21 novembre 2022
Cour d’appel d’Agen
RG n°
22/00330
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
21 Novembre 2022
CV / NC
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N° RG 22/00330
N° Portalis DBVO-V-B7G -C7VF
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Maître [Y] [E]
C/
[D] [B]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n°
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Maître [Y] [E], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de BACSYSTEMS SARL, société immatriculée au RCS de CAHORS sous le n° 750 389 181, dont le siège social se situe [Adresse 7],
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Nezha FROMENTEZE, membre de la SELARL FROMENTEZE, avocate au barreau du LOT
APPELANT d’un jugement du tribunal de commerce de CAHORS en date du 19 avril 2022, RG 2020 001917
D’une part,
ET :
Monsieur [D], [L], [S] [B]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 6] ([Localité 6])
de nationalité française
domicilié : [Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par Me Maxime GAYOT, membre de la SOCIETE GAYOT, avocat au barreau du LOT
INTIMÉ
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 19 septembre 2022 devant la cour composée de :
Présidente : Valérie SCHMIDT, Conseiller,
Assesseurs : Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Hervé LECLAINCHE, magistrat honoraire
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
L’affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis par écrit
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Exposé du litige
‘ ‘
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Faits et procédure :
La SARL Bacsystems, dirigée par M. [D] [B], a fait l’objet d’une liquidation judiciaire à la suite d’une déclaration de cessation des paiements de son dirigeant du 10 février 2018, prononcée par un jugement du tribunal de commerce de Cahors du 26 février 2018, qui a désigné Me [Y] [E] en qualité de liquidateur.
Me [Y] [E] a sollicité un report de la date de cessation des paiements, qui a été prononcé par un jugement du tribunal de commerce de Cahors du 22 mars 2021 ; ce jugement a été infirmé par arrêt de la présente cour du 13 octobre 2021.
Exposant que M. [B] s’était rendu auteur de fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, Me [Y] [E] l’a assigné en responsabilité devant le tribunal de commerce de Cahors par acte du 12 novembre 2020.
Par jugement du 4 avril 2022, le tribunal de commerce de Cahors a :
– reçu la demande additionnelle de Me [E],
– condamné M. [B] à payer à Me [E] ès qualités la somme de 4 400 euros au titre du capital non libéré,
– débouté Me [E] ès qualités de l’ensemble de ses demandes relatives aux fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif,
– ordonné l’exécution provisoire,
– condamné Me [E] ès qualités à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et débouté M. [B] du surplus de sa demande à ce titre,
– condamné Me [E] aux dépens.
Maître [E] a formé appel le 22 avril 2022, désignant en qualité d’intimé M. [B], visant dans sa déclaration les dispositions du jugement qui l’ont débouté de l’ensemble de ses demandes relatives aux fautes de gestion, condamné es qualités à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’ont condamné aux dépens et ordonné l’exécution provisoire.
L’avis de fixation à bref délai a été délivré le 4 mai 2022.
Le dossier a été communiqué au ministère public le 28 juin 2022, qui a indiqué par conclusions du 28 juin 2022 s’en rapporter à la décision de la cour.
Prétentions :
Moyens
Par dernières conclusions du 10 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, Maître [Y] [E] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Cahors en date du 22 avril 2022 en ce qu’il a :
– déclaré recevable la demande formée,
– condamné M. [D] [B] à payer à Me [E] es qualité la somme de 4400 euros au titre du capital non libéré,
– réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Cahors en date du 22 avril 2022 en ce qu’il :
– l’a débouté de l’ensemble de ses demandes relatives aux fautes de gestion, ayant contribué à l’insuffisance d’actif,
– a ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– l’a condamné, es qualité, à payer à M [B] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a débouté du surplus de ses demandes,
– l’a condamné aux dépens d’instance,
– juger à nouveau et :
– condamner M. [B] à lui payer, ès qualités, 85 000 euros au titre des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif,
– condamner M. [B] à lui payer, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [B] aux entiers dépens.
Me [E] présente l’argumentation suivante :
1 – sur la libération du capital social :
– le capital social de 10 000 euros n’a été libéré qu’à hauteur de 2 000 euros, M. [B] est détenteur de 550 des 1 000 parts le composant, Mme [K] [B] possédant les 450 parts restantes, il est donc redevable de 4 400 euros, conformément à l’article L.641-14 du code de commerce selon lequel le jugement d’ouverture rend immédiatement exigible le montant non libéré du capital social,
– la demande présentée à ce titre n’est pas nouvelle, car elle participe de l’action en insuffisance d’actif,
– la créance revendiquée par le liquidateur à ce titre ne fait pas partie du passif antérieur, car en vertu de l’article L.643-1 du code de commerce, le jugement de liquidation rend exigibles les créances non encore échues ; le délai de libération du capital social est de cinq ans, la société a été immatriculée le 22 mars 2012, de sorte que le capital aurait dû normalement être libéré le 22 mars 2017,
2 – sur la responsabilité pour insuffisance d’actif prévue par l’article L.651-2 du code de commerce :
a – l’insuffisance d’actif :
– le passif de la société s’établissait à la somme de 123 539,58 euros, la réalisation de l’actif a permis de recouvrer la somme de 12 373,65 euros, l’insuffisance s’établit à 111 165,93 euros, après déduction des abandons de créance au titre des comptes courants des deux associés ; il n’y a pas lieu d’en déduire comme constituant une dette postérieure la TVA de 26 000 euros due au titre de la cession de matériel du 1er septembre 2017, dont le dirigeant ne pouvait ignorer qu’elle donnerait lieu à un reversement, figurant sur la facture, et qui est devenue exigible à la date de la cession du matériel, conformément à l’article 269 du code général des impôts,
– M. [B] n’est pas fondé à solliciter une compensation entre une éventuelle condamnation et l’indemnité allouée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile par l’arrêt de la présente cour du 13 octobre 2021, dès lors qu’il comparaissait alors es qualité de dirigeant, de sorte que seule l’entreprise peut solliciter cette somme, et non lui à titre personnel,
– Mme [B], associée, n’étant pas en capacité de libérer sa part de capital, la somme ne paraît pas recouvrable et demeure une composante du passif exigible ; doit cependant en être déduite la somme de 4 400 euros payée par M. [B] à ce titre,
b – les fautes de gestion :
– une gestion contraire aux intérêts de l’entreprise :
– le paiement de dettes non-échues :
– M. [B] a remboursé le compte courant ouvert dans les livres du Crédit Lyonnais, dont il s’était porté caution, dans un intérêt personnel, pour une somme de 16 570,95 euros ; ce remboursement a aggravé l’insuffisance d’actif, quand bien même il aurait diminué le montant du passif et il aurait été plus avantageux pour la société de désintéresser d’autres créanciers ;
– M. [B] a licencié Mme [K] [B], membre de sa famille, dans le cadre d’une rupture conventionnelle prévoyant le versement d’une indemnité de 8 000 euros supérieure au montant dû légalement de 1 937,05 euros, alors qu’elle n’avait pas libéré totalement ses apports ; la renonciation de Mme [B] à cette indemnité n’ôte pas à ce fait son caractère fautif ; en outre, son contrat de travail s’est poursuivi jusqu’au 5 janvier 2018 alors que la société avait cessé son activité commerciale depuis septembre 2017 et qu’il appartenait au dirigeant de licencier le personnel,
– le dirigeant a fait fonctionner l’entreprise alors qu’elle ne disposait plus de suffisamment de matériel à la suite de la cession de septembre 2018,
– l’absence de paiement des créanciers sociaux :
– l’absence de paiement de la TVA due sur la cession de matériel du mois de septembre 2017 a conféré à l’entreprise des facilités de trésorerie fictives, qui lui ont permis de continuer à fonctionner durant plusieurs semaines et de constituer un nouveau passif,
– l’exploitation abusive d’une activité irrémédiablement compromise :
– M. [B] a fait fonctionner une entreprise déficitaire dont les capitaux propres étaient négatifs depuis 2013,
– si le tribunal a relevé que la SARL Bacsystems avait dégagé des résultats positifs en 2015 et 2016, tel n’a pas été le cas en 2014, et de plus c’est l’abandon du compte courant d’associé qui a permis de parvenir à un résultat positif,
– il n’est pas justifié de modérer la condamnation de M. [B] pour les motifs qu’il invoque.
Par uniques conclusions du 27 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, et abstraction faite des moyens énoncés dans le dispositif de ses conclusions, qui ne constituent pas des prétentions, M. [B] demande à la Cour de :
1 – sur l’action en comblement d’insuffisance d’actif,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Me [E], es-qualités, de l’ensemble de ses demandes relatives aux fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif et l’a condamné aux entiers dépens et au paiement d’une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– subsidiairement,
– de bien vouloir l’exonérer de toute condamnation,
2 – sur la demande de paiement de 4 400 euros au titre de la quote-part du capital social non libéré,
– réformer le jugement,
– statuant à nouveau :
– débouter Me [E] de sa demande totalement et, en tout état cause, juger qu’elle est irrecevable,
– subsidiairement, constater la compensation légale et à due concurrence avec son compte courant d’associé créditeur,
3 – dans tous les cas :
– condamner Me [E] es-qualités aux entiers dépens d’appel ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 6 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
M. [B] présente l’argumentation suivante :
1 – sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif :
– l’article L.651-2 du code de commerce issu de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite loi Sapin II a modifié l’article L.651-2 du code de commerce en prévoyant qu’en cas de simple négligence du dirigeant dans la gestion de sa société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée,
– Me [E] ne démontre pas l’existence de fautes excédant une négligence,
– l’indemnité de 8 000 euros prévue dans le cadre du licenciement de Mme [B] n’a pas été versée, l’organisation de la rupture du contrat de travail impliquait le respect du délai de rétractation du salarié et d’homologation de la Direccte, et étant alors âgé de 73 ans, cet emploi était utile pour l’assister ; en outre, la trésorerie de l’entreprise s’élevait à 26 618 euros au 31 décembre 2017 et l’état de cessation des paiements est survenu le 26 février 2018,
– la cession du matériel de la société n’a pas mis immédiatement fin à son fonctionnement, la tenue de la comptabilité, les obligations déclaratives et d’autres diligences nécessitant sa poursuite,
– il n’est pas démontré que l’absence de libération totale du capital social, excède une négligence ; il a versé en 2017 14 525 euros sur son compte courant d’associé, qu’il aurait pu affecter à cette libération ; ce fait n’a en outre pas contribué à l’insuffisance d’actif, compte tenu de la trésorerie existante,
– le compte débiteur du Crédit Lyonnais était générateur d’agios élevés, son remboursement a limité le passif comme l’actif, la trésorerie était excédentaire, et Me [E] ne peut soutenir qu’il était préférable de rembourser la société Fidel qui ne détenait aucune créance contre la SARL Bacsystems,
– il ne peut lui être reproché d’avoir, en s’abstenant de payer la TVA due au titre de la cession du matériel de la société, prolongé son activité par une trésorerie fictive, car la trésorerie était excédentaire en 2017 ; l’absence d’établissement de la déclaration de TVA relève d’une simple négligence ; il s’agit d’une créance postérieure au jugement d’ouverture ; il a transmis à Me [E] des observations contestant le montant de la proposition de rectification, lequel n’a accompli aucune diligence en ce sens, et s’abstient de verser aux débats le courrier de l’administration fiscale du 3 septembre 2018 et la réponse qu’il lui a adressée,
– l’exploitation abusive d’une activité irrémédiablement compromise n’est pas démontrée :
– les résultats étaient positifs au 31 décembre 2015 et au 31 décembre 2016,
– des mesures ont été prises pour améliorer la situation de l’entreprise,
– l’insuffisance d’actif au jour de chaque faute doit être rapportée ce qui n’est pas le cas, car les faits reprochés ont eu lieu au cours du dernier trimestre de 2017 et au début de 2018, alors que les dettes de la société sont antérieures ; le montant du passif final doit être diminué et ne peut excéder 74 415,58 euros, Me [E] n’indique pas les diligences accomplies en vue de recouvrer une créance de 6 316 euros due par M. [I], et l’indemnité de 3 000 euros à laquelle M. [E] es qualité a été condamné doit être en outre ajoutée à l’actif,
– il est justifié de faire application du pouvoir de modération du juge compte tenu des apports réalisés, des diligences tendant au rétablissement de l’entreprise, de la situation personnelle du dirigeant âgé de 78 ans, de l’état de santé de son épouse, et de la faiblesse de ses revenus s’élevant à 2 200 euros mensuels.
2 – sur la libération du capital social :
– la demande de libération du capital social présentée par conclusions du 10 novembre 2021 est irrecevable, car dépourvue de lien avec l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif,
– subsidiairement, il y a lieu à compensation légale à concurrence de 4 400 euros avec la somme de 14 524 euros figurant sur son compte courant d’associé.
Motivation
Motifs
Sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif :
L’article L.651-2 du code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.
La faute de gestion visée par l’article L.651-2 doit être antérieure à l’ouverture de la liquidation judiciaire.
Il doit être démontré en quoi chaque faute retenue a contribué à l’insuffisance d’actif.
Le montant de l’insuffisance d’actif est déterminé sans tenir compte des dettes postérieures au jugement d’ouverture.
Le montant de la somme mise à la charge du dirigeant est déterminé en fonction de la gravité des fautes commises, de la proportion dans laquelle elles ont contribué à l’insuffisance d’actif, de sa situation personnelle et de ses facultés contributives.
– l’absence de libération de la totalité du capital social :
M. [B] ne conteste pas avoir omis de libérer en totalité le capital correspondant aux parts qu’il détient, et de réclamer à Mme [B] de procéder de même.
Pour autant, son manquement relève d’une négligence au regard du faible montant de la somme concernée, et de l’importance de ses concours financiers personnels, puisqu’il a consenti un abandon de compte courant pour un montant de 43 049 euros pour 2014, et a, par la suite renoncé au solde créditeur de son compte courant pour un montant de 14 524 euros.
De plus, aucun lien de causalité n’est établi entre l’absence de libération du capital, et les dettes constituant le passif figurant en pièce 3 de Me [E].
– le licenciement de Mme [B] :
Il est constant que l’indemnité de licenciement critiquée par Me [E] n’a pas été versée. Elle n’a donc pas pu contribuer à l’insuffisance d’actif.
Le délai de trois mois durant lequel le contrat de travail de Mme [B] s’est poursuivi, postérieurement à la cession du matériel de l’entreprise, n’apparaît pas excessif compte tenu du délai nécessaire à sa rupture, fut-elle conventionnelle, et de la persistance de tâches administratives auxquelles, en tant qu’associée et parente du dirigeant d’une entreprise familiale, elle pouvait être associée.
– l’exploitation abusive d’une activité irrémédiablement compromise :
– entre la cession du matériel du 1er septembre 2017 et la déclaration de cessation des paiements du 10 janvier 2018 :
Maître [E] affirme que le maintien de la société malgré la cessation de son activité, intervenue selon lui à la suite de la vente de son matériel, a eu un impact sur l’insuffisance d’actif ; cependant, il n’indique pas quelle dette ce fait a pu générer, et l’état du passif versé aux débats, établi le 12 octobre 2020, ne mentionne aucun coût afférent à cette période.
– au cours de la période antérieure :
S’agissant des exercices antérieurs, Me [E] observe que le montant de l’actif disponible n’a jamais atteint celui du passif exigible, en particulier lors de la cession du 1er septembre 2017, et que l’entreprise a poursuivi son activité alors que ses capitaux propres étaient négatifs.
Il sera rappelé que par arrêt du 13 octobre 2021 non frappé d’un pourvoi, la présente cour a rejeté son action en report de la date de cessation des paiements, fixée par le tribunal au 26 février 2018.
De plus, s’agissant de l’année 2017, Me [E] produit un tableau portant au passif exigible le découvert du LCL, alors qu’il reproche par ailleurs à M. [B] de l’avoir remboursé au mois d’août 2017 alors qu’il n’était pas échu. Les montants qu’il retient s’en trouvent erronés.
Enfin, les résultats des exercices 2015 (12 423 euros) et 2016 (4 982 euros) ont été positifs.
– le défaut de paiement de créanciers sociaux :
Me [E] expose que M. [B] ne pouvait ignorer que la vente du matériel de son entreprise donnait lieu à un versement de TVA de 26 000 euros, mentionné sur la facture, qu’en vertu de l’article 269 du code général des impôts la TVA sur vente de bien est exigible dès la livraison, et que cette absence de paiement a conféré à l’entreprise des facilités de trésorerie fictives.
L’administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement, qui constitue le titre exécutoire établissant le caractère certain, liquide et exigible de la créance, le 17 avril 2018.
M. [B] était autorisé à contester cette créance, et à espérer une diminution du passif fiscal de la société constitué de plusieurs dettes comprenant la TVA due au titre de la vente du matériel de la société ; il a d’ailleurs, par la suite, adressé à Me [E] des observations tendant à la diminution de la dette auxquelles il n’a renoncé que par un courriel du 3 septembre 2018.
L’absence de reversement de la TVA générée par la vente du 1er septembre 2017, est donc survenue dans un contexte de contestation de la dette et de difficulté économique de l’entreprise.
En outre, Me [E] expose lui-même que la société a cessé son activité lors de la vente de son matériel, et M. [B] déclare que l’activité s’est poursuivie dans le cadre de sa vaine tentative d’apurement amiable du passif. Il n’est donc pas démontré que cette absence de reversement ait conféré à l’entreprise des facilités de trésorerie fictives ayant permis la poursuite de l’activité.
– le paiement d’une dette non-échue :
Me [E] expose que M. [B] a remboursé le solde débiteur du compte-courant ouvert dans les livres du LCL alors qu’il n’était pas exigible, dans un intérêt personnel, s’étant porté caution de cet engagement, alors que l’intérêt de l’entreprise était de payer d’autres dettes.
Pour autant, ce paiement intervenu au mois d’août 2017 a précédé de plusieurs mois la déclaration de cessation des paiements, a été réalisé alors que la trésorerie de l’entreprise le permettait, et que la vente du matériel réalisée le 1er septembre 2017 au prix de 120 000 euros hors TVA a permis d’accroître l’actif disponible, et de limiter le montant des intérêts contractuels.
Il n’est en outre pas démontré que cet acte qui a eu pour effet de diminuer le montant du passif et de l’actif, ait contribué à l’insuffisance d’actif.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il n’est pas démontré que M. [B] se soit rendu auteur de fautes de gestion excédant la simple négligence ayant contribué à l’insuffisance d’actif.
Le jugement sera confirmé.
Sur le paiement du capital non libéré :
L’article L.624-20 du code de commerce dispose que le jugement d’ouverture rend immédiatement exigible le montant non libéré du capital social.
Dès lors qu’elle a été présentée secondairement à une action du mandataire liquidateur introduite à l’encontre du dirigeant d’une entreprise en liquidation, tendant à obtenir sa condamnation à supporter une partie de l’insuffisance d’actif, la demande additionnelle présentée par Me [E], afin d’obtenir la condamnation du même dirigeant à verser le montant non libéré du capital social de la même société, présente un lien suffisant avec la demande initiale. Elle satisfait aux conditions de l’article 70 du code de procédure civile et est par conséquent recevable.
M. [B], qui ne justifie pas de la libération du capital social, sollicite une compensation entre cette dette et la créance qu’il détient à l’encontre de la société au titre du solde de son compte courant.
Toutefois, l’actif de la société en liquidation judiciaire ne peut être distrait au profit d’un créancier particulier ; il ne peut donc pas bénéficier d’une compensation entre sa dette et sa créance.
Le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes :
Les dépens de première instance doivent être supportés par Me [E], es qualités, puisqu’il est partie perdante.
Son recours étant mal fondé, il sera tenu d’en supporter les dépens.
Il sera condamné, es qualité, à payer à M. [B] 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Condamne Maître [Y] [E], agissant en qualité de liquidateur de la SARL Bacsystems, aux dépens d’appel,
Condamne Maître [Y] [E], agissant en qualité de liquidateur de la SARL Bacsystems, à payer à M. [D] [B] 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Valérie SCHMIDT, conseiller faisant fonction de présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,