21 novembre 2022
Cour d’appel d’Agen
RG n°
21/00695
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
21 Novembre 2022
VS / NC
———————
N° RG 21/00695
N° Portalis DBVO-V-B7F -C5BE
———————
[H] [V]
C/
[D] [F]
[C] [G]
SELAS EGIDE
——————
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n°
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Maître [H] [V] en qualité de mandataire liquidateur de la SARL CHATEAU DE [Localité 8] et de la SCI SAINT HILAIRE
de nationalité française
[Adresse 6]
[Localité 5]
représenté par Me Erwan VIMONT, membre de la SCP LEX ALLIANCE, avocat au barreau d’AGEN
APPELANT d’un jugement du tribunal de commerce d’AGEN en date du 22 juin 2021, RG 2020 001489
D’une part,
ET :
Monsieur [D] [F]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 9]
de nationalité française
domicilié : [Adresse 7]
[Localité 8]
Maître [C] [G] en qualité de mandataire liquidateur de la SARL CHATEAU DE [Localité 8] et de la SCI SAINT HILAIRE
de nationalité française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Assignés, n’ayant pas constitué avocat
INTIMÉS
SELAS EGIDE représentée et prise en la personne de Maître [L] [E] en qualité de mandataire et liquidateur judiciaire de la SARL CHATEAU DE [Localité 8] et de la SCI SAINT HILAIRE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me Luc GOGUYER-LALANDE de la SCP GOGUYER-LALANDE DEGIOANNI PONTACQ, avocat plaidant au barreau de l’ARIEGE
ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 19 septembre 2022 devant la cour composée de :
Présidente : Valérie SCHMIDT, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience
Assesseurs : Cyril VIDALIE, Conseiller
Hervé LECLAINCHE, magistrat honoraire
L’affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis par écrit
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Exposé du litige
‘ ‘
‘
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [O] [W] et M. [D] [F] se sont mariés le [Date mariage 1] 1991 sous le régime de la séparation de biens.
Ils ont acquis le château de [Localité 8] et ont constitué la SCI Saint Hilaire et la SARL [Adresse 7] en vue de son exploitation sous forme de gîtes avec désignation de Mme [W] en qualité de gérante avec une détention de 99 parts et M. [F] avec une détention de 1 part.
Par ordonnance de non-conciliation du 21 mai 2006, le juge aux affaires familiales a notamment attribué la jouissance du domicile conjugal à M. [F] au château de [Localité 8].
Par commandement de payer visant la clause résolutoire du 07 mars 2007, la SCI Saint Hilaire a mis en demeure la SARL [Adresse 7] de payer les loyers dus pour un montant de 27.232,92 euros.
Par décision du 17 juillet 2007, le tribunal de commerce de Cahors a prononcé l’ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL [Adresse 7] avec désignation de Me [H] [V] en qualité de mandataire liquidateur.
Par décision du 08 octobre 2007, le tribunal de commerce a :
– confirmé le jugement de liquidation judiciaire de la SARL [Adresse 7],
– rejeté la tierce opposition de M. [F],
– condamné M. [F] à verser à Me [V], liquidateur judiciaire, une indemnité de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par assignation du 06 mai 2008, Me [V], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL [Adresse 7] a fait attraire la SCI Saint Hilaire en extension de la procédure collective devant le tribunal de commerce de Cahors au titre de la confusion des patrimoines.
Par jugement du 02 juin 2008, le Tribunal de Commerce a fait droit à la demande.
Par assignation du 15 décembre 2009, M. [F] a demandé au tribunal de commerce de Cahors, la rétractation des jugements des 08 octobre 2007 et 02 juin 2008.
Par jugement du 07 avril 2011, le tribunal de commerce a notamment :
– rejeté la demande de sursis à statuer en attente d’une décision pénale devant le tribunal correctionnel de Cahors,
– prononcé l’irrecevabilité du recours en révision intenté par M. [F] sur les jugements prononcés.
Par arrêt du 12 mars 2012, la cour d’appel d’Agen a confirmé le jugement déféré.
Par nouvelle assignation du 1er août 2014, M. [F] a saisi le tribunal de commerce d’une action en révision des jugements rendus les 07 juillet 2007 et 08 octobre 2007 en vue de voir prononcer leur rétractation ainsi que celle du jugement du 02 octobre 2008.
Par jugement du 12 octobre 2015, le tribunal de commerce a débouté M. [F] de son recours en révision.
Par arrêt du 24 janvier 2017, la cour d’appel d’Agen a confirmé le jugement dans toutes ses dispositions.
Par arrêt du 30 janvier 2019, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de M. [F].
Par nouvelle assignation du 21 juin 2016, M. [F] a saisi le tribunal de commerce d’une action en révision des jugements rendus les 17 juillet 2007 et 08 octobre 2007 sur le fondement du rapport déposé.
Par jugement du 05 décembre 2016, le tribunal de commerce a jugé irrecevable le recours en révision en application du principe de l’effet dévolutif de l’appel.
Par arrêt du 24 janvier 2017, la cour d’appel a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Par nouvelle assignation du 14 février 2017, M. [F] a saisi le tribunal de commerce d’une action en révision des jugements des 17 juillet 2007 et 08 octobre 2007 aux fins de rétractation nonobstant celle du jugement du 02 octobre 2008 et de l’ordonnance du juge commissaire et a également déposé une requête en suspicion légitime.
Par jugement du 08 janvier 2018, le tribunal de commerce a rejeté la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime de l’ensemble du tribunal.
Par ordonnance du 05 mars 2018, le premier président de la cour d’Agen a renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Agen.
Par requête du 28 décembre 2018, M. [F] a saisi le juge aux fins de statuer sur le remplacement de Me [V] es qualité sur le fondement des dispositions de l’article L 621-7 du code de commerce.
Par ordonnance du 14 septembre 2020, le juge commissaire a renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce statuant au fond.
Par jugement du 25 novembre 2020, le tribunal de commerce d’Agen a rejeté les demandes de M. [F].
Par jugement du 22 juin 2021, le tribunal de commerce d’Agen a ordonné le remplacement de Me [V] es qualité et a désigné Me [C] [G] en ses lieu et place.
Le tribunal a considéré que M. [F] ayant la qualité de créancier, sa demande était recevable et qu’au fond, les diverses instances initiées et le climat conflictuel, attisé en lecture de rapport, n’étaient plus propices à une bonne gestion du dossier par Me [V].
Me [V] a interjeté appel nullité le 02 juillet 2021 pour excès de pouvoir en visant la totalité des chefs de jugement dans sa déclaration d’appel et en désignant en qualité d’intimés M. [F] et Me [G].
Par assignation en intervention forcée du 18 octobre 2021, Me [V], es qualité, a fait attraire Me [E], pris en sa qualité de mandataire et de liquidateur des sociétés SARL Chateau de [Localité 8] et SCI Saint Hilaire.
Me [E], pris en sa qualité de mandataire et de liquidateur, a constitué avocat le 16 novembre 2021.
Par ordonnance du 27 avril 2022, le conseiller en charge du contentieux de l’urgence de la cour a :
– rejeté la fin de non recevoir de la SELAS Egide,
– déclaré recevable l’appel nullité de Me [V], es qualité,
– condamné la SELAS Egide, es qualité, aux entiers dépens.
Moyens
Par dernières conclusions au fond du 17 mai 2022, Me [V], es qualité demande à la cour de :
– constater l’excès de pouvoir,
– prononcer la nullité du jugement du 22 juin 2021
– déclarer M. [F] irrecevable à agir,
subsidiairement, statuant au fond :
– rejeter les demandes de M. [F],
– condamner M. [F] au paiement d’une indemnité de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux frais de l’instance.
A l’appui de ses prétentions, Me [V], es qualité, fait valoir que :
– le juge-commissaire et le tribunal ont excédé leurs pouvoirs en recevant la requête de M. [F] puis en ordonnant le remplacement de Me [V], es qualité,
– la cour a reconnu la recevabilité de l’appel nullité de Me [V], es qualité, en retenant que M. [F] n’avait pas qualité pour réclamer le remplacement du mandataire liquidateur s’agissant d’une action attitrée, de sorte que la nullité du jugement est encourue,
– le rapport Cheron non opposable à Me [V], es qualité, se borne à conclure que la créance en compte courant d’associé est en partie celle de M. [F] mais cet élément n’est pas nouveau à la lecture des pièces versées au débat et ne constitue pas une cause de révision,
– M. [F] en multipliant les recours empêche toute liquidation judiciaire pour se maintenir au château de [Localité 8] sans payer d’indemnité d’occupation,
– M. [F] n’a pas déclaré sa créance et n’a exercé aucun recours sur l’état des créances publié au BODACC alors qu’il savait qu’il était titulaire du compte courant,
– ledit compte, quel qu’en soit le titulaire, constituait bien une créance exigible à tout moment et ne pouvait donc pas ne pas être mentionné lors de la déclaration de cessation des paiements,
– il appartient à M. [F] de renoncer au bénéfice de la créance en compte courant afin de solutionner le litige,
– M. [F] est victime de sa propre turpitude dont il essaie de faire porter le poids en partie à Me [V], es qualité, et cette nouvelle procédure est manifestement abusive.
Par dernières conclusions au fond inchangées du 10 février 2022, la SELAS Egide, prise en la personne de Me [E], es qualité de mandataire et liquidateur, sollicite de la cour de :
– déclarer l’appel irrecevable,
au fond et subsidiairement :
– confirmer le jugement déféré,
en tout état de cause :
– dire ne pas avoir lieu à condamnation de la liquidation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ni au dépens.
A l’appui de ses prétentions, la SELAS Egide, prise en la personne de Me [E], es qualité de mandataire et liquidateur, fait valoir que :
– il appartient à Me [V] agissant en sa qualité d’organe de la procédure collective de démontrer avoir intérêt à former un appel-nullité,
– l’appel est dirigé contre une décision qui n’est pas entachée d’excès de pouvoir de sorte qu’il est irrecevable,
– l’action en remplacement du mandataire liquidateur est ouverte s’il existe des motifs sérieux, tels que des conflits d’intérêt entre le débiteur, les créanciers et le liquidateur qui
compromettent la pérennité de la procédure collective en cours,
– la réalisation de l’actif et la représentation de l’intérêt collectif des créanciers a été compromise par les rapports conflictuels entre les parties.
Par conclusions du 04 février 2022, le ministère public requiert de la cour de :
– infirmer le jugement déféré.
A l’appui de son argumentation, le ministère public fait valoir que :
– M. [F] a mis en oeuvre des manoeuvres dilatoires pour retarder la mission de Me [V],
– le remplacement de Me [V] intervient alors qu’aucun grief ne peut lui être opposé,
– M. [F] n’avait pas qualité pour solliciter du juge commissaire le remplacement du mandataire liquidateur.
M. [F] et Me [G] n’ont pas constitué avocat et la déclaration d’appel leur a été signifiée le 22 septembre 2021 par remise à personne pour le premier et par remise à l’étude pour la seconde conformément à l’article 658 du code de procédure civile.
La cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’avis de fixation de l’affaire est du 25 mai 2022.
L’affaire a été fixée à plaider le 19 septembre 2022.
Motivation
MOTIFS
Sur la nullité du jugement pour excès de pouvoir
Il est constant, pour que l’excès de pouvoir soit caractérisé, que la contestation dont est saisi le juge doit être étrangère au pouvoir juridictionnel qu’il tient de la loi.
En l’espèce, par ordonnance du 27 avril 2022, la cour a déclaré recevable l’appel nullité de Me [V], es qualité, en relevant le défaut de qualité pour agir de M. [F] en remplacement du mandataire liquidateur motif pris que s’agissant d’une action attitrée, l’article L 641-1 du code de commerce définit strictement les parties habilitées à le faire.
Dès lors, la requête du 28 décembre 2018 de M. [F], tendant au remplacement du mandataire liquidateur, ne pouvait pas valablement saisir le juge-commissaire. En recevant l’acte introductif d’instance puis en statuant sur la demande qui leur était faite en ce sens par une partie non habilitée légalement, tant le juge-commissaire que le tribunal de commerce de Cahors ont commis un excès de pouvoir.
Par conséquent, au regard de ce qui précède, il sera prononcé la nullité du jugement mais aussi constaté l’irrégularité de l’acte introductif d’instance, faute de qualité du requérant, rendant, par voie de conséquence, inopérant tout effet dévolutif.
Partant, aucune évocation du fond devant la cour ne peut être recherchée.
Sur les dépens et frais irrépétibles
M. [F], succombant à l’instance en supportera les entiers dépens.
L’équité commande, par ailleurs, de condamner M. [F] à verser une indemnité de 4.000 euros à Me [V], es qualité, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
ANNULE le jugement du 22 juin 2021 rendu par le tribunal de commerce de Cahors ;
CONSTATE l’irrégularité de l’acte introductif d’instance et partant l’absence d’effet dévolutif devant la cour ;
CONSTATE l’impossibilité d’évoquer le présent dossier ;
Y ajoutant :
CONDAMNE M. [F] à supporter les entiers dépens d’instance ;
CONDAMNE M. [F] à verser à Me [V], es qualité, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Valérie SCHMIDT, conseiller faisant fonction de présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,