Comptes courants d’associés : 16 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 22/01694

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Comptes courants d’associés : 16 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 22/01694

16 mars 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG
22/01694

Chambre Commerciale

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 16/03/2023

la SCP BRILLATZ-CHALOPIN

Me Nelly GALLIER

ARRÊT du : 16 MARS 2023

N° : 41 – 23

N° RG 22/01694

N° Portalis DBVN-V-B7G-GTS7

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 24 Juin 2022

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265281067315813

S.A.R.L. [E]-FLOREK

Représentée par Maître [I] [E], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL AMBOISE AUTOMOBILES,

[Adresse 4]

[Localité 5]

Ayant pour avocat Me Antoine BRILLATZ, membre de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avocat au barreau de TOURS

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265291817679828

Monsieur [W] [V]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 2] ESPAGNE

Ayant pour avocat Me Nelly GALLIER, avocat au barreau de BLOIS

Madame [R] [M] épouse [V]

née le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 2] ESPAGNE

Ayant pour avocat Me Nelly GALLIER, avocat au barreau de BLOIS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 08 Juillet 2022

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 05 Janvier 2023

Dossier communiqué au Ministère Public le 13 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 19 JANVIER 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 16 MARS 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige

EXPOSE DU LITIGE :

M. [W] [V] et Mme [R] [M] épouse [V], cogérants de la SARL Amboise Automobiles et détenteurs de la totalité du capital social, ont cédé à la société LB Evolution la totalité de leurs parts sociales par acte du 6 décembre 2018, pour un montant de 300 000 euros.

L’acte de cession prévoyait une garantie d’actif et de passif pour laquelle l’établissement d’un bilan de cession, arrêté au 30 novembre 2018, devait être réalisé au plus tard le 28 février 2019.

Le bilan de cession a été communiqué avec retard, accompagné de réserves de l’expert-comptable sur la valorisation du stock, des produits et remises à recevoir, ainsi que sur le montant des créances clients -l’expert-comptable précisant « ne pouvoir exprimer aucune assurance sur la régularité et la sincérité des comptes présentés, ni même sur l’image fidèle du résultat et de la situation financière de l’entreprise à cette date ».

Après avoir vainement demandé aux époux [V] leurs explications sur ces réserves, et constaté des divergences entre le bilan de cession ainsi arrêté au 30 novembre 2018 et le bilan annuel clos au 31 décembre 2018 réalisé par un autre cabinet d’expertise-comptable, la société LB Evolution a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Tours qui, par ordonnance du 13 novembre 2020, a ordonné une expertise et désigné pour y procéder M. [G], lequel a déposé son rapport le 24 juin 2021.

En parallèle, la société Amboise Automobiles a été placée en redressement judiciaire le 5 novembre 2019.

La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 23 juin 2020 et la SELARL [E]-Florek a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Au regard des constatations de l’expert, la SELARL [E]-Florek, ès qualités, a fait assigner M. et Mme [V] devant le tribunal de commerce de Tours par actes des 19 et 25 novembre 2021, aux fins de les entendre condamner à combler l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la société Amboise Automobiles.

Par jugement du 24 juin 2022 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal a :

– débouté M. [W] [V] et Mme [R] [M] épouse [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– condamné solidairement M. [W] [V] et Mme [R] [M] épouse [V] à payer à la Selarl [E]-Florek, ès qualitsé de liquidateur judiciaire de la SARL Amboise Automobiles, la somme de 281 345 euros, au titre du comblement d’une partie de l’insuffisance d’actif de la société Amboise Automobiles sur les fondements de l’article L.651-2 du code de commerce,

– condamné solidairement M. [W] [V] et Mme [R] [M] épouse [V] à payer à la Selarl [E]-Florek, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Amboise Automobiles, la somme de 5 000 euros, à titre de l’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’emploi des entiers dépens en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Amboise Automobiles

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que les appréciations de l’expert, corroborées par les analyses réalisées par la société Fiducial, arrêtées 24 jours après la cession, établissent que les époux [V] ont commis des fautes de gestion au sens de l’article L. 651-2 du code de commerce.

En ce sens, les premiers juges ont retenu que les comptes de la société Amboise Automobiles étaient faux, non fidèles et non sincères, que le résultat de la société avait été fictivement augmenté afin de masquer les difficultés et obtenir des concours financiers ayant permis de poursuivre une activité déficitaire, que pour combler les découverts de leurs comptes courants, les époux [V] s’était accordés des rémunérations excessives au regard de la rentabilité de l’entreprise, et qu’enfin des opérations de prêts interdites par la législation sur les entreprises commerciales avaient été réalisées, notamment avec la société ABR Automobiles, pour des montants significatifs.

Après avoir rappelé que l’insuffisance d’actif constatée à la fin de la procédure de liquidation judiciaire de la société Amboise Automobiles s’élève à la somme de 1 001 839,95 euros, puis relevé que selon le rapport de M. [G], l’insuffisance d’actif générée par les fautes de gestion commises par les époux [V] existait déjà à la date de la cession, le 6 décembre 2018, les premiers juges ont retenu que l’insuffisance d’actif imputable aux époux [V] ne pouvait correspondre à l’insuffisance d’actif constatée au terme de la liquidation judiciaire, alors qu’une partie de celle-ci résultait de la gestion, postérieure à la cession, de la nouvelle direction, et ont estimé, à partir des éléments comptables qui ont encadré la cession, que l’insuffisance d’actif au 6 décembre 2018, date de la cession, pouvait être évaluée à 281 345 euros.

En retenant que cette insuffisance d’actif était en lien avec les fautes de gestion des époux [V], en ce que, sans une présentation fallacieuse des éléments comptables, la société Amboise Automobiles, qui n’aurait pu obtenir de concours financiers, aurait été déficitaire dès 2016 et n’aurait pu poursuivre son exploitation, les premiers juges ont condamné solidairement M. et Mme [V] à payer au liquidateur de la société Amboise Automobiles, au titre du comblement d’une partie de l’insuffisance d’actif de ladite société, la somme de 281 345 euros.

Par déclaration du 8 juillet 2022, la SARL [E]-Florek, représentée par Maître [I] [E], a relevé appel de cette décision en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Amboise Automobiles, en ce que ladite décision a limité à 281 345 euros la somme due solidairement par M. et Mme [V] au titre du comblement d’une partie de l’insuffisance d’actif de la société Amboise Automobiles.

Moyens

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2022, la SELARL [E]-Florek, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Amboise automobiles, demande à la cour de :

– dire recevable et fondé l’appel interjeté par la Selarl [E]-Florek, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Amboise Automobiles, du jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 24 juin 2022,

– confirmer ledit jugement sauf en ce qu’il a condamné les époux [V] à payer à la Selarl [E]-Florek, ès qualités, la somme de 281 345 euros,

– l’infirmer de ce chef et statuant à nouveau sur ce point,

– condamner les époux [V], solidairement entre eux, à payer à la Selarl [E]-Florek, ès qualités, la somme de 1 000 000 d’euros,

Y ajoutant,

-condamner les époux [V], solidairement entre eux, à payer à la Selarl [E]-Florek, ès qualités, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter les époux [V] de leurs demandes, fins et conclusions et notamment de leurs demandes de nullité d’actes et de caducité de l’appel principal,

– subsidiairement sur ce dernier point, dire alors leur appel incident irrecevable,

– condamner enfin les époux [V], solidairement entre eux, aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2023, M. et Mme [V] demandent à la cour de :

A titre principal,

– prononcer la nullité des actes de signification de la déclaration d’appel et des conclusions,

– déclarer caduque la déclaration d’appel régularisée le 8 juillet 2022 à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 24 juin 2022,

A titre subsidiaire,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 24 juin 2022 en toutes ses dispositions,

– déclarer irrecevable et mal fondée l’action en comblement de passif engagée par la SELARL [E]-Florek à l’encontre de M. et de Mme [V],

A titre éminemment subsidiaire,

– confirmer ledit jugement en ce qu’il a limité à la somme de 281 345 euros, la somme due solidairement par M. [W] [V] et Mme [R] [M] épouse [V], à la SELARL [E]-Florek, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Amboise Automobiles, au titre du comblement d’une partie de l’insuffisance d’actifs de la société Amboise Automobiles sur les fondements de l’article L.651-2 du code de commerce,

En tout état de cause,

– débouter la Selarl [E]-Florek de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– la condamner à verser à M. [W] [V] et Mme [R] [M] épouse [V] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ces derniers aux profits de Maître Nelly Garnier, avocat

Par avis écrit en date du 13 janvier 2023, communiqué aux parties le jour-même par voie électronique, le ministère public a déclaré s’en rapporter à justice.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

Motivation

MOTIFS :

Sur la demande de nullité des « actes de signification » de la déclaration d’appel et des conclusions de l’appelante, et sur la demande de caducité de la déclaration d’appel :

Les intimés exposent que les « actes de signification » de la déclaration d’appel et des

conclusions du liquidateur qui leur ont été délivrés sont nuls, en ce qu’ils ne mentionnent pas la date de leur remise, au sens de l’article 687-2 du code de procédure civile, et ajoutent que cette absence de date, qui les a privés de la possibilité de calculer les délais qui leur étaient impartis pour organiser leur défense et conclure devant la cour, leur cause incontestablement un grief.

Ils ajoutent que, faute pour les « actes de signification » de la déclaration d’appel et des conclusions de l’appelante de mentionner la date de leur délivrance, il n’est pas justifié du respect par l’appelante des délais prévus aux articles 905-1 et 905-2 du code de procédure civile, ce dont ils déduisent que l’appel doit être déclaré caduc.

La SELARL [E] Florek rétorque que les actes de dénonciation de sa déclaration d’appel, datés du 5 août 2022, aussi bien que les significations de ses conclusions, selon elle datées du 1er septembre 2022, sont réguliers et respectueux des délais légaux.

Elle demande en conséquence à la cour de déclarer son appel recevable, en ajoutant que les époux [V], qui ont constitué avocat et conclu avant la clôture, ne justifient en toute hypothèse d’aucun grief causé par les nullités alléguées.

A titre subsidiaire, le liquidateur indique que si la caducité de son appel devait être prononcée, la cour d’appel sera dessaisie, de sorte que l’appel incident des époux [V] devra être déclaré irrecevable.

En application de l’article 648,1° du code de procédure civile, tout acte d’huissier de justice doit indiquer, à peine de nullité, sa date.

Selon l’article 649 du même code, la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

Aux termes de l’article 114, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Il est constant, en l’espèce, que M. et Mme [V] sont domiciliés en Espagne. Le commissaire de justice chargé de leur signifier la déclaration d’appel, puis les conclusions du liquidateur appelant, a donc dû procéder à ces significations conformément au règlement UE 2020/1784 du 25 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification dans les états membres des actes judiciaires et extrajudicaires en matière civile ou commerciale.

Il résulte des pièces 10 et 11 de l’appelant, remises au greffe par voie électronique le 11 août 2022, que, comme il est dit à l’article 8 du règlement UE 2020/1784 du Parlement européen et du Conseil, le commissaire de justice chargé de signifier à M. et Mme [V] la déclaration d’appel de la SELARL [E] Florek, ès qualités, a transmis le 5 août 2022 à l’autorité compétente espagnole les actes à signifier à chacun des intimés.

L’acte de transmission dressé par le commissaire de justice, daté du 5 août 2022, satisfait ainsi aux exigences de l’article 648 du code de procédure civile.

Si l’autorité compétente espagnole n’a pas transmis l’attestation d’accomplissement des formalités prévue à l’article 14 du règlement UE 2020/1784, de sorte qu’il n’est pas possible de savoir à quelle date l’acte a effectivement été remis à M. et Mme [V] au sens de l’article 687-2 du code de procédure civile, il n’en résulte pour autant aucune nullité, dès lors que l’article 693 du code de procédure civile ne prévoit pas que les dispositions de l’article 14 du règlement doivent être observées à peine de nullité.

S’agissant de ses conclusions, la SELARL [E] Florek, ès qualités, produit en pièces 12 et 13 les actes de signification dont elle a remis copie au greffe par voie électronique le 5 septembre 2022.

Les actes dont s’agit sont les attestations de transmission à l’entité espagnole compétente des conclusions à signifier à M. et Mme [V], établies comme il est prévu à l’article 8 du règlement UE n° 2020/1784.

Si l’acte de transmission à l’autorité requise des conclusions du liquidateur destinées à M. [V] est bien daté du 1er septembre 2022, comme le fait valoir l’appelant, l’acte de transmission des conclusions destinées à être signifiées à Mme [V] ne porte, lui, mention d’aucune date -il y est seulement indiqué «Le deux mille vingt deux », sans précision du jour ni du mois.

En ce qu’il ne mentionne pas la date à laquelle il a été dressé, l’acte de transmission des conclusions de l’appelant destinées à être signifiées à Mme [V] encourt la nullité si l’intimée établit qu’il en est résulté pour elle un grief.

Mme [V] ne peut faire valoir que l’absence de date l’a placée dans l’incapacité de calculer les délais qui lui étaient impartis pour organiser sa défense et conclure, alors que, en l’absence de date fixant le point de départ du délai qui lui était imparti par l’article 905-2 du code de procédure civile pour conclure, tel qu’augmenté par l’article 911-2, le délai ne pouvait commencer à courir de sorte que Mme [V] n’était pas exposée à la sanction d’irrecevabilité prévue à l’article 905-2.

Dès lors que, comme son époux, Mme [V] a pu conclure devant la cour, et qu’elle n’invoque aucun autre grief, au soutien de sa demande de nullité, que celui qui vient d’être écarté, la demande de nullité ne peut qu’être rejetée.

L’article 905-1 du code de procédure civile dont se prévalent M. et Mme [V] au soutien de leur demande de caducité de la déclaration d’appel énonce que lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe, à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office.

Selon l’article 13, 2° du règlement UE 2020/1784, lorsque le droit d’un Etat membre exige qu’un acte soit signifié ou notifié dans un délai déterminé, la date à prendre en considération à l’égard du requérant est celle fixée par le droit de cet Etat membre.

En droit interne, l’article 687-2 du code de procédure civile prévoit à son dernier alinéa que lorsqu’aucune attestation décrivant l’exécution de la demande n’a pu être obtenue des autorités étrangères compétentes, nonobstant les démarches effectuées auprès de celles-ci, la notification est réputée avoir été effectuée à la date à laquelle l’acte leur a été envoyé.

Dès lors qu’il est établi, en l’espèce, que la déclaration d’appel du liquidateur a été transmise à l’entité espagnole compétente, à fin de signification à chacun de M. et Mme [V], le 5 août 2022, soit moins de dix jours après réception de l’avis de fixation qui lui avait été adressé le 1er août 2022 par le greffe, la déclaration d’appel du liquidateur n’encourt pas la caducité prévue à l’article 905-1 du code de procédure civile.

L’article 905-2 du même code, également invoqué par les intimés au soutien de leur demande de caducité, prévoit que, à peine de caducité de la déclaration d’appel, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

La SELARL [E] Florek a remis ses conclusions au greffe le 11 août 2022, moins d’un mois après la réception, le 1er août 2022, de l’avis de fixation à bref délai.

Aucune caducité n’est donc encourue non plus en application de l’article 905-2.

Etant observé à titre surabondant que la caducité de la déclaration d’appel prévue dans le cas où l’appelant n’a pas signifié ses conclusions à l’intimé dans le délai imparti par l’article 911 ne peut être encourue, en raison d’une irrégularité de forme affectant cette signification, qu’en cas d’annulation de cet acte (v. par ex Civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-17.999), et qu’en l’espèce, la signification des conclusions du liquidateur à M. et Mme [V] n’a pas été annulée, la demande tendant à voir déclarer la déclaration d’appel caduque ne peut qu’être rejetée.

Sur le fond :

La SELARL [E] Florek, ès qualités, reprend les prétentions et moyens qu’elle avait formulés en première instance.

Elle fait d’abord valoir que la liquidation judiciaire de la société Amboise Automobiles a fait apparaître une insuffisance d’actif importante, en lien avec les fautes de gestion commises par les époux [V] au 6 décembre 2018, date de cessation de leurs fonctions de dirigeants, et en déduit que c’est à raison que les premiers juges ont condamné les appelants à combler cette insuffisance d’actif, en ajoutant que l’appel incident des époux [V], qui ne développent selon elle aucun moyen à son soutien, et ne produisent aucune pièce nouvelle, devra être déclaré mal fondé.

Le liquidateur précise que plusieurs fautes de gestion ont été commises par les époux [V] qui ont poursuivi pendant deux ans une exploitation déficitaire dans leur seul intérêt personnel, et que ces fautes sont sans conteste en relation avec l’insuffisance d’actif constatée.

Il indique que les comptes de la société Amboise Automobiles pour les exercices clos les 31 décembre 2016 et 31 décembre 2017, qui ne donnaient pas une image sincère et fidèle de sa situation financière et masquaient des difficultés importantes, ont permis à la société de bénéficier de concours financiers ou bancaires qui ne lui auraient pas été accordés si ses partenaires avaient eu connaissance de la situation réelle, notamment l’acquéreur, la société LB Evolution, qui a apporté en compte courant plus de 300 000 euros de trésorerie.

La SELARL [E]-Florek, ès qualités, ajoute que les époux [V] ont maintenu leurs comptes courants débiteurs pour des montants significatifs au cours de l’année 2018 et se sont octroyés, pour combler le débit de ces comptes, des rémunérations importantes dont le paiement n’a été rendu possible qu’en ayant recours à l’emprunt. Elle ajoute encore que des prêts interdits et des relations financières anormales sont intervenues avec la société ABR Automobiles dans laquelle les époux [V] sont également intéressés.

Sur la relation causale, le liquidateur indique que sans les manipulations comptables auxquelles se sont livrés les époux [V], l’exploitation déficitaire de la société Amboise Automobiles n’aurait pu se poursuivre après la fin de l’exercice 2016, souligne que cette poursuite d’exploitation a permis aux deux dirigeants de conserver des rémunérations très élevées qui ont privé la société de la trésorerie correspondante et des charges induites, qui n’ont pu être réglées que par le recours à l’emprunt.

Le liquidateur en déduit que cette poursuite d’activité déficitaire est en relation avec l’insuffisance d’actif constatée, puis ajoute que le résultat de l’exercice 2018 arrêté au 31 décembre, qui s’est déroulé onze mois sur douze sous la direction des intimés, fait apparaître un résultat déficitaire de 628 388 euros qui corrobore la relation de cause à effet entre les fautes de gestion de M. et Mme [V] et l’insuffisance d’actif.

Le liquidateur conclut que le principe de la condamnation des intimés à combler l’insuffisance d’actif de la société Amboise Automobiles existante au 6 décembre 2018 ne pourra qu’être confirmé, mais que le montant de la condamnation devra être porté à 1 000 000 euros pour prendre en considération la fonction indemnitaire de l’action en comblement de passif, qui vise, notamment, à réparer le préjudice subi par la collectivité des créanciers.

Au soutien de leur appel incident, les époux [V] commencent par rappeler que pour leur être imputables, les fautes de gestion invoquées doivent être antérieures à l’acte de cession intervenu le 6 décembre 2018, et soutiennent, d’une part que la surévaluation des stocks invoquée a été constatée au 31 décembre 2018, et non à la date de la cessation de leur activité ; d’autre part que les rémunérations qui leur ont été versées n’ont rien d’excessif au regard du chiffre d’affaires réalisé par la société. Ils précisent en tout état de cause que même à retenir un écart de stock de marchandises et une rémunération excessive, « le cumul de ces fautes s’élèverait à la somme de 176 000 euros ».

Ils assurent que, contrairement à l’opinion du liquidateur et de l’expert, ils n’ont nullement manipulé la comptabilité de la société. Ils expliquent en ce sens que, mécaniciens, ils n’ont aucune connaissance particulière en matière comptable, qu’ils ont toujours confié l’établissement de la comptabilité à la société d’expertise-comptable Strego et que, ni cette société qui a établi pendant plus de dix ans les bilans sans élever la moindre critique, ni l’administration fiscale qui a pourtant procédé à une vérification de la comptabilité à l’occasion d’un contrôle clos en 2018, ni la société Intercessio, sollicitée pour évaluer leurs parts sociales, ni encore le groupe Volkswagen qui a procédé annuellement au contrôle de la comptabilité en visitant les locaux et en évaluant les stocks, n’ont détecté d’anomalies dans la comptabilité.

Ils ajoutent que l’appelante ne rapporte pas la preuve d’un lien de causalité entre les fautes alléguées contre eux et l’insuffisance d’actif, et soutiennent que seuls le comportement et l’incurie du repreneur, M. [K], qui a réduit les heures d’ouverture du garage, nourri des relations conflictuelles avec le personnel de l’atelier, déplu à la clientèle et provoqué la rupture des relations avec le groupe Volkswagen, expliquent la « déconfiture » de la société.

Ils indiquent enfin avoir été définitivement condamnés à régler à la société Financo, en leur qualité de caution, la somme de 200 000 euros, et concluent que si la cour venait à considérer que la preuve d’une faute de gestion, à l’origine de l’insuffisance d’actif, était rapportée, leur condamnation au bénéfice de Financo devra « compenser leur participation financière au passif de la société Amboise Automobiles ».

Aux termes de l’article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 applicable en l’espèce, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.

Il résulte de ces dispositions que la responsabilité du dirigeant suppose la réunion de trois conditions : 1° l’existence d’une insuffisance d’actif, 2° une ou plusieurs fautes de gestion, exclusives de simples négligences, 3° un lien de causalité entre la faute et l’insuffisance d’actif constatée.

Il convient de vérifier, en l’espèce, la réunion de ces conditions, étant observé que M. et Mme [V] ne contestent pas leur qualité de co-dirigeants de la société Amboise Automobile jusqu’au 6 décembre 2018, date de cession de leurs parts sociales.

– sur l’insuffisance d’actif :

Il n’est pas contesté, en l’espèce, que le passif vérifié de la société Amboise Automobiles s’élève à 1 201 602,57 euros, que l’actif réalisé représente 199 762,62 euros, et que l’insuffisance d’actif représente donc, au jour où la cour statue, 1 001 839,95 euros.

Le dirigeant retiré peut être condamné à combler l’insuffisance d’actif, même si lors de son retrait, il n’y avait pas encore cessation des paiements, mais il faut que puisse lui être imputée une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif. Il ne suffit pas que l’insuffisance d’actif soit liée à la période de gestion du dirigeant retiré ; il faut qu’elle existe au jour de la cessation de ses fonctions.

En l’espèce, l’expert judiciaire conclut son rapport en indiquant que la société Amboise Automobiles aurait été défaillante dès 2016 si elle n’avait pas obtenu les concours bancaires qui lui ont été accordés pour financer des stocks de marchandises en partie fictifs.

Le résultat comptable au 31 novembre 2018, tel qu’il ressort du bilan réalisé par la société Strego, est déficitaire. Non seulement la perte comptable est déjà évaluée à 98 047 euros au 31 novembre 2018, mais la situation comptable a été établie avec d’importantes réserves. La société Strego indique en effet ne pouvoir exprimer « aucune assurance sur la régularité et la sincérité des comptes présentés, ni même sur l’image fidèle du résultat et de la situation financière à cette date », en expliquant, d’une part que « la valorisation du stock, des produits et remises à percevoir, relèvent d’une évaluation de M. et Mme [V], non confortée par des éléments tangibles » ; d’autre part que « le montant des créances clients n’a pas fait l’objet d’un contrôle de cohérence et ne peut être justifié ».

Le résultat au 31 décembre 2018, tel qu’il ressort des comptes annuels établis par la société Fiducial, est déficitaire à hauteur de 628 338 euros. Les capitaux propres de la société sont négatifs pour un montant de 305 842 euros, et il est établi par l’expertise qu’en l’absence d’événement exceptionnel, non allégué par M. et Mme [V], cette dégradation du résultat de 530 291 euros en un mois ne peut s’expliquer, en l’absence de diminution corrélative du chiffre d’affaires, que par le caractère erroné ou fallacieux des comptes arrêtés 30 novembre 2018 -comptes comportant notamment, selon l’expert, une surestimation des commissions à percevoir (de plus de 180 000 euros) et des stocks (de l’ordre de 140 000 euros).

S’il n’y a pas lieu de fixer exactement le montant de l’insuffisance d’actif au jour où M. et Mme [V] ont cessé leurs fonctions de co-dirigeants, le 6 décembre 2018 de l’avis de toutes les parties, il apparaît, sans aucune doute possible, que sans cette présentation inexacte des comptes, la société Amboise Automobiles, qui n’aurait pas pu obtenir de crédit, n’aurait pas pu continuer son exploitation, et qu’une insuffisance d’actif préexistait donc au retrait des époux [V].

– sur les fautes de gestion :

Le liquidateur reproche à M. et Mme [V] différentes fautes, qu’il convient d’examiner successivement.

L’existence d’opérations de prêts interdites et de relations financières anormales avec la société ABR Automobiles

En se contentant d’indiquer, comme les premiers juges, que l’expert aurait constaté des opérations de prêts interdites et des relations financières anormales avec la société ABR dans laquelle les époux [V] sont intéressés, sans fournir d’explication sur les opérations de prêts et les relations financières en cause, ni surtout aucun justificatif des liens existant entre la société ABR et les intimés, le liquidateur ne caractérise aucune faute de gestion qui puisse être imputée à M. et Mme [V] de ce chef.

Le découvert en compte courant

Il résulte de l’expertise et des documents comptables que le technicien a annexé à son rapport que le compte courant d’associés des époux [V] est resté débiteur du 22 juin au 30 novembre 2018, et que le découvert, sur cette période, a régulièrement atteint des sommes comprises entre 52 000 et 63 000 euros.

Dans une société commerciale à responsabilité limitée, telle la SARL Amboise Automobiles, il est strictement interdit aux gérants et associés personnes physiques de détenir un compte courant d’associé débiteur.

Une telle situation, qui revient pour les gérants et/ou les associés à emprunter de l’argent à la société, constitue une infraction pénalement répréhensible, et assurément une faute de gestion.

La tenue d’une comptabilité inexacte

Il résulte de l’expertise qu’à partir de 2015, les stocks de marchandises (pièces détachées, huiles, pneus) ont été largement surestimés, et que cette surestimation, qui constitue un actif fictif, a influencé le résultat des exercices 2015, 2016, 2017, ainsi que celui de la situation arrêtée au 30 novembre 2018.

En dépit des demandes réitérées de l’expert, M. et Mme [V], qui ont curieusement comptabilisé ces stocks pour des montants arrondis, n’ont jamais communiqué aucun inventaire, et n’en produisent pas non plus devant la cour.

Concernant les stocks encore, dont la surestimation physique a été révélée à l’occasion des vérifications auxquelles a procédé la société Fiducial pour établir le bilan au 31 décembre 2018, l’expert explique que si les stocks de véhicules d’occasion inventoriés étaient, quantativement, exacts, la valorisation de ces stocks était en revanche inexacte, faute pour M. et Mme [V] d’avoir provisionné la dépréciation des véhicules liée à l’effet du temps, comme l’imposent pourtant les règles comptables.

Il est également démontré que les produits à recevoir, comme les factures à établir, ont été comptabilisés jusqu’au 30 novembre 2018 de manière fantaisiste, toujours dans le sens d’une surestimation, ce qui a eu pour effet de gonfler artificiellement les résultats de la société, depuis 2015 selon l’expert.

Alors que les produits à recevoir constituent des produits dont le montant est incertain, mais dont le principe, lui, doit être acquis à l’entreprise, le technicien a montré que dans la comptabilité de la société Amboise Automobiles, ces produits à recevoir, constitués des commissions et primes d’objectifs, étaient systématiquement comptabilisés à des montants très importants à la clôture des exercices comptables, puis faisaient l’objet d’une extourne sur l’exercice suivant.

D’après le bilan au 31 décembre 2016 par exemple, le montant des produits à recevoir s’établissait à 175 960,87euros. Or, en 2017, les commissions et courtages comptabilisés ne s’élèvent qu’à 13 030,06 euros, et 127 800 euros HT ont fait l’objet d’une écriture d’extourne.

A la fin de l’exercice 2017, le compte est demeuré créditeur pour cela seul que de nouvelles commissions à recevoir ont été comptabilisées à hauteur de 133 500 euros HT, mais ces commissions n’ont pas été perçues en 2018.

De la même manière, 168 000 euros HT de commissions à recevoir avaient été comptabilisés dans la situation au 30 novembre 2018, alors qu’au 31 décembre 2018, les commissions à recevoir ont dû être ramenées à 32 003,23 euros HT.

Selon un procédé analogue, l’analyse des comptes annuels montre qu’à partir de 2016 au moins, les résultats de la société avaient été fictivement améliorés par la comptabilisation de factures à établir qui n’existaient pas.

Alors que le compte « factures à établir » est en effet destiné à enregistrer des factures qui n’ont pas été établies par l’entreprise à la clôture de l’exercice, mais qui portent sur des livraisons de biens ou des prestations de services déjà réalisées, donc sur des produits certains, l’expertise a révélé, à partir de 2017 au moins, une surestimation systématique de ce compte.

L’extrait du grand-livre 2017 reproduit par l’expert montre par exemple que sur le montant des factures à établir comptabilisé pour 100 740 euros TTC au 31 décembre 2016, les factures n’ont finalement été établies, en 2017, qu’à hauteur de 48 000 euros TTC. Cette surestimation fictive des actifs, à hauteur de 52 740 euros, a eu pour effet immédiat de majorer de 43 950 euros (montant hors taxes de 52 740) le résultat net de la société au 31 décembre 2016.

Pour l’exercice 2018, le montant des factures à établir, qui avait été fixé à 106 740 euros au 31 décembre 2017, a été totalement extourné au 31 décembre 2018, ce qui révèle, là encore, une surestimation fictive du résultat net de la société à la fin de l’exercice 2017 de plus de 85 000 euros.

La tenue d’une comptabilité inexacte constitue assurément une faute de gestion imputable à M. et Mme [V], qui ne peuvent utilement se prévaloir de ce qu’ils étaient mécaniciens, alors qu’ils étaient aussi et surtout les dirigeants d’une société commerciale.

Les anomalies relevées qui, toutes, ont eu pour effet de bonifier de manière fictive les résultats de la société, ne sauraient constituer de simples négligences, alors que, même sans être des professionnels de la comptabilité, M. et Mme [V] ne pouvaient ignorer qu’en comptabilisant dans les stocks des marchandises inexistantes, ou en faisant figurer dans le compte « factures à établir » des sommes ne correspondant à aucune prestation ni à aucune vente à facturer, ils contribuaient à l’établissement d’une comptabilité inexacte, à la fois non fidèle et trompeuse.

Les intimés ne peuvent utilement faire valoir que la comptabilité de la société Amboise Automobiles aurait fait l’objet de nombreux contrôles, de la part de l’administration fiscale et du groupe Volkswagen notamment, qui n’auraient révélé aucune irrégularité, ce qui n’est justifié par la moindre pièce, et ne constituerait de toute façon pas une cause exonératoire.

M. et Mme [V] ne peuvent pas plus sérieusement expliquer qu’ils s’en remettaient à leur expert-comptable qui, certes, aurait pu procéder à davantage de contrôles de cohérences, mais auquel il n’appartenait pas, dans le cadre d’une simple mission de présentation des comptes, de procéder à leur place aux inventaires ou au calcul des factures restant à établir, ni même de se prononcer sur la sincérité des comptes.

La poursuite d’une activité manifestement déficitaire

L’expert indique, dès la fin de l’exercice 2016, que la société Amboise Automobiles aurait été défaillante si elle n’avait pu obtenir des prêts bancaires qui ne lui auraient pas été octroyés si les prêteurs avaient eu connaissance de la situation réelle de l’entreprise dont les bénéfices étaient, en réalité, inexistants.

Les situations comptables et l’état des créances montrent que, au moins pendant l’année 2017 et durant les onze mois durant lesquels ils ont dirigé la société en 2018, M. et Mme [V] ont poursuivi, dans leur intérêt personnel, une activité déficitaire. Les prêts qu’ils ont obtenus pour financer des stocks fictifs leur ont en effet permis de continuer à percevoir des rémunérations très confortables, de l’ordre de 8 000 euros par mois, et de rembourser leurs comptes courant d’associés. Début 2018 par exemple, la souscription d’un crédit complémentaire de 124 511 euros a permis aux intimés de s’attribuer 126 000 euros de rémunération et remboursements de cotisations sociales sur onze mois.

Ce comportement, qui ne peut résulter d’une simple négligence exonératoire, constitue une nouvelle faute de gestion dont la portée a été significative sur la constitution du passif.

– sur le lien causal :

Il n’est pas nécessaire de déterminer, comme s’y sont esayés les premiers juges, quelle part de l’insuffisance d’actif est imputable aux fautes de gestion qui viennent d’être caractérisées ; il suffit que ces fautes aient contribué à l’insuffisance d’actif pour que les conditions de la responsabilité soient réunies (v. par ex. Com. 17 novembre 2015, n° 14-12.372).

Il est certain, en l’espèce, que les fautes de gestion de M. et Mme [V] ont contribué à l’insuffisance d’actif, puisque les crédits qui ont servi à régler leurs rémunérations, et notamment la part de ces rémunérations qui a permis de rembourser leur compte courant d’associé, ont appauvri d’autant la société, et que dès que les comptes de la société Amboise Automobiles ont été arrêtés conformément aux règles comptables, le 31 décembre 2018, à la fin de l’exercice durant lesquels M. et Mme [V] avaient dirigé la société plus de onze mois sur douze, le résultat s’est révélé déficitaire à hauteur de 628 338 euros.

M. et Mme [V], qui ont dirigé ensemble la société et contribué l’un comme l’autre à l’insuffisance d’actif, seront donc solidairement condamnés à supporter une part de cette insuffisance.

– sur le quantum de la condamnation :

Aucune enquête patrimoniale n’apparaît avoir été réalisée en préalable de l’action en comblement de passif, et aucune des parties ne fournit d’indication sur la situation patrimoniale de M. et Mme [V].

Ces derniers justifient seulement avoir été condamnés à régler à la société Financo, par un jugement désormais irrévocable du 8 janvier 2021, la somme principale de 200 000 euros en leur qualité de cautions solidaires de la société en cause.

Si, comme l’indique le liquidateur, cette situation ne change rien à l’insuffisance d’actif, elle doit néanmoins être prise en considération en ce qu’une fraction du préjudice est susceptible de disparaître.

Les fautes de gestion des intimés ne sont pas la seule cause de l’insuffisance d’actif. Il ressort en effet clairement de la requête que l’administrateur judiciaire avait déposée à fin de conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire que, postérieurement au retrait de M. et Mme [V], la société a connu une importante désorganisation sociale qui a entravé l’activité de l’atelier mécanique et grevé la trésorerie (départs de personnel et arrêts maladie), puis que la pandémie de Covid 19, qui a conduit à un arrêt total de l’activité entre le 17 mars et le 11 mai 2020, a obéré définitivement la situation.

Au regard de ces éléments, du nombre et de la gravité des fautes caractérisées, la décision des premiers juges fixant à 281 345 euros le montant de la condamnation prononcée à l’encontre de M. et Mme [V] apparaît justifiée et proportionnée.

Cette condamnation sera donc confirmée.

Sur les demandes accessoires :

Les parties, qui succombent respectivement au sens de l’article 696 du code de procédure civile, conserveront chacune la charge des dépens qu’elles ont exposés.

Compte tenu du partage des dépens, il n’y a pas lieu à indemnité de procédure et les parties seront en conséquence respectivement déboutées de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande d’annulation des « actes de signification » de la déclaration d’appel et des conclusions de l’appelant,

Rejette la demande tendant à voir déclarer la déclaration d’appel caduque,

Confirme la décision entreprise en tous ses chefs critiqués,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Laisse à chacune des parties la charge des dépens dont elle a fait l’avance.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

 


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