21 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/11137
Pôle 5 – Chambre 8
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 21 AVRIL 2023
(n° / 2023, 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/11137 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3U7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mai 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 18/08391
APPELANTS
Monsieur [M] [E]
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 7]
S.A.R.L. CAFÉ DU ROND-POINT [Adresse 10], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 582 049 862,
Dont le siège social est situé [Adresse 3]
[Localité 7]
Représentés par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334,
INTIMÉES
S.A.R.L. SOCIÉTÉ PARISIENNE D’EXPLOITATION DE LIEUX DE LOISIRS (SPELL), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 499 037 448,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055,
Assistée de Me Paul CESBRON LAVAU, avocat au barreau de PARIS, toque P0177,
S.E.L.A.F.A. MJA, prise en la personne de Maître [X] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL SPELL,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 440 672 509,
Dont le siège social est situé [Adresse 2],
[Adresse 2]
[Localité 8]
S.C.P. [S], prise en la personne de Maître [R] [S], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SARL SPELL,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 389 010 380,
Dont le siège social est situé [Adresse 4]
[Localité 5]
Représentées par Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, devant la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère, chargée du rapport,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Exposé du litige
*
* *
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [M] [E] et la société à responsabilité limitée Café du Rond-Point [Adresse 10] étaient les associés de la société à responsabilité limitée DCS qui exploitait une brasserie dans le 1er arrondissement de [Localité 9]. La société DCS a fait 1’objet en 2013 d’un redressement judiciaire ayant conduit à un plan de continuation, puis d’une liquidation judiciaire le 22 mai 2016.
La SARL Société parisienne d’exploitation de lieux de loisirs ( » la société Spell « ) est une société holding qui détient plusieurs restaurants, bars, discothèques et autres sociétés intervenant dans l’évènementiel à [Localité 9].
Le 20 janvier 2015, la société Shisha Corp a émis une offre synallagmatique de rachat des parts sociales de la société DCS, pour un euro symbolique, stipulant notamment une condition suspensive de remboursement des comptes courants d’associés à hauteur d’un million d’euros.
Le 31 mars 2015, la société Café du Rond-Point [Adresse 10] et M. [E], d’une part, et la société Shisha Corp, d’autre part, ont contracté une promesse unilatérale d’achat, par cette dernière, des comptes courants d’associés, avec un engagement de la société Spell de se porter caution de la société Shisha Corp.
Dans le même temps, la société Spell a régularisé avec M. [E] pour l’un et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] pour l’autre, deux actes intitulés » engagement de garantie », en vue de les garantir chacun » du règlement par la société Shisha Corp des sommes qui lui sont dues au titre du remboursement et du prix de cession de son compte courant d’associé » et de » se constituer caution solidaire de la société Shisha Corp » envers les deux associés. A été joint le procès-verbal des décisions de l’associe unique de la société Spell du 31 mars 2015 autorisant ce dernier à régulariser un engagement de caution au profit de M. [E] et de la société Café du Rond-point [Adresse 10] » au titre du remboursement du compte courant détenu par M. [E] et la société Café du Rond-point [Adresse 10] sur la société DCS par la société Shisha Corp « .
Ces engagements ont fait l’objet d’un avenant le 25 mai 2015 avec intervention de la caution.
Le 15 juin 2015, M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ont régularisé au profit de la société Shisha Corp, outre une cession de leurs titres, une cession des créances en compte courant d’associés détenues sur la société DCS, moyennant les prix, payables en plusieurs années, de 415 872,37 euros (cession de sa créance en compte courant par
M. [E]) et de 408 283,97 euros (cession de sa créance en compte courant par la société Café du Rond-Point [Adresse 10]). A cette occasion, la société Spell s’est portée caution solidaire, à l’égard de chacun des cédants, » de la société DCS « , s’engageant à leur rembourser » toutes les sommes en principal, intérêts, frais et accessoires, que la société DCS resterait leur devoir en application de la (dite) convention, pour quelque cause que ce soit, en cas de défaillance de cette dernière « .
La société Spell soutient qu’elle s’est engagée à garantir le paiement des sommes dues par la société DCS, tandis que les appelants soutiennent que la société Spell s’est engagée à garantir les paiements des sommes qui leur étaient dues par la société Shisha Corp.
Par jugement du 15 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Spell à payer, en sa qualité de caution des engagements de la société Shisha Corp et solidairement avec cette dernière :
– la somme de 86 161,65 euros à M. [E] et celle de 83 745,44 euros à la société Café du Rond-Point [Adresse 10], au titre de la première échéance du prix de cession ;
– la somme de 8 616,16 euros à M. [E] et celle de 8 374,54 euros à la société Café du Rond-Point [Adresse 10], au titre de l’indemnité forfaitaire convenue en cas de défaillance de la société Shisha Corp ;
– la somme de 3 000 euros à M. [E] et à la société Café du Rond-Point [Adresse 10], pris ensemble, en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par jugement du 12 janvier 2016, ayant fait l’objet d’une insertion au BODACC le 2 février suivant, elle a été placé en redressement judiciaire et la SELAFA MJA a été désignée mandataire judiciaire. Un plan de redressement a été arrêté le 5 mai 2017 et la SCP [S] a été désignée commissaire à l’exécution du plan.
Le 23 février 2016, M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ont déclaré au passif de cette procédure une créance se décomposant comme suit :
‘ Pour la société Café du Rond-Point [Adresse 10] :
– 408 283,97 euros correspondant au montant dû en principal par la société Shisha Corp au titre de la convention de cession du 15 juin 2015 ainsi qu’aux intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2015 sur la somme de 83 745,44 euros ;
– 40 828,40 euros correspondant à l’indemnité forfaitaire maximale due par la société Spell en cas d’activation de sa caution ainsi qu’aux intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2015 sur la somme de 8 374,54 euros ;
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– 264,88 euros au titre des dépens.
‘ Pour M. [E] :
– 415 872,37 euros correspondant au montant dû en principal par la société Shisha Corp au titre de la convention de cession du 15 juin 2015 ainsi qu’aux intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2015 sur la somme de 86 161,65 euros ;
– 41 587,24 euros correspondant à l’indemnité forfaitaire maximale due par la société Spell en cas d’activation de sa caution ainsi qu’aux intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 20l5 sur la somme de 8 616,16 euros ;
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– 264,89 euros au titre des dépens.
Les créances ainsi déclarées ont été contestées par le mandataire judiciaire, par lettres recommandées avec accusé de réception du 29 juin 2016, et la société Café du Rond-Point [Adresse 10], d’une part, M. [E], d’autre part, ont répondu par lettres recommandées avec accusé de réception du 27 juillet 2016, en indiquant maintenir leur demande d’admission au passif.
Le juge-commissaire s’est prononcé par deux ordonnances du 15 décembre 2016.
Statuant sur les appels formés contre ces ordonnances, la cour d’appel de Paris, par deux arrêts du 5 juin 2018, les a infirmées et, statuant à nouveau, a invité, selon le cas, la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ou M. [E] à saisir le juge compétent dans le délai d’un mois de la signification de l’arrêt, à peine de forclusion, sursis à statuer jusqu’à la décision à intervenir, ordonné la radiation de l’affaire, rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile et ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Le 4 juillet 2018, M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Paris la société Spell et les organes de la procédure en exécution de ses engagements de caution.
Par jugement du 6 mai 2021, le tribunal judiciaire a :
– » rejeté la ‘n de non-recevoir tirée de la forclusion opposée par la société Spell à la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ;
– dit irrecevables les demandes en condamnation à paiement formées contre la société Spell;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamné M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] aux dépens « .
Par acte du 15 juin 2021 (RG n° 21/11137) régularisé par acte du 19 juin 2021 (RG n° 21/11375), M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ont relevé appel de ce jugement. Par ordonnance du 7 septembre 2021, les instances ont été jointes pour être poursuivies sous le numéro RG 21/11137.
Cet appel a pour objet l’annulation ou l’infirmation du jugement entrepris :
‘ en ce qu’il a :
– » dit irrecevables les demandes en condamnation à paiement formées contre la société Spell ;
– débouté M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] de leurs demandes et moyens ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] aux dépens » ;
‘ en ce qu’il n’a pas :
– » [jugé] que la signification du jugement du 15 décembre 2015, opérée le 26 mai 2020, n’est pas entachée de nullité et est valide ;
– [jugé] que les engagements de garantie pris par la SARL Spell envers M. [M] [E] et la SARL Café du Rond-Point [Adresse 10] le 31 mars 2015, la promesse de cession de parts sociales sous conditions suspensives du 31 mars 2015 et le procès-verbal de décisions de l’associé unique de la SARL Spell du 31 mars 2015 et le procès-verbal de décisions de l’associé unique de la SARL Spell ne sont ni nuls, ni caducs ;
– [jugé] que le jugement du 15 décembre 2015 a autorité de chose jugée « .
Par ordonnance du 24 mai 2022, le juge de la mise en état a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Spell, la SELAFA MJA et la SCP [S] ès qualités, à savoir:
– la fin de non-recevoir prise du caractère nouveau en appel des demandes de fixation ou d’inscription au passif des créances déclarées et
– la fin de recevoir tirée du défaut de pouvoir de la cour pour admettre des créances alléguées au passif de la société Spell, s’agissant en réalité de comprendre la demande de la société Café du Rond-Point [Adresse 10] et de M. [E] non comme une demande d’admission au passif des créances alléguées, mais comme une demande de fixation de celles-ci.
Moyens
Par conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 06 janvier 2023,
M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] demandent à la cour :
‘ sur l’appel incident, de confirmer le jugement du 6 mai 2021 en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion opposée par la société Spell à la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ;
‘ sur l’appel principal,
– d’infirmer le jugement du 6 mai 2021, statuant à nouveau, et complétant le jugement, de déclarer recevables leurs demandes de fixation de créances ;
– statuant à nouveau et complétant le jugement : de rejeter les demandes des intimées tendant à voir dire caduques les promesses unilatérales d’achat de compte courant d’associés du 31 mars 2015 modifiées par avenants du 25 mai 2015 et nuls les engagements de garantie du 31 mars 2015 et les cautionnements issus de la promesse unilatérale d’achat de compte courant d’associés ;
Au titre de l’échéance du 1er juin 2015 du contrat de cession :
– de réparer l’omission de statuer du premier juge et de juger que la signification du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 15 décembre 2015 (RG n° 15/14796), opérée le 26 mai 2020, n’est pas entachée de nullité et est valide ;
– de dire que le jugement du 15 décembre 2015 est définitif, comme le sont les créances déclarées au passif de la société Spell sur le fondement de ce jugement ;
– de dire et déclarer, en conséquence, que seront inscrites au passif de la société Spell, au titre de la première échéance du paiement du prix des cessions de comptes courants d’associés, les créances suivantes telles que définies par ce jugement :
* au bénéfice de M. [E], la somme de 86 161,65 € au titre de la première échéance de l’acte de cession, assortie des intérêts légaux à compter du 9 juillet 2015, outre celle de 8 616,16 €, au titre de l’indemnité forfaitaire conventionnellement convenue en cas de défaillance de la société Shisha Corp,
* au bénéfice de la société Café du Rond-Point [Adresse 10], la somme de 83 745,44 € au titre de la première échéance de l’acte de cession, assortie des intérêts légaux à compter du 9 juillet 2015, outre celle de 8 374,54 €, au titre de l’indemnité forfaitaire conventionnellement convenue en cas de défaillance de la société Shisha Corp ;
– subsidiairement, de juger que les engagements de garantie pris par la société Spell envers M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] le 31 mars 2015, la promesse de cession de parts sociales sous conditions suspensives du 31 mars 2015 et le procès-verbal de décisions de l’associé unique de la société Spell du 31 mars 2015 ne sont ni nuls, ni caducs ;
– de fixer au passif de la société Spell, en sa qualité de caution de la société Shisha Corp les créances suivantes :
* au bénéfice de M. [E], à la somme de 86 161,65 euros au titre de la première échéance de l’acte de cession, assortie des intérêts légaux à compter du 9 juillet 2015, outre à celle de 8 616,16 €, au titre de l’indemnité forfaitaire conventionnellement convenue en cas de défaillance de la société Shisha Corp,
* au bénéfice de la société Café du Rond-Point [Adresse 10], à la somme de 83 745,44 € au titre de la première échéance de l’acte de cession, assortie des intérêts légaux à compter du 9 juillet 2015, outre à celle de 8 374,54 €, au titre de l’indemnité forfaitaire conventionnellement convenue en cas de défaillance de la société Shisha Corp ;
Au titre des échéances du 31 décembre 2015, du 31 décembre 2016 et du 31 décembre 2017 :
– de juger que les engagements de garantie pris par la société Spell envers M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] le 31 mars 2015, la promesse de cession de parts sociales sous conditions suspensives du 31 mars 2015 et le procès-verbal de décisions de l’associé unique de la SARL SPELL du 31 mars 2015 ne sont ni nuls, ni caducs ;
– de fixer au passif de la société Spell, en redressement judiciaire, en sa qualité de caution de la société Shisha Corp :
* une créance de 329 710,81 € au bénéfice de M. [M] [E], et assortir, sur cette somme, celle de 64.868,77 € d’intérêts légaux à compter du 2 janvier 2016, date de la mise en demeure délivrée à la société Spell d’avoir à régler ces sommes une fois le terme échu,
* une créance de 324 538,83 € au bénéfice de la société Café du Rond-Point [Adresse 10], et assortir, sur cette somme, celle de 65.036,56 € € d’intérêts légaux à compter du 2 janvier 2016, date de la mise en demeure délivrée à la société Spell d’avoir à régler ces sommes une fois le terme échu,
* des créances de 6 486,87 €, 10 665,17 € et 15 819,02 € correspondant à l’indemnité forfaitaire de 10 % contractuellement convenue, soit la somme globale de 32 971,06 € au profit de M. [M] [E],
* des créances de 6 503,65 €, 10 174,88 € et 15 775,31 € correspondant à l’indemnité forfaitaire de 10 % contractuellement convenue, soit la somme globale de 32 453,84 € au profit de la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ;
Au titre de la condamnation fondée sur l’article 700 du code de procédure civile prononcée par le jugement du 15 décembre 2015 :
– de dire que sera inscrite au passif de la société Spell la somme de 1.500 € au bénéfice de M. [M] [E] et celle de 1.500 € au bénéfice de la société Café du Rond-Point [Adresse 10];
– par ailleurs, de rejeter les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile par les intimées ;
– de débouter la société Spell de l’ensemble de ses demandes et moyens, comme étant irrecevables ou à tout le moins infondés et dépourvus de pertinence ;
– de condamner la société Spell, en redressement judiciaire, aux dépens et à leur verser à chacun la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 décembre 2022, la société Spell demande à la cour :
– à titre principal, de confirmer le jugement du 6 mai 2021 en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes en condamnation contre la société Spell ;
– de débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes en ce qu’elles sont mal fondées;
– de rejeter en intégralité la créance déclarée par la société Café du Rond-Point [Adresse 10] au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de la société Spell;
– de confirmer, en tant que de besoin par substitution des motifs, le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 6 mai 2021 (N° RG 18/0839) entrepris ;
– à titre subsidiaire, de déclarer irrecevables les appelants à solliciter la fixation de créances au-delà des sommes figurant dans leurs déclarations de créance ;
– en tout état de cause, de débouter la société Café du Rond-Point [Adresse 10] et M. [E] de l’ensemble de leurs demandes ;
– de condamner solidairement ces derniers à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 décembre 2021, la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [X] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la société Spell et la SCP [S], prise en la personne de Maître [R] [S], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Spell demandent à la cour :
– à titre principal, de débouter M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] de l’ensemble de leurs demandes et prétentions ;
– de confirmer, en tant que de besoin par substitution des motifs, le jugement entrepris,
– à titre subsidiaire, de débouter M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] de leurs demandes de fixation de leurs créances à l’encontre de la société Spell au titre des intérêts légaux, en vertu de l’article L.622-28 du code de commerce ;
– de débouter M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] de leurs demandes en fixation de leurs créances pour des montants supérieurs aux montants déclarés ;
– en tout état de cause, de condamner solidairement M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] à leur payer ès qualités la somme de 2 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens qui pourront être recouvrés par Maître Vincent Gallet, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 31 janvier 2023.
Motivation
SUR CE,
La société Spell n’ayant pas maintenu dans ses dernières écritures sa demande incidente d’infirmation du chef du jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion opposée à la société Café du Rond-Point, elle est réputée l’avoir abandonnée en application de l’article 954 du code de procédure civile. La cour n’est donc pas saisie de ce chef.
– Sur la recevabilité des demandes de fixation de créances
– Sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée du jugement du 15 décembre 2015
Se prévalant du caractère définitif du jugement du 15 décembre 2015, la société Spell oppose aux appelants l’autorité de chose jugée qui s’y attache et souligne que ce jugement a statué sur l’intégralité de la créance revendiquée par les appelants, leurs assignations ayant pour objet toutes les échéances du paiement de l’acte de cession de leur créance de compte courant d’associé dans la société DCS (pour M. [E], la somme de 415 872,37 € et pour la société Café du Rond-Point [Adresse 10], la somme de 408.283,97 €). Elle ajoute que le tribunal de première instance n’a jamais été saisi d’une demande relative à la régularité de la signification du jugement du 15 décembre 2015 (RG n° 15/14796), opérée le 26 mai 2020, ni même d’une demande relative au caractère définitif de ce jugement et se réfère en ce sens au dispositif des conclusions récapitulatives des appelants en première instance en date du 30 septembre 2020, de sorte qu’il ne peut lui être fait grief d’avoir omis de statuer. Elle demande donc confirmation du jugement du 6 mai 2021 en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes en condamnation contre la société Spell.
M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] soutiennent que le jugement du 15 décembre 2015 est devenu définitif pour avoir été signifié le 26 mai 2020, cette dernière signification ne comportant que des erreurs matérielles non constitutives d’un vice de forme. Si la nomination de l’administrateur judiciaire a interrompu le délai d’appel, le délai a recommencé à courir à compter de la signification à la SCP [S] agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan, en ce qu’elle était admise à ce titre à recevoir la signification d’un jugement intervenu avant le jugement arrêtant le plan. Il est constant qu’aucun appel n’a été interjeté sur ce jugement, lequel est de ce fait devenu définitif. Etant définitif, ce jugement leur permet de faire inscrire leurs créances en résultant au passif du redressement de la société Spell (pour M. [E], la somme de 86 161,65 €, outre les accessoires, et pour la société Café du Rond-Point [Adresse 10], la somme de 83 745,44 €, outre les accessoires, correspondant aux sommes dues au titre de la première échéance impayée garantie), quand bien même leurs demandes à ce titre seraient déclarées irrecevables dans le cadre de la présente instance. Le tribunal judiciaire ne s’étant pas prononcé sur ce point, alors que le moyen était soulevé dans leurs dernières conclusions récapitulatives, les appelants considèrent que le tribunal a omis de statuer sur la question du caractère définitif du jugement du 15 décembre 2015.
Les organes de la procédure soutiennent que les significations du jugement du 15 décembre 2015 sont inopérantes et que ce jugement ne pourra jamais devenir définitif à l’égard de la procédure collective. Ils précisent que la signification au commissaire à l’exécution du plan opérée le 26 mai 2020 postérieurement à sa désignation est sans effet, ce dernier n’ayant pas qualité pour poursuivre une action engagée alors que le débiteur était in bonis et à laquelle ni l’administrateur judiciaire, ni le mandataire judiciaire n’étaient parties. Ils précisent que dans ses arrêts en date du 5 juin 2018, la cour d’appel a d’ores et déjà jugé que l’autorité de la chose jugée du jugement du 15 décembre 2015 était inopposable à la procédure collective de la société Spell, de sorte qu’il ne peut être argué du contraire sans se heurter à l’autorité de la chose jugée de l’arrêt.
Sur ce, par arrêts rendus le 5 juin 2018, la cour (chambre 5-8), statuant comme juge de l’admission des créances, a considéré que le jugement du 15 décembre 2015 n’était pas définitif à l’égard des organes de la procédure et n’avait pas en conséquence autorité de chose jugée. La cour infirmant l’ordonnance du juge commissaire en ce qu’elle avait admis la créance de M. [E] à titre chirographaire à hauteur de 97 777,81 euros et celle de la société Café du Rond-Point [Adresse 10] à hauteur de 45 119,98 euros, a estimé que ces créances ne pouvaient être admises sans que les créanciers ne justifient de leur bien-fondé.
Dans ces mêmes arrêts, la cour a par ailleurs considéré que l’existence et la validité du contrat de cautionnement se heurtent à des contestations sérieuses excédant les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire. Elle a donc sursis à statuer pour le tout et invité les deux créanciers à saisir le juge compétent dans le délai d’un mois de la signification de l’arrêt, à peine de forclusion, ce que firent les appelants le 4 juillet 2018 en saisissant le tribunal judiciaire de Paris.
C’est ainsi que se présente le litige dans le cadre de la présente instance, nonobstant la signification du jugement du 15 décembre 2015 intervenue le 26 mai 2020 entre les mains du commissaire à l’exécution du plan quand bien même elle serait régulière.
Le jugement du 15 décembre 2015 n’ayant pas autorité de chose jugée à l’égard des organes de la procédure et la cour n’ayant pas distingué dans sa décision entre la part de créance ayant fait l’objet du jugement du 15 décembre 2015 et les autres échéances non honorées tout en étant susceptibles d’avoir été garanties par l’engagement de caution litigieux, il y lieu de considérer que dans le cadre de la présente instance, la cour est saisie de l’intégralité des créances alléguées, dans les proportions évoquées ci-après.
– Sur la recevabilité des demandes de fixation de la créance à l’égard de la société Spell
L’objet du présent litige consiste à déterminer le bien-fondé de chacune des créances susceptibles d’être ultérieurement admise au passif de la procédure collective de la société Spell, tant en son principe qu’en son montant.
A cet égard, les demandes de M. [E] et de la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ne sont pas nouvelles, à tout le moins dans leur principe, les appelants ne faisant que scinder leurs demandes pour distinguer les sommes relatives à la première échéance de paiement du prix des actes de cession ayant fait l’objet du jugement du 15 décembre 2015 des trois autres échéances.
Au vu des contestations soulevées par les intimés, il y a lieu de se référer pour fixer le plafond des prétentions des appelants, aux quanta évoqués en première instance en référence aux dernières conclusions des appelants du 30 septembre 2020, ainsi présentées dans le jugement déféré :
‘au profit de la société Café du Rond-Point [Adresse 10], une somme de 423 667,46 euros et 32 453,84 euros, plus les intérêts au taux légal sur 65 036,56 euros,
‘au profit de M. [E], une somme de 408 283,97 euros et 32 971,06 euros, plus les intérêts au taux légal sur 64 868,77 euros,
‘à chacun, les sommes de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
sans préjudice d’une éventuelle réduction résultant de leurs dernières conclusions en appel signifiées le 6 janvier 2023.
En conséquence, les appelants seront déclarés recevables en leurs demandes de fixation de créances résultant du non-paiement de l’entièreté des échéances du prix cession, frais et intérêts.
– Sur le bien-fondé de la demande de fixation des créances
M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] se prévalent de la qualité de caution de la société Spell aux termes de deux promesses d’achat de compte courant d’associés du 31 mars 2015 faisant figurer la société Spell en qualité de caution solidaire de l’acquéreur, d’un procès-verbal de décisions de l’associé unique de la société Spell du 31 mars 2015 relatif à l’autorisation de la régularisation de ces engagements de caution et des deux actes de cession de créance du 15 juin 2015. Ils indiquent que les mentions de ces derniers actes auraient été modifiées par le conseil de la société Spell dans les actes de cession de juin 2015 afin de prévoir que celle-ci s’engageait au profit de la société DCS, ce qui permettait à la société Spell de soulever ultérieurement la nullité de la caution. Les deux premières échéances de la cession ont été réglées par deux chèques tirés sur la société Le Village des délices dont M. [W] [D] [V], gérant de la société Spell, était le gérant et se sont révélés être sans provision, d’où l’engagement de la caution. Ils ajoutent que les actes de caution ne sont pas nuls faute d’objet ; qu’ils ne sont pas davantage caducs faute de modification des dates de levée d’option en des termes cohérents au regard de la nécessité d’obtenir l’accord du président du tribunal de commerce de procéder à la cession ; qu’ils ne sont pas nuls en raison de l’erreur commise sur les montants et les échéances, ces erreurs ayant été corrigées par les avenants du 25 mai et la promesse de cession de parts sociales du 31 mars 2015, soulignant que la société Spell a reconnu sa qualité de caution à plusieurs reprises et notamment à l’occasion de l’instance ayant donné lieu au jugement du 15 décembre 2015.
La société Spell et les organes de la procédure rétorquent que ni M. [E] ni la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ne sont titulaires d’un quelconque droit à l’encontre de la société Spell, dans la mesure où elle ne s’est jamais portée caution envers l’un d’eux des engagements de la société Shisha Corp, ainsi que cela ressort des actes de cession de créances de comptes courants d’associés entre la société Shisha Corp d’une part et
M. [E] ou la société Café du Rond-Point [Adresse 10] d’autre part, du 15 juin 2015, ces actes exprimant de façon claire et précise des cautionnements de la société Spell au bénéfice de la société DCS. Ils excipent de ce que les promesses d’achat sont caduques faute d’avoir été levées dans les délais stipulées (31 mai 2015), rendant par voie de conséquence caduc l’engagement de garantie ; qu’elles sont également nulles en raison des multiples erreurs les affectant de nature à vicier le consentement de leurs signataires ; que les engagements de garantie du 31 mars 2015 entre la société Spell d’une part et M. [E] ou la société Café du Rond-Point [Adresse 10] d’autre part, sont également nuls faute d’objet, ainsi qu’en vertu de l’ancien article 1109 du code civil.
Les organes de la procédure contestent l’admission de la créance au passif de la procédure. Ils font valoir en outre que M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ont déclaré leur créance au titre des conventions de cession de créances de comptes courants en date du 15 juin 2015 et du jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 15 décembre 2015 à l’exclusion de tout autre fondement. Ils considèrent par ailleurs que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 15 décembre 2015 ne fait pas obstacle à la contestation de la qualité alléguée de caution de la société Spell au bénéfice de la société Café du Rond-Point [Adresse 10] et au bénéfice de M. [E].
– Sur la constatation du principe des créances
Aux termes de l’article 1134 (ancien) du code civil applicable à la date de conclusion du contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ; elles doivent être exécutées de bonne foi.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la société Shisha Corp n’a pas exécuté son engagement de payer aux associés de la société DCS dont les parts lui ont été cédées, le prix de leurs créances en compte courant tel que fixé dans l’acte de cession du 15 juin 2015 : 415 872,37 euros au titre de la cession de sa créance en compte courant par M. [E] et 408 283,97 euros au titre de la cession de sa créance en compte courant par la société Café du Rond-Point [Adresse 10].
L’engagement de caution de la société Spell, portant sur la garantie du paiement des sommes dues aux cédants par la société Shisha Corp en qualité de caution solidaire, résulte de deux engagements de garantie du 31 mars 2015, régulièrement formalisés, et de deux avenants du 25 mai 2015 à la promesse unilatérale de vente, ces avenants intervenant entre le promettant la société Shisha Corp et les bénéficiaires de la promesse, respectivement
M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10], en présence de la société Spell qui s’est engagée » à rembourser à (chacun des cédants) les sommes dues, sur mes revenus et biens, si la Shisha Corp n’y satisfait pas « , et ce solidairement avec cette dernière.
Les promesses d’achat ne sont pas caduques dans la mesure où elles ont nécessairement été levées dans le délai imparti, soit le 31 mai 2015 selon l’avenant du 25 mai 2015, puisque la réitération de la cession des comptes courants est intervenue le 15 juin 2015 et que la promesse stipulait en son point 3.2 que » les parties s’engagent, chacune en ce qui la concerne, à permettre que la réitération de la cession de compte courant intervienne dans les quinze (15) jours de la levée de la présente promesse, par la remise par le promettant d’un acte de cession portant sur le compte courant, et contre paiement par le bénéficiaire au promettant du prix correspondant « .
S’agissant des erreurs alléguées affectant les promesses de cession de compte courant d’associés, celles-ci ont été corrigées par avenant du 25 mai 2015, intervenu en présence de la société Spell qui a réitéré son engagement de caution solidaire à cette occasion.
L’engagement de garantie de la société Spell n’est en outre pas dépourvu d’objet. En effet, la société Spell s’est à cette occasion constituée caution solidaire de la société Shisha Corp envers les deux associés cédants de la société DCS (cédée à la société Shisha Corp). L’engagement du 31 mars 2015 garantit les engagements pris par la société Shisha Corp à l’occasion de sa promesse d’acheter les comptes courants de M. [E] et de la société Café du Rond-Point [Adresse 10] à savoir le » règlement par la société Shisha Corp des sommes qui lui [c’est-à-dire selon le cas à M. [E] ou à la société Café du Rond-Point [Adresse 10]] sont dues au titre du remboursement et du prix de cession de son compte courant d’associé « .
Par la suite, le 15 juin 2015, M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] ont régularisé au profit de la société Shisha Corp, outre une cession de leurs titres, une cession des créances en compte courant d’associés détenues sur la société DCS, moyennant les prix, payables en plusieurs années, de 415 872,37 euros (cession de sa créance en compte courant par M. [E]) et de 408 283,97 euros (cession de sa créance en compte courant par la société Café du Rond-Point [Adresse 10]). A cette occasion, la société Spell s’est portée caution solidaire » de la société DCS » à l’égard de chacun des cédants, s’engageant à leur rembourser » toutes les sommes en principal, intérêts, frais et accessoires, que la société DCS resterait leur devoir en application de la (dite) convention, pour quelque cause que ce soit, en cas de défaillance de cette dernière « .
Si l’on s’en tient à la lettre de ce dernier engagement, celui-ci est dépourvu de cause par suite de la cession des parts sociales de la société DCS à la société Shisha Corp puisque la société DCS n’est plus débitrice à l’égard des cédants, ses anciens associés, seule la société cessionnaire, Shisha Corp, étant débitrice à leur égard.
Toutefois dans ces conditions, la qualité de caution que la société Spell ne remettait pas en cause par le passé et notamment à l’occasion de l’instance ayant donné lieu au jugement du 15 décembre 2015, doit s’analyser au regard des actes précédents dont il résulte clairement et sans ambigüité que la société Spell s’est portée caution au bénéfice des appelants des engagements contractés par la société Shisha Corp, et ce le 31 mars 2015, engagement de garantie réitéré le 25 mai 2015 à l’occasion de l’avenant à la promesse de vente, dont il résulte que la société Spell s’est engagée à garantir le paiement des créances de comptes courants d’associés cédées à la société Shisha Corp.
La mention de la société DCS dans l’acte du 15 juin 2015 doit donc s’analyser comme une erreur consistant à avoir mentionné DCS en lieu et place de Shisha Corp et non comme la révocation du consentement de la caution puisque si tel avait été le cas, les parties l’auraient indiqué expressément. Compte tenu de la mention de la société Shisha Corp figurant dans les engagements de garantie pris par la société Spell à l’occasion des promesses d’achat, cette mention erronée de la société DCS à l’occasion des actes de cession s’explique par le fait qu’avant la cession des parts sociales de la société DCS à la société Shisha Corp, c’était la société DCS qui était débitrice des sommes figurant en comptes courants d’associés à l’égard de ses associés M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10]. Elle a cependant cessé de l’être en raison de la cession de parts sociales intervenue au profit de la société Shisha Corp, laquelle est également devenue, par le truchement de la cession concomitante de créances en compte courant, débitrice à l’égard de M. [E] et de la société Café du Rond-Point [Adresse 10] du paiement de ces créances.
L’engagement de garantie de la société Spell ayant pour objet le remboursement des comptes courants à leurs titulaires M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10], la mention erronée n’a pas la portée qu’entend lui donner la société Spell, dès lors que c’est toujours le remboursement des comptes courants d’associés qui est garanti par la société Spell, la charge de ce paiement ayant été transférée par l’effet de la cession de créances de comptes courants à la société Shisha Corp.
Cette erreur n’est pas de nature à avoir vicié le consentement de la société Spell au sens de l’article 1109 du code civil, au vu de l’opération envisagée et des actes préparatoires ayant précédé les cessions litigieuses à l’occasion desquels la caution s’est engagée à ce titre puis a réitéré son engagement de garantir le paiement par la société Shisha Corp du prix de cession des créances en compte courant d’associés cédés par M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10], à savoir la promesse d’achat de créances de comptes courants et l’avenant portant rectification des délais de levée de la promesse et du prix de cession indiqués.
Cet engagement n’est pas davantage dépourvu d’objet en ce qu’il ne stipule pas, comme le soutient à tort la société Spell, un engagement de sa part de » payer toutes les sommes que la société Shisha Corp resterait devoir en application de la convention de cautionnement de la société Shisha Corp elle-même « , cette dernière n’ayant contracté aucune obligation en application de l’acte de cautionnement. Cet engagement de caution intervenant au sein de l’acte de cession de créance (au paragraphe 7.2, page 4 et en page 6 sur 6) et stipulant un engagement de payer » toutes les sommes en principal, intérêts, frais et accessoires, que la société DCS [comprendre Shisha Corp] resterait lui devoir en application de la présente convention « , se réfère à la convention de cession de créances et non à la convention de cautionnement, de sorte qu’il s’agit bien de garantir le paiement du prix de cession des créances de comptes courants d’associés. Le moyen est donc rejeté.
Il s’ensuit que la société Spell s’est valablement portée caution du paiement par la société Shisha Corp du prix de cession des créances en comptes courants détenues par M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] dans la société DCS.
En conséquence, les créances sont fondées en leur principe.
– Sur la fixation du montant des créances de M. [E] et de la société Café du Rond-Point [Adresse 10]
Sur le principal, il ressort des actes de cession du 15 juin 2015 que :
– la créance de M. [E] s’élève en principal à la somme de 415 872,37 euros et le créancier peut prétendre à une indemnité forfaitaire maximale de 10 % de ce montant en cas d’activation de la caution, soit 41 587,24 euros, ainsi qu’aux intérêts sur les sommes dues ;
– la créance de la société Café du Rond-Point [Adresse 10] s’élève en principal à la somme de 408 283,97 euros et ce créancier peut également prétendre à une indemnité forfaitaire maximale de 10 % de ce montant en cas d’activation de la caution, soit
40 828,40 euros, ainsi qu’aux intérêts sur les sommes dues.
Ces sommes, en principal et indemnité forfaitaire, étant inférieures à celles demandées par les appelants et conformes à celles déclarées dans le cadre de la procédure collective de la société Spell, il y a lieu de fixer dans ces proportions le montant des créances des appelants et il n’y a pas lieu de tenir compte du découpage opéré par les appelants quant aux différents postes de leurs créances.
Sur les intérêts également déclarés au passif, il ressort des actes de cautionnements que les sommes en principal doivent être majorées des intérêts au taux légal.
M. [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10], qui rappellent que le paiement du prix de cession est différé en quatre échéances et jusqu’à deux ans et demi, la dernière échéance étant exigible au 31 décembre 2017, soutiennent que les intérêts sont dus sans qu’il soit fait application de la règle de l’arrêt du cours des intérêts.
La société Spell et les organes de la procédure font valoir que les intérêts ne peuvent courir au-delà de la date du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Spell, soit au-delà du 12 janvier 2016. Au-delà, ils ne sauraient être inscrits au passif de la procédure.
L’article L. 622-28, alinéa 1er, du code de commerce dispose que le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus (‘).
Le cours des intérêts est arrêté à l’égard de la caution qui fait l’objet d’une procédure collective quelle que soit la durée du prêt garanti.
En l’espèce, la dérogation à l’arrêt du cours des intérêts résultant de la conclusion d’un contrat assorti d’un paiement différé d’un an ou plus est susceptible de s’appliquer au débiteur principal, la société Shisha Corp ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, ainsi qu’à la caution, jusqu’à ce qu’elle fasse l’objet d’une procédure collective. Ainsi, les intérêts ont continué de courir à l’égard de la société Spell en sa qualité de caution de la société Shisha Corp jusqu’au jour de l’ouverture du redressement judiciaire dont elle fait l’objet, par jugement du 12 janvier 2016, date à compter de laquelle elle bénéficie de l’arrêt du cours des intérêts.
Il en résulte que les appelants ne peuvent prétendre aux intérêts au taux légal contractuellement convenus que pour la période antérieure à cette dernière date, à savoir:
– pour M. [E], sur la somme de 86 161,65 euros et sur celle de 8 616,16 euros, première échéance du paiement échelonné exigible à compter du 15 juin 2015, ces intérêts courant à compter du 9 juillet 2015, date de la mise en demeure adressée au débiteur principal jusqu’au 12 janvier 2016, date du jugement d’ouverture de la procédure collective emportant arrêt du cours des intérêts.
– pour la société Café du Rond-Point [Adresse 10], sur la somme de 83 745,44 euros et sur celle de 8 374,54 euros, première échéance du paiement échelonné exigible à compter du 15 juin 2015, ces intérêts courant à compter du 9 juillet 2015, date de la mise en demeure adressée au débiteur principal jusqu’au 12 janvier 2016, date du jugement d’ouverture de la procédure emportant arrêt du cours des intérêts.
Les intérêts ne sont pas dus pour le surplus, pas plus que les sommes de 1 500 euros résultant des condamnations sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans le jugement du 15 décembre 2015 non opposables aux organes de la procédure.
– Sur les demandes accessoires
Partie perdante, la société Spell sera condamnée aux dépens de première instance, le jugement étant infirmé sur ce point, et aux dépens d’appel, ne pouvant de ce fait prétendre à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît en outre équitable de condamner la société Spell à payer à M. [E] et à la société Café du Rond-Point [Adresse 10] pris ensemble la somme de 5 000 euros au titre de leurs frais exposés et non compris dans les dépens.
L’équité n’impose pas de faire droit aux demandes de la SELAFA MJA et de la SCP [S] de ce chef.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de sa saisine,
Infirme les dispositions du jugement entrepris déférées à la cour ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables M. [M] [E] et la société Café du Rond-Point [Adresse 10] en leurs demandes de fixation résultant du non-paiement de la totalité des échéances du prix cession de leurs créances en comptes courants d’associés, frais et intérêts ;
Fixe le montant de la créance de M. [M] [E] comme suit :
– la somme de 415 872,37 euros en principal,
– la somme de 41 587,24 euros au titre de l’indemnité forfaitaire,
– les intérêts au taux légal sur la somme de 86 161,65 euros et sur celle de 8 616,16 euros, à compter du 9 juillet 2015 et jusqu’au 12 janvier 2016 ;
Fixe le montant de la créance de la société Café du Rond-Point [Adresse 10] comme suit :
– la somme de 408 283,97 euros en principal,
– la somme de 40 828,40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire,
– les intérêts au taux légal sur la somme de 83 745,44 euros et sur celle de 8 374,54 euros, à compter du 9 juillet 2015 et jusqu’au 12 janvier 2016 ;
Condamne la société Spell aux dépens de première instance et d’appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Condamne la société Spell à payer à M. [M] [E] et à la société Café du Rond-Point [Adresse 10] pris ensemble la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour le surplus.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT