23 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
21-21.553
Chambre commerciale financière et économique
–
Formation restreinte RNSM/NA
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 novembre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10702 F
Pourvoi n° M 21-21.553
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022
M. [Y] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-21.553 contre l’arrêt rendu le 21 juin 2021 par la cour d’appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société LGA, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [N] [M], prise en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de la société Malzac Gnuva, anciennement dénommée Pimouguet-[M]-Devos Bot,
2°/ au ministère public, domicilié [Adresse 3], prise en la personne du procureur de la République de Brive,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [T], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société LGA, en la personne de M. [M], ès qualités, et l’avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
Motivation
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
Dispositif
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [T] et le condamne à payer à la société LGA, prise en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de la société Malzac Gnuva, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
Moyens annexés
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. [T].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
(appréciation de la faute de gestion)
M. [T] fait grief à la décision attaquée de l’avoir condamné à supporter le montant de l’insuffisance d’actif de la société Malzac Gnuva à hauteur de 480 000 € et de l’avoir condamné à payer au liquidateur la somme de 480 000 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;
alors 1/ que la poursuite d’une activité déficitaire ne constitue pas une faute de gestion au sens de l’article L. 651-2 du code de commerce si elle a permis une réduction significative du passif de l’entreprise ; qu’en décidant que M. [T] avait commis une faute en poursuivant une activité déficitaire entre 2010 et 2013, tout en relevant qu’en 2010, le passif de l’entreprise s’élevait à 13 451 196 €, en 2013 à 7 189 062 € et que le passif admis à la procédure collective s’élevait à 632 395,82 €, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 2/ que pour décider que M. [T] avait commis une faute de gestion en poursuivant une activité déficitaire entre 2010 et 2013, la cour d’appel a énoncé qu’au cours de cette période, le rapport entre l’actif net et les dettes de la société s’est dégradé ; que toutefois, ce rapport est dénué de pertinence pour l’appréciation de l’évolution de la situation financière de l’entreprise puisque l’actif net est lui-même calculé en déduisant les dettes de l’actif brut, ce dont il résulte que, dans le rapport entre l’actif net et les dettes, ces dernières sont prises en compte deux fois ; qu’en se référant pourtant sur ce seul critère pour imputer à M. [T] une faute de gestion consistant à avoir poursuivi l’activité déficitaire de la société, la cour d’appel a violé l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 3/ que la cour d’appel a décidé que M. [T] avait commis une faute de gestion en procédant le 2 juillet 2014 à la cession du fonds de commerce de la société Malzac Gnuva pour un prix de 300 000 €, ce fonds de commerce ayant été acquis en 2000 pour un montant de 412 000 € ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il eût été possible de céder le fonds de commerce à un meilleur prix au regard des difficultés que rencontrait la société Malzac Gnuva depuis 2010, de sorte que cette cession démontrait au contraire la diligence de M. [T], la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 4/ que la cour d’appel a dit que M. [T] avait commis une faute de gestion en cédant le fonds de commerce de la société Malzac Gnuva à la société Martinie en consentant à un paiement incomplet du prix et à une cession de la créance de prix en faveur de la société Martinie à hauteur de 149 713,83 € suivant acte du 18 mars 2016 ; que toutefois, cet acte prévoyait, non une cession de créance, mais une renonciation au paiement du prix de cession à hauteur du montant précité ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a dénaturé l’acte du 18 mars 2016, violant ainsi l’article 1134 du code civil, en sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
alors 5/ que les juges du fond ne peuvent caractériser une faute de gestion si les efforts du dirigeant pour redresser la situation de l’entreprise ont échoué en raison de circonstances extérieures à sa volonté qu’il ne pouvait pas prévoir ; que la cour d’appel a dit que M. [T] avait commis une faute de gestion en renonçant, par l’acte du 18 mars 2016, au paiement d’une fraction du prix de la cession du fonds de commerce de la société Malzac Gnuva ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [T] n’avait pas été contraint à cette mesure en raison de circonstances extérieures à sa volonté et imprévisibles au jour de la cession, à savoir les difficultés financières de la société cessionnaire qui ont conduit à sa mise en liquidation judiciaire le 30 janvier 2018, soit près de quatre ans après la cession, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 6/ qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [T] n’avait pas tenté de préserver les intérêts de la société Malzac Gnuva malgré les difficultés financières de la société cessionnaire en prévoyant, dans l’acte de renonciation du 18 mars 2016, soit près de deux ans avant la mise en liquidation judiciaire de la société cessionnaire, une clause de retour à meilleure fortune en vertu de laquelle celle-ci s’engageait à reprendre les versements du prix à partir du mois suivant l’approbation des comptes de l’exercice laissant apparaître une situation nette comptable au moins égale à son capital d’origine, soit 470 000 €, ce qui justifiait la renonciation au paiement intégral du prix et partant et excluait donc toute faute, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 7/ que le stock de la société Malzac Gnuva a été vendu à la société Martinie et non la holding Altimat, ainsi qu’il résulte des énonciations claires et précises de l’acte du 2 juillet 2014 ; que la cour d’appel a pourtant énoncé, par motifs propres et adoptés, que M. [T] avait commis une faute de gestion en cédant le stock à la société holding Altimat et qu’il avait ainsi cédé à la société Martinie un fonds de commerce sans stock, donc une « coquille vide » ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a dénaturé l’acte de cession du 2 juillet 2014, en violation de l’article 1134 du code civil, en sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
alors 8/ que le fait, pour le dirigeant d’une filiale en difficulté, de procéder au remboursement du compte courant d’associé de la société-mère dont il est également dirigeant ne constitue une faute de gestion que si ce paiement n’est pas commandé par l’intérêt objectif de la société créancière et qu’il ne découle que de la volonté arbitraire du dirigeant de la favoriser ; que pour retenir une faute de gestion à l’encontre de M. [T], la cour d’appel a relevé qu’il avait vendu le stock de la société Malzac Gnuva puis crédité du montant du prix de vente le compte courant d’associé de la société Altimat, holding dont il était le président, se livrant ainsi à un paiement préférentiel en faveur de cette société dans laquelle il était intéressé ; qu’en statuant ainsi, sans vérifier si le remboursement du compte courant de la société Altimat était commandé par son intérêt objectif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 9/ que le fait, pour le dirigeant d’une filiale en difficulté, de procéder au remboursement du compte courant d’associé de la société-mère dont il est également dirigeant ne constitue une faute de gestion que si ce paiement n’est pas commandé par l’intérêt objectif de la société créancière et qu’il ne découle que de la volonté arbitraire du dirigeant de la favoriser ; que pour retenir une faute de gestion à l’encontre de M. [T], la cour d’appel a relevé qu’il avait cédé à la société Altimat, société-mère dont il était également président, une créance d’un montant de 635 218,07 € que la société Malzac Gnuva détenait contre une société Comptoir Savoisien de Chauffage et consenti à la compensation du prix de cession avec le montant de la créance que la société Altimat détenait envers la société Malzac Gnuva, se livrant ainsi à un paiement préférentiel en faveur de la société Altimat dans laquelle il était intéressé, dans un contexte où la société Malzac Gnuva connaissait de graves difficultés financières ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si cette compensation partielle n’avait pas été consentie aux fins de remboursement du compte courant d’associé de la société Altimat et si ce remboursement n’était pas commandé par l’intérêt objectif de celle-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 10/ que le mode de paiement employé par le dirigeant est sans emport sur l’appréciation du caractère fautif de ce paiement au sens de l’article L. 651-2 du code de commerce ; que pour retenir une faute de gestion à l’encontre de M. [T], la cour d’appel a relevé qu’il avait cédé à la société Altimat une créance d’un montant de 635 218,07 € que la société Malzac Gnuva détenait contre une société Comptoir Savoisien de Chauffage et consenti à la compensation du prix de cession avec le montant de la créance que la société Altimat détenait envers la société Malzac Gnuva ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 11/ qu’aux termes de l’article L. 651-2 du code de commerce en sa rédaction issue de la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016 applicable aux procédures collectives en cours au jour de son entrée en vigueur, soit le 11 décembre 2016, la responsabilité du dirigeant ne peut être engagée au titre de l’insuffisance d’actif en cas de simple négligence ; que pour condamner M. [T] à payer au liquidateur la somme de 480 000 €, la cour d’appel a dit qu’en s’abstenant de défendre à la demande en justice introduite par M. [J], salarié de la société Malzac Gnuva, qui avait abouti à la condamnation de celle-ci à payer une somme de 49 675,30 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par jugement du 13 mars 2015, il avait adopté un comportement « empreint de désinvolture et de négligence » incompatible avec les responsabilités d’un dirigeant ; qu’en disant pourtant que ce comportement constituait une faute de gestion de nature à engager la responsabilité de M. [T] au titre de l’insuffisance d’actif, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article L. 651-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
(appréciation du lien de causalité)
M. [T] fait grief à la décision attaquée de l’avoir condamné à supporter le montant de l’insuffisance d’actif à hauteur de 480 000 € et de l’avoir condamné à payer au liquidateur la somme de 480 000 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;
alors 1/ que la responsabilité pour insuffisance d’actif suppose que la faute imputée au dirigeant ait contribué à l’insuffisance d’actif ; que pour condamner M. [T] à payer au liquidateur la somme de 480 000 €, la cour d’appel a relevé qu’il avait commis une faute en cédant à la société Martinie le fonds de commerce de la société Malzac Gnuva puis en consentant à l’abandon d’une partie de la créance de prix moyennant clause de retour à meilleure fortune de la société Martinie ; qu’en se bornant à affirmer péremptoirement que cette prétendue faute de gestion avait contribué à l’insuffisance d’actif sans justifier aucunement cette énonciation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 2/ que pour condamner M. [T] à payer au liquidateur la somme de 480 000 €, la cour d’appel a relevé qu’il avait commis une faute en cédant à la société Altimat, société-mère de la société Malzac Gnuva, le stock du fonds de commerce de celle-ci et en consentant à la compensation partielle du prix avec le montant du compte courant d’associé de la société Altimat ; qu’en se bornant à affirmer péremptoirement que cette prétendue faute de gestion avait contribué à l’insuffisance d’actif sans justifier cette énonciation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 3/ que qu’en s’abstenant de justifier, autrement que par une affirmation péremptoire, en quoi la cession à la société Altimat une créance d’un montant de 635 218,07 € que la société Malzac Gnuva détenait contre une société Comptoir Savoisien de Chauffage et la compensation du prix de cession avec la créance que la société Altimat détenait contre la société Malzac Gnuva, imputées à faute au dirigeant, avaient contribué à l’insuffisance d’actif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 4/ que pour condamner M. [T] à payer au liquidateur la somme de 480 000 € au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif, la cour d’appel a énoncé qu’il avait commis une faute de gestion en s’abstenant de défendre à la demande introduite en justice par M. [J], salarié de la société Malzac Gnuva, qui avait abouti à la condamnation de celle-ci à payer une somme de 49 675,30 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux termes d’un jugement du 13 mars 2015 ; que pour caractériser la contribution de cette faute à l’insuffisance d’actif, la cour d’appel a énoncé que si la société Malzac Gnuva avait comparu et participé au débat contradictoire, la condamnation aurait pu être réduite ou la demande rejetée ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a retenu qu’un lien purement hypothétique entre la prétendue faute de gestion et l’insuffisance d’actif, violant ainsi l’article L. 651-2 du code de commerce ;
alors 5/ que pour retenir la responsabilité de M. [T] au titre de l’insuffisance d’actif, l’arrêt énoncé que si la demande du salarié était légitime, le dirigeant aurait dû mener des négociations afin de le satisfaire dans la limite des facultés contributives de la société Malzac Gnuva ; qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne permettent pas d’établir avec certitude que la négociation aurait abouti, la cour d’appel n’a retenu qu’un lien hypothétique entre la prétendue faute de gestion et l’insuffisance d’actif, violant ainsi l’article L. 651-2 du code de commerce.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
(caractérisation de l’insuffisance d’actif)
M. [T] fait grief à la décision attaquée de l’avoir condamné à supporter le montant de l’insuffisance d’actif à hauteur de 480 000 € et de l’avoir condamné à payer au liquidateur la somme de 480 000 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;
alors que l’insuffisance d’actif, à laquelle peut être condamné le dirigeant fautif, s’établit à la différence entre le montant du passif admis et le montant de l’actif du débiteur ; que pour condamner M. [T] à payer au liquidateur la somme de 480 000 €, la cour d’appel a relevé que le passif admis s’élevait à 632 395,82 € et qu’ainsi, l’insuffisance d’actif s’élevait à 569 865,60 € ; qu’en statuant ainsi, sans évaluer le montant de l’actif de la société Malzac Gnuva, la cour d’appel a violé l’article L. 651-2 du code de commerce.