Comptes courants d’associés : 2 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01140

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Comptes courants d’associés : 2 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01140

2 mars 2023
Cour d’appel de Douai
RG
22/01140

CHAMBRE 2 SECTION 2

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 02/03/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/01140 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UEWN

Jugement (N° 19/02453) rendu le 12 janvier 2022 par le tribunal de commerce d’Arras

APPELANT

Monsieur [F] [I]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5] (62)

de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Vincent Debliquis, avocat au barreau d’Arras, avocat plaidant

INTIMÉES

SARL Office Central de Gestion, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 3]

SARL Wat Invest, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentées par Me Catherine Camus-Demailly, avocat constitué, substituée par Me Lucas Dallongeville, avocats au barreau de Douai

assistées de Me Fabien Chapon, avocat au barreau de Douai, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 10 janvier 2023 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 décembre 2022

Exposé du litige

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Office central de gestion (ci-après dénommée la société OCG) exerce une activité d’assureur. Jusqu’au 6 juillet 2016, elle avait pour unique actionnaire la SARL DB Invest, dont le gérant est Monsieur [F] [I].

A cette date, la SARL DB Invest a cédé 250 des 500 parts qu’elle détenait dans la société OCG à la SARL Wat Invest, gérée par Monsieur [W] [A]. Cette cession a été assortie d’une convention de garantie solidairement donnée par la société DB Invest, Monsieur [F] [I] et Madame [R] [I].

La société DB Invest ayant informé la société Wat Invest qu’elle était redevable vis-à-vis de la société OCG d’un montant de 493 940,50 euros « au titre d’une avance de trésorerie intragroupe », Monsieur [I] et la société DB Invest d’une part, la société Wat Invest d’autre part, ont également signé, le même jour, une convention de remboursement de la créance de la société DB Invest vis à vis de la société OCB, prévoyant une clause de garantie solidaire de la part de Monsieur [I] en cas de mise en liquidation judiciaire ou amiable de la société DB Invest.

Par acte sous seing privé du 21 octobre 2016, la société DB Invest a cédé à la société Wat Invest 51 nouvelles parts de la société OCB.

Monsieur [I] a été révoqué de ses fonctions de co-gérant par décision de l’assemblée générale ordinaire du 1er octobre 2018.

Le 20 janvier 2017, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a déclaré la société DB Invest en état de faillite. La société OCG a déclaré sa créance de 493 940,50 euros auprès de Maître [D], administrateur judiciaire, le 5 décembre 2017, et du greffe le 13 avril 2018.

En l’absence de règlement, la société Wat Invest a mis en demeure, le 11 juin 2018, Monsieur [I] de procéder au remboursement du compte courant de la société DB Invest à hauteur de 647 507,67 euros, en vain.

Afin de respecter la clause de conciliation prévue à l’article 4.5 de la convention, la société Wat invest a demandé par voie de requête au président du tribunal de commerce d’Arras la désignation d’un conciliateur. Maître [H] a été désigné. Un procès-verbal de carence a été dressé le 4 septembre 2020.

La société OGC a en conséquence assigné Monsieur [I] en paiement. La société Wat Invest est intervenue à la procédure en sa qualité d’associée.

Par jugement rendu le 12 janvier 2022, le tribunal de commerce d’Arras a statué en ces termes :

« ‘ Condamne Monsieur [F] [I] à payer à la SARL OFFICE CENTRAL DE GESTION les sommes de :

o 493.940,50€ en vertu de l’article 1103 du Code civil avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 juin 2018 sur le fondement de l’article 1231-6 du Code civil.

o 124.756,62€ (68.756,62€ + 56.000€) à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi par la SARL OFFICE CENTRAL DE GESTION qui a dû supporter les fautes de gestion de Monsieur [F] [I] non-conformes à l’intérêt social et qui ont pesé sur sa trésorerie, en vertu des articles 1843-5 du Code civil et L 223-22 du Code du commerce, avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation.

‘ 5.000€ à titre de dommages et intérêts en vertu de l’article 32-1 du Code de procédure civile.

o Les dépens, en vertu de l’article 696 du Code de procédure civile, en ce compris les frais des mesures conservatoires.

o 3.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Déboute Monsieur [F] [I] de l’ensemble de ses demandes.

Taxe les frais de greffe à la somme de 63,36 €uros. ».

Par déclaration du 7 mars 2022, Monsieur [I] a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision.

Moyens

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 7 juin 2022, Monsieur [I] demande à la cour de :

« Réformer en toutes ses dispositions le Jugement entrepris.

Déclarer la SARL WAT INVEST et la SARL OFFICE CENTRAL DE GESTION irrecevables en leurs demandes.

Subsidiairement les déclarer mal fondées et les débouter de toutes leurs demandes , fins et conclusions.

Dire et juger que les intimées sont défaillantes dans l’administration de la charge de la preuve des demandes qu’elles croient pouvoir présenter.

Reconventionnellement condamner solidairement les SARL OFFICE CENTRAL DE GESTION et la SARL WAT INVEST au paiement d’une somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive

Outre 5000 € sur le fondement des dispositions l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel . ».

L’appelant demande à la cour d’écarter comme « manifestement irrecevable et dénuée de tout fondement » la différence entre le compte courant débiteur et le montant nominal de l’assignation, soit une somme de 647 507,67 euros qui ne repose que sur les seules affirmations de l’intimée.

Il ajoute que le solde du prix de cession, d’un montant de 152 000 euros, n’a jamais été payé, et qu’une cession de parts sociales est en outre intervenue en novembre 2016, aux termes de laquelle la société OCG a cédé à la société Wat Invest des parts sociales complémentaires valorisées à 165 000 euros, cette somme devant donc également être déduite du compte courant. Il en va de même de la somme de 58 666 euros, dont « le compte courant débiteur a été irrégulièrement augmenté ». En outre, son ex-épouse, salariée de l’entreprise, a détourné la somme de 25 899 euros, qui doit également être déduite du compte courant. Enfin, la société OCG n’a produit aucun bilan sincère et véritable pour les exercices 2016, 2017 et 2018 et son gérant a minoré les résultats de telle manière qu’il n’a perçu aucun dividende sur les trois exercices écoulés. La société OCG s’est donc constituée de la trésorerie qui n’a pas été redistribuée et dont naturellement elle ne justifie pas. Ces manquements, et l’établissement de bilans ni sincères ni véritables, ne permettent nullement d’établir que la société OCG soit créancière à quelque titre que ce soit à son encontre.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 6 septembre 2022, les sociétés OCG et Wat invest demandent à la cour de :

« Vu les pièces versées aux débats,

Vu les articles 1103 et suivant du code civil

(…)

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le Tribunal de Commerce d’Arras en date du 12 janvier 2022

En conséquence :

– Débouter Monsieur [F] [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y ajouter :

– Condamner Monsieur [F] [I] au paiement de tous les dépens d’appel, en vertu de l’article 696 du Code de procédure civile

– Condamner Monsieur [F] [I] à payer à la SARL OFFICE CENTRAL DE GESTION la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d’appel ».

Les sociétés OCG et Wat invest observent que Monsieur [I] ne remet en cause ni l’existence ni le contenu de la convention de remboursement de compte courant intervenue le 6 juillet 2016 pour un montant de 493 940,50 euros. C’est donc à bon droit que la société OCG demande sa condamnation au paiement de cette somme en vertu de l’article 1103 du code civil, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 juin 2018 sur le fondement de l’article 1231-6 du code civil.

Les intimées ajoutent que le compte courant de l’associé DB Invest, après la signature de la convention et la cession de parts de juillet 2016, s’est étoffé de dettes et charges payées pour le compte de Monsieur [I], non liées à l’exercice de la profession d’assureur, que celui-ci est tenu de garantir. Par ailleurs, Monsieur [I] a encaissé des chèques de clients sur son compte personnel, alors qu’ils avaient été émis dans le cadre d’opérations d’assurance. Du fait de ces agissements, cette dernière a accumulé des pertes. Elle est fondée à demander la condamnation de Monsieur [I] à lui payer 124 756,632 euros, correspondant au montant du solde débiteur du compte courant de la société DB Invest et à celui des chèques encaissés personnellement, à titre de dommages et intérêts, sur le fondement des articles 1843-5 du code civil et de l’article 223-22 du code de commerce.

Les allégations de Monsieur [I] quant aux sommes dont la société OCG lui serait redevable sont simplement listées, sans aucun fondement, explication ou élément probant. Il est rapporté la preuve par les intimées qu’elles ne peuvent être retenues, ni entraîner une quelconque compensation.

Monsieur [I] ose réclamer 50 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive alors qu’elle résulte de ses propres agissements. Cette demande n’est pas fondée et est totalement choquante pour la société Wat Invest qui a dû supporter les errances et fautes de gestion de Monsieur [I] depuis la cession de parts.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 décembre 2022.

Motivation

SUR CE

I ‘ Sur les prétentions des sociétés OCG et Wat Invest

1) Sur la recevabilité

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l’espèce, Monsieur [I] n’oppose à la demande des sociétés OCG et Wat Invest aucun moyen d’irrecevabilité. Son seul argument, selon lequel il existe une différence entre le montant du compte courant débiteur et le montant nominal de l’assignation, n’implique aucun défaut de droit d’agir, et induit nécessairement un examen au fond du litige.

Il convient donc de le débouter de sa prétention tendant à faire déclarer les sociétés OCG et Wat Invest irrecevables en leurs demandes.

2) Sur le bien-fondé

Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

L’article L 110-3 du code de commerce précise qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.

Il résulte de ces textes que tous les modes de preuves sont admissibles en matière commerciale, la preuve par présomption comme la preuve par témoins, sous réserve toutefois du principe selon lequel nul ne peut se créer de preuve à soi-même.

a ‘ sur le remboursement du compte courant de la société DB Invest avant cession

Aux termes de l’article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l’article 1315 ancien du code civil, devenu l’article 1353 nouveau, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le payement qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, aux termes de la convention de remboursement signée le 6 juillet 2016, la société DB Invest devait procéder à des « remboursements ponctuels » sur son compte courant de manière à solder sa dette avant le 1er janvier 2019, Monsieur [I] s’engageant en tant que « garant solidaire de la société DB Invest pour permettre le remboursement de la créance exigible en totalité immédiatement » en cas de mise en liquidation judiciaire ou amiable.

Les parties ont également convenu :

-afin d’éviter toute situation de discordance sur le montant des créances postérieures à la cession, que l’intégralité de la créance de la société DB Invest en date du 6 juillet 2016 soit affectée dans un compte courant d’associé spécial pour permettre le suivi des remboursements ponctuels ;

-que les avances effectuées postérieurement à la cession soient inscrites dans un compte courant au nom de chacun des associés et que lors de l’affectation annuelle des résultats en assemblée générale ordinaire, les distributions de dividendes réalisés soient imputées en priorité sur ces avances ;

-qu’en l’absence d’apurement intégral de la créance au 1er janvier 2019, le solde du prix de vente de 152 000 euros ne soit pas versé à la société DB Invest à due concurrence de la créance restant due.

Si les sociétés OCG et Wat Invest affirment que suite à la liquidation judiciaire de la société DB Invest, il a été conclu avec son curateur la cession des 39% de parts sociales restant détenues au capital de la société OCG et que « le solde du prix de vente de 152 000 euros résultant de la convention de remboursement du compte courant dont le terme avait été fixé au 1er janvier 2019 a donc été soldé dans le cadre de l’accord global de cession avec le curateur », c’est sans en rapporter la moindre preuve.

C’est donc avec raison que Monsieur [I] fait observer que la dette de la société DB Invest qu’il est tenu de garantir doit être réduite de 152 000 euros correspondant au solde du prix des parts de la société OCG prévu par l’acte de cession du 6 juillet 2016.

En revanche, l’acte de cession du 21 octobre 2016 mentionne un paiement comptant du prix des 51 parts achetées par la société Wat Invest à la société DB Invest, « par la remise d’un ordre de virement sur la banque BNP, à hauteur de cent soixante-sept mille six cent quatre-vingt-huit euros (167.688 euros), qui le reconnaît et en consent bonne et valable quittance ». Monsieur [I], qui ne rapporte aucune preuve contraire, ne saurait donc demander que sa dette soit également réduite de ce chef.

De même, il ne démontre pas que « le compte courant débiteur a été irrégulièrement augmenté ainsi qu’il est justifié en annexe pour un montant total de 58 666 € ainsi qu’en atteste le gérant de la Société WAT INVEST le 16 novembre 2016 », aucune attestation ou annexe, pas plus que la moindre pièce datée du 16 novembre 2016, n’étant produite aux débats. La seule explication cohérente relative à cette demande figure dans les écritures des sociétés intimées, lesquelles indiquent que lors de la cession des parts, à la demande de Monsieur [I], les dividendes ont été mis en réserve, et que leur répartition a ultérieurement été votée en assemblées générales, en présence du curateur de la société DB Invest. Aucune pièce n’étant versée sur ce point par l’une ou l’autre des parties, il s’impose de constater que Monsieur [I] est défaillant dans la preuve qui lui incombe que le compte courant de la société DB Invest a été « irrégulièrement augmenté » de 58 666 euros, somme qui devrait être déduite de sa dette.

Ce dernier est tout aussi défaillant dans la démonstration de ses autres allégations, se contentant d’affirmations péremptoires totalement inopérantes.

Au regard de ces éléments, il convient de condamner Monsieur [I] à payer à la société OCG la somme de 341 940,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2018, date de la mise en demeure. La décision entreprise sera réformée de ce chef.

b ‘ sur les dommages et intérêts pour faute de gestion

A titre liminaire, il doit être observé que c’est manifestement à tort que les sociétés OCG et Wat Invest invoquent notamment, au soutien de leur demande de dommages et intérêts, les dispositions de l’article 1843-5 du code civil, aux termes desquelles, outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants pour poursuivre la réparation du préjudice subi par la société, à laquelle les dommages-intérêts sont alloués en cas de condamnation.

En effet, le législateur habilite un associé à poursuivre ut singuli la réparation du préjudice subi par la société du fait de ses dirigeants uniquement lorsque celle-ci ne peut intenter contre eux l’action sociale en responsabilité qui appartient aux dirigeants fautifs. Par ailleurs, l’action individuelle ne peut être exercée que par un associé ayant subi un préjudice personnel distinct de celui causé à la société.

Or, en l’espèce, l’action est engagée par la société OCG elle-même et la société Wat Invest n’allègue aucun préjudice personnel distinct.

C’est donc nécessairement sur le fondement de l’article L223-22 du code de commerce, aux termes duquel les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion, que la société OCG fonde ses prétentions indemnitaires.

Il lui appartient en conséquence de démontrer la commission par Monsieur [I] d’une ou plusieurs fautes pendant sa gérance, étant rappelé que ce dernier a été révoqué par décision de l’assemblée générale ordinaire du 1er octobre 2018.

En l’espèce, les pièces versées établissent que le compte courant post cession de la société DB Invest était débiteur de 68 756,62 euros au 31 décembre 2018.

Monsieur [I] ne conteste pas que les débits qui y figurent sont sans lien avec l’exercice de la profession de courtier en assurances, et qu’ils lui ont personnellement profité, ce que démontrent d’ailleurs leurs intitulés (« carburant perso », « Leroy Merlin », « Brico Depot, « vir compte perso », « contrôle fiscal », « amendes », « Urssaf », « Virt Stras 26 », etc…), corroborés par les motifs de révocation indiqués dans le rapport de la gérance à l’assemblée générale ordinaire du 1er octobre 2018, mentionnant notamment l’utilisation de fonds de la société OCG pour payer les charges de la SCI Stras 26 appartenant à Monsieur [I], et la dissimulation d’infractions routières entraînant des majorations.

Sur l’ensemble des dépenses personnelles de Monsieur [I] ainsi supportées par la société OCG, via le compte courant débiteur de la société DB Invest, seules ont été débitées postérieurement à sa révocation celle relative à « [G] [N] CC DB » pour 2 105,74 euros et celle relative à «amende DB ‘ parking [Adresse 6] » pour 64 euros ». Aucun élément n’étant versé aux débats afin d’établir la date du fait générateur de ces débits, ils ne sauraient être pris en considération.

En réponse, à supposer que ces arguments portent bien sur le compte courant postérieur à la cession, faute de toute précision de ce chef dans ses écritures, Monsieur [I] se contente d’évoquer :

-le fait que Madame [R] [I] était redevable, au 16 janvier 2017, de la somme de 26 698,78 euros envers la société OCG, au titre de comptes salaire et avance, règlement d’assurances personnelles et détournement de chèques, sans aucunement expliquer en quoi cette somme devrait être déduite de la dette de compte courant de la société DB Invest ;

-le fait qu’il aurait été indument privé de la distribution de dividendes suite à l’établissement d’une comptabilité mensongère de la société OCG, sans offrir, à l’appui de cet argumentaire, le moindre commencement de preuve objective.

Ces arguments sont donc inopérants.

La société OCG sollicite encore la somme de 56 000 euros au titre de pertes dues aux agissement de Monsieur [I] et à l’encaissement à son seule profit de cotisations de ses clients.

Elle ne produit cependant à l’appui de cette prétention que :

-un relevé de cotisations 2017 pour un montant de 10 000 euros, et un relevé de cotisations 2017 pour un montant initial de 11 056,85 euros, réduit à 5056,85 euros après déduction de 6 000 euros de frais de gestion, adressés à la société Ambulances TSP ;

-la copie d’un chèque de 5 056,85 euros du 7 août 2018 émis par la société Ambulances TSP au profit de la société OCG ;

-une mise en demeure adressée le 21 août 2019 à Monsieur [S] [V], du groupe Dewitte, au nom de la société Ambulances Clovis, le mettant en demeure de régler le solde des primes dues, exposant que le chèque de 20 000 euros remis à Monsieur [I] à titre personnel n’avait pu venir en déduction de ses cotisations d’assurance ;

-une situation comptable définitive 2018 au 16 octobre 2018 faisant apparaître, au bénéfice de la société Ambulances Clovis, un solde excédentaire de 159,51 euros ;

-une mise en demeure adressée le 21 août 2019 à Monsieur [S] [V], du groupe Dewitte, au nom de la société Capitale Champagne, le mettant en demeure de régler le solde des primes dues, exposant que la somme de 20 000 euros prêtée à Monsieur [I] à titre personnel n’avait pu venir en déduction de ses cotisations d’assurance ;

-la copie d’un chèque daté du 2 janvier 2018 émis par la société Capitale Champagne et revêtu de l’ordre « DB invest » ;

-la réponse de Monsieur [S] [V], du groupe Dewitte, estimant avoir satisfait à son obligation de paiement de ses primes et refusant tout paiement supplémentaire.

Ces éléments très parcellaires ne permettent d’établir la réalité du préjudice allégué qu’à hauteur des 20 000 euros versés par la société Capitale Champagne à titre d’acompte sur primes, en réalité encaissés par Monsieur [I] sur le compte de la société DB Invest, comportement incontestablement constitutif d’une faute de gestion.

Il en résulte que les dommages et intérêts dus par Monsieur [I] à la société OCG en réparation du préjudice subi du fait des fautes de gestion commises à son préjudice doivent être fixés à :

-66 586,88 euros (68 756,62 euros – (2 105,74 euros + 64 euros)) au titre de ses dépenses personnelles passées sur le compte courant débiteur de la société DB Invest ;

-20 000 euros au titre du chèque détourné ;

soit un total de 86 586,88 euros.

La décision entreprise sera réformée de ce chef.

II ‘ Sur les dommages et intérêts

Aux termes des articles 1240 et 1241du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

1) Sur la prétention formée par Monsieur [I]

Les sociétés OCG et Wat Invest ont légitimement exercé une action en justice pour faire valoir leurs droits, qui ont été partiellement accueillis.

Monsieur [I] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

2) Sur la prétention formée par la société OCG

C’est manifestement à tort que la société OCG, suivie en cela par les premiers juges, a sollicité la condamnation de Monsieur [I] à lui payer des dommages et intérêts en invoquant les dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, selon lesquelles celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Il convient de restituer à la demande son véritable fondement juridique, conformément à l’article 12 du code de procédure civile, et de constater que cette demande ne pouvait être formulée que sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code de procédure civile.

Pour le surplus, il s’impose de constater que Monsieur [I] n’a développé aucun moyen à l’appui de sa demande de réformation du chef de la décision querellée l’ayant condamné à verser à la société OCG la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Cette dernière a nécessairement subi, du fait de ses manquements à ses engagements contractuels et de ses agissements fautifs, un préjudice lié aux démarches nécessitées par la présente procédure, afin de faire reconnaître ses droits.

Ce chef de la décision entreprise ne peut qu’être confirmé.

IV – Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner Monsieur [I] aux dépens d’appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a condamné aux dépens de première instance;

2) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné Monsieur [I] à payer à la société OCG la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [I], tenu aux dépens d’appel, sera en outre condamné à verser à la société OCG la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, et débouté de sa propre demande de ce chef.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 12 janvier 2022 par le tribunal de commerce d’Arras en ce qu’il a :

-condamné Monsieur [F] [I] à payer à la SARL Office central de gestion les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamné Monsieur [F] [I] aux dépens, en ce compris les frais des mesures conservatoires ;

-débouté Monsieur [F] [I] de l’ensemble de ses demandes ;

-taxé les frais de greffe à la somme de 63,36 euros ;

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Déboute Monsieur [F] [I] de sa prétention tendant à faire déclarer les sociétés OCG et Wat Invest irrecevables en leurs demandes ;

Condamne Monsieur [F] [I] à payer à la SARL Office central de gestion la somme de 341 940,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2018 en application de la convention de remboursement de la créance de la société DB Invest en date du 6 juillet 2016 ;

Condamne Monsieur [F] [I] à payer à la SARL Office central de gestion la somme de 86 586,88 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de ses fautes de gestion ;

Condamne Monsieur [F] [I] à payer à la SARL Office central de gestion la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Déboute Monsieur [F] [I] de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne Monsieur [F] [I] aux dépens d’appel.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

Samuel Vitse

 

 


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