17 janvier 2023
Cour d’appel de Reims
RG n°
22/01360
1ere Chambre sect.Civile
ARRET N°
du 17 janvier 2023
N° RG 22/01360 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FGPB
[I]
c/
S.E.L.A.R.L. [K] [E]
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE REIMS
Formule exécutoire le :
à :
Me Pascal GUILLAUME
la SELARL FOSSIER NOURDIN
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 17 JANVIER 2023
APPELANT :
d’un jugement rendu le 01 juillet 2022 par le Tribunal de Commerce de REIMS
Monsieur [G] [I]
49 rue de la Plenière
57420 VERNY/FRANCE
Représenté par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. BRUNO RAULET,
Société de mandataires judiciaires, domiciliée 34 rue des Moulins 51715 REIMS CEDEX, prise en la personne de Maitre [K] [E], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL STP CHAMPAGNE – SCIAGE TOUTES PRESTATIONS, fonctions auxquelles il a été désigné par jugement du Tribunal de commerce de Reims du 20 décembre 2017.
34 rue des Moulins
51715 REIMS CEDEX
Représentée par Me Chéryl FOSSIER-VOGT de la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocat au barreau de REIMS
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE REIMS
201 rue des Capucins
51100 REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Madame [Y] [P]
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée
DEBATS :
A l’audience publique du 14 novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2023, prorogée au 17 janvier 2023 compte tenu du manque d’effectif de greffe
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
* * * * *
Par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal de commerce de Reims a prononcé le redressement judiciaire de la société STP Champagne-Sciage toutes prestations, 20 avenue de Chenevières à Saint-Brice-Courcelles (Marne) et a désigné la SCP Tirmant Raulet (Maître [E]) en qualité de mandataire judiciaire.
Le tribunal a fixé la date de cessation des paiements au 13 juin 2015.
Cette société est la filiale champenoise d’un groupe de sociétés comprenant une société holding, Forbeton Est, et trois autres filiales (STP Lorraine, STP Alsace et STP Bourgogne).
M. [I] est le gérant de la société Forbeton Est, de STP Champagne et de STP Lorraine. Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire le 20 décembre 2017 et Maître [E] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Ce dernier a fait assigner M. [G] [I], gérant de la société, sur le fondement de l’article L 651-2 du code de commerce, aux fins de le voir condamner à lui payer ès-qualités la somme de 191 751 euros en comblement de l’insuffisance d’actif, outre 4000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement rendu le 1er juillet 2022, le tribunal de commerce de Reims a :
– déclaré recevable l’assignation,
– débouté M. [I] de sa fin de non-recevoir pour défaut d’intérêt à agir,
– constaté un passif de 241 663 euros et un actif de 49 912 euros,
– constaté un montant de 191 751 euros en insuffisance d’actif,
– condamné M. [I] à payer à Maître [E] ès-qualités la somme de 120 000 euros en comblement du passif,
– condamné M. [I] à payer à Maître [E] ès-qualités la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Par déclaration reçue le 6 juillet 2022, M. [I] a formé appel de cette décision.
Moyens
Par conclusions notifiées le 31 octobre 2022, il demande à la cour de :
– déclarer son appel recevable et bien fondé,
Y faire droit, et en conséquence :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
* déclaré la présente assignation recevable,
* débouté Monsieur [G] [I] de sa fin de non-recevoir pour défaut d’intérêt à agir,
* débouté Monsieur [G] [I] de son exception de procédure tenant à l’annulation de l’assignation,
* constaté un passif de 241 663 € et un actif de 49 912 € relevant des opérations de liquidation judiciaire menée par la SELARL [K] [E] (Me Bruno Raulet),
* constaté le montant de 191 751 euros en insuffisance d’actif pour la liquidation judiciaire de la SARL STP Champagne ‘ Sciage toutes prestations,
* constaté que les fautes de gestion de Monsieur [G] [I] ont bien contribué à l’insuffisance d’actif,
* condamné Monsieur [G] [I] à payer à la SARL [K] [E] (Me Bruno
[E]) ès-qualités, la somme de 120 000 € en comblement de passif,
* condamné Monsieur [G] [I] à payer à la SARL [K] [E] (Me [K] [E]) ès-qualités, la somme de 5 000 € à titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau:
– déclarer l’assignation de la SELARL [K] [E] nulle à l’encontre de Monsieur
[I] [G] pour défaut de qualité à agir,
– déclarer l’assignation de la SELARL [K] [E] irrecevable à l’encontre de Monsieur [I] [G] pour défaut d’intérêt et de qualité à agir,
A titre subsidiaire sur le fond,
– débouter la SELARL [K] [E] de toutes ses demandes fins et prétentions,
– statuer ce que de droit sur les frais et dépens.
Par conclusions notifiées le 24 octobre 2022, la SELARL [K] [E] prise en la personne de Maître [E] ès-qualités demande à la cour de :
Vu les articles L 651-2 et suivants du code de commerce,
Vu l’article 514 du code de procédure civile,
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
– débouter Monsieur [G] [I] de son exception de procédure tendant à l’annulation de l’assignation,
– débouter Monsieur [G] [I] de sa fin de non-recevoir tendant à l’irrecevabilité de l’action pour défaut d’intérêt à agir,
– déclarer la présente action recevable,
– dire et juger que la liquidation judiciaire de la SARL STP Champagne révèle une insuffisance d’actif d’un montant de 192 656 €,
– dire et juger que Monsieur [G] [I] a commis des fautes de gestion en qualité de gérant de la SARL STP Champagne,
– dire et juger que les fautes de gestion de Monsieur [G] [I] ont contribué à
l’insuffisance d’actif,
En conséquence,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce du 1er juillet 2022 en ce qu’il a :
* déclaré l’action de la SELARL [K] [E] ès-qualités recevable,
* constaté l’existence d’une insuffisance d’actif,
* jugé que Monsieur [G] [I] avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif,
* condamné Monsieur [G] [I] à payer à la SELARL [K] [E] ès-qualités
la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles, outres les dépens de première
instance,
– réformer le jugement du tribunal de commerce du 1er juillet 2022 en ce qu’il a limité le quantum de la condamnation à la somme de 120 000 €,
Statuant à nouveau,
– condamner Monsieur [G] [I] à payer à la SELARL [K] [E] ès-qualités la somme de 192 656 € en comblement de l’insuffisance d’actif,
– condamner Monsieur [G] [I] à payer à la SELARL [K] [E] ès-qualités la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Monsieur [G] [I] aux entiers dépens de l’instance.
Motivation
MOTIFS DE LA DECISION :
La nullité de fond de l’assignation :
Aux termes de l’article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte le défaut de capacité d’ester en justice.
M. [I] soutient qu’en matière de sanction, le mandataire liquidateur agit en cette seule qualité et non ès-qualités de liquidateur du débiteur, de sorte que l’assignation qui lui a été délivrée par Maître [E] ès-qualités qui se présente comme le représentant de la société liquidée est affectée d’une nullité de fond.
L’intimée lui oppose que dans le cas d’une sanction, le liquidateur agit ès-qualités de liquidateur et non à titre personnel puisqu’il exerce une faculté qui lui est attribuée par sa fonction, de sorte que l’assignation n’est entachée d’aucune nullité.
Il ressort des termes du jugement que l’assignation en sanction a été délivrée par Maître [E] qui agit en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL STP Champagne-Sciage toutes prestations.
Il agit par conséquent en tant qu’organe de la procédure désigné à cette fin et non pour représenter la société liquidée afin d’exercer les droits de celle-ci contrairement à ce que soutient l’appelant qui ne produit d’ailleurs pas l’acte dont il demande la nullité.
Maître [E], qui ne saurait dans ce cas de figure agir à titre personnel, le fait nécessairement ès-qualités et ce en parfaite conformité avec l’article L 651-3 du code de commerce qui dispose que dans les cas prévus à l’article L 651-2, le tribunal est saisi par le liquidateur ou le ministère public.
Maître [E] étant le liquidateur de la société STP Champagne-Sciage toutes prestations a pleine capacité à agir en sanction.
La décison sera confirmée en ce qu’elle a écarté cette exception de procédure.
La fin de non-recevoir :
M. [I] soutient que Maître [E] ès-qualités est irrecevable à agir pour défaut de qualité et d’intérêt à agir.
Il développe le même moyen à l’appui de sa fin de non-recevoir que celui invoqué à l’appui de l’exception de procédure précédemment soulevée pour finalement en tirer la conclusion que l’assignation est affectée d’une nullité de fond.
En sa qualité de liquidateur de la société désigné par le tribunal, Maître [E] a à la fois qualité à agir mais également intérêt à agir pour voir sanctionner le comportement du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif de la société.
La décision sera également confirmée en ce qu’elle a écarté cette fin de non-recevoir.
La responsabilité pour insuffisance d’actif :
Aux termes de l’article L 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.
Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.
Il sera rappelé à titre liminaire que conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’examine les moyens au soutien des prétentions des parties que s’ils sont invoqués dans la discussion.
1° L’insuffisance d’actif de la société STP Champagne-Sciage toutes prestations :
M. [I] conteste le montant de l’actif et expose que la société STP Champagne-Sciage toutes prestations a encaissé la somme de 90 000 euros au titre d’un remboursement de crédit de TVA qui ne figure pas dans le récapitulatif de la reddition des comptes.
La SELARL [K] [E] ès-qualités lui oppose que ce crédit de TVA figure dans l’actif.
Or, force est de constater que ce crédit de TVA justifié par la pièce n° 11 produite par M. [I] (virement du 14 février 2018) ne figure ni dans la reddition des comptes du 16 décembre 2020 ni dans celle plus récente du 27 novembre 2021 (seul un remboursement de crédit de TVA pour autre cause d’un montant de 10 116 euros y est mentionné).
Cette somme doit par conséquent être ajoutée à l’actif de la société.
Au regard des éléments produits et justifiés, l’actif hors AGS s’élève donc à la somme de 196 418,71 euros.
Les dépenses s’élèvent hors AGS à la somme de 57 411,41 euros.
Il existe donc un solde positif de 139 007,30 euros.
Le passif n’est pas contesté et s’élève à la somme de 241 663 euros.
L’insuffisance d’actif de la société s’élève donc à la somme de 102 655,70 euros.
2° Les fautes de gestion de M. [I] :
M. [I] est le gérant de droit de la société STP Champagne-Sciage toutes prestations.
Il est à la fois le gérant de la société Forbeton Est, de la société STP Champagne-Sciage toutes prestations et de la société STP Lorraine.
Il lui est reproché trois fautes de gestion qui seront successivement examinées.
– l’absence de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours :
Aux termes de l’article L 640-4 du code de commerce, l’ouverture de cette procédure doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
M. [I] ne conteste pas réellement cette faute mais soutient que ce retard n’a pas conduit à aggraver le passif.
Par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société dont il était le dirigeant.
La date de cessation des paiements a été fixée au 13 juin 2015, soit le délai maximum prévu par la loi.
Il ne peut donc s’agir d’une simple négligence à réaliser cette formalité.
La date de cessations des paiements ne peut plus être contestée.
Contrairement à ce que soutient l’appelant, cette faute de gestion a contribué à aggraver le passif au vu des pièces n° 42 à 46 du mandataire liquidateur (des déclarations pour des créances qui n’existaient pas au 13 juin 2015 ont été effectuées et le montant de certaines créances a considérablement augmenté après la cessation des paiements, notamment celles de PRO BTP, de PRS ou de l’URSSAF).
La faute de gestion en lien de causalité avec l’insuffisance d’actif est par conséquent avérée.
– le transfert du résultat et de la trésorerie au profit d’autres sociétés du groupe :
M. [I] conteste toute faute de gestion.
Il soutient qu’une convention de trésorerie avait été conclue entre les deux filiales, la société STP Champagne et la STP Lorraine de même qu’entre la société holding, Forbeton Est et la société STP Champagne, ce qui autorisait les sociétés à procéder à des mises à disposition de personnel et de répartition de chiffres d’affaires au gré des besoins de chaque structure et non pas dans l’intérêt unique de la société Forbeton Est.
Il ajoute que cette dernière mutualisait un certain nombre de matériels, ce qui justifie les refacturations d’une société à l’autre.
Il ressort des éléments de la procédure que la société STP Champagne-Sciage toutes prestations a été sacrifiée après détournement de son résultat comptable et ponction de sa trésorerie opérés grâce aux importantes facturations et refacturations imposées à STP Champagne par les autres sociétés du groupe et il apparaît qu’en réalité, la société concernée n’avait aucune autonomie commerciale, comptable et financière et était réduite au rang de succursale, ses éventuels bénéfices étant absorbés par le groupe.
Il en est pour preuve :
– des frais de gestion qui sont facturés par Forbeton Est à la société STP Champagne-Sciage toutes prestations extrêmement importants (pour un montant de 212 046 euros ht entre janvier 2009 et mai 2015 ) qui n’ont jamais été justifiés ; ces frais ont par ailleurs varié de manière totalement incohérente : 5000 euros ht en 2009, 1000 euros ht en 2011 et 2012, 3000 euros ht en 2013 ce qui démontre une absence de correspondance avec les frais réellement supportés, que ne saurait justifier à elle seule la convention de trésorerie entre les deux entités versée aux débats par M. [I] ;
– des frais supportés par STP Lorraine qui facturait du prêt de personnel à la société STP Champagne-Sciage toutes prestations qui ne disposait curieusement que de deux salariés pour un volume d’activité sans rapport, qui sont incompréhensibles et fluctuent considérablement d’une année sur l’autre pour cesser brutalement en 2015 et ce sans explication alors que ces deux sociétés étaient en courant d’affaires très régulier jusqu’alors ;
– des factures qui sont émises et qui ne portent aucun en-tête ;
– d’une manière générale, il existe une absence totale de précision dans la désignation des prestations facturées ou refacturées qui comportent des prix forfaitaires disproportionnés qui témoignent du caractère à tout le moins pour partie fictif des prestations ainsi facturées à la société STP Champagne-Sciage toutes prestations (ainsi, à partir d’octobre 2010, la mise à disposition du personnel jusqu’alors facturée 690 euros ht par jour, est facturée de manière forfaitaire et sans aucune précision à un taux journalier de 1000 euros ht, de 800 euros ht ou 650 euros ht et ce sans explication pourtant demandée à M. [I] ;
– une constance troublante du résultat d’exploitation à l’équilibre malgré des variations très importantes du chiffre d’affaires de 2013 à 2016,
– un assèchement de la trésorerie de la société matérialisé par le fait que les sommes dues par STP Lorraine à la société STP Champagne-Sciage toutes prestations ne lui ont jamais été remboursées et que STP Lorraine disposait curieusement dans les comptes de la société STP Champagne-Sciage toutes prestations d’un compte courant d’associé alors que les deux structures n’ont aucun lien capitalistique, étant précisé que la convention de trésorerie entre les deux sociétés versée aux débats par M. [I] impose aux parties de conclure dans des conditions normales leurs interventions réciproques au prix du marché (il a été précédemment démontré des incohérences à ce sujet) ;
– enfin, la société STP Champagne-Sciage toutes prestations n’a jamais déclaré la créance très importante qu’elle détenait dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de STP Lorraine, ce qui constitue en soi une faute de gestion, et ce là encore sans non plus fournir aucune explication sur cette carence, accentuant ainsi encore davantage la déconfiture de la société ;
La faute de gestion en lien de causalité avec l’insuffisance d’actif est également avérée.
– l’absence de sincérité des comptes sociaux :
Nonobstant les dénégations de M. [I], il apparaît au vu des éléments de la cause que les comptes produits ne reflètent pas fidèlement la situation économique et financière de la société en particulier en ce qu’ils révèlent des incohérences manifestes entre la capacité d’autofinancement dont se prévaut la société et sa situation de trésorerie qui l’a conduite à se trouver en état de cessation des paiements.
Ces incohérences, sur lesquelles l’appelant ne s’explique pas, ont d’ailleurs été relevées au cours de la procédure de liquidation judiciaire de la société STP Champagne-Sciage toutes prestations :
– par le premier président de la cour d’appel de Reims saisi d’une demande de suspension de l’exécution provisoire en mars 2018 qui avait retenu que le passif fournisseur avait brusquement fondu sans que STP Champagne ne fournisse la moindre explication crédible à cette brutale et importante diminution et que les doutes sur la fiabilité des données comptables fournies par STP Champagne étaient encore renforcées par les incohérences manifestes entre la capacité d’autofinancement dont cette société se prévalait et sa situation de trésorerie qui l’avait entraîné à la cessation des paiements ;
– par la cour de renvoi de Nancy (après cassation de l’arrêt rendu par cette cour le 10 juillet 2018) qui avait retenu dans son arrêt du 9 juin 2021 pour confirmer le jugement de liquidation judiciaire et refuser le plan de redressement par voie de continuation proposé par le débiteur que les difficultés rencontrées par la société avec le factor ne permettaient pas d’élucider le solde arrêté en 2017 et interrogeaient sur la fiabilité des comptes transmis et ce d’autant que l’opacité demeurait sur les compensations effectuées avec la société soeur, la STP Lorraine, et sur lesquelles aucune explication n’était fournie ;
Il n’est donné à cette cour aucune explication sur ces distorsions.
La faute de gestion en lien de causalité avec l’insuffisance d’actif est également avérée.
La décision sera confirmée en ce qu’elle a jugé que M. [I] avait commis des fautes de gestion.
La condamnation de M. [I] :
Il n’est pas exigé que les fautes de gestion retenues soient la cause unique de l’insuffisance d’actif mais il suffit qu’elles y aient concouru.
Un dirigeant peut être condamné à supporter la totalité de l’insuffisance d’actif même si les fautes commises n’en sont que l’une des causes.
La cour dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation dans la limite de l’insuffisance d’actif pour déterminer le montant de la condamnation.
Il a été précédemment démontré que les fautes de gestion commises par M. [I] avaient toutes contribué à l’insuffisance d’actif de la société STP Champagne-Sciage toutes prestations.
L’insuffisance d’actif s’élève à la somme de 102 655,70 euros.
Pour s’opposer à toute condamnation, M. [I] fait valoir qu’il ne s’est pas enrichi personnellement.
L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif est une action civile délictuelle qui ne suppose pas de démontrer un quelconque enrichissement de son dirigeant.
Compte tenu de la gravité des fautes de gestion commises, M. [I] sera condamné à payer à la SELARL [K] [E], prise en la personne de Maître [E] ès-qualités, la totalité de l’insuffisance d’actif soit la somme de 102 655,70 euros.
La décision sera infirmée sur ce point.
L’article 700 du code de procédure civile :
La décision sera infirmée.
M. [I] sera condamné à payer à la SELARL [K] [E] prise en la personne de Maître [E] ès-qualités, la somme de 7 000 euros pour l’ensemble de la procédure.
Les dépens :
La décision sera infirmée en ce qu’elle a dit que les dépens devaient être employés en frais privilégiés de procédure collective puisqu’il s’agit d’une action en responsabilité pécuniaire personnelle au dirigeant obéissant aux dispositions générales sur les dépens contenues aux articles 695 et 696 du code de procédure civile.
M. [I], succombant en ses prétentions, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire;
Confirme le jugement rendu le 1er juillet 2022 par le tribunal de commerce de Reims en ce qu’il a débouté M. [G] [I] de son exception de procédure et de sa fin de non-recevoir et en ce qu’il a dit que ce dernier avait commis des fautes de gestion.
L’infirme pour le surplus de ses dispositions.
Statuant à nouveau;
Condamne M. [G] [I] à payer à la SELARL [K] [E], prise en la personne de Maître [E], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL STP Champagne-Sciage toutes prestations, la somme de 102 655,70 euros au titre de l’insuffisance d’actif.
Condamne M. [G] [I] à payer à la SELARL [K] [E], prise en la personne de Maître [E], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL STP Champagne-Sciage toutes prestations, la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel.
Condamne M. [G] [I] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE