16 novembre 2022
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/01136
4ème CHAMBRE COMMERCIALE
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 16 NOVEMBRE 2022
N° RG 20/01136 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPOK
Madame [L] [K] [U] épouse [M] [N]
SARL PHARMACIE [M]
c/
BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 janvier 2020 (R.G. 2019F00201) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 25 février 2020
APPELANTES :
Madame [L] [K] [U] épouse [M] [N], née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 5] (Côte d’Ivoire), de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
SARL PHARMACIE [M], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]
représentées par Maître Dominique BASTROT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
représentée par Maître Fabien DUCOS-ADER de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 05 octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie PIGNON, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie PIGNON, Présidente,
Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 24 février 2010, la banque populaire aquitaine centre atlantique a consenti à l’EURL Pharmacie [M], dont Mme [M] [N] est gérante, un prêt n° 07226604 d’un montant de 1.260.000,00 euros en principal remboursable en 144 échéances mensuelles de 10.876,3 euros au taux nominal de 3,75 % (hors assurance). Ce prêt était destiné à l’acquisition du fonds de commerce de pharmacie aujourd’hui exploité par l’EURL Pharmacie [M]. Il était garanti par le nantissement du fonds de commerce objet du prêt à hauteur de 1.260.000,00 euros ainsi que par le cautionnement personnel et solidaire de Mme [M] [N] et de son mari Monsieur [G] [M] [N].
En août 2016, l’EURL Pharmacie [M] a sollicité la mise en place d’une franchise totale de 12 mois après paiement de l’échéance du 26 août 2016. Les parties ont alors conclu un avenant au prêt initial qui devait prendre fin le 26 février 2023. Les époux [M] [N] ont conclu un nouvel acte de cautionnement, chacun s’engageant à garantir le remboursement du prêt objet de l’avenant en cas de défaillance du débiteur principal « dans la limite de la somme de 777.500,16 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou des intérêts de retard et pour la durée de 90 mois ».
Compte tenu du non-paiement des échéances à bonne date, la banque populaire aquitaine centre atlantique a, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 8 janvier 2019, mis en demeure l’EURL Pharmacie [M], débitrice principale, ainsi que Mme [M] [N], caution, d’avoir à régulariser la situation dans un délai de 8 jours, sous peine de déchéance du terme.
Faute de paiement, la banque a ensuite prononcé la déchéance du terme.
Puis, par acte du 12 février 2019, la banque populaire aquitaine centre atlantique a assigné devant le tribunal de commerce de Bordeaux l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] au paiement des sommes dues en exécution de leurs engagements contractuels.
Par jugement du 20 janvier 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
– condamné solidairement l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] caution, à payer à la banque populaire aquitaine centre atlantique la somme de 706.546,52.euros, outre les intérêts au taux de 3,75 % du 29 janvier 2019 jusqu’à la date effective de paiement ;
– précisé que la condamnation pour paiement à l’encontre de Mme [M] [N], caution, était limitée à son engagement de caution soit à la somme de 777.500,16 euros y compris intérêts et pénalités;
– ordonné la capitalisation des intérêts par année entière ainsi que l’exécution provisoire de la décision.
– condamné la société l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N], caution, à payer la somme de 750,00 euros à la BPACA sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens.
Par déclaration d’appel du 25 février 2020, l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] ont interjeté appel de ce jugement intimant la banque populaire aquitaine centre atlantique dans des conditions de forme et de fond qui ne sont pas contestées.
Moyens
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 30 juillet 2020 , auxquelles la cour se réfère expressément, l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] demandent à la cour de :
– dire recevable et bien fondé l’appel interjeté par la Pharmacie [M] et Madame [M] en qualité de caution.
– réformer la décision entreprise :
– à titre principal, sur le contrat de l’emprunteur :
Vu l’article 2313 du Cc et sur les exceptions inhérentes à la dette
– condamner la Banque populaire d’Aquitaine centre atlantique à payer à la Sarlu [M] la somme de 777 500 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi.
– ordonner la compensation entre cette somme et toutes les sommes qui pourraient être dues à la Banque populaire d’Aquitaine centre atlantique
– prononcer la déchéance des intérêts contractuels prévus au contrat
– débouter par conséquent la banque de toutes ses demandes au titre de l’engagement de caution de Madame [M]
subsidiairement sur l’avenant au contrat de cautionnement signé par Madame [M] :
– dire inopposable à Madame [M] en sa qualité de caution la déchéance du terme du contrat de prêt et débouter par conséquent la banque de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 777 500 euros;
– dire nul et de nul effet l’avenant au contrat de cautionnement conclu avec Madame [M] en raison du caractère disproportionné de ses engagements par rapport à son patrimoine et le dire nul et de nul effet ;
– débouter en conséquence la banque de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de Madame [M] en sa qualité de caution
encore plus subsidiairement si la banque n’était pas déboutée
– condamner la Banque populaire d’Aquitaine centre atlantique à payer à Madame [M] la somme de 777 500 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait du manquement de la banque à son devoir de mise en garde ; -ordonner la compensation entre cette somme et toutes sommes qui pourraient être dues à la Banque populaire d’Aquitaine centre atlantique
– ordonner la déchéance des intérêts contractuels qui seraient à la charge de la caution ;
– débouter l’intimé de sa demande d’indemnité forfaitaire de 10% mise à la charge de l’emprunteur et celle de 20% mise à la charge de la caution ;
– le débouter de sa demande au titre de l’article 1154 du code civil ;
– en application de l’article 1195 du code civil procéder à l’adaptation du contrat de crédit avec la Banque populaire d’Aquitaine centre atlantique ;
– ordonner une médiation entre les parties après avoir recueilli leur accord ;
– condamner la Banque populaire d’Aquitaine centre atlantique à payer la somme de 1 000 euros à la pharmacie [M] et 1 000 euros à Madame [M] en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
– condamner la Banque populaire d’Aquitaine centre atlantique aux entiers dépens.
Les appelantes font valoir :
– que la banque a manqué à son devoir de mise en garde avant signature de l’avenant en n’informant pas sa cliente non avertie (profane) des risques d’endettement excessif de l’opération considérée par rapport à ses capacités financières, alors que Mme [M], gérante, n’a pas de compétence ni d’aptitude en matière de crédit et de vie des affaires,
– que le refus de renégocier le crédit malgré les conséquences positives de la négociation pour l’entreprise, constitue également une faute de la banque,
– que le préjudice subi par la pharmacie [M] est la perte d’une chance d’avoir été mise en garde vis-à-vis des conséquences prévisibles de la signature d’un tel avenant, et la perte d’une chance de négocier utilement avec la banque,
– qu’aux termes du contrat, l’exécution de l’engagement de caution est subordonnée à une mise en demeure préalable du débiteur principal, que la mise en demeure qui doit être adressée à la caution sur la défaillance de l’emprunteur doit faire état de la déchéance du terme du contrat de cautionnement et non pas faire état de la déchéance du terme du contrat principal, et que, dès lors aucune déchéance du terme n’est opposable à la caution,
– qu’au moment où Mme [M] a été appelée en qualité de caution, les seuls revenus mensuels du couple ne permettaient pas de rembourser une seule des échéances mensuelles du crédit
professionnel consenti à la pharmacie, afin d’assumer les frais liés à l’entretien et l’éducation des 4 enfants,
– que la banque a manqué à son obligation de mise en garde de la caution profane au moment de son engagement dans l’avenant de 2017,
-la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus avant la date du premier incident et celle à laquelle elle en a été informée, soit aucune somme avant le 8 janvier 2019,
– que les indemnités forfaitaires doivent être réduites.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 15 septembre 2020 , auxquelles la cour se réfère expressément, la banque populaire aquitaine centre atlantique demande à la cour de :
– débouter la Sarlu Pharmacie [M] [N] et Madame [M] [N] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions comme irrecevables et à tout le moins mal fondées,
– déclarer la Banque populaire d’Aquitaine centre atlantique recevable et bien fondée en ses demandes.
y faisant droit,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
– condamner solidairement l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] à payer à la banque populaire aquitaine centre atlantiquela somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner sous lamême solidarité aux entiers dépens.
La société intimée soutient que :
– l’action en responsabilité contractuelle des appelantes fondée sur un manquement de la banque à son devoir de mise en garde avant la signature de l’avenant est prescrite,
– elle n’a commis aucun manquement à ses obligations, tant Mme [M] [N] que la SARLU Pharmacie [M] [N] ne pouvaient ignorer les risques inhérents à l’opération dont elles prenaient l’initiative après avoir pris connaissance des chiffres et bilans de la venderesse, et au vu du prévisionnel établi par les appelantes, qui de surcroît étaient conseillées par un Courtier, il n’existait pas de risques liés à l’endettement,
– les échéances du prêt ont d’ailleurs été remboursées sans difficulté de 2010 à 2016 selon les conditions financières initialement convenues,
– l’inopposabilité à la caution de la déchéance du terme frappant le débiteur principal repose sur le respect des prévisions contractuelles a en l’espèce été écartée par une clause du contrat de cautionnement,
– il n’existe aucune disproportion,
– Mme [M] [N], gérante de la SARLU Pharmacie [M] [N] et caution doit être considérée comme une caution avertie ayant souscrit, en toute connaissance de cause, l’acte de cautionnement,
– l’indemnité forfaitaire n’est pas une clause pénale et ne peut être réduite,
L’ordonnance de clôture est intervenue 21 septembre 2022 et le dossier a été fixé à l’audience du 5 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
Motivation
MOTIFS
– Sur la prescription :
Il résulte de l’article 2224 du Code civil que l’action en responsabilité de l’emprunteur non averti à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par 5 ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement.
En l’espèce, il ressort de la mise en demeure de régulariser sa situation adressée à la SARLU Pharmacie [M] [N] le 8 janvier 2019 et du décompte détaillé produit que la première échéance impayée est en date du 26 février 2018, de sorte que le délai de prescription n’a commencé à courir qu’à cette date et que, la demande de voir engager la responsabilité de la banque ayant été formée par conclusions du 30 juillet 2020, elle n’est pas prescrite.
– Sur la responsabilité de la banque :
Le banquier dispensateur de crédit est débiteur, à l’égard de l’emprunteur non averti, d’une obligation de mise en garde sur le risque d’endettement excessif, lequel s’apprécie au jour de la conclusion du contrat de crédit à partir des capacités financières de l’emprunteur et des caractéristiques de l’opération, le caractère averti de l’emprunteur personne morale, s’appréciant en la personne de son représentant légal.
Le devoir de mise en garde n’est dû par le banquier que s’il apparaît que le crédit sollicité est excessif et fait courir un risque d’endettement à l’emprunteur non averti ; ainsi la banque doit vérifier si le crédit consenti est adapté aux capacités financières déclarées et ne présente pas un risque pour l’emprunteur, notamment celui de ne pouvoir faire face aux échéances, et seulement si tel est le cas et l’emprunteur non averti, attirer alors son attention sur ces risques, afin qu’il puisse accepter ou refuser l’offre de crédit en connaissance de cause.
Il revient à l’emprunteur qui s’en prévaut de justifier que le crédit consenti était excessif.
En l’espèce, la profession de pharmacienne exercée par Mme [M] [N] ne suffit pas à conférer à L’EURL dont elle était la gérante la qualité d’emprunteur averti.
Les appelantes font valoir la responsabilité de la banque, non dans l’attribution du crédit initial, mais en ce qui a trait à son attitude lors de la négociation de l’avenant du 15 mai 2017, soutenant que , l’avenant décidé unilatéralement par la banque donne une franchise de 1 an, que le taux d’intérêt n’a pas bougé depuis le contrat initial, que les échéances ont augmenté, et qu’il est clair que la situation économique de la pharmacie va s’aggraver, créant même un risque de surendettement.
La banque réplique à juste titre que la renégociation du prêt, effectuée à la demande de Mme [M] [N] et qui a conduit à un report de 12 mois des échéances, ne peut être considérée comme fautive, alors qu’il n’est ni démontré ni allégué que le prêt initial présentait un risque de défaillance, que les échéances avaient été régulièrement payées, et que la banque n’avait dès lors aucune raison de considérer comme risquée la poursuite du contrat aux mêmes conditions, sous réserve du report proposé.
La conclusion de l’avenant, et notamment le moratoire, dont le but était, ainsi que le révèle le courrier de Mme [M] [N] du 9 février 2016, de trouver un nouveau financement auprès d’une autre banque, traduit au contraire la volonté de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique de permettre à l’emprunteuse de continuer à honorer ses obligations à son égard, et d’éviter une défaillance imminente.
Aucun manquement à son devoir de mise en garde n’est caractérisé à l’encontre de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique.
Par ailleurs, la baisse de chiffre d’affaires alléguée par les appelantes et due selon elles à la fermeture des deux cabinets médicaux de la commune, a été compensée, ainsi qu’elle le soulignent, par une baisse des charges, de sorte qu’il n’est pas démontré que le redressement de la pharmacie devait nécessairement passer par un rallongement de la durée du prêt, et les appelantes ne démontrent pas que la banque ait refusé à L’eurl [M] [N] une renégociation du prêt différente de celle qui a été finalisée, étant en outre précisé que si, lors de la signature du contrat, la banque peut engager sa responsabilité quand elle accorde un crédit excessif, il n’en est pas de même dans le cadre d’une renégociation.
Aucun refus fautif n’étant en outre démontré à l’encontre de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique, la demande de ce chef sera rejetée.
– Sur l’inopposabilité de la déchéance du terme à la caution :
La clause du contrat de cautionnement aux termes de laquelle Mme [M] [N] a renoncé expressément aux bénéfices de discussion et de division mentionne in fine : ‘Je ne saurais subordonner l’exécution de mon engagement de caution à une mise en demeure préalable du débiteur principal par la banque, l’exigibilité des créances de cette dernière à l’égard du débiteur principal entrainant de plein droit l’exigibilité de ma dette de caution et les écritures de la banque m’étant à cet égard opposables.
Nonobstant l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de la déchéance du terme de l’obligation ci-dessus en cas d’échéance impayée, le défaut de paiement par mes soins de ladite échéance après mise en jeu de mon engagement par la Banque, entrainera de plein droit à mon égard, l’exigibilité de l’intégralité des sommes dues au titre de cette obligation’.
Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les termes de cette clause sont claires et signifient qu’après mise en demeure demeurée infructueuse, la déchéance du terme est acquise à l’encontre de la caution, étant précisé que le paragraphe 2 du contrat de cautionnement mentionne notamment : ‘En raison du caractère solidaire de mon engagement de caution, je renonce aux bénéfices de discussion et de division. En renonçant au bénéfice de discussion, je m’engage à payer la banque, sans pouvoir exiger de cette dernière qu’elle poursuive préalablement le débiteur sur ses biens.’
En l’espèce, la BPACA a, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 8 janvier 2019 mis en demeure la SARLU Pharmacie [M] [N], débitrice principale, ainsi que Mme [L] [M] [N], caution d’avoir
à régulariser la situation dans un délai de huit jours, sous peine de déchéance du terme, de sorte que l’exigibilité des sommes dues par la caution est acquise, Mme [M] [N] ne prétendant pas avoir régularisé les échéances impayées dans le délai imparti.
– Sur la disproportion :
Aux termes des dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La disproportion de l’engagement de caution s’apprécie à la date de la conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus et la caution qui l’invoque doit en rapporter la preuve. En l’absence de toute vérification préalable de la solvabilité de la caution faite par la banque au moment de la souscription du cautionnement, elle peut être démontrée par la caution, à laquelle incombe la charge de la preuve, par tous moyens.
L’appréciation de la disproportion se fait objectivement, en comparant, au jour de l’engagement, le montant de la dette garantie aux biens et revenus de la caution, à ses facultés contributives.
Enfin, la valeur à prendre en considération pour le patrimoine immobilier de la caution est celle résultant de l’estimation par elle, dans la fiche de renseignement qu’elle signe, de ses immeubles et du capital restant dû pour les prêts afférents à leur acquisition.
Les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d’associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l’appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement, en application de l’article L. 341-4 du code de la consommation.
En l’espèce, Mme [M] [N], qui fait valoir la disproportion de son engagement, ne produit aux débats que les tableaux d’amortissement des emprunts contractés pour l’acquisition de deux appartements à Caudéran et [Localité 7], sans fournir le moindre élément sur leur valeur vénale, pas plus qu’elle ne justifie de son autre patrimoine immobilier, dont un appartement à [Adresse 6] dont elle fait état dans ses écritures, et son immeuble d’habitation.
Elle était également propriétaire de l’intégralité des parts de la SARLU Pharmacie [M] [N] propriétaire du fonds de commerce de pharmacie.
La banque produit pour sa part l’étude de faisabilité et le prévisionnel d’exploitation sur cinq ans réalisé en 2009 par un expert comptable lors de la souscription du premier emprunt, desquels il ressort qu’aucune disproportion de l’engagement de caution n’est avérée.
A défaut de risque d’endettement excessif lors de la conclusion du contrat de cautionnement, aucun devoir de mise en garde n’incombait à la banque, et il en est de même lors de l’engagement dans l’avenant de 2017, la renégociation du prêt n’entraînant pas pour la banque l’obligation d’alerter la caution sur les risques encourus, dès lors que les caractéristiques du prêt (durée totale, taux d’intérêt) demeuraient identiques, et que le réaménagement proposé avait au contraire pour objet d’alléger pour une durée d’un an les charges de remboursement.
– Sur l’indemnité forfaitaire :
La Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique sollicite la somme de 64.034,14 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de 10 % prévue à l’article ‘indemnités’ rédigée de la façon suivante : ‘ Dans le cas où la banque serait obligée de produire à un ordre ou à une distribution par contribution, de faire délivrer une sommation, d’exercer ou de participer à une procédure quelconque, collective ou non, elle aura droit, pour couvrir forfaitairement les frais de gestion du dossier par son service contentieux, à une indemnité de 10 % de sa créance à recouvrer’.
La banque soutient que l’indemnité forfaitaire n’est stipulée qu’à titre de dédommagement des faits de poursuites, alors que, la clause litigieuse est stipulée à la fois comme un moyen de contraindre l’emprunteur à l’exécution spontanée et comme l’évaluation forfaitaire du futur préjudice subi par le prêteur du fait de l’obligation d’engager une procédure, ce dont il doit être déduit qu’une telle clause doit être qualifiée de clause pénale.
Au regard des échéances réglées, du montant du crédit, des circonstances particulières de la défaillance, intervenue en raison notamment de la dégradation de la situation de la pharmacie, et de l’intérêt que l’exécution partielle du contrat a procuré à la banque, il y a lieu de réduire à 3.000 euros la clause pénale contractuellement prévue.
La créance de la banque est ventilée de la façon suivante :
– principal arrêté au 28 janvier 2019 : 640.341,36 euros
– intérêts du 26/12/2018 au 28/01/2019 : 2.171,02 euros
– Accessoires : 64.034,14 euros .
La clause pénale au titre des accessoires étant réduite à la somme de 3.000 euros, l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] caution, seront condamnées solidairement à payer à la banque populaire aquitaine centre atlantique la somme de 645’512,38 euros, outre les intérêts au taux de 3,75 % du 29 janvier 2019 jusqu’à la date effective de paiement, précisant que la condamnation pour paiement à l’encontre de Mme [M] [N], caution, est limitée à son engagement de caution soit à la somme de 777.500,16 euros y compris intérêts et pénalités.
– Sur l’article 1154 (ancien) du Code civil :
Par application de l’article 1154 du code civil, il convient de confirmer la décision ayant ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
– Sur la révision du contrat :
Au regard de la nature du litige, et faut d’accord sur ce point entre les parties, il n’y a pas lieu d’ordonner une médiation.
– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] .
Il est équitable d’allouer à la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, que l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] seront condamnées in solidum à lui payer.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le quantum de la condamnation solidaire ;
Statuant à nouveau sur ce point :
Condamne solidairement l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] à payer à la banque populaire aquitaine centre atlantique la somme de 645’512,38 euros, outre les intérêts au taux de 3,75 % du 29 janvier 2019 jusqu’à la date effective de paiement, précisant que la condamnation pour paiement à l’encontre de Mme [M] [N], caution, est limitée à son engagement de caution soit à la somme de 777.500,16 euros y compris intérêts et pénalités ;
Y ajoutant,
Condamne solidairement l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] à payer à la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique la somme de 1.500 euros en application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Condamne solidairement l’EURL Pharmacie [M] et Mme [M] [N] aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.