23 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/02064
Pôle 5 – Chambre 9
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02064 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFD7F
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Décembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021013338
APPELANT
Monsieur [B] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Marie-marthe JESSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0067
INTIME
Monsieur [F] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Léon DAYAN de la SCP DAYAN PLATEAU VILLEVIEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0423
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 18 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Sophie MOLLAT, Présidente
Madame Isabelle ROHART, Conseillère
Madame Déborah CORICON, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
Exposé du litige
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .
M. [F] [E] et M. [B] [R] sont associés à parts égales au sein de la société [H], créées en décembre 2015, qui a pour activité l’exploitation d’un fonds de commerce de restauration rapide et traiteur. M. [R] a été nommé président de la société.
Le 1er juin 2018, la société a donné le fonds de commerce, qu’elle avait acquis 100 000 euros en 2015, en location-gérance à la société Bismillah. Par acte du 13 juin 2019, la location-gérance a fait l’objet d’une résiliation anticipée à effet au 31 mai 2019. Le fonds de commerce a alors été revendu le 4 février 2020 au prix de 80 000 euros. Le prix a été séquestré en raison d’inscriptions et de nantissements.
Un différent est alors né entre les parties quant à l’existence d’une créance que détiendrait M. [E] à l’encontre de M. [R] ainsi que d’une créance qu’il détiendrait sur la société [H] résultant de divers apports en compte courant d’associé.
Les demandes de remboursement de M. [E] étant restées vaines, celui-ci a assigné, par acte du 8 mars 2021, M. [R] et la société [H] aux fins de voir condamnés la société [H] à lui payer la somme de 75 093, 66 euros, M. [R] à lui verser la somme de 54 200 euros, et solidairement à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 17 juin 2021, la société [H] a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire.
Par jugement du 3 décembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a dit l’assignation régulière et recevable, écarté des débats les pièces n°20 à 25 de M. [E] à l’encontre de la société [H], condamné M. [R] à verser à M. [E] la somme de 50 000 euros au titre du remboursement du prêt qu’il lui a consenti, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2021, et la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes des parties, autres plus amples ou contraires et condamné M. [R] aux dépens.
Par déclaration du 24 janvier 2022, M. [R] a interjeté appel de cette décision.
Moyens
*****
Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 18 octobre 2022, M. [B] [R] demande à la cour de’:
Le DECLARER recevable et fondé en son appel
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il est entré en voie de condamnation à son encontre et en toutes ses dispositions.
STATUANT A NOUVEAU ;
JUGER les demandes de M. [F] [E] formées à son encontre mal fondées.
DEBOUTER M. [F] [E] de toutes ses fins et demandes
CONDAMNER M. [F] [E] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
LE CONDAMNER aux dépens.
*****
Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 18 juillet 2022, M. [F] [E] demande à la cour de:
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS rendu le 3 décembre 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
CONDAMNER M. [B] [R] à lui payer la somme de 6 000 euros pour procédure abusive,
CONDAMNER M. [B] [R] à lui payer la somme de 4 000 euros par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Le CONDAMNER aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Léon DAYAN conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Motivation
SUR CE,
Sur les sommes versées par M. [E] à M. [R]
M. [R] réfute l’affirmation selon laquelle M. [E] lui aurait remis plusieurs sommes entre 2015 et 2019 pour un montant total de 54 200 euros à titre de prêt afin de régler divers frais et travaux de la société [H] ainsi que 12 000 euros au titre d’une promesse de cession des parts sociales.
Il indique que si ces sommes avaient été remises, elle l’auraient été pour le compte de la société, comme le reconnaît M. [E], et ne peuvent être qualifiées de prêt consenti à titre personnel ; que cette demande de remboursement de ces sommes est irrecevable à son encontre et ne peut être formée qu’à l’encontre de la société.
Il ajoute que si ces sommes lui avaient été remises à titre de prêt personnel, il appartient à M. [E] d’en rapporter la preuve ; qu’aucun écrit ne vient confirmer ces allégations, et qu’une réunion tenue ‘selon la coutume bengali’ ne constitue pas une preuve acceptable en droit français qui exige que tout prêt supérieur à 1 500 euros fasse l’objet d’un écrit (articles 1359 et 1360 du code civil).
Il souligne que ces réclamations ont été formées 5 mois après la vente du fonds de commerce, alors que le prix de la vente était séquestré. Il considère que l’intimé tente de contourner le droit des procédures collectives en qualifiant de prêts des sommes remises pour régler des charges de la société.
Par ailleurs, il rappelle que l’intimé a été gérant de la société de mars 2017 au 1er juin 2018, sans que la modification ait été enregistrée au registre du commerce.
M. [E] précise tout d’abord qu’il ne forme plus aucune demande contre la société, notamment de remboursement de son compte courant d’associé, car elle est en procédure collective.
Il indique ensuite avoir versé entre les mains de son associé M. [R] plusieurs sommes entre 2017 et 2019, pour lui permettre de régler les impôts dus par la société (5 200 euros), des travaux qui n’ont finalement pas été réalisés (17 000 euros), et le prêt consenti à la société (20 000 euros), ainsi que la somme de 12 000 euros au titre d’une cession de parts sociales qui n’est finalement jamais intervenue.
Il précise qu’une réunion s’est tenue le 30 août 2020 avec M. [R], lui-même et plusieurs personnes issues de la communauté bangladaise, afin de trouver une issue amiable au litige ; qu’à cette occasion, M. [R] a reconnu l’avoir arnaqué et s’est engagé à lui rembourser la somme de 50 000 euros en deux mensualités ; qu’il n’a ensuite jamais honoré cet engagement, contestant même lui devoir une quelconque somme. Il souligne rapporter un faisceau d’indices pour prouver la réalité de cette dette.
Il ajoute que M. [R] s’est également engagé le 28 décembre 2017 à lui rembourser une première dette de 62 000 euros et une seconde dette de 70 000 euros.
M. [E] conteste l’affirmation de l’appelant selon laquelle il serait dirigeant de droit ou de fait de la société [H].
Il ressort des pièces produites que la réalité de la remise de sommes à M. [R] n’est pas établie. En effet, les talons de chèques ne permettent pas de voir à qui ces chèques ont été adressés ; les reçus de dépôt d’espèces réalisés en 2017, 2018 et 2019 ne permettent pas de voir sur quel compte ces espèces ont été déposées et qui était l’auteur de ces dépôts ; les chèques adressés par M. [E] au Trésor public ou à la société Baratte et A en paiement de dettes fiscales ou locatives de la société [H] démontrent le paiement direct par M. [E] de créanciers de la société [H], mais ne prouvent en rien l’existence d’un prêt consenti à M. [R]. Enfin, la reconnaissance par M. [R] d’avoir perçu la somme de 6 000 euros en paiement d’un prix de cession de parts d’une société non identifiée n’établit pas plus l’obligation qu’aurait eu M. [R] de rendre cette somme et de l’absence de réalisation de cette cession.
La cour relève en outre que certaines des pièces, telles les chèques établis auprès du Trésor public ou du bailleur, démontrent que les sommes qui seraient en litige ont été affectées au paiement de dettes sociales et ne peuvent donc être recouvrées que par le biais d’une déclaration de créance au passif de la société [H].
Enfin, les quatre attestations produites ne suffisent pas à établir l’existence d’un prêt de 50 000 euros consenti par M. [R] à M. [H], dans la mesure où les prêts supérieurs à 1 500 euros doivent faire l’objet d’un écrit (article 1359 du code civil) et qu’en l’espèce, aucune trace écrite d’un prêt n’est produite. Il est en tout état de cause relevé que deux des quatre attestations sont de la même main alors qu’elles sont censées émaner de personnes différentes.
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement attaqué et de débouter M. [E] de sa demande de condamnation de M. [R] à lui payer la somme de 54 200 euros. En revanche, la question du rejet des pièces n° 20 à 25 produites par M. [E] en première instance n’étant plus débattue par les parties en appel, il y a lieu de confirmer ce chef de jugement.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
M. [E] fait valoir que l’appelant soulève des arguments sans en apporter la preuve, qu’il ne s’est pas présenté ni fait représenter lors de l’audience de première instance. Il estime que cette attitude dilatoire justifie sa condamnation à lui payer la somme de 6 000 euros pour procédure abusive.
Les prétentions de M. [R] étant accueillies par la cour, son action ne saurait être qualifiée d’abusive.
Sur les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
M. [R] demande l’infirmation du jugement qui l’a condamné à payer la somme de 1000 euros sur ce fondement, et demande en cause d’appel la condamnation de M. [E] au paiement de la somme de 4 000 euros.
M. [E] demande la condamnation de M. [R] au paiement de la somme de 4 000 euros.
Il y a lieu, en conséquence de l’infirmation prononcée ci-dessus, d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [R] à payer la somme de 1 000 euros à M. [E], et de condamner M. [E], qui succombe, à payer la somme de 3 000 euros à M. [R] sur ce fondement.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement attaqué sauf en ce qu’il a écarté des débats les pièces n° 20 à 25 produites par M. [F] [E],
Statuant à nouveau,
Déboute M. [F] [E] de ses demandes de condamnation de M. [B] [R] au titre de remboursement de prêts, de dommages et intérêts pour procédure abusive et sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [F] [E] à payer à M. [B] [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Met à la charge de M. [F] [E] les dépens de première instance et d’appel.
La greffière La présidente