pas applicables à une société constituée en la forme commerciale.

Conformément aux dispositions de l’article 1134 ancien du code civil et à la force obligatoire du contrat de société, à défaut de dispositions spéciales de la loi l’autorisant, un associé d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée ne peut se retirer unilatéralement de la société en contraignant cette dernière à lui rembourser ses parts.

M. [Y] invoque l’article 31 des statuts de la SELARL intitulé ‘droit de retrait’ et rédigé comme suit :

‘L’associé peut cesser son activité, à la condition d’en informer la société par lettre recommandée avec avis de réception six mois avant. Il doit aviser le conseil départemental de l’ordre de sa décision.’

Cet article ne fait que reprendre les termes de l’article R.4113-19 du code de la santé publique relatif au droit de retrait d’exercice, c’est à dire à la cessation d’activité, qui ne se confond pas avec la perte de la qualité d’associé.

L’article 31 des statuts ne prévoit d’ailleurs aucun mécanisme de sortie du capital par l’associé qui cesse son activité, à la différence de l’article 28 relatif au cas d’exclusion d’un associé.

M. [Y] disposait de la possibilité de céder ses parts à un tiers sous réserve d’agrément conformément à l’article 11 des statuts mais ne peut contraindre la société à les lui racheter.

Il n’existe par ailleurs aucun obstacle légal ou statutaire à ce qu’il demeure associé bien qu’ayant cessé son activité au sein de la SELARL.

Il sera en conséquence débouté de sa demande en paiement de la somme de 84000 euros au titre du remboursement de ses parts sociales, le jugement étant réformé sur ce point.

M. [Y] sollicite par ailleurs en cause d’appel la condamnation de la SELARL à lui payer la somme de 3000 euros à titre de remboursement des frais d’expertise mis à la charge du docteur [R] qu’il a refusé de régler et dont il a lui-même fait l’avance.

Cette demande sera rejetée, faute pour M. [Y] de préciser sur quel fondement de droit la SELARL pourrait être condamnée à lui payer une somme due par M. [R].

Partie succombante, M. [Y] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme, dans les limites de sa saisine, le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :

– condamné la SELARL des docteurs [K]-[F] [R] et [I] [Y] à payer à [I] [Y] la somme de 84000 euros,

– laissé à chacune des parties la charge de ses dépens,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant,

Déboute M. [I] [Y] de sa demande en paiement de la somme de 84000 euros,

Déboute M. [I] [Y] de sa demande tendant à la condamnation de la SELARL des docteurs [K]-[F] [R] et [I] [Y] à lui payer la somme de 3000 euros à titre de remboursement des frais d’expertise mis à la charge du docteur [R],

Condamne M. [I] [Y] à payer à la SELARL des docteurs [K]-[F] [R] et [I] [Y] la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] [Y] aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

 


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