Comptes courants d’associés : 23 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/11537

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Comptes courants d’associés : 23 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/11537

23 février 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
19/11537

Chambre 3-4

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2023

N°2023/41

Rôle N° RG 19/11537 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BETUA

[B] [N]

C/

[O] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe TRAVERT

Me Philippe-Laurent SIDER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d’AIX EN PROVENCE en date du 05 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2017005945.

APPELANT

Monsieur [B] [N]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 4], demeurant [Adresse 5]

représenté et assisté de Me Philippe TRAVERT de l’AARPI TRAVERT ROBERT CEYTE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [O] [E]

né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Alain BOFFARD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,

et Madame Françoise FILLIOUX, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

M. [B] [N] et M. [O] [E] se sont associés pour reprendre l’activité de la société Picosil en liquidation judiciaire.

Ils ont constitué le 23 mai 2003 une société holding, la SA LR2M Venture, détenue à hauteur de 50,01% par M. [N] et de 46,92% par M.[E], le reste du capital étant détenu par d’autres personnes physiques, M. [O] [E] étant désigné PDG de cette société.

Le 30 juin 2003 était créée la SA Kemesys, filiale de la SA LR2M Venture, M. [B] [N] étant désigné PDG.

Le 30 janvier 2004, MM [N] et [E] ont constitué la SCI Cantagaï, chacun détenant la moitié du capital et étant désigné cogérant. Cette SCI a acquis l’ensemble immobilier dans lequel était exploitée l’activité reprise et a donné les locaux à bail à la SA Kemesys, société d’exploitation.

Des différends ont opposé les associés et les sociétés LR2M Venture et Kemesys ont fait l’objet de procédures de liquidations judiciaires ouvertes par jugements des 24 octobre 2012 et 14 mai 2013.

Par acte du 14 janvier 2015, M. [B] [N], agissant en sa qualité d’associé des sociétés Kemesys, LR2M Venture et de la SCI Cantagaï a assigné M. [O] [E] en sa qualité d’associé de la société Kemesys, d’associé et de dirigeant de la société LR2M Venture, de signataire de plusieurs pactes d’actionnaires et de cogérant de la SCI Cantagaï, lui reprochant d’avoir commis diverses fautes préjudiciables.

M. [O] [E] a soulevé l’incompétence du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence, devant lequel il a été assigné, au profit du tribunal de grande instance de Marseille.

Par jugement du 16 décembre 2016, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence s’est déclaré compétent.

Par arrêt du 29 septembre 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence statuant sur contredit a :

– confirmé le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a retenu sa compétence pour trancher le litige relatif aux fautes imputées à M. [O] [E] en sa qualité d’administrateur, de président et directeur général de la société LR2M et d’administrateur et dirigeant de la société Kemesys,

– renvoyé l’affaire de ce chef devant les premiers juges,

L’infirmant quant au surplus,

– dit que le tribunal de commerce n’est pas compétent pour trancher le litige concernant le rôle de M. [O] [E] dans le fonctionnement de la SCI Cantagaï et dans l’exécution du pacte d’actionnaires, en ce incluse la question de l’abus de minorité,

– renvoyé la cause et les parties, de ces chefs, devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence.

L’instance s’est ainsi poursuivie devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence, M. [B] [N] demandant à cette juridiction de :

– dire et juger M. [N] recevable en son action,

– dire et juger que M. [O] [E] a engagé sa responsabilité en sa qualité d’administrateur, de président du conseil d’administration et de directeur général de la société LR2M,

– condamner M. [O] [E] à payer à M. [B] [N] les sommes suivantes :

– 53357 euros correspondant au pourcentage des actions détenues par ce dernier directement ou indirectement au travers de LR2M Venture sur la base de la valorisation offerte par le groupe Technic France, lors de l’offre du 12 mars 2012 et du 20 septembre 2012,

– 68367 euros relatifs au compte courant de M. [B] [N] au sein de la LR2M Venture,

– 51211 euros correspondant à la moitié de la dette locative due par Kemesys à Cantagaï

devenue irrécouvrable du fait de l’opposition de M. [O] [E] à la vente de Kemesys au groupe Technic France,

– 20000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.

Par jugement du 5 juin 2019, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a :

– déclaré irrecevables toutes les demandes de M. [B] [N] formées au titre de la réparation de ses préjudices financiers,

– débouté M. [B] [N] de sa demande de dommages et intérêts de 20000 euros,

– dit M. [O] [E] mal fondé en sa demande reconventionnelle de 10000 euros de dommages et intérêts et l’en a débouté,

– condamné M. [B] [N] à payer à M. [O] [E] la somme de 4000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Le tribunal a retenu à cet effet :

Moyens

– que l’absence de cession par la société LR2M Venture des parts qu’elle détenait dans la SA Kemesys au profit de Technic France est la conséquence du vote négatif de M. [O] [E], qualifié par M. [N] d’abus de minorité et perçu comme une contravention au pacte d’actionnaire, que les pertes financières dont M. [N] demande réparation sont présentées comme la conséquence de ce qu’il qualifie d’abus de minorité, que ces demandes sont irrecevables en application de l’article 7.1 du pacte d’associé et de l’arrêt de la cour d’appel du 29 septembre 2016,

– que s’agissant de l’action en responsabilité diligentée contre M. [E] au titre de fautes de gestion, les préjudices financiers allégués par M. [N] sont la conséquence de l’insuffisance d’actif de la liquidation des sociétés LR2M Venture et Kemesys, que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif étant une action attitrée, M. [N] n’est pas recevable à l’exercer.

M. [B] [N] a interjeté appel de cette décision le 16 juillet 2019.

Par conclusions déposées et notifiées le 10 octobre 2019, l’appelant demande à la cour, vu les articles 1382 et suivants, 1832 et suivants, L.225-251 et L.225-254 du code de commerce de :

– réformer le jugement du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence du 5 juin 2019 sauf en ce qu’il a dit M. [O] [E] mal fondé en sa demande reconventionnelle de 10000 euros de dommages et intérêts et l’en a débouté, statuant à nouveau,

– dire et juger recevable M. [B] [N] en son action,

– dire et juger que M. [O] [E] a engagé sa responsabilité en sa qualité d’administrateur, de président du conseil d’administration et de directeur général de la société LR2M,

– en conséquence, condamner M. [O] [E] à régler à M. [B] [N] des sommes suivantes :

– 53357 euros correspondant au pourcentage des actions détenues par ce dernier, directement ou indirectement au travers de LR2M Venture sur la base de la valorisation offerte de 200000 euros par le Groupe Techni France lors de l’offre du 12 mars 2012 et du 20 septembre 2012,

– 68367 euros relatifs au compte courant de M. [B] [N] au sein de la LR2M Venture,

– 51211 euros correspondant à la moitié de la dette locative due par Kemesys à Cantagaï devenue irrécouvrable du fait de l’opposition de M. [O] [E] à la vente de Kemesys au Groupe Techni France,

– 20000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

– condamner M. [O] [E] à payer à M. [B] [N] la somme de 10000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions déposées et notifiées le 7 janvier 2020, M. [O] [E] demande à la cour, vu les articles L.225-251, L.652-1, L.652-4, L.225-254, L.235-9 1er alinéa du code de commerce, de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence sauf en ce qu’il a débouté M. [O] [E] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive, réformer sur ce point et reconventionnellement, condamner M. [B] [N] à payer à M. [O] [E] la somme de 10000 euros en réparation de son préjudice moral,

– condamner M. [B] [N] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée le 13 décembre 2022.

Motivation

MOTIFS :

M. [N] affirme qu’il ne recherche la responsabilité de M. [O] [E] qu’en la qualité de dirigeant, de ce dernier, de la société LR2M Venture, sur le fondement de l’article L225-251 du code de commerce.

L’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt rendu par cette cour le 29 septembre 2016 lui interdit en effet de présenter des demandes fondées sur un abus de minorité commis par M. [E] en sa qualité d’actionnaire, sur le rôle de M. [O] [E] dans le fonctionnement de la SCI Cantagaï ou sur l’exécution du pacte d’actionnaires.

L’appelant sollicite en premier lieu la condamnation de M. [O] [E] à lui régler la somme de 53357 euros correspondant au pourcentage des actions détenues par lui directement ou indirectement au travers de LR2M Venture sur la base de la valorisation offerte par le groupe Technic France, lors de l’offre du 12 mars 2012 et du 20 septembre 2012.

Il résulte de cet énoncé et des développements complémentaires contenus dans ses écritures qu’il reproche à M. [O] [E] de ne pas avoir accepté l’offre de la société Technic France de racheter 100% du capital de la société Kemesys pour le prix de 200000 euros alors que selon lui, cette cession devait permettre d’assurer la pérennité de la société Kemesys et la solvabilité de la société LR2M.

Ainsi que l’ont relevé les premiers juges, la non-réalisation de cette cession, à la supposer fautive et préjudiciable à M. [N], résulte du vote défavorable émis par M. [E], titulaire d’une minorité de blocage, lors de l’assemblée générale extraordinaire du 22 juin 2012 convoquée par Maître [P], administrateur provisoire, en exécution d’une ordonnance du 23 avril 2012.

Le grief concerne donc en réalité le vote d’actionnaire de M. [E], que M. [N] qualifie d’abus de minorité.

Le jugements sera en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande d’indemnisation formée par M. [N] à ce titre.

Doit également être déclarée irrecevable, pour le même motif, la demande d’allocation d’une somme de 51211 euros correspondant à la perte financière résultant de l’irrécouvrabilité de la créance locative de la SCI Cantagaï à l’égard de la société Kemesys, la déconfiture de la société Kemesys résultant, selon les propres explications de l’appelant, de la non-réalisation de la cession précitée.

L’appelant sollicite ensuite la condamnation de M. [O] [E] à lui régler la somme de 68367 euros correspondant au montant du compte courant qu’il détenait dans la société LR2M Venture.

Ainsi que l’ont retenu à juste titre les premiers juges, la perte par M. [N] de son compte courant d’associé est la conséquence directe de la liquidation judiciaire de la société LR2M et de l’insuffisance d’actif de la procédure collective.

S’agissant de la mise en oeuvre de la responsabilité du dirigeant, l’action en responsabilité de droit commun prévue par l’article L.225-252 du code de commerce ne se cumule pas avec l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif prévue par l’article L.651-2 du même code.

La recevabilité d’une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier à l’encontre du dirigeant d’une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture, est subordonnée à l’allégation d’un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d’une faute du dirigeant séparable de ses fonctions.

La démonstration de cette condition n’étant pas faite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré la demande irrecevable.

L’appelant demande enfin la condamnation de M. [E] à lui payer une somme de 20000 euros de dommages et intérêts, affirmant avoir subi un préjudice personnel du fait du harcèlement moral et judiciaire prétendument mis en oeuvre par l’intimé.

M. [N] ne décrit aucun fait, commis par M. [E] en sa qualité de dirigeant de la société LR2M Venture, susceptible de constituer un harcèlement moral.

S’agissant du harcèlement judiciaire allégué, les différentes décisions de justices produites par M. [N] ont été rendues dans le cadre de procédures qui n’ont pas été initiées par M. [E] en sa qualité de dirigeant de la société LR2M Venture et concernent pour la plupart la SCI Cantagaï, excédant ainsi les limites du présent litige.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [N] de sa demande en dommages et intérêts.

M. [O] [E], qui ne démontre pas que le droit pour M. [N] d’agir en justice et de former un recours contre une décision qui lui fait grief aurait dégénéré en abus, sera débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts, la décision de première instance étant également confirmée sur ce point.

Partie succombante, M. [N] sera condamné aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles d’appel conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [B] [N] à payer à M. [O] [E] la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [B] [N] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

 


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