22 décembre 2022
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
22/01068
Chambre Commerciale
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/12/2022
la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC
la SCP LAVAL-FIRKOWSKI
ARRÊT du : 22 DECEMBRE 2022
N° : 211 – 22
N° RG 22/01068
N° Portalis DBVN-V-B7G-GSF4
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d’ORLEANS en date du 06 Avril 2022
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265284285817426
S.A.R.L. ROUGEMEDIA
Agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège Société en sauvegarde judiciaire suivant jugement du 26 mai 2021 du Tribunal de Commerce d’ORLEANS
[Adresse 1]
[Localité 6]
Ayant pour avocat Me Pascal LAVISSE, membre de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d’ORLEANS
D’UNE PART
INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265291115930224
Maître Julien VILLA, membre de la SELARL VILLA FLOREK,
Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la SARL ROUGEMEDIA
[Adresse 5]
[Localité 3]
Ayant pour avocat Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL-FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS
Monsieur [Y] [O], membre de la SELARL AJASSOCIES,
Es qualité d’administrateur judiciaire de la SARL ROUGEMEDIA
[Adresse 2]
[Localité 3]
Ayant pour avocat Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL-FIRKOWSKI, avocat au barreau d’ORLEANS
Madame [R] [X]
Es qualité de représentante des salariés de la SARL ROUGEMEDIA
[Adresse 1]
[Localité 6]
Défaillante
EN PRESENCE DE :
Monsieur le PROCUREUR GENERAL près la Cour d’Appel d’ORLEANS
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 29 Avril 2022
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 03 Novembre 2022
Dossier communiqué au Ministère Public le 18 Mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 10 NOVEMBRE 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt réputé contradictoire le JEUDI 22 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Exposé du litige
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
La société Rougemedia, créée en 2006, exerce une activité de holding et détient des participations dans les sociétés suivantes, ses filiales :
– 10% dans la SCI Milocaux,
– 40% dans la SCI Jucanos, propriétaire de deux biens immobiliers, à Saint Jean de Ruelle et dans le Var
– 30% dans la société STEPX,
– 30% dans la société Milkids,
– 100% dans la société Pimchou,
– 100% dans la société Cerf-volant.
Elle a conclu dans le cadre de son activité, des contrats de prestations de service avec ses filiales, en vue d’assurer auprès d’elles, moyennant rémunérations, des prestations d’assistance dans les domaines administratif, comptable, financier, locatif et commercial.
Rencontrant des difficultés majeures, la société Rougemedia a fait appel à Maître [O] ès qualités de conciliateur.
A la demande du gérant de la société Rougemedia, par jugement en date du 26 mai 2021, le Tribunal de commerce d’Orléans a prononcé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, désigné Maître [Y] [O] en qualité d’administrateur judiciaire et la Selarl Villa-Florek en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 3 novembre 2021, la période d’observation a été renouvelée pour une période de six mois jusqu’au 26 mai 2022.
La SARL Rougemedia a présenté un plan de sauvegarde, examiné à l’audience du 9 février 2022 puis à celle du 6 avril 2022.
Par jugement du 6 avril 2022, le tribunal de commerce d’Orléans a :
Vu l’avis du juge-commissaire,
– rejeté le plan de sauvegarde de la SARL Rougemedia, dont le siège social est [Adresse 1], immatriculée au RCS d’Orléans sous le numéro 490 285 806,
– maintenu la poursuite de la période d’observation dans le cadre de la procédure de sauvegarde,
– renvoyé l’affaire à l’audience du 4 mai 2022 pour l’examen aux fins de clôture,
– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.
Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment considéré que M. [G] [V], dirigeant de la société Rougemedia avait démontré ses limites de gestionnaire en déposant trois fois son bilan et en laissant des passifs impayés importants dans d’autres sociétés du groupe, qu’en l’espèce, malgré les demandes du tribunal, celui-ci n’a pas rapporté de garanties suffisantes à l’appui de son projet de sauvegarde, et a au contraire retiré des garanties suite à l’annulation de la vente de la maison sis à [Localité 7]. Le tribunal a également souligné que l’objectif principal semblait être de permettre au dirigeant de la société Rougemedia de se constituer un patrimoine personnel, que la société Rougemedia, holding, n’ayant aucune activité commerciale propre, ses résultats passés et prévisionnels ne lui donnaient aucune garantie sur la bonne exécution du plan au delà de la troisième année.
La SARL Rougemedia a formé appel de la décision par déclaration du 29 avril 2022 en intimant la Selarl Villa-Florek ès qualité de mandataire judiciaire de la SARL Rougemedia, la Selarl Ajassociés ès qualité d’administrateur judiciaire de la SARL Rougemedia, Mme [R] [X] ès qualité de représentante des salariés de la SARL Rougemedia et le Procureur Général près la Cour d’Appel d’Orléans, et en critiquant le jugement en ce qu’il a rejeté le plan de sauvegarde.
Par jugement du 29 juin 2022, le tribunal de commerce d’Orléans a converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire. Cette décision a fait l’objet d’un appel actuellement pendant devant la cour et enrôlé sous le numéro 22/1686, l’audience étant fixée au 2 février 2023.
Moyens
Dans ses dernières conclusions du 6 octobre 2022, elle demande à la cour de :
Vu les pièces versées aux débats,
– la recevoir en son appel et la déclarer bien fondée,
– débouter les parties adverses de leurs demandes plus amples ou contraires, y compris à titre d’appel incident,
– ordonner la jonction entre la présente affaire enrôlée sous le numéro RG 22/1068 et celle enrôlée sous le numéro RG 22/1686,
– ordonner la déprogrammation de l’affaire enrôlée sous le numéro RG 22/1068,
– poursuivre la présente instance selon le calendrier fixé dans le cadre de l’instance enrôlée sous le numéro RG 22/1686,
– rejeter toute demande, fins ou conclusions contraires,
En tout état de cause,
– infirmer le jugement rendu le 6 avril 2022 par le tribunal de commerce d’Orléans ayant rejeté le plan de sauvegarde de la société Rougemedia,
Statuant à nouveau,
– déclarer recevable le projet de plan de sauvegarde de la société Rougemedia avec toutes conséquences de droit,
En conséquence,
– ordonner l’homologation du plan de sauvegarde de la société Rougemedia après consultation des créanciers,
– statuer ce que de droit sur les dépens lesquels seront recouvrés en frais privilégiés de procédure collective.
Sur les faits, elle explique qu’elle se portait bien jusqu’au rachat des sociétés Pimchou et Cerf-volant qui ont été vidées de leur substance par l’ancien gérant au moment du rachat, ce qui a donné lieu à une procédure pénale en cours, ce dernier ayant été
condamné pour abus de biens sociaux et ayant relevé appel, ainsi qu’à une procédure commerciale pendante devant le tribunal de commerce de Paris pour concurrence déloyale tendant à bénéficier à la société Rougemedia. Elle ajoute que sa filiale la société Milworks a été confrontée à un changement de législation en matière de sécurité au travail rendant brutalement les stocks de marchandises impropres à la commercialisation, outre d’autres difficultés qui ont entraîné un contrôle fiscal, la contraignant à solliciter l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire simplifiée. Elle précise que l’ancien gérant de la société Pimchou a détourné la clientèle de la société, ce qui a entraîné une baisse de son chiffre d’affaires de l’ordre de 50 %, cette société ayant en outre été impactée directement par la crise sanitaire.
Elle expose que ces difficultés se sont répercutées sur elle et qu’elle n’a pu honorer l’échéance bancaire de juin 2021 à hauteur de 160.000€, ce qui l’a conduite à demander une conciliation, puis l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, pour disposer d’une période de gel plus longue au titre de la dette senior.
Elle fait valoir qu’alors que ses principaux créanciers, les banques BNP et HSBC acceptaient d’allonger la durée de remboursement des prêts, que Maître [O], n’a pas fait le nécessaire pour permettre l’adoption d’un plan de sauvegarde et que le projet de plan présenté à l’audience du 9 février 2022 avait reçu l’agrément du juge commissaire et aurait dû être validé.
Elle soutient que le jugement comporte de nombreuses erreurs, que la crédibilité et le sérieux de la gestion de son gérant M. [V] ne doivent pas être remis en cause car :
– les liquidations judiciaires des sociétés Milworks, Dubourg et HPM s’expliquent par des raisons propres à chacune de ces sociétés dont leur gérant M. [V] n’est pas responsable,
– l’expert judiciaire foncier mandaté pour établir un rapport d’expertise sur la valeur des biens immobiliers de la SCI Jucanos et les loyers versés, n’a relevé aucune difficulté, et au contraire, la société Rougemedia s’est enrichie grâce au bénéfice d’un usufruit temporaire des parts sociales de la famille [V] sur la SCI Jucanos, entraînant le versement de la totalité des loyers à la société Rougemedia,
– le tribunal a retenu à tort que le groupe Rougemedia aurait bénéficié de 790.000 € de prêts garantis par l’Etat alors que ces prêts ont été souscrits uniquement par les sociétés d’exploitation et pour un montant de 350.000 €,
– le compromis de vente du bien immobilier sis à [Localité 7] a été rompu uniquement en raison du refus du projet par la mairie et non de la volonté de M. [V],
– il n’a jamais été question de ne pas rembourser le compte courant de Rougemedia dans la société SCI Jucanos (dette de Rougemedia) pour un montant de 164.233,84 €, non de 180.000€ et la somme de 165.000€ a été créditée sur le compte CARPA du conseil de la SCI Jucanos, avant même l’expiration du délai accordé par le tribunal, ce qui renforce la crédibilité du projet de sauvegarde de la société Rougemedia.
Elle estime que les éléments comptables versés aux débats confirment la validité de son projet de plan de sauvegarde, que le déménagement de la société a généré des économies de loyer de 120.000 € par an, qu’il résulte de son bilan qu’elle se trouve à l’équilibre en 2021.
Dans leurs dernières conclusions du 20 octobre 2022, la SELARL AJASSOCIES en la personne de Maître [O] ès qualités d’administrateur judiciaire de la société Rougemedia et la SELARL Villa Florek en la personne de Maître [H] ès qualité de mandataire judiciaire de la société Rougemedia, demandent à la cour de :
– dire mal fondé l’appel interjeté par la SARL Rougemedia à l’encontre d’un jugement rendu le 6 avril 2022 par le tribunal de commerce d’Orléans,
En conséquence,
– l’en débouter ainsi que toutes ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer purement et simplement la décision entreprise en toutes ses dispositions,
– condamner la SARL Rougemedia aux entiers dépens.
A titre principal, ils font valoir que compte tenu de la conversion de la procédure de sauvegarde de la société Rougemedia en redressement judiciaire, l’adoption d’un plan de sauvegarde est désormais impossible.
Ils indiquent à titre subsidiaire que Maître [H] avait émis des réserves sur le projet de plan, notamment au regard du faible niveau de garanties offertes au soutien du plan et que depuis, il s’est avéré que contrairement à ce qui avait indiqué, la mesure d’économie clairement identifiée et matériellement réalisable, consistant dans le déménagement de la société Rougemedia des locaux de St jean de la Ruelle vers les locaux d'[Localité 6] n’est pas intervenue puisqu’à ce jour, elle se trouve toujours dans les locaux de [Localité 7].
Ils précisent que par ordonnance du 2 aout 2022, le juge-commissaire a prononcé la résiliation du bail commercial conclu entre la Société Rougemedia et la SCI Jucanos portant sur les locaux situés à Saint Jean de Ruelle, mais que la SCI Jucanos a fait opposition à cette ordonnance, cette affaire étant en cours devant le tribunal de commerce ; que par assignation du 9 aout 2022, la SCI Jucanos a été assignée aux fins d’extension à son égard de la procédure de redressement judiciaire de la société Rougemedia ; que le passif susceptible d’être soumis au plan de redressement serait de 1.055.866,62 Euros et qu’aucun compte d’exploitation actualisé n’a été communiqué en vue de l’audience du 14 septembre 2022, de sorte que l’affaire a été à nouveau renvoyée au 9 novembre 2022 faute d’élément suffisant pour statuer sur un plan de redressement.
Ils font valoir que la demande de jonction des deux procédures est dilatoire. Ils soutiennent que la proposition de plan de sauvegarde Rougemedia ne saurait en aucun cas être arrêtée en l’état en l’absence de données comptables actualisées et de prévisionnels fiables ; que celle-ci n’a pas encore présenté un plan de redressement nonobstant l’absence d’effet suspensif de ses appels, qu’il ressort des comptes de résultats transmis par M. [V] que la société Pimchou constitue la première société contributrice du groupe Rougemedia, que le montant des CPS facturés par Rougemedia aux sociétés Pimchou et Cerf volant représente sur 2021 la somme totale de 180.750 € (123.750 + 57.000) soit plus de 41 % du chiffre d’affaires total de Rougemedia sur 2021 ; que vu le placement en liquidation judiciaire des sociétés Pimchou et Cerf Volant, à l’insu des organes de la procédure, la faisabilité du projet de plan proposé par Rougemedia et rejeté par le Tribunal de commerce d’Orléans apparaît des plus illusoires.
Mme [R] [X], ès qualités de représentante des salariés de la société Rougemedia, à laquelle la déclaration d’appel a été signifiée par acte du 24 mai 2022 par acte délivré à personne n’a pas constitué avocat.
L’affaire a été fixée à l’audience du 10 novembre 2022 en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.
La procédure a été communiquée le 18 mai 2022 au Ministère public qui a donné son avis le 20 septembre 2022 communiqué le 3 octobre suivant aux parties. Il indique que la conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire par jugement du 29 juin 2022 empêche l’adoption d’un plan de sauvegarde et rend sans objet l’appel. A titre subsidiaire, il sollicite la confirmation du jugement entrepris aux motifs que le plan de sauvegarde proposé par le dirigeant de la société Rougemedia n’était pas assorti de garanties suffisantes, justifiant ainsi l’avis réservé du mandataire judiciaire et l’avis défavorable du juge commissaire
Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 3 novembre 2022.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les demandes de jonction et de défixation
Outre le présent appel formé le 29 avril 2022 contre le jugement du 6 avril 2022 ayant rejeté le plan de sauvegarde de la société Rougemedia, cette dernière a relevé appel le 8 juillet 2022 du jugement du 29 juin 2022 ayant converti la procédure de ouverte à l’égard de la société Rougemedia en redressement judiciaire, l’audience relative à cette seconde instance d’appel ayant été fixée au 2 févirer 2023.
S’il existe incontestablement un lien entre ces deux instances d’appel, elles concernent toutefois des jugements distincts, intervenus à des phases différentes et successives de la procédure collective ouverte à l’égard de la société Rougemedia, le premier dans le cadre de la procédure de sauvegarde, le second à l’issue de la procédure de sauvegarde, après que le plan de sauvegarde proposé ait été refusé.
Il est donc logique que la cour procède dans le même ordre chronologique.
En outre, il ne résulte d’aucun élément que procéder ainsi serait contraire à une bonne administration de la justice. En effet, ainsi que l’indique l’appelante elle-même, si la cour infirme le jugement ayant refusé le plan de sauvegarde, elle pourra le cas échéant constater que la décision de redressement judiciaire n’a plus d’objet. Si la cour le confirme, elle devra statuer sur l’appel du jugement de conversion en redressement judiciaire en confirmant ou en infirmant, sans que
le fait d’avoir statué avant sur le plan de sauvegarde entrave son pouvoir d’appréciation.
En conséquence, la demande de jonction entre les deux instances n’apparaît pas justifié et dès lors, il n’y a pas lieu de ‘défixer’ ou plutôt de renvoyer l’affaire afin que les deux instances soient jugées ensemble et soient jointes. Cette demande sera rejetée.
Sur le plan de sauvegarde
Aux termes de l’article L626-1 du Code de commerce, ‘lorsqu’il existe une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan qui met fin à la période d’observation.’
Selon l’article L626-2 alinéa 2 et 3 du même code, ‘le projet de plan détermine les perspectives de redressement en fonction des possiblités et des modalités d’activités, de l’état du marché et des moyens de financement disponibles. Il définit les modalités de règlement du passif et les garanties éventuelles que le débiteur doit souscrire pour en assurer l’exécution’.
Il ressort du projet de plan de sauvegarde annexé à la note adressée le 7 février 2022 au juge-commissaire par Maître [O] administrateur judiciaire,que ce projet a été élaboré avec le concours de ce dernier par la société Rougemedia sur la base, entre autres éléments, d’un passif à apurer de 1.156.447,12€, et d’un prévisionnel de trésorerie, pour les 4 sociétés Rougemedia, Pimchou, Cerf volant, Milkids, d’un solde de trésorerie total de 159.479€ au 30 septembre et de 215.000€ au 31 décembre. Il était précisé dans ce projet de plan que M. [V] (gérant de la société Rougemedia) et son épouse avaient pris la décision de céder les locaux de Saint Jean de la Ruelle détenus par la SCI Jucanos, et de déménager dans les locaux d’Ingre, devant permettre une économie de 10.000€ par mois soit 120.000€ par mois, ainsi qu’une remontée de 180.000€ dans la société Rougemedia correspondant au compte courant qu’elle détient dans la SCI Jucanos. Il était également noté qu’un compromis avait été signé pour les locaux situés à [Localité 7] en mars 2021 avec un promoteur, la réalisation de la promesse devant intervenir au plus tard en décembre 2022, en attente de l’obtention finale d’un projet de construire, et qu’au vu de ces éléments, le dirigeant avait déterminé une capacité de remboursement de la société Rougemedia de son passif dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’ordre de 850K€.
Il était dès lors proposé dans ce projet de plan une remboursement du passif en 10 échéances annuelles représentant pour les deux premières 3% puis pour les deux suivantes 6 % et ensuite, deux échéances de 13% et 4 de 14%, avec la précision que le passif pourrait le cas échéant être diminué au regard des suites des procédures en cours entre les sociétés Pimchou-Rougemedia et l’ancien gérant de la société Pimchou.
Ainsi que l’indique l’appelante, Maître [O], dans cette note du 7 février 2022, a émis un avis favorable, sous réserve de la communication des documents comptables actualisés pour les sociétés du groupe et notamment des prévisions sur les prochaines années. Il expliquait que M et Mme [V] avaient pris, au cours de la procédure de sauvegarde, des décisions permettant de restructurer le groupe avec notamment la liquidation judiciaire en septembre 2021 de la société Dubourg et la décision de déménagement dans les locaux d’Ingre, soit une économie de loyer de 10.000€ par mois, outre la cession des locaux de St jean de la Ruelle, détenus par la SCI Jucanos. Il relevait la bonne activité de la société motrice du groupe la société Pimchou et une ‘rentabilité générale retrouvée au niveau du groupe’qui associée à l’économie de loyer, devaient permettent à la société Rougemedia de présenter un plan de sauvegarde sur 10 ans. Il soulignait aussi que M. [V] avait confirmé son accord de séquestrer 90K€ sur les 180k€ de compte courant de Rougemedia dans la société SCI Jucanos lors de la cession des locaux.
Dans sa note du 7 février 2022, Maître [H], au nom de la SELARL Villa Florek ès qualités de mandataire judiciaire indiquait que 9 créanciers (pour 461.865,46€) avaient accepté les délais que 3 (pour 228.912,90€) n’avaient pas répondu, que 2 (pour 375.114,18€ avaient refusé les délais) et que 7 (pour 91.595,49€) n’étaient pas soumis au plan. Il évaluait les deux premières échances entre 25.618€ et 31.976€ et les quatre dernières entre 119.554€ et 149.224€.
Il relevait dans son rapport que le passif s’élevait à la somme de 1.157.488,03€ dont 345.000€ de créances privilégiées et 811.765€ de créances chirographaires (dont 911.487€ de passif bancaire), que la situation de trésorerie au 31 décembre 2021 était de 31.840€ pour la société Rougemedia et, au total sur les 4 sociétés, de 139.644€, que la société Rougemedia prétendait démontrer la faisabilité du plan par l’économie de loyer de 120 K€ générée par le déménagement des locaux situés [Adresse 4] et qu’en réalité cette économie, bien réelle, ne présageait pas des résultats économiques des sociétés opérationnelles qui seules permettraient de faire face aux besoins du plan. Il soulignait que la vente des locaux de St Jean de la Ruelle permettrait à la SCI Jucanos qui en est propriétaire de rembourser le compte courant d’associé détenu par la société Rougemedia de 180.000€ et de réaliser un apurement du passif à due concurrence.
Il indiquait enfin regretter que M. [V] ait indiqué souhaiter affecter le prix de vente du local de St Jean de la Ruelle pour 50% seulement, au remboursement du passif de Rougemedia, et non en totalité, mais concluait toutefois sa note en indiquant ne pas être opposé au projet de plan proposé, tout en soulignant que sa bonne fin dépendrait toutefois des résultats distribuables des filiales opérationnelles et des garanties qui pourront être apportées par les actionnaires.
Lors de l’audience du 9 février 2022, l’affaire a été mise en délibéré au 11 mars 2022 avec autorisation de production d’une note en délibéré afin de produire des prévisionnels sur trois ans pour toutes les sociétés du groupe, la confirmation de l’engagement de la SCI Jucanos de rembourser son compte courant avant la fin du premier semestre 2023 et de préciser et améliorer les
garanties offertes au soutien du plan compte tenu de la vente des actifs de la SCI Jucanos.
Il ressort de la note en délibéré transmise par Maître [H] ès qualités le 1er mars 2022 que la société Rougemedia a produit les éléments prévisionnels demandés ainsi que l’engagement de la SCI Jucanos de rembourser le compte courant de la holidng Rougemedia avant le 30 juin 2023, mais qu’en revanche, les propositions relatives aux garanties offertes au soutien du plan étaient insuffisantes. Le mandataire émettait dans cette note des réserves sur l’adoption du plan.
L’affaire a ensuite été réexaminée à l’audience du 6 avril 2022. Il ressort du jugement qu’à cette date, la vente par la SCI Jucanos du bien immobilier situé à Saint Jean de Ruelle n’était plus d’actualité. En outre, au jour de l’audience, le déménagement de la société Rougemedia de cet immeuble et par suite l’économie de charges en résultant (10.000€ par mois) n’était pas réalisé et ne l’était toujours pas selon la note de Maître [H] ès qualités du 29 juin 2022 (pièce 8 produite par les intimés).
Même sans retenir que le gérant de la société Rougemedia ne souhaitait plus la réalisation de la vente de l’immeuble détenu par la SCI Jucanos, ce que dément formellement l’appelante, il reste que cette non réalisation de la vente, ajoutée à l’absence d’économie de charge de loyer, ont pour conséquence que deux éléments importants sur lesquels reposaient le plan de sauvegarde, en terme de garanties, avaient disparu au jour où le tribunal a statué.
Devant la cour, l’appelante justifie que la somme de 165.000€ a été créditée sur le compte CARPA du conseil de la SCI Jucanos, avant même l’expiration du délai initialement accordé par le tribunal, afin de rembourser le compte courant de Rougemedia dans la société SCI Jucanos. Il ressort toutefois de la note établie par Maître [H] le 29 juin 2022 qu’à ce jour, Maître [O] n’a pas reçu le versement des fonds liés à ce compte courant.
La société Rougemedia produit en appel les bilans des sociétés Rougemedia, Cerf volant, Milkids et Stepx arrêtés au 31 décembre 2021, il y a donc maintenant près d’un an. Les intimés produisent en outre une note d’audience du 29 juin 2022, postérieure au jugement dont appel qui contient les élémnets de chiffre d’affaires et de résultat au 31 mai 2022.
Il ressort de ces documents que le chiffre d’affaires de la société Rougemedia qui était de 433.818€ au 31 décembre 2021 n’était plus que de 154.750€ au 31 mai 2022 avec un résultat net à cette dernière date de + 17.809€, que celui de la société Pimchou, qui était de 1.013.380€ au 31-12-21 est tombé à 100.011€ au 31 mai 2022 avec un résultat net de -41.601€ au 31 mai 2022 et que le chiffre d’affaires de la société Cerf volant qui était de 81.920€ au 31 décembre 2021 était de 0 au 31 mai 2022.
La trésorerie au 31 mai 2022 était pour la société Rougemedia, de +11 065 euros, pour la société Pimchou de +15.609€, pour la société Milkids de +18 117 euros, pour la société Stepx de +80 954 euros et pour la société Cerf volant de +1405 euros.
L’activité du groupe a donc globalement diminué de manière importante entre décembre 2021 et mai 2022 et si la trésorerie au 31 mai 2022 reste positive, elle est relativement faible au regard du montant du passif et des échéances du plan de sauvegarde.
Par ailleurs, s’il est exact que l’appelante justifie que la famille [V] a consenti le 1er décembre 2012 une cession temporaire pour une durée limitée de l’usufruit des parts sociales qu’ils détiennent dans la SCI Jucanos, ce au profit de la société Rougemedia, de sorte que cette dernière a perçu à compter du 1er janvier 2012 les revenus de la SCI Jucanos versé par les consorts [V], il ressort de l’acte versé aux débats que cet usufruit s’est achevé au 31 décembre 2021 sauf prorogation éventuelle qui ne ressort pas des pièces versées aux débats.
Enfin et surtout, la cour constate que l’appelante ne produit pas d’éléments comptables et prévisionnels actualisés alors que la clôture des débats est du 3 novembre 2022.
Elle n’est donc pas en mesure d’apprécier le caractère sérieux du plan de sauvegarde proposé par la société Rougemedia au regard de sa situation actuelle.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, notamment le montant du passif et l’absence d’élément comptable et prévisionnel actualisé, la condition posée les dispositions susvisées tenant à l’existence d’une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être sauvegardée n’est pas satisfaite. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté le plan de sauvegarde proposé et l’appelante sera déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour,
– Rejette les demandes tendant à ordonner la jonction entre la présente affaire enrôlée sous le numéro RG 22/1068 et celle enrôlée sous le numéro RG 22/1686, ordonner la déprogrammation de l’affaire enrôlée sous le numéro RG 22/1068 et poursuivre la présente instance selon le calendrier fixé dans le cadre de l’instance enrôlée sous le numéro RG 22/1686 ;
– Confirme le jugement déféré en ses dispositions critiquées ;
Y ajoutant,
– Déboute la société Rougemedia de toutes ses demandes ;
– Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT