Comptes courants d’associés : 22 novembre 2022 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02845

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Comptes courants d’associés : 22 novembre 2022 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02845

22 novembre 2022
Cour d’appel d’Amiens
RG
21/02845

1ère Chambre civile

ARRET

S.E.L.A.R.L. [A] ET ASSOCIÉS

C/

[F]

VA/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT DEUX NOVEMBRE

DEUX MILLE VINGT DEUX

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/02845 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IDWW

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU DIX MAI DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

S.E.L.A.R.L. [A] ET ASSOCIÉS agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Me Gilles CABOCHE de la SCP GILLES CABOCHE, avocat au barreau de BEAUVAIS

APPELANTE

ET

Monsieur [C] [F]

né le 06 Septembre 1974 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS

Plaidant par Me Cécile COUVERCELLE, avocat au barreau d’AMIENS substituant Me Damien DELAVENNE de la SCP MMD, avocat au barreau de LAON

INTIME

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue à l’audience publique du 20 septembre 2022 devant la cour composée de M. Pascal BRILLET, Président de chambre, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l’audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

Sur le rapport de M. Vincent ADRIAN et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 22 novembre 2022, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

Exposé du litige

*

* *

DECISION :

M. [C] [F] et M. [T] [A], avocats inscrits au barreau d’Amiens, se sont associés à égalité au sein de la Selarl [A] et Associés le 1er janvier 2008 et ont décidé de se séparer en juillet 2015.

A cette fin, ils ont réguralisé plusieurs actes le même jour, 15 juillet 2015, date de la séparation :

– une cession partielle du droit de présentation à la clientèle au profit de M.  [F] pour le prix de 306 377 € selon liste de clients en annexe ;

-un rachat par la Selarl des 500 parts de M. [F] moyennant le même prix de 306 377 €, avec compensation entre les deux sommes ;

– une réduction du capital social avec annulation des 500 parts de M. [F] sur les 1000 parts ;

-et un protocole d’accord destiné à régler les difficultés pouvant surgir entre les parties :

– le réglement du compte courant d’associés de M. [F] à la somme forfaitaire de 12 000 € (article 1),

– divers avoirs relatifs à des dossiers cédés à M. [F] pour lui permettre une nouvelle facturation (article 3),

-un réglement particulier pour les 104 dossiers MFDS en cours de procédure devant la cour d’appel d’Amiens, chambre sociale, à achever par ‘l’intervention conjointe’ de la Selarl [A] et Associés et de M. [F], toutes rétribution ‘qui sont ou seront dues au titre de ces procédures seront partagées selon les modalités suivantes: à concurrence des deux-tiers pour M. [F] , à concurrence d’un tiers pour la Selarl [A] et Associés, la facturation étant à établir par M. [F], à transmettre à la Selarl qui, ‘après paiement effectif’ pourra facturer à M. [F] une rétrocession du tiers’ (article 4 a),

-pour le dossier Lécureux, M. [F] prend en charge seul la partie pénale gratuitement, la Selarl seule la partie prud’homale ‘sauf à restituer à M. [C] [F] ‘la moitié de toutes les factures qui seront réglées tout particulièrement en application de la convention d’honoraires consentie à la cliente’ (article 4 b).

M. [F] a quitté les locaux de la Selarl [A] et Associés le 15 juillet 2015 et a géré les dossiers MFDS tandis que la Selarl [A] et Associés lui demandait en février 2016 avant l’audience de mars 2016 copie de ses conclusions, sans recevoir de réponse.

Des difficultés sont apparues rapidement entre les anciens associés relativement à la transmission ou à la facturation de certains dossiers.

Par jugement du 9 octobre 2014 le conseil de prud’hommes d’Amiens a fixé les indemnités de 95 salariés non-cadres de la société MFDS représentés par la Selarl [A] et Associés plaidant par M. [F] et M. [X]; par arrêt du 6 juillet 2016 la cour d’appel d’Amiens a réformé à la hausse le montant des indemnités de ces salariés représentés par M. [F].

Par jugement du 2 mars 2015 le même conseil de prud’hommes a fixé les indemnités de 15 salariés cadres représentés de la même façon et suite à l’appel de 10 salariés désormais représentés par M. [F], la cour d’appel d’Amiens a statué le 6 juillet 2016 sur le montant de leurs indenmités.

M. [F] a estimé pouvoir conserver la totalité des honoraires, de l’ordre de 400 000 € selon une estimation de la Selarl [A] et Associés, compte tenu de l’absence de collaboration de la Selarl à ses côtés.

Le bâtonnier de l’Ordre a été saisi et s’est déclaré incompétent le 24 mai 2017 (pièce Selarl 13) s’agissant principalement à son avis d’une interprétation du protocole.

Par acte du 22 novembre 2017, la Selarl [A] et Associés a attrait devant le tribunal de grande instance de Beauvais M. [F] aux fins de le voir condamné à lui payer la somme de 220 308, 57 € à titre de provision à valoir sur sa part d’un tiers des honoraires relatifs aux dossiers MFDS encaissés par M. [F], outre la somme de 22 000 € en réparation de son préjudice financier, et de le voir condamné à communiquer toutes pièces permettant de connaître les sommes versées en application des arrêts du 6 juillet 2016 sous astreinte de 200 € par jour de retard.

M. [F] s’est opposé à cette demande et a sollicité la condamnation de la Selarl [A] et Associés à lui payer la somme de 38 000 € au titre du solde de son compte courant d’associé arrêté au 31 janvier 2014, la somme de 75 000 € à valoir sur son compte courant d’associé arrêté au 15 juillet 2015, date de son départ et la somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du comportement déloyal et dénigrant de M. [A] notamment dans quatre dossiers qui lui a fait perdre des honoraires.

Il a également sollicité des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Divers incidents ont opposé les parties.

Par jugement du 10 mai 2021, le tribunal judiciaire de Beauvais a :

-débouté la Selarl [A] et Associés de sa demande relative aux dossiers MFDS, en honoraires et dommages et intérêts,

-rejeté la demande de communication de pièces,

-dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer sur les demandes à venir de la Selarl [A] et Associés retivement à ces chefs de demandes,

-rejeté les demandes de M. [F] relatives à son ancien compte courant d’associé,

-reçu partiellement la demande de dommages et intérêts de M. [F] à hauteur de 12 000 € (pour deux dossiers et un comportement contraire à l’éthique professionnelle de la Selarl),

-rejeté la demande de M. [F] pour procédure abusive,

-condamné la [A] et Associés aux dépens et à une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l’exécution provisoire.

la Selarl [A] et Associés a relevé appel du jugement.

La cour se réfère aux dernières conclusions des parties par visa.

Moyens

Vu les conclusions notifiées le 29 octobre 2021 par la Selarl [A] et Associés visant à l’infirmation du jugement dans la mesure où il n’a pas fait droit aux demandes de la société et a fait partiellement droit à certaines demandes de M. [F] .

La Selarl [A] et Associés reprend ses demandes de première instance, 220 308, 57 € avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bâtonnier le 30 mai 2016, outre 22 000 € au titre du préjudice financier, sollicite la communication sous astreinte des pièces permettant la liquidation définitive du préjudice avec sursis à statuer sur ce point.

Elle s’oppose à toutes les demandes de M. [F].

Vu les conclusions notifiées le 21 juin 2022 par M. [F] sollicitant la confirmation du jugement sur le rejet des demandes faites par la Selarl [A] et Associés (honoraires des dosssiers MFDS et demandes accessoires) et son infirmation partielle quant à ses demandes rejetées à tort.

Il demande :

-35 805,71 € au titre de sa rémunération d’associé sur le premier semestre 2015 avant son départ qui ne lui aurait jamais été versée (demande formulée pour la première fois devant la cour),

-38 000 € et 75 000 € au titre des apports en compte courant d’associé,

-45 000 € de dommages et intérêts en réparation des préjudices pécuniaires, moral et d’atteinte à l’image,

-5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-5 040 € au titre du partage de l’honoraire convenu dans le dossier Lécureux (demande formulée pour la première fois devant la cour).

L’instruction a été clôturée le 22 juin 2022.

Motivation

MOTIFS

1. Sur la demande de la Selarl [A] et Associés relative aux dossiers MFDS.

Le protocole d’accord destiné à régler certaines difficultés entre les parties prévoit un réglement particulier pour les 104 dossiers MFDS en cours de procédure devant la cour d’appel d’Amiens, chambre sociale, ainsi rédigé (article 4 a) :

‘Les soussignés conviennent expressément que les procédures en cours (au nombre de 104) seront achevées sous l’intervention conjointe de la Selarl [A] et Associés et de M.  [C] [F], et que toutes les rétributions qui sont ou seront dues au titre de ces procédures, y compris les contentieux qui seront évoqués devant la Chambre sociale de la cour d’appel d’Amiens en 2016 et leurs suites, seront partagées selon les modalités suivantes :

-à concurrence des deux-tiers pour M.  [C] [F] ;

– à concurrence d’un-tiers pour la Selarl [A] et Associés.’

Il est constant que ces dossiers ont été entièrement terminés par M. [F] et que celui-ci a entendu conservé la totalité des honoraires y afférents, en invoquant l’absence d »intervention conjointe’ de la Selarl [A] et Associés, pour la première fois dans un courrier du 25 novembre 2016.

La cour se référe aux règles d’interprétation des contrats des articles 1156 et suivants (anciens) du code civil repris pour l’essentiel par les nouveaux articles 1188 à 1192 du code civil.

Les conventions s’interprètent selon la réelle intention des parties, laquelle peut être comprise en prenant en compte le comportement ultérieur des parties dans la mesure où il révèle l’intention de celles-ci au moment de la conclusion de l’acte.

La clause litigieuse prévoit une ‘intervention conjointe’ pour ‘achever’ les dossiers ET que ‘toutes les rétributions qui sont ou seront dues au titre de ces procédures, y compris celles en cours devant la cour d’appel’, seront partagés. La seconde proposition n’est pas mise en condition de la première mais en conjonction.

Le sens littéral incline donc à penser que les parties ont envisagé un partage des honoraires même si une collaboration n’était pas effective, carence qui pourrait se solder le cas échéant par des dommages et intérêts.

Par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats que :

-les dossiers ont été envoyés au départ à M. [A] par M. [L] (pièce W. 44), le correspondant CFTC depuis longtemps de M. [A] et réceptionnés à partir de novembre 2011 (dossier Dulin) sous la signature conjointe de M. [A] et de M. [F] (pièce 4), et ont été ensuite gérés par M. [F] avec l’aide ponctuelle de tel ou tel collaborateur du cabinet et l’aide logistique de la structure,

-les honoraires à verser sur ces dossiers étaient de 40 € HT à l’ouverture et la totalité du reste sous forme d’ honoraires de résultats (20%), de sorte que la rémunération d’ un 1/3 pour la Selarl pouvait avoir pour cause de rétribuer rétroactivement la période de gestion par le cabinet de 3 à 4 ans,

-les parties ont discuté du sort des dossiers MFDS avant la régularisation du protocole du 15 juillet 2015 (pièces W. 76, 77 et 78) de sorte que M. [F] envisageait en premier lieu une rétrocession des honoraires à hauteur de 13 % pour la Selarl, négociation qui considére implicitement qu’ il va reprendre et gérer les dossiers seuls et qui n’évoque pas d’aide à fournir par le cabinet après la séparation,

-au moment de la séparation, en juillet 2015, celle-ci se fait dans un contexte réciproquement amical, M. [A] propose de manière générale son aide et sa collaboration à son ancien associé (pièces W 60 et 61), M. [F] l’appelle ‘[K]’, de sorte qu’ il n’était pas difficile de solliciter la Selarl pour un coup de main dans les dossiers MFDS,

– M. [F] s’est constitué sous son nom propre pour la totalité des salariés sans trace d’une prise d’avis de la Selarl, en se substituant à la Selarl [A] et Associés, autre indice d’une volonté de gérer et de décider seul dans ces dossiers, sauf à requérir de l’aide s’il le souhaite (pièces W. 105 et 107),

-la consigne avait été donnée au greffe de la chambre sociale selon laquelle M. [F] était le seul interlocuteur de la juridiction dans ce dossier (attestation de [H] [E], pièce B. 27, que rien ne permet de suspecter),

-aucune demande de collaboration, fut-ce en bénéficiant des services de la collaboratrice (M. [I] [X]) de la Selarl qui l’avait aidé et qui avait plaidé un point particulier devant le conseil de prud’hommes avant la séparation, en effet, n’a été adressée par M. [F] à la Selarl ou à M. [A], ce qui va dans le sens d’une intention de M. [F] lors de la régularisation du protocole de gérer seul la suite du contentieux devant la cour d’appel,

-les conclusions de M. [F] dans les deux intances d’appel ont été déposées le 18 février 2016 et le 10 mars 2016,

-si M. [A] s’est manifesté tardivement, par plusieurs courriers (quatre) à partir de février 2016 (pièces W: 7, 8, 9 et 10) pour savoir où en était le contentieux et pour avoir copie des conclusions de M. [F], il n’a reçu aucune réponse de celui-ci, alors que dans le cas où l’intention des parties étaient de partager les tâches, M. [F] aurait dû exprimer, à l’automne par exemple, son étonnement face au retard de son ancien associé à se manifester,

– M. [F] (et son associée Mme [R] semble-t-il) ont reçu la totalité des salariés (104 en principe) pour actualiser leur situation et former les demandes devant la cour en terme de dommages et intérêts calculés en X mois de salaires, et ont assumé toutes les autres tâches de secrétariat, tâches relativement faciles à déléguer en partie à la Selarl, sans solliciter la collaboration de celle-ci,

-les conclusions d’appel déposées par M. [F] en février et en mars 2016 sont identiques dans une très large mesure à celles déposées par la Selarl en première instance, de sorte qu’hormis l’actualisation de la situation des salariés, le travail intellectuel ne nécessitait pas l’oeuvre commune de deux avocats (pièces W. 85 et 86, production obtenue sur demande insistante de la Selarl [A] et Associés),

– M. [F] a attendu le mois de novembre 2016, quatre mois après le prononcé des arrêts de la cour d’appel d’Amiens, pour opposer à son ancien associé l’absence de collaboration (pièce W. 6).

Au regard de ces éléments l’interprétation de la volonté des parties ne fait plus aucun doute.

Il s’agissait d’ ‘achever’ les dossiers, ‘y compris’ devant la cour d’appel, sous la direction de M. [F] comme c’était déjà le cas, pouvant recevoir la collaboration logistique et intellectuelle de la Selarl le cas échéant, et d’accorder à M. [F] la plus grosse part des honoraires (2/3) sans omettre de rémunéner le cabinet (1/3) pour toute la période antérieure à la cession et sa contribution à l’obtention du résultat, dans le contexte d’honoraires quasi-entièrement versés à la fin des dossiers.

La rémunération prévue pour la Selarl [A] et Associés est donc due.

Le jugement sera infirmé sur ce premier point.

La Selarl [A] et Associés fait le point pages 34 et 35 de ses conclusions sur les sommes versées par M. [U] et sur ce que cela représente en honoraires de résultat à hauteur de 20 % pour les deux séries de dossier, soit 43 953,60 € pour la première série (cadres ayant fait appel) et 616 971,91 € pour la seconde série (non cadres).

Le tiers de ces sommes représente 14 651,20 € et 205 657,30 €, soit 220 308,57 €.

Il manquerait des justificatifs.

M. [F] dans ses conclusions ne conteste pas ces affirmations, et ne dit rien des sommes encaissées.

La liquidation définitive de la somme est donc imposible en l’état. Il sera fait droit à la demande de la Selarl [A] et Associés en ce qui concerne sa demande de provision et sa demande de communication de pièces dans les termes du dispositif.

Il sera sursis à statuer sur la liquidation définitive de la somme due en application de cette clause du protocole.

Au visa de l’article 11 du code de procédure civile, il sera enjoint à M.  [F] de produire dans les deux mois du présent arrêt les factures certifiées conformes par son organisme comptable et les relevés CARPA correspondants à tous les dossiers MFDS, avec une synthèse des honoraires perçus. Il n’est pas opportun de joindre une astreinte à cette injonction.

2. Sur la demande de dommages et intérêts (22 000 €).

Il est allégué par la Selarl [A] et Associés de manière non circonstanciée un préjudice financier du simple fait de la non-possession de la somme à la bonne date. Ce type de préjudice est réparé légalement par l’octroi des intérêts au taux légal selon les modalités de l’ article 1231-6 alinéa 1er du code civil.

La demande sera rejetée.

Il n’est pas justifié de ce que la saisine du bâtonnier, en mai 2016 (pièce W 11), serait équivalente à une mise en demeure au sens de l’article 1344 du code civil. Les intérêts au taux légal partiront du jour de l’assignation, 22 novembre 2017.

La capitalisation des intérêts, sollicitée, sera accordée pour les intérêts dus un an après cette date.

3. Sur la demande de M. [F] relative au compte courant.

Malgré les nombreuses correpondances échangées entre les parties, cette demande n’apparaît, en réponse, que dans le cadre de la procédure initiées par la Selarl [A] et Associés devant le tribunal de grande instance de Beauvais.

A juste titre, le tribunal a-t-il estimé que son sort était fermement réglé par l’article 3 du protocole du 15 juillet 2015.

Celui-ci stipule clairement en effet que ‘M. [C] [F] déclare renoncer expressément au remboursement du solde créditeur de son compte courant, après paiement de cette dernière somme de DOUZE MILLE Euros (12 000 €) et abandonne purement et simplement ledit compte courant au profit de la Selarl [A] et Associés’.

La somme de 12 000 € est donc forfaitaire.

Là encore, la cour observe que cette question avait été évoquée au cours des négociations et aucun indice ne permet de penser que le consentement de M.  [F] aurait été circonvenu.

Les clauses d’un contrat s’interprétent les unes par rapport aux autres, article 1189 ancien du code civil , article 1161 nouveau du code civil. Le caractère forfaitaire de la somme, clairement stipulé, est également à mettre en relation avec le traitement des autres points par le protocole et il n’appartient pas aux juridictions de réviser les contrats argués de lésion. Aucune cause de nullité n’est sérieusement alléguée.

Le jugement sera confirmé.

4. Sur la demande de M. [F] relative à sa quote-part dans les bénéfices de laSelarl avant son départ.

La cour observe également sur ce point que, malgré les nombreuses correspondances échangées entre les parties et la longue procédure de première instance (3 ans) qui les a opposées, cette demande de M. [F] n’apparaît que dans le cadre de la procédure d’appel.

M. [F] soutient en 2021 avoir eu droit à son départ en 2015 à une rémunération d’associé sur le premier semestre 2015, qui ne lui a pas été payée et qui était par hypothèse détachable des autres termes de l’accord, rémunération dont il calcule le montant à la somme de 35 805,71 € (conclusions de M. [F], page 23).

Il n’avait jamais formulé cette prétention avant l’instance d’appel de 2021. Pour la Selarl [A] et Associés elle fait double-emploi avec la précédente sur le compte courant.

En tout cas, la demande est à la fois nouvelle et manifestement prescrite, comme le fait également observer la Selarl [A] et Associés, et donc irrecevable.

5. Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [F] (45 000 €).

La demande a été accueillie à hauteur de 12 000 € par le tribunal.

Celui-ci a retenu que la Selarl [A] et Associés avait encaissé illégitimement les honoraires dans deux dossiers inclus dans la liste des dossiers passant à M. [F]: les dossiers Stelmaszyk et Azemour pur respectivement 2 223,12 € et 6 932,36 €, soit 9 155,48 €. Il a écarté tous les autres griefs avancés par M. [F] lequel les reprend devant la cour.

Le tribunal a relevé d’une manière générale un comportement de la Selarl [A] et Associés ‘contraire à l’éthique professionnelle des avocats’ sans qu’on sache si celui-ci s’identifiait à la seule récupération illégitime des honoraires dans ces deux dossiers, ou si le tribunal visait autre chose et a fixé le montant des dommages et intérêts à la somme de 12 000 €.

Il convient à la lumière des écritures d’appel des parties de reprendre ces questions.

En premier lieu la cour s’approprie les motifs du premier juge en ce qui concerne certaines allégations de M. [F] pour lesquelles le tribunal a relevé à juste titre qu’il n’apportait pas d’élément probant: un retard malicieux à enlever le nom de M. [F] de certaines plaques du cabinet principal d’Amiens et de divers cabinets secondaires, la fausseté du témoignage de Mme [H] [E], un démarchage des clients Tricotet ou d’autres clients devant revenir à M. [F].

Il doit être rappelé, comme le fait l’article 1 du protocole, que la cession ne porte que sur un droit de présentation et que le client demeure totalement libre du choix de son avocat avant comme après la séparation. Seul un démarchage prouvé pourrait être considéré comme fautif.

Le protocole du 15 juillet 2015 comporte une liste de plusieurs centaines de dossiers en cours repris par M. [F] pour lesquels une facturation par la Selarl est en cours (11 pages en annexe). Les parties indiquent la facture en cours, les acomptes payés et le solde, lequel doit faire, en vertu de l’article 3 du protocole, l’objet d’un avoir au client par la Selarl pour permettre à M.  [F] de faire sa facture de son côté pour le montant du-dit solde.

A) les dossiers Stelmaszyk et Azemour pour 2 223,12 € et 6 932,36 €.

Les soldes de facturation sont bien visés à la liste du protocole, page 10 pour Stelmaszyk (solde de 2 223,12 €), et page 7 pour Azemour (solde de 6 932,36 €).

La Selarl conteste la décision prise par le tribunal en exposant que les paiements de ces facturations ont bien été conservés par le cabinet, en effet, parce qu’ils ont été encaissées par celui-ci avant la date de séparation et de signature du protocole du 15 juillet 2015, le 9 juillet 2015 pour Azemour et le 10 juillet 2015 pour Stelmaszyk (par décaissement CARPA, conclusions Selarl pages 38 et 40, pièces justificatives produites).

Sur ce point, la juridiction d’appel ne peut que confirmer le jugement. Dans la mesure où ces soldes de facturation ont bien été inclus dans la liste des soldes devant revenir à M. [F] il convenait, soit de les retirer de l’annexe, soit de reverser les montants, peu important que leur montant ait été encaissé quelques jours avant.

Il y a bien violation objective du protocole et M. [F] est fondé, en application de la force obligatoire des conventions et de l’exécution par équivalent, à obtenir sous forme de dommages et intérêts le montant de ces facturations, soit un total de 9 155, 48 €.

B) Sur l’attestation ASSEDIC de Mme [R].

M. [F] a demandé au cabinet [A] de licencier Mme [N] [R], collaboratrice du cabinet, qui était aussi sa compagne, lui permettant de bénéficier des allocations-chômage. Il est effectivement établi par diverses pièces que Mme [R] a collaboré dans la nouvelle structure de M. [F] sur les dossiers MFDS.

Une demande est faite en novembre 2015 (piece B 4) par M. [F] pour refaire l’attestation qui était irrégulière. La cour observe qu’aucune argumentation soutenue n’est faite sur cette question en appel et que rien n’établit qu’il y aurait eu un comportement dilatoire intentionnel de la part de M. [A] à cet égard. Le tribunal doit être approuvé sur ce point.

C) Sur les dossiers Fachon-Huygues et Delaunay.

Il s’agit en effet de clients dont les dossiers ou certains dossiers sont inclus dans la liste du protocole ce qui signifie que le solde de facturation devait faire l’objet d’un avoir et que M. [F] pouvait facturer le solde à son tour.

Un courrier de M. [A] du 30 juillet 2015 (pièce B 9, voir aussi 11), lequel a dû inquiéter M. [F] pour la réussite de la séparation, sans faire allusion au protocole, s’oppose à ce que ces clients -qui ont voulu rester avec lui, ce qui est effectivement leur droit- payent quelque facture que ce soit à M. [F], la totalité du travail ayant été faite par la Selarl.

Il est exact néanmoins que ces soldes étaient inclus dans le protocole, page 9, pour Fachon-Huygues, pour 600 € et page 7, pour 307,55 € et page 5, pour 119,60 €, pour Dune/Delaunay (la juridiction ne voit pas de 3e dossier Dune/Delaunay et les parties ne donnent aucune indication précise).

Le raisonnement est le même que pour les dossiers Stelmaszyk et Azemour.

La somme de 1 027,15 € doit être ajoutée aux dommages et intérêts.

Par contre, comme l’a relevé à juste titre le tribunal, rien n’établit un démarchage de la part de M. [A] ni une déloyauté de sa part quant au fait que ces clients ont souhaité rester avec lui.

La juridiction ne peut ajouter à la dette nette d’autres dommages et intérêts.

D) Sur le dénigrement.

Comme le tribunal l’a bien relevé ici aussi, il n’existe au dossier de M. [F] aucun élément, excepté un unique mail, du 28 novembre 2016, provenant de M. [Z] et de Mme [B] (pièce B. 6), rédigé manifestement par Mme [B], établissant un dénigrement de M. [A] à l’encontre de son ancien associé.

Si le mail en question avance des propos tenus par M. [A] qui, en effet, seraient fortement dénigrants (il a disparu, il ne fait pas son travail, je vais reprendre vos dossiers), il ne peut en être tenu compte, l’adresse mail d’envoi étant omise et le propos n’étant ni signé , ni confirmé par une attestation.

En outre, cet élément est isolé.

La juridiction d’appel ne peut donc retenir l’existence d’un comportement dénigrant ou déloyal de la part de la M. [A] étant entendu que les désaccords sur les soldes de facturation évoqués plus haut ne vont pas jusqu’à être révélateurs d’un tel comportement.

Le jugement sera partiellement infirmé sur ce chef de demande et il sera alloué la somme de 10 182,63 €.

6. Sur le paiement des honoraires dans le dossier Lécureux (demande de 5 040 €).

Ce dossier, concernant une directrice d’Opac, ayant porté plainte pour harcélement moral et ayant saisi le conseil de prud’hommes de son licenciement, faisait l’objet d’ une clause particulière, article 4 b.

M. [F] dont il n’est pas contesté qu’il a rempli sa mission d’assurer les deux jours d’audience pénale qui ont abouti à la condamnation de l’employeur, soutient ne pas avoir reçu la moitié des honoraires de résultat comme convenu au dit-article, tandis que la société soutient qu’il a ‘été rempli de ses droits’.

En tout état de cause, la demande est nouvelle devant la cour et prescrite en 2021 quand elle a été formée, en application de l’article 2244 du code civil. Elle est donc irrecevable.

La Selarl [A] et Associés ayant gain de cause pour le principal en appel, le jugement sera infirmé sur les dépens et la cour arbitrera les frais irrépétibles à allouer pour les deux instances en l’état de la procédure.

La juridiction ne peut, a fortiori, retenir que l’action de la Selarl [A] et Associés est abusive, le jugement devant en cela être confirmé.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a :

– rejeté les demandes de M. [F] relatives à son ancien compte courant d’associé,

– reçu partiellement la demande de dommages et intérêts de M. [F] (45 000 €), sauf à la réduire de 12 000 € à la somme de 10 182,63 €,

– rejeté la demande de M. [F] pour procédure abusive,

– rejeté la demande de dommages et intérêts (22 000 €) de la Selarl [A] et Associés,

– ordonné l’exécution provisoire,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

Déclare irrecevables les demandes de M. [C] [F] relatives à sa rémunération d’associé sur le premier semestre 2021 et à sa rémunération sur le dossier Lécureux,

Condamne à titre provisionnel M. [C] [F] à payer à la Selarl [A] et Associés la somme de 220 308, 57 € avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2017 à valoir sur le partage d’honoraires convenu au protocole du 15 juillet 2015, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

Condamne M. [F] aux dépens de première instance,

Surseoit à statuer sur la liquidation définitive de ce partage d’indemnités, les demandes au titre des dépens d’appel et des frais irrépétibles de première instance et d’appel étant réservées,

Enjoint à M. [C] [F] de produire dans les deux mois du présent arrêt les factures certifiées conformes par son organisme comptable et les relevés CARPA correspondants à tous les dossiers MFDS, avec une synthèse des honoraires perçus,

Enjoint aux parties de conclure sur la liquidation définive des sommes dues à la Selarl [A] et Associés au titre des dossiers MFDS et de l’article 4 a du protocole,

Renvoie à la mise en état du 08 mars 2023 à 09h00,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

 


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