Comptes courants d’associés : 16 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10825

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Comptes courants d’associés : 16 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10825

16 novembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG
21/10825

Pôle 5 – Chambre 6

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° ,10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10825 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD22Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2021 -Tribunal de Commerce d’Evry – RG n° 2020F00150

APPELANTS

Monsieur [B] [P]

né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 8] (77),

[Adresse 1]

[Localité 6]

Madame [D] [P]

née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 7] (91),

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentés par Me Fabrice GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2613

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS

inscrite au RCS PARIS sous le n°662 042 449 agissant par ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe FOUQUIER de l’ASSOCIATION De CHAUVERON VALLERY-RADOT LECOMTE, avocat au barreau de PARIS, toque : R110

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre,

M.Vincent BRAUD, Président,

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Président de chambre, et par Anaïs DECEBAL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*

* *

La société Le Chalet de Manoa, immatriculée le 6 juin 2013, a pour activité l’exploitation et la gestion de fonds de commerce de restaurant. Elle est dirigée par Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P].

Par acte du 11 avril 2014, la Sa BNP Paribas a consenti à la société Le Chalet de Manoa un prêt d’un montant de 480 000 € remboursable en 82 mensualités au taux de 2%.

Le même jour, Monsieur et Madame [P] se sont portés caution solidaire au titre dudit prêt dans la limite de 552 000 € pour une durée de 108 mois.

Par jugement du 8 janvier 2018, le tribunal de commerce d’Évry a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Le Chalet de Manoa.

Par lettre recommandée du 14 février 2018, BNP a déclaré sa créance à hauteur de

248 584,22 €, outre les intérêts contractuels postérieurs, créance ayant fait l’objet d’une contestation. Par ordonnance du 23 novembre 2018, le juge-commissaire chargé de la liquidation judiciaire de la société Le Chalet de Manoa s’est déclaré incompétent pour statuer sur la contestation et a renvoyé BNP à saisir le tribunal de commerce d’Évry.

Par jugement du 17 juin 2019, ledit tribunal a fixé la créance de BNP à titre privilégié et nantie à hauteur de 248 584,22 €, outre intérêts contractuels au taux de 2% à compter du 8 janvier 2018 jusqu’à parfait paiement. La créance est devenue définitive, le jugement n’ayant pas fait l’objet d’un appel.

Le 6 janvier 2020, la liquidation judiciaire de la société Le Chalet de Manoa a fait l’objet d’une clôture pour insuffisance d’actif.

Par lettres du 14 février 2018, BNP a mis en demeure Monsieur et Madame [P] en leur qualité de cautions solidaires.

Par actes d’huissier en date du 3 mars 2020, BNP a assigné Monsieur et Madame [P] en paiement.

Par jugement contradictoire en date 29 avril 2021, le tribunal de commerce d’Évry a ainsi statué :

-Dit qu’il n’y a pas disproportion de l’engagement de cautionnement consentis par Monsieur et Madame [P] vis-à-vis de leurs biens et revenus au moment de l’acte d’engagement du 21 mars 2014

-Condamne solidairement Monsieur et Madame [P] à payer à BNP au titre des engagements de caution souscrits par leurs soins, une somme de 259 097,85 €, outre intérêts contractuels au taux de 2% du 19 février 2019 jusqu’à parfait paiement

-Ordonne la capitalisation des intérêts de retard sur le fondement de l’article 1343-2 du Code civil, à compter du 19 février 2020, date du décompte de créance

-Dit que BNP n’avait aucune obligation de mise en garde à l’égard de Monsieur et Madame [P], considérés comme cautions averties, et déboute Monsieur et Madame [P] de leur demande

-Condamne solidairement Monsieur et Madame [P] à payer à BNP la somme de

3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboute BNP du surplus de leur demande

-Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires

****

Par déclaration en date du 9 juin 2021, Monsieur et Madame [P] ont interjeté appel dudit jugement à l’encontre de BNP.

Dans leurs conclusions en date du 30 juillet 2021, Monsieur et Madame [P] demandent à la cour de :

« Réformer le jugement du Tribunal de commerce d’Évry déféré en ce qu’il a :

– dit qu’il n’y a pas disproportion de l’engagement de caution consenti par Monsieur et Madame [P] vis-à-vis de leurs biens et revenus au moment de l’acte d’engagement du 21 mars 2014 ;

– condamné solidairement Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] à payer à la société BNP PARIBAS, au titre des engagements de caution souscrits par leurs soins, une somme de 259.097,85 €, outre intérêts au taux de 2 % du 19 février 2020 jusqu’à parfait paiement ;

– ordonné la capitalisation des intérêts de retard sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil à compter du 19 février 2020, date du décompte de la créance ;

– dit que la société BNP PARIBAS n’avait aucune obligation de mise en garde à l’égard de Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P], considérés comme cautions averties, et déboute Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] de leur demande ;

– condamné solidairement Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] à payer à la société BNP PARIBAS la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– dit que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit ;

– condamné solidairement Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P]

aux dépens de l’instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 94,34 TTC.

Exposé du litige

Statuant à nouveau :

À titre principal :

Prononcer que la société BNP PARIBAS est déchue du droit de se prévaloir des actes de cautionnement consentis par Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] le 11 avril 2014, pour un montant de 552.000 € chacun.

À titre subsidiaire :

Prononcer que la BNP PARIBAS a engagé sa responsabilité précontractuelle à l’encontre de Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] en violant son obligation de mise en garde.

Condamner en conséquence la BNP PARIBAS au paiement de la somme de 276.000 € et à tout le moins au montant des condamnations prononcées à l’encontre de Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] en réparation de leur préjudice de perte de chance.

Ordonner la compensation des dettes réciproques. En tout état de cause :

Débouter la société BNP PARIBAS de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P].

Condamner la société BNP PARIBAS au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens ».

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir que :

S’agissant de la disproportion des engagements de caution. Tout d’abord, le patrimoine net de Monsieur et Madame [P] était de ‘ 32 069,15 €. En effet, le patrimoine immobilier s’élevait à 105 876 €, le patrimoine mobilier à 108 367 €, le patrimoine financier à

353 688,85 € et les engagements déjà donnés représentaient 600 000 €. Ensuite, les charges fixes (38 414,40 €) étaient supérieures à l’assiette de calcul (12 169 €), ce qui signifie que la capacité d’endettement de Monsieur et Madame [P] était nulle.

En outre, la banque a opposé le fait que les sommes bloquées en compte courant devaient être prises en compte. Or, un engagement n’est mis en ‘uvre que si le débiteur principal est défaillant et si le blocage du compte courant est une condition de l’octroi du financement par la banque, la créance de compte courant ne peut intégrer le patrimoine de la caution au moment de la défaillance de l’emprunteur pour régler la banque, qui dispose déjà d’une garantie sur ce compte courant. En tout état de cause, Monsieur et Madame [P] ont réintégré artificiellement leur compte courant pour apprécier la disproportion qui demeure manifeste avec ou sans réintégration des sommes en compte courant.

Par ailleurs, la lecture des fiches de renseignement laisse constater qu’elles n’ont pas été complètement renseignées car les emprunteurs ne disposaient pas de toutes les informations et/ou car elles ont été incorrectement indiquées. Ainsi, il appartenait à la banque de vérifier les formulaires et d’aider les concluants à reporter toutes les informations nécessaires dont la banque disposait déjà en partie, de sorte que les anomalies étaient patentes pour la banque. Si la banque avait effectué les diligences minimales, elle aurait nécessairement demandé à Monsieur et Madame [P] les informations complémentaires essentielles pour pallier les anomalies apparentes.

Au jour de l’appel en paiement, Monsieur et Madame [P] restent endettés auprès de tiers, en témoigne les prêts immobiliers qui trouveront leurs termes en 2028 et 2029.

S’agissant de la violation du devoir de mise en garde et la compensation des dettes réciproques. Il résulte du montant du cautionnement sollicité par BNP un risque financier particulièrement élevé de surendettement, que ce soit pour la société nouvellement créée ou pour ses cautions.

Le tribunal a considéré que le fait d’avoir exploité des boulangeries depuis 1994 conduisait à considérer que Monsieur et Madame [P] étaient des emprunteurs avertis. Or, ces derniers n’avaient pas de connaissances particulières en matière financière ou comptables ; lorsqu’ils se sont lancés dans la restauration, leur expérience professionnelle était nulle ; ils ont exploité deux boulangeries en nom propre et non en société ; ils n’avaient jamais été franchisés et l’économie d’un restaurant en franchise et d’une boulangerie est totalement différente.

Ainsi, Monsieur et Madame [P] sont fondés à opposer à BNP un manquement à son devoir de mise en garde précontractuel à leur égard. La faute a créé un préjudice consistant dans la perte d’une chance de ne pas contracter cet engagement de cautionnement, qui peut être évalué à un montant de 50% du total des sommes potentiellement dues, soit 276 000€ et à tout le moins égal au montant des condamnations prononcées. Il y aura donc lieu de compenser la créance revendiquée par la banque avec les dommages et intérêts octroyés à Monsieur et Madame [P].

Moyens

Dans ses conclusions en date du 6 octobre 2021, BNP demande à la cour de :

« – Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce d’EVRY le 29 avril 2021 en toutes ses dispositions.

CE FAISANT,

– STATUANT SUR LES DEMANDES DE BNP PARIBAS

– Condamner solidairement Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P], à payer à BNP PARIBAS, au titre des engagements de caution souscrits par leurs soins, une somme de 259.097,85 € outre intérêts contractuels au taux de 2 % du 19 février 2020 jusqu’à parfait paiement.

– Ordonner la capitalisation des intérêts de retard sur le fondement de l’article 1343-2 du Code Civil.

– STATUANT SUR LES MOYENS ET DEMANDES DES EPOUX [P]

– Juger irrecevables et en tout état de cause, Débouter Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

Si par extraordinaire la Cour devait juger que BNP PARIBAS a manqué à une obligation de mise en garde,

– Dire et juger que seule une perte de chance serait indemnisable et qu’en l’espèce, cette perte de chance est inexistante,

– Débouter Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] de toutes leurs demandes, fins et conclusions formées à l’encontre de BNP PARIBAS,

A titre infiniment subsidiaire,

– Réduire le montant des dommages et intérêts sollicité par Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] à de plus justes proportions ;

– Ordonner la compensation avec les sommes qui sont dues à BNP PARIBAS

– EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

– Condamner solidairement Monsieur [B] [P] et Madame [D] [P] à payer à BNP PARIBAS, outre l’indemnité de 3.000 euros allouée en 1ère instance, une somme complémentaire de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens ».

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

S’agissant de l’absence de disproportion des engagements de caution. Monsieur et Madame [P] ne rapportent aucunement la preuve de la prétendue disproportion. En effet, les revenus et le patrimoine déclarés dans les déclarations de patrimoine des 18 juin 2013 et 21 mars 2014 leur permettent parfaitement de faire face aux engagements de caution. Dans la première déclaration, Monsieur et Madame [P] ont mentionnés des revenus annuels de 36 000 €, des revenus locatifs annuels de 13 200 €, un patrimoine financier de 240 000 € dans les livres du Crédit Agricole, la propriété d’une résidence principale évaluée à 290 000 € avec un prêt dont le restant dû s’élevait à 60 000 € ‘ résidence vendue en 2013 pour un montant de 313 227 € ‘ d’un bien immobilier évalué à 250 000 € avec un prêt dont les échéances s’élèvent à 1 500 € et être engagés en qualité de caution à hauteur de 500 000 €.

Dans la seconde déclaration, ils ont mentionné des revenus annuels de 36 000 €, des revenus locatifs à hauteur de 1 000 €, un patrimoine financier de 200 000 € auprès de Swiss Life et April, la propriété d’une résidence principale évaluée à 300 000 €, d’un bien immobilier évalué à 250 000 € avec un prêt dont les échéances s’élèvent à 1 500 €.

Ainsi, il n’y a aucune disproportion des engagements de caution.

Ensuite, contrairement à ce que les appelants prétendent, les sommes investies dans le compte courant d’associé de la société Le Chalet de Manoa représentent des actifs devant être pris en compte dans le patrimoine des cautions.

Enfin, la déclaration de patrimoine du 21 mars 2014 n’est pas affectée d’une prétendue anomalie apparente. En effet, dans ladite déclaration, ils ne mentionnent plus leur engagement de caution à hauteur de 500 000 € ni le prêt dont le capital restant dû s’élevait à 60 000 €. Ces derniers sont ainsi tenus par leurs déclarations qu’ils ont certifiées sincères et véritables, BNP n’ayant aucune obligation d’en vérifier l’exactitude.

Au jour de l’appel en paiement, le patrimoine des appelants leur permet de faire face à leur obligation, la valeur nette de leur actif s’élevant a minima à 443 786,73 €. Quant au patrimoine net, il s’élève a minima 394 286,47 €.

S’agissant du prétendu manquement à l’obligation de mise en garde. Tout d’abord, l’action est prescrite, cette dernière ayant été initiée par conclusions déposées le 26 mai 2020 soit plus de 5 ans après la souscription de l’acte de prêt et les actes de caution. En tout état de cause, Monsieur et Madame [P] doivent être considérés comme des cautions averties dans la mesure où ils sont des chefs d’entreprise ayant exploité de multiples sociétés depuis 1994. De même, ils disposaient de toutes les informations financières et techniques au sujet de la société Le Chalet de Manoa avant de s’engager ce qui implique que BNP n’était tenue à aucune mise en garde étant précisé qu’il n’existait aucun risque d’endettement excessif.

Enfin, Monsieur et Madame [P] sollicitent une condamnation de BNP à hauteur de l’intégralité de sa créance. Or, la prétendue perte de chance est inexistante car Monsieur et Madame [P], même mis en garde, auraient procédé à l’opération litigieuse.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 juin 2022.

Motivation

MOTIFS

M. [B] [P] et Mme [D] [P] se sont portés cautions solidaires des obligations de la S.A.R.L. Le Chalet de Manoa envers la société Bnp PARIBAS en garantie d’un prêt professionnel de 480 000 euros remboursable en 82 échéances mensuelles de 6 267,64 euros au taux nominal de 2 % consenti par la banque le 11 avril 2014 pour financer des travaux et la création d’un restaurant que la société envisageait d’exploiter, et ce, en annexe du contrat de prêt et dans la imite de 552 000 euros et pour une durée de 108 mois.

Il ressort de l’article L341-4 du code de la consommation, devenu L 332-1, entré en vigueur antérieurement aux cautionnement litigieux, que l’engagement de caution conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution sous peine de déchéance du droit de s’en prévaloir.

La charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution poursuivie qui l’invoque et celle-ci doit être appréciée à la date de l’engagement, en tenant compte de ses revenus et patrimoine ainsi que de son endettement global.

Aucune disposition n’exclut de cette protection la caution dirigeante d’une société dont elle garantit les dettes.

La banque n’a pas a vérifier les déclarations qui lui sont faites à sa demande par les personnes se proposant d’apporter leur cautionnement sauf s’il en résulte des anomalies apparentes.

Il incombe alors au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

En l’espèce, la banque produit deux fiche de renseignements successives, certifiées authentiques par M. et Mme [P] :

– de celle datée du 18 juin 2013, il ressort que, nés en 1966 et mariés depuis 1988, sans enfants encore à charge puisqu’âgés de 23 et 27 ans, ils perçoivent chacun 18 000 euros de revenus professionnels annuels outre, pour chacun, 6 6000 euros de revenus locatifs fonciers, qu’ils sont propriétaires de leur résidence personnelle estimée à la somme de 290 000 euros financée par un prêt qui reste à charge à hauteur de la somme de 60 000 euros, d’un bien locatif estimé à la somme de 250 000 euros financé par un prêt dont la charge annuelle représente 18 000 euros selon un prêt courant jusqu’en 2029, qu’ils disposent d’une épargne totale de 240 000 euros en (compte épargne, valeurs mobilières, assurance-vie) qu’enfin ils sont cautions d’un prêt professionnel accordé par la Banque Populaire à une société le Grange de Jessel dans la limite de la somme de 500 000 euros,

– de celle datée du 21 mars 2014, il ressort que, nés en 1966 et mariés depuis 1988, sans enfants encore à charge puisqu’âgés de 23 et 27 ans, ils perçoivent chacun 18 000 euros de revenus professionnels annuels outre, pour les deux, 1 000 euros de revenus fonciers, qu’ils sont propriétaires de leur résidence principale estimée à la somme de

300 000 euros sans charges de crédit subsistante et d’un appartement estimé à la somme de 250 000 euros financé par un crédit obtenu en 2009 dont la charge représente 1 500 euros et qu’ils disposent d’un patrimoine financier de 60 000 euros auprès de la société Swisslife et de 140 000 euros auprès de la Bnp PARIBAS.

La rubrique ‘caution déjà délivrée’ dans la dernière fiche de patrimoine est vierge de toute mention.

C’est à juste titre, dès lors que les cautions n’ont plus mentionné le cautionnement donné à la Banque Populaire dans le recueil de renseignements le plus contemporain du prêt, que le tribunal a jugé qu’ils ne peuvent utilement faire valoir cette charge, cette absence de mention par rapport aux précédents renseignements recueillis ne constituant pas une anomalie alors que, contrairement à ce qui est soutenu, la banque n’est tenue par aucun texte de vérifier les déclarations qui lui sont faites.

Si la charge de remboursement de prêt de la résidence principale, estimée à la somme de 300 000 euros, n’est pas mentionnée, la banque en avait connaissance puisque c’est elle qui a consenti le prêt sur lequel il restait, à la date du cautionnement, une somme due de 116 983 euros, de sorte que la valeur nette du bien était de 183 017 euros.

Si la charge de remboursement du prêt consenti par le Crédit Agricole finançant l’investissement locatif de 1 500 euros est en réalité mensuelle et non annuelle, il en ressort que la valeur nette du bien était de (250 000 – 209 085) = 40 915 euros.

En outre, les comptes courant d’associés de M. et Mme [P] dans les société Le Chalet de Manoa, la Grange de Jesseb et de la SAS holding [P] s’élevait à la somme total de 108 367 euros, étant observé qu’ils estiment eux-même leur patrimoine mobilier, distinct de ces avoirs en compte courant à la somme de 353 688 euros.

Ainsi, même en tenant compte, d’une part, du solde restant dû de 66 478,15 euros au titre du prêt auprès du Crédit Agricole qui avait servi à financer un appartement revendu qui n’est pas mentionné dans la fiche de situation financière et, sans même tenir compte, d’autre part, de la valeur des parts qu’ils détiennent dans les sociétés dont ils sont associés, il ne résulte pas de ce qui précède que le cautionnement donné était manifestement disproportionné au sens de la disposition appliqué au moment de la souscription des cautionnements puisque leur patrimoine net était de (183 017 + 40 915 + 240 000 + 108 367 – 66 478) = 505 101 euros.

Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

En tout état de cause, la banque fait valoir, sans être utilement contredite et en justifiant, qu’au moment où ils ont été appelés à payer la somme de 259 584,22 euros soit lors de l’assignation du 30 mars 2020, ils étaient en mesure de faire face à leur engagement puisque :

– sur le prêt finançant la résidence principale estimée 300 000 euros en 2014, il restait devoir une somme de 74 561 euros, soit une valeur nette de 225 439 euros,

– sur le prêt finançant la résidence locative estimée 250 000 euros en 2014, il restait devoir une somme de 144 239 euros, soit une valeur nette de 105 761 euros,

– sur le prêt résiduel ayant financé l’appartement revendu, il restait devoir une somme de 5179 euros,

– qu’ils était appelés à payer, au titre du cautionnement donné à la Banque Populaire la somme de 49 731,23 euros,

– qu’ils détiennent une valeur nette d’assurance-vie d’environ 80 000 euros

Il résulte de l’article 1147 ancien du code civil que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque de l’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

L’examen de la mise en garde au regard des capacités financières de la caution résulte de ce qui précède sur la disproportion des engagements.

S’agissant de la mise en garde des cautions à raison du risque d’endettement excessif de la société emprunteuse, le banque y est tenu à l’égard des seules cautions non averties et à la condition que soit démontré le caractère excessif du prêt consenti.

La fin de non recevoir tirée de la prescription soutenue par la Bnp PARIBAS ne peut qu’être rejeté puisque le délai quinquennal de prescription court à compter du moment où les cautions ont connu ou auraient du connaître les faits leur permettant d’exercer l’action c’est à dire en l’espèce de leur mise en demeure en leurs qualités de cautions et non à compter de la souscription de leur engagement de caution puisqu’il ne s’agit, en toute hypothèse, pas de la souscription du contrat de prêt.

C’est à juste titre que le tribunal a considéré que les époux [P] avaient la qualité de cautions averties dès lors qu’ils avaient déjà eu recours au prêt pour des motifs personnels y compris en faisant usage des défiscalisations possibles, que, surtout ils étaient des dirigeants de sociétés commerciales de longues date puisqu’ils avaient acquis, exploité puis cédée des boulangeries ( à Limeil-Brevannes, à Melun, puis une troisième selon leurs déclarations), qu’ils avaient déjà emprunté aux mêmes fins de faire ouvrir par la S.A.R.L. la Grande de Jesseb un restaurant franchisé en 2011, de sorte qu’ils en connaissaient les modalités d’exploitation lors du nouveau prêt consenti trois années plus tard, qu’ils avaient créée une société par action simplifiée [P] ayant pour objet social les ‘prestations de services et de conseils divers en direction de sociétés’.

Etant ajouté que la société emprunteuse a exploité le restaurant jusqu’à la liquidation judiciaire intervenue quatre années après la souscription du prêt et qu’il n’est pas proposé la démonstration du caractère excessif du crédit autrement qu’en rappelant l’importance de son montant, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté les époux [P] de leur demande de dommages-intérêts.

Le jugement n’étant pas autrement critiqué, il y a lieu de le confirmer en toutes ses dispositions, de condamner M. [B] [P] et Mme [D] [P] à payer à la société Bnp PARIBAS la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action en responsabilité pour manquement à l’obligation de mise en garde opposée par la société Bnp PARIBAS ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [B] [P] et Mme [D] [P] à payer à la société Bnp PARIBAS la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [B] [P] et Mme [D] [P] aux dépens de la présente instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

 


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