16 mars 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/00387
CHAMBRE 1 SECTION 1
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 16/03/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/00387 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TMVK
Jugement (N° 19/00612)
rendu le 08 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer
APPELANTE
Madame [J] [R] épouse [Z]
née le 08 mars 1953 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Eric Delecroix, avocat au barreau d’Amiens, avocat plaidant
INTIMÉ
Monsieur [D] [G]
né le 13 avril 1953 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assisté de Me Emilie Camuzet-Fleckenstein, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 10 octobre 2022 tenue par Camille Colonna magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 après prorogation du délibéré en date du 12 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 septembre 2022
Exposé du litige
****
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [D] [G] et Mme [J] [R] se sont mariés le 1er juin 1974 sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts.
Par acte notarié du 3 février 1982, ils ont ensuite adopté le régime de la séparation de biens avant de constituer la SCI Saint Alban dont Mme [R] détient 99 % du capital et M.'[G] 1 %.
Par la suite, les parties ont signé une convention en date des 14 décembre 1994 et 18 janvier 1995 qui stipule qu’en contrepartie de l’aide apportée par M. [G] dans le cadre des opérations immobilières réalisées par la SCI, Mme [R] s’engageait à lui reverser 50 % des bénéfices de la société et qu’il serait établi chaque année un compte faisant apparaître le complément d’impôts sur le revenu qu’elle serait amenée à payer, ce complément étant prélevé sur les sommes versées à M. [G].
Le juge aux affaires familiales de Boulogne-sur-Mer a prononcé le divorce de M. [G] et Mme'[R] par un jugement du 4 février 1997 qui a été confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Douai en date du 30 septembre 1999.
Par arrêt du 26 avril 2010, la cour d’appel de Douai a, d’une part, infirmé la décision du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer du 5 juin 2007 jugeant que la clause précitée constituait une convention de croupier et devait être réputée non écrite pour débouter M. [G], ordonné une expertise, débouté M. [G] de sa demande de provision et sursis à statuer pour le surplus. Après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire en date du 1er mars 2011, la cour d’appel de Douai, par arrêt du 26 mai 2012, a fixé la part de bénéfices revenant à M. [G] au 21 décembre 2009 à 309 335 euros pour les quatorze années échues. Ces sommes ont été payées.
Se prévalant de ce que la convention des 14 décembre 1994 et 18 janvier 1995 n’avait pas été appliquée à compter de 2010, M. [G] a sollicité en 2017 en référé une expertise qui a été ordonnée par décision du 9 août 2017.
M. [S], expert judiciaire, a déposé son rapport le 29 avril 2019.
M. [G] avait entre-temps assigné Mme [R] en paiement.
Par un jugement en date du 8 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Boulogne-Sur-Mer a:
– condamné Mme [R] à payer à M. [G] les sommes de :
* 20 068 euros au titre de la quote-part sur les bénéfices réalisés par la SCI de 2010 à 2015, compte tenu des sommes déjà versées par Mme [R] à hauteur de 8 432 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et dit que les intérêts sur cette somme se capitaliseraient annuellement à compter de l’assignation et produiraient eux-mêmes intérêt dès qu’ils seraient dus pour une année entière dans les conditions de l’article 1154 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
* 4 812,54 euros au titre du compte général d’attente avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
* 6 216,30 euros au titre du compte « autres créditeurs » avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
*86 455,66 euros correspondant au compte emprunt intitulé « Compte courant associé 1994 », avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
* 15 002 euros au titre des conventions réglementées retraitées, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
– débouté M. [G] de sa demande tendant à condamner Mme [R] à lui payer la somme de 22 900,84 euros au titre des intérêts du compte courant associé débiteur ;
– débouté M. [G] de sa demande au titre du compte débiteur « [P].[P] » ;
– débouté M. [G] de sa demande au titre du préjudice moral ;
– condamné Mme [R] à payer à M. [G] la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– condamné Mme [R] aux dépens, y compris ceux de l’instance en référé et les frais d’expertise judiciaire avancés par M. [G] ;
– ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 30 000 euros.
Moyens
Mme [R] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 1er décembre 2021, demande à la cour de :
– la dire recevable et bien fondée en ses fins, moyens et conclusions, et y faisant droit,
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-Sur-Mer du 8 décembre 2020 en ce qu’il l’a :
– condamnée à payer à M. [G] la somme de 20 068 euros au titre de la quote-part sur les bénéfices réalisés par la SCI de 2010 à 2015, compte tenu des sommes déjà versées par Mme [R] à hauteur de 8 432 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et dit que les intérêts sur cette somme se capitaliseraient annuellement à compter de l’assignation et produiraient eux-mêmes intérêt dès qu’ils seraient dus pour une année entière dans les conditions de l’article 1154 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
– condamnée à lui payer les sommes de :
* 4 812,54 euros au titre du compte général d’attente avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
* 86 455,66 euros correspondant au compte emprunt intitulé « Compte courant associé 1994 », avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
*15 002 euros au titre des conventions réglementées retraitées, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
* 6 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– lui donner acte qu’elle reconnaît que le montant complémentaire de bénéfices à verser à M. [G] au titre du résultat des exercices 2010 à 2015 s’élève à 13 620 euros ;
– lui donner acte qu’elle reconnaît qu’il est dû à M. [G], à titre de résultat complémentaire au titre du retraitement du poste « compte-courant créditeur » de 12 686,33 euros, une somme de 6 216,30 euros ;
– constater que le règlement de la somme de 6 216,30 euros est déjà intervenu en 2020, et débouter M. [G] de sa demande de ce chef ;
– débouter M. [G] de toutes ses demandes plus amples et complémentaires ;
– juger que les dépens, en ce compris les frais d’expertise, seront partagés par les parties.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 2 décembre 2021, M. [G] demande à la cour de :
– dire et juger recevable et mal fondé l’appel interjeté par Mme [R],
en conséquence,
– la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées en cause d’appel ;
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné Mme [R] à lui payer la somme de 20 068 euros correspondant au titre de la quote-part sur les bénéfices réalisés par la SCI de 2010 à 2015 compte tenu des sommes déjà versées par Mme [R] ;
subsidiairement, et si la cour le juge nécessaire, convoquer à l’audience M. [S] en qualité d’expert judiciaire sur le fondement de l’article 245 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement de première instance en ce que cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 1er février 2019 et condamner Mme [R] à lui payer la somme de 20 068 euros avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation en référé en date du 26 août 2015 ;
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts de ces sommes ;
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné Mme [R] à lui payer les sommes suivantes :
* 4 812,54 euros au titre du compte général d’attente,
* 6 216,30 euros au titre du compte autres créditeurs,
* 86 455,66 euros au titre du compte emprunt intitulé « compte courant associé 1994 »
* 15 002 euros au titre des conventions réglementées retraitées,
avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation en date du 1er février 2019 ;
– infirmer le jugement de première instance qui n’a pas ordonné la capitalisation des intérêts sur ces sommes et condamner Mme [R] à capitaliser les intérêts de ces sommes ;
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre du compte débiteur [P] [P] ;
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné Mme [R] aux entiers dépens, y compris ceux de l’instance en référé, les frais d’expertise judiciaire avancés par lui et les dépens de l’instance au fond ;
– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il l’a débouté de sa demande formulée au titre du compte courant associé débiteur et condamner Mme [R] à lui payer la somme de 22 900,84 euros au titre des intérêts du compte courant associé débiteur, avec intérêt au taux légal à compter du jugement du 08 décembre 2020 ;
– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il l’a débouté de sa demande formulée au titre du préjudice moral et condamner Mme [R] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il l’a débouté partiellement de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner Mme [R] à lui payer la somme de 19 793 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 8 décembre 2020 ;
– condamner Mme [R] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– condamner Mme [R] aux entiers frais et dépens de l’instance d’appel.
Il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour un exposé complet des moyens soutenus.
Suivant soit transmis en cours de délibéré du 26 décembre 2022, au visa de l’article 245 du code de procédure civile, la cour a sollicité de l’expert comptable une note complémentaire, laquelle a été rendue le 1er février 2023. Les parties ayant été invitées à formuler toutes observations subséquentes, le conseil de M. [G] n’a pas fait valoir d’observation sauf à solliciter que soit écartée la pièce jointe aux observations produites par le conseil de Mme [R].
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la note en délibéré de Mme [R] parvenue le 24 janvier 2023 et la pièce jointe à sa note en délibéré du 13 février 2023, sur le fondement de l’article 954 du code de procédure civile doivent être écartées des débats pour n’avoir pas été soumises au débat contradictoire, seules les observations sur la note en délibéré de l’expert sollicitées par la cour étant recevables.
A titre liminaire également, il est relevé que les parties ne contestent pas le débouté de M. [G] de sa demande au titre du compte débiteur ‘[P]. [P]’, la cour n’étant en conséquence pas saisie de ce chef.
Au fond, conformément à l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise et elles doivent être exécutées de bonne foi.
La convention signée le 14 décembre 1994 par M. [G] et le 18 janvier 1995 par Mme'[R] stipule : ‘Monsieur [D] [G] déclare accepter la modification de la disposition de l’article 14 des statuts de la SCI Saint Alban, les décisions énumérées sous ce paragraphe seront désormais prises à la majorité des deux tiers des voix (au lieu des deux tiers des associés)
En contrepartie :
*de l’aide apportée par Monsieur [G] depuis la constitution de la société pour le montage et la réalisation des opérations immobilières faites par la SCI,
*de l’aide qu’il s’engage à apporter à Madame [G], dans l’avenir, pour les opérations immobilières que cette SCI serait amenée à faire,
Madame [G] s’engage à verser à Monsieur [G] 50 % des bénéfices dégagés par la SCI après paiement des emprunts contractés par la SCI et remboursement des comptes courants des associés de la SCI.
Toutefois dans la mesure où sur le plan fiscal Madame [G] devra déclarer les 99/100 èmes des revenus fonciers alors qu’elle ne bénéficiera en fait que des 50/100èmes il sera établi chaque année un compte faisant apparaître le complément d’impôts sur le revenu qu’elle sera amenée à payer pour les 49/100 èmes de surplus.’
Sur la demande en paiement de M. [G] au titre des bénéfices réalisés par la SCI de 2010 à 2015
Au titre des résultats comptables des années 2010, 2011 et 2012
Les parties conviennent, conformément aux conclusions de l’expert judiciaire commis, que la part du résultat de l’exercice comptable revenant à M. [G], après déduction de la part d’imposition de Mme [R] générée par la part de bénéfice revenant à M. [G], est de :
– 11 434 euros pour l’année 2010,
– 4 479 euros pour l’année 2011,
– 3 134 euros pour l’année 2012.
Au titre des résultats comptables des années 2013, 2014 et 2015
Pour l’année 2013, les parties conviennent que le résultat de l’exercice comptable de la SCI est de 8271,39 euros.
La part de bénéfice revenant à M. [G] pour l’année 2013, avant retraitement du complément d’impôt que Mme [R] a été amenée à payer est donc de 8271,39 x 50/100 = 4136 euros.
Le point de désaccord réside dans la part de l’incidence fiscale supportée par Mme [R] à déduire de la part revenant à M. [G].
Mme [R] soutient que le bénéfice de la SCI lui a occasionné cette année-là une charge d’imposition d’un montant total de 6 467 euros, laquelle n’apparaît pas en terme d’impôt à payer compte tenu de son imputation sur un déficit foncier généré par un bien propre extérieur à la SCI, la moitié de cette charge devant être mise à la charge de M. [G].
M. [G] demande que soit entériné le rapport d’expertise, soit une incidence du résultat de la SCI sur l’imposition de Mme [R] de 760 euros, dont une part qui lui est imputable de 372 euros, subsidiairement qu’en application de l’article 245 du code de procédure civile, l’expert soit invité à compléter, préciser ou expliquer, soit par écrit, soit à l’audience, ses constatations ou ses conclusions.
Le premier juge a estimé que ‘Mme [R] fait valoir que le complément d’impôt serait de 6 467 euros et non de 760 euros, sans cependant démontrer que ce complément d’impôt aurait été réclamé ou réglé. L’incidence de l’imposition de Mme [R] est donc de 760 euros, si bien que M. [G] a droit à une quote-part de 3 681 euros’.
Il est relevé que l’arrêt de la cour de céans du 10 mai 2012 passé en force de chose jugée a fixé le montant de la part des bénéfices de la SCI revenant à M. [G] pour les années 1995 à 2009 en exécution de la convention des 14 décembre 1994 et 18 janvier 1995 au montant retenu par le rapport d’expertise de M. [K], expert désigné dans le cadre de cette précédente procédure judiciaire, lequel a utilisé une méthode permettant d’isoler l’impôt sur le revenu de Mme [R] généré par la SCI des autres causes d’imposition qui lui sont propres en partant, non de l’impôt payé par Mme [R], mais du revenu fiscal de la SCI auquel est appliqué le taux d’imposition marginal de Mme [R].
Ce rapport d’expertise n’a pas été contesté par M. [G] et n’a pas été contesté par Mme'[R] concernant cette méthode de calcul, cette dernière n’ayant contesté ce rapport que pour la provision au titre des clients douteux dont l’expert avait refusé de tenir compte, contestation au demeurant rejetée par la cour.
Ainsi, la méthode de calcul retenue par la cour pour la période d’exécution de la convention précédente était également acceptée par les parties.
En conséquence de quoi, dans un souci de cohérence et de sécurité juridique, considérant que les causes du litige donnent lieu à exécution successive impliquant des reprises de données fiscales d’une période sur l’autre, cette méthode de calcul doit être retenue, étant précisé que cette méthode est pertinente puisque d’une part elle présente l’avantage de ne pas faire bénéficier M. [G] du déficit foncier propre à Mme [R] au delà de son impact sur le taux d’imposition appliqué au revenu fiscal de la SCI, d’autre part, en retenant pour le calcul le taux marginal d’imposition de Mme [R], il est autant que possible tenu compte de l’impact du revenu fiscal de la SCI sur la masse des revenus fonciers de Mme [R], Mme [R] échouant à en démontrer l’éventuelle incidence supplémentaire.
Or, le montant retenu par M. [S], soit 372 euros (769 x 49/100) revient à faire bénéficier M. [G] du déficit foncier de Mme [R], au delà de son impact sur le taux d’imposition appliqué au revenu fiscal de la SCI, alors que la convention prévoit que le compte entre les parties a pour objet le remboursement à Mme [G] du ‘complément d’impôts sur le revenu qu’elle sera amenée à payer pour les 49/100 èmes de surplus’.
Par ailleurs, la carence de Mme [R] ne réside pas, ainsi que l’indique le premier juge, dans le défaut de démonstration que ‘le complément d’impôt de 6 467 euros […] aurait été réclamé ou réglé’ puisque, s’agissant d’un recouvrement en imputation sur un déficit foncier, il ne se traduit pas par une charge à payer mais par une déduction de charges exigibles, mais dans sa démonstration du montant de l’imposition à déduire. En effet, l’attestation rédigée par le cabinet Adviso, expert comptable de la SCI (pièce 25 de Mme [R]), indiquant que l’économie d’impôt perdue par Mme [R] se traduit en une charge fiscale complémentaire de 6 467 euros à raison des seuls résultats de la SCI Saint Alban, ne détaille pas le calcul opéré pour en déduire l’économie d’impôt que ce déficit aurait généré pour Mme [R], et c’est à bon droit que l’expert judiciaire, M. [S] l’a écartée, étant précisé que ni le taux d’imposition marginal, ni son assiette ne peuvent se déduire de cette pièce.
Il ressort de ces considérations que le calcul de l’imposition imputable aux bénéfices reversés à M. [G] doit se déduire des opérations suivantes (note en expertise n° 5 de M.'[K] du 10 février 2011, paragraphe 1.2 4ème point) :
-calcul de la CSG à déduire : revenus fiscaux de la SCI figurant sur la déclaration n°2072 x 49/100 x taux de la CSG applicable à Mme [R]
-calcul de l’IRPP à déduire : (revenus fiscaux de la SCI figurant sur la déclaration n°2072 x 49/100 – CSG déductible N-1) x taux d’imposition sur le revenu marginal de Mme [R]
étant précisé sur ce point qu’à défaut de justification du taux d’imposition marginal de Mme [R], le taux d’imposition moyen peut seul être utilisé
-> imposition à déduire de part de bénéfice de M. [G] : montant de la CSG à déduire + montant de l’IRPP à déduire,
soit, pour l’année 2013, sur la base des éléments produits par l’expert judiciaire dans le cadre de son rapport d’expertise, complétés par sa note en délibéré du 1er février 2023, étant précisé que Mme [R] ne justifie pas de son taux d’imposition marginal, et qu’à défaut, seul le taux d’imposition moyen peut être utilisé, l’imposition de Mme [R] imputable aux bénéfices reversés à M. [G] s’élève à 2 704 euros.
CSG : 23 248 x49/100×15.50 % = 1 766
IRPP :(23 248 x49/100-669)x8,75 % = 938
imposition à déduire : 1766+938=2704 euros
La part du résultat de l’exercice comptable de l’année 2013 revenant à M. [G] est donc de 1 432 euros (4136 – 2704=1432).
Concernant le résultat comptable de l’année 2015, Mme [R] demande que la facture SERAF du 11 avril 2016 soit intégrée au titre des charges de 2015 puisqu’il s’agit d’une dépense certaine en 2015, ce qui est conforme au principe de rattachement d’une charge à l’exercice au titre duquel elle est engagée (comptabilité d’engagement), alors que M. [G] dit qu’il y a lieu de s’en tenir à une comptabilité de trésorerie.
Le premier juge a justement estimé, par des motifs que la cour adopte, que : ‘le fait d’intégrer aux comptes de 2015 une facture établie et réglée en 2016 uniquement porterait à confusion. Le résultat comptable sera donc évalué à 14 288,44 euros et non à 9 674 euros ‘.
La part de bénéfice revenant à M. [G] pour l’année 2015, avant retraitement du complément d’impôt que Mme [R] a été amenée à payer est donc de 14 288,44 x 50/100 = 7 144 euros.
En revanche, pour les raisons développées ci-dessus, l’incidence fiscale doit être calculée à partir du revenu fiscal de la SCI.
Soit, pour l’année 2015, sur la base des éléments produits par l’expert judiciaire dans le cadre de son rapport d’expertise, complétés par sa note en délibéré du 1er février 2023, étant précisé que Mme [R] ne justifie pas de son taux d’imposition marginal, et qu’à défaut, seul le taux d’imposition moyen peut être utilisé, l’imposition de Mme [R] imputable aux bénéfices reversés à M. [G] s’élève à 3005 euros.
CSG : 26 085 x 49/100 x 15.5 % = 1981
IRPP : (26 085 x 49/100 – 739) x 8.5 % = 1 024
imposition à déduire : 1 981 + 1 024 = 3 005 euros.
La part du résultat de l’exercice comptable de l’année 2015 revenant à M. [G] est donc de 4 139 euros (7144 – 3005 = 4139).
Concernant l’année 2014, les parties conviennent que le résultat de l’exercice comptable est un déficit de 319,61 euros.
Le point de désaccord porte sur l’imputabilité de ce déficit sur les bénéfices de la période (2010-2015), ce que soutient Mme [R] s’appuyant sur l’expertise judiciaire précédente, ou s’il fait l’objet d’un traitement annuel isolé, ce que soutient M. [G].
M. [S] retient un traitement année par année et pour l’année 2014 un bénéfice à répartir de 0 euros.
Le jugement entrepris dispose que ‘les parties s’accordent pour évaluer le résultat comptable au 31 décembre 2014 à ‘ 319,61 euros, si bien que la quote-part due à M. [G] est nulle.’
En l’espèce, si les statuts de la SCI prévoient que l’exercice comptable est du 1er janvier au 31 décembre de chaque année, la convention de 1994/1995 par laquelle ‘Mme [G] s’engage à verser à Monsieur [G] 50 % des bénéfices dégagés par la SCI après paiement des emprunts contractés par la SCI et remboursement des comptes courants des associés de la SCI’ ne prévoit pas la périodicité à laquelle doivent être effectués les comptes entre les parties.
Il ressort de la pratique entre les parties dès 1995 et depuis lors que les comptes entre les parties n’ont jamais été liquidés année par année.
Au contraire, l’arrêt de la cour de céans du 10 mai 2012 a fixé le montant de la part des bénéfices de la SCI revenant à M. [G] pour les années 1995 à 2009 au montant retenu par le rapport d’expertise de M. [K] entériné par les parties, lequel a procédé à un compte sur l’ensemble de la période (rapport d’expertise de M. [K], page 5), soit en adoptant le principe d’un cumul des déficits et des bénéfices sur la période pour fixer le montant à partager, ce qui est cohérent considérant le décalage entre l’exercice comptable et l’imposition des revenus de cet exercice.
Sur cette question, que la cour ait par le même arrêt relevé que ‘la convention ne porte aucune distinction quant à la nature des bénéfices à distribuer’est indifférent.
Il y a donc lieu de calculer la part des bénéfices revenant à M. [G] sur la période 2010-2015, ainsi qu’il a été procédé pour la période 1994-2009, sans contestation des parties et adopté par l’arrêt du 10 mai 2012, la part de déficit imputable sur les bénéfices de M. [G] étant de 159 euros (319 x 50 %).
Sur le solde de la part des bénéfices due à M. [G] sur la période 2010-2015
-11 434 euros pour l’année 2010
-4 479 euros pour l’année 2011
-3 134 euros pour l’année 2012
-1 432 euros pour l’année 2013
-4 139 euros pour l’année 2015
– -159 euros pour l’année 2014
Soit un total de 24 459 euros.
Par chèque du 31 mai 2013, un paiement des bénéfices à été payé à M. [G] à hauteur de 8 432 euros.
Sur la part des bénéfices due à M. [G] sur la période 2010-2015, le solde lui restant du par Mme [R] est de 16 027 euros (24 459-8432).
Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il ‘condamne Mme [R] à payer à M. [G] la somme de 20 068 euros au titre de la quote-part sur les bénéfices réalisés par la SCI de 2010 à 2015, compte tenu des sommes déjà versées par Mme [R] à hauteur de 8 432 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation’, et statuant à nouveau sur ce point, il convient de condamner Mme [R] à payer à M. [G] la somme de 16 027 euros au titre de la quote-part sur les bénéfices réalisés par la SCI de 2010 à 2015, compte tenu des sommes déjà versées par Mme [R] à hauteur de 8 432 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Sur les intérêts
L’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
L’article 1153-1 du même code, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
L’article 1154 du même code, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, prévoit que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts par demande judiciaire lorsque dans la demande, il s’agit d’intérêts dus au moins pour une année entière. Le juge n’a aucun pouvoir d’appréciation dès lors que les conditions prévues par cet article sont remplies.
Dans la mesure où ni la mise en demeure du 23 janvier 2015 émise par M. [G], ni son assignation en référé ne formulait de demande de paiement, c’est à bon droit que le premier juge a fait courir les intérêts dus et ordonné leur capitalisation à compter de l’assignation au fond du 1er février 2019 valant sommation de payer et comportant la plus ancienne demande d’anatocisme sur ces sommes.
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il dit que les intérêts sur cette somme se capitaliseraient annuellement à compter de l’assignation et produiront eux-mêmes intérêt dès qu’ils seront dus pour une année entière dans les conditions de l’article 1154 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016.
Sur la demande au titre de la ligne ‘455 Associés 1994 ‘
Un compte « emprunt et dettes financières diverses » libellé « 455 000 Associés 1994 » figure au passif du bilan pour un montant de 176 440 euros de 2010 à 2015 et l’expert, relevant que ce compte n’a connu aucun mouvement depuis la clôture de l’exercice 1998, s’est interrogé sur la base juridique de ce compte courant.
M. [G] fait valoir qu’il sollicite en vain des explications sur ce compte à minima depuis 2010, que Mme [R] ne produit aucune preuve de ce qu’il s’agirait d’une créance des associés résultant de leur apport initial lors de la constitution de la SCI et que cette somme correspondrait à des soldes de prestation de travaux qui n’ont jamais été reversés et ne peuvent plus être réclamés, ce qui justifie de passer cette ligne ‘en produit pour extourne du passif’ ainsi que le préconise l’expert et que lui soit payé 49 % de ce produit, soit 86 455,66 euros.
Mme [R] soutient qu’il s’agit d’un compte courant indivis, sur lequel a été reprise, lors de l’établissement du premier bilan en 1995, la créance des associés sur la société résultant des fonds qu’ils y avaient investis jusque là par leur financement des acquisitions des immeubles et des travaux, que l’expert ne propose d’extourner cette ligne qu’en tant qu’alternative et qu’en l’absence de trésorerie, le paiement sollicité par M. [G] est impossible.
Le jugement entrepris conclut que, Mme [R] échouant à démontrer que cette ligne correspond à une créance des associés sur la société, il y a lieu de passer ce compte en ‘profit’ et qu’à ce titre M. [G] aura droit à sa quote-part en application de la convention de 1994/1995, soit 86 455,66 euros.
En l’espèce, l’expert conclut que ‘tout laisse à penser que […] pour équilibrer les comptes du bilan de départ l’expert-comptable de l’époque a enregistré une écriture de contre partie par le biais d’un compte courant’ et que ce ‘compte courant correspondrait aux mouvements non connus car non constatés entre la date de la création de la SCI, soit 1982, et le bilan de départ de la société ‘, lequel date de 31 décembre 1994.
Si comme l’indique M. [G], l’expert propose de faire disparaître cette ligne du passif par une écriture à l’actif en produit exceptionnel, cette proposition constitue une alternative à ‘l’affectation et la répartition de ce compte courant’ qui constitue sa première hypothèse.
La cour relève qu’un des principes fondamentaux de la comptabilité est la sincérité et qu’en comptabilité, le compte 455 000 est défini comme ‘un compte courant d’un associé qui aurait mis des sommes à disposition de l’entreprise’.
Les comptes ont été soumis chaque année à l’approbation des associés et M. [G] n’a jamais émis de réserve concernant cette affectation, ayant approuvé les comptes lors des assemblées générales auxquelles il était présent de 1995 à 2004 (hormis son abstention concernant les comptes de 1999), c’est à dire au plus près de l’origine de l’écriture comptable.
Dès lors, contrairement à ce qu’à dit le premier juge, il incombe à M. [G] de démontrer que le compte ne serait pas conforme à l’appellation que lui a donné l’expert comptable ayant établi le premier bilan approuvée ensuite en assemblée générale.
Au contraire, le rapport d’expertise judiciaire précédent, reprenait pages 7 et 8 de la note de M. [K] du 16 juin 2010, une liste des emprunts souscrits par la SCI de laquelle il ressort que certains, destinés au financement de l’acquisition d’immeubles ou de travaux, l’ont été entre 1984 et 1994, année du premier bilan comptable. Cette note n’a pas été contestée par M. [G] et démontre l’existence de frais de constitution du patrimoine de la SCI avancés par les associés avant l’établissement du premier bilan comptable.
Dans ce sens, Mme [R] produit les actes des acquisitions des immeubles composant la SCI intervenues entre 1982 et 1991 mentionnant leur financement par la souscription de crédits, ce qui rend l’hypothèse d’une dette de la SCI envers ses associés ayant financé les acquisitions initiales vraisemblable. La souscription de ces crédits datant pour la plupart de plus de trente ans et leur remboursement étant terminé depuis plus de dix ans, le fait qu’elle ne produise pas le détail de chaque créance composant ce passif ne permet pas de remettre en cause la véracité des écritures comptables régulièrement adoptées en assemblés générales.
Par ailleurs, l’absence de mouvements constatés sur ce compte depuis 1998 correspond à la période postérieure au prononcé du divorce des époux et n’est à cet égard pas suspecte dès lors que chacun dispose par ailleurs d’un compte courant d’associé à son nom.
Au surplus, alors qu’il avait sollicité que soit entériné le précédent rapport d’expertise ne remettant pas en cause la nature de compte courant d’associés de ce compte, M. [G] ne justifie d’aucune demande sur ce compte antérieure à son courrier officiel du 25 janvier 2015, soit plus de six mois après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire de M. [S], dans le cadre de laquelle il n’a pas répondu aux questions de l’expert sur ce compte courant, ce qui abonde dans le sens d’une contestation résultant de l’opportunité offerte par la rédaction de la proposition alternative de l’expert permettant, en passant cette ligne comptable en ‘produit’, d’y voir appliquer la convention de répartition des bénéfices.
Il y a donc lieu d’écarter la proposition, formulée à titre subsidiaire par l’expert, consistant à extourner ce compte en profit dans le compte de résultat.
Dès lors, concernant la répartition de ce compte courant d’associé, la répartition ressort des statuts de la SCI à savoir, Mme [R] est titulaire de 99 % des parts et M. [G] de 1 % des parts. Ne s’agissant pas d’un bénéfice, l’application de la convention de 1994/1995 est exclue.
Il est relevé que par acte notarié du 3 février 1982, M. [G] et Mme [R], alors mariés, ont renoncé au régime de la communauté pour adopter le régime de la séparation de biens avant de constituer la SCI Saint Alban le 5 juillet 1982, ces démarches ne laissent aucun doute sur la volonté des parties quant à cette répartition.
M. [G] est fondé à solliciter le remboursement de sa part sur ce compte courant, soit 1 764,40 euros, lequel serait à intervenir avant la répartition des bénéfices, conformément à la convention de 1994/1995. Cependant, sa demande étant dirigée contre Mme [R] alors qu’il est à ce titre créancier de la SCI Saint Alban, il ne peut qu’être débouté de sa demande.
Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il condamne Mme [R] à payer à M. [G] la somme de 86 455,66 euros correspondant au compte emprunt intitulé « Compte courant associé 1994», avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Sur la demande au titre du compte courant d’associé débiteur
Mme [R] sollicite la confirmation du jugement de première instance, soutenant que sa ligne compte courant débitrice est neutralisée par la part des résultats qui lui reviennent, outre qu’elle est également créditrice de la SCI au titre du ‘compte courant d’associés 1994″.
M. [G] fait valoir que le prélèvement par Mme [R] de sommes sur la trésorerie de la SCI génère un manque à gagner pour la SCI du montant des fruits qu’aurait rapporté le placement de ces sommes justifiant l’application d’un taux d’intérêt d’emprunt de 3 %, dont le bénéfice doit lui être reversé à 50 %.
En l’espèce, la convention de 1994/1995 précise que sont reversés à M. [G] 50 % des bénéfices de la SCI après […] remboursement des comptes courants d’associés.
Si la position des comptes courants d’associés à l’actif de la SCI caractérise des avances de trésorerie prélevées par ses associés, l’expert indique que cela affecte la situation financière de la SCI mais n’a pas d’incidence sur le résultat à distribuer outre que ces sommes sont effectivement inférieures aux sommes dont Mme [R] est créancière sur la SCI, de sorte que l’existence d’un préjudice de la SCI au titre de la perte de chance de percevoir des fruits de placement de ces sommes n’est pas caractérisée.
En outre pour débouter M. [G] de sa demande de condamnation de Mme [R] en paiement d’intérêts sur les sommes qu’elle a empruntées à la SCI, le premier juge a justement relevé que: ‘la vocation de la SCI n’est pas de prêter des sommes à ses associés, avec ou sans intérêts’ et que ‘M. [G] n’apparaît pas en mesure de reprocher à Mme [R] d’avoir eu un compte courant d’associé débiteur, alors que lui-même est également titulaire d’un compte courant d’associé débiteur et avait à titre d’exemple une dette de 123 918 euros en 2011 et une dette de 13 108 euros en 2015″ , M. [G] ne sollicitant l’application d’intérêts ni sur son propre compte courant d’associé débiteur, ni sur le compte de la créance de la SCI de Mme [P], son ex compagne.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé de ce chef.
Sur la demande au titre du ‘compte général d’attente’
L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Par le jugement entrepris du 8 décembre 2020, Mme [R] a été condamnée à payer à M. [G] la somme de 4 812,54 euros au titre du compte général d’attente avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, conformément à la demande de M. [G] et Mme [R] y ayant acquiescé.
En cause d’appel, Mme [R] conteste cette condamnation, soutenant qu’il s’agit d’un retraitement en charge d’une erreur comptable de 2003.
M. [G] soutient que cette demande est irrecevable comme étant nouvelle en cause d’appel et, subsidiairement, que conformément aux conclusions du rapport d’expertise judiciaire, Mme [R] doit être condamnée à lui verser sa quote-part de cette charge inscrite mais non justifiée (soit 9 821,52 x 49 % = 4 812,54 euros).
Cette demande d’infirmation en cause d’appel constitue une demande nouvelle dès lors que la demande de débouté de M. [G] à ce titre n’avait pas été formulée en première instance et, en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, doit être déclarée irrecevable.
Sur le compte ‘autres créditeurs’
Les parties s’accordent sur le fait que la quote-part du résultat relatif au retraitement du compte ‘autres créditeurs’ revenant à M. [G] s’élève à 6 216,30 euros.
Cependant, Mme [R] soutient que cette somme a été intégrée dans le résultat comptable de l’année 2019 et qu’elle a donc été payée à M. [G] au titre de sa part des bénéfices pour cette année là, lequel répond que le versement intervenu en 2020 n’est pas intervenu en paiement de cette somme.
En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, les parties ne sollicitant pas l’infirmation du chef du jugement condamnant Mme [R] à payer cette somme à M. [G], la cour n’est pas saisie sur ce point.
Sur la demande au titre des conventions réglementées
M. [G] expose qu’il s’oppose aux frais de gestion exposés par Mme [R] et fait valoir que son accord initial a été donné dans des circonstances révolues puisqu’alors il y avait de nombreux immeubles à gérer et que la SCI ne bénéficiait pas du concours d’un expert comptable et d’une société de gestion. Il précise que pour les tâches effectuées, Mme [R] est déjà rémunérée à travers la société de gestion qu’elle dirige et qui est mandatée par la SCI, cela revenant à faire payer deux fois la gestion locative et à le priver ainsi d’une partie des bénéfices. Il soutient que les indemnités kilométriques revendiquées par Mme [R] et inscrites à titre des charges de la SCI ne sont pas justifiées.
Mme [R] soutient que les rémunérations du gérant de la SCI sont juridiquement fondées dès lors qu’elles ont été adoptées par les assemblées générales et que cette rémunération est la contrepartie d’un travail réel et distinct de celui du mandataire de gestion. Elle fait valoir qu’elle effectue de nombreux déplacements avec son véhicule personnel pour le compte de la SCI qui n’en est pas doté.
Examinant la rémunération de la gérante sur demande de M. [G], l’expert rappelle que pour être déductible, une rémunération doit avoir une contrepartie réelle et décrit une ‘confusion’ entre les tâches que Mme [R] dit effectuer et celles relevant de l’agence de gestion.
Le premier juge a retenu que la rémunération de Mme [R] sur les exercices 2010-2015, soit 29 000 euros n’apparaissait pas justifiée au motif que Mme [R] ne justifiait pas des tâches qu’elle avait accomplies distinctement des activités déléguées au cabinet d’expertise comptable (tenue de sa comptabilité et de ses déclarations fiscales), à l’avocat (secrétariat juridique et gestion des contentieux) et à l’agence immobilière (gestion sur les biens).
En l’espèce, la rémunération de la gérante n’est pas prévue par les statuts mais a été adoptée lors des assemblées générales ordinaires de la SCI, dont les résolutions sont opposables aux associés.
Il est rappelé que, du fait de la situation de la trésorerie, la fixation du montant de la rémunération de la gérante pour l’exercice a été différé de l’exercice de 1994 (à l’unanimité) à l’exercice de 1999 (à la majorité de 99 % des voix, M. [G] étant absent) pour, lors de l’assemblée générale suivante (pour l’exercice 2001), être fixée, à l’unanimité ‘toujours à 25 000 francs’. Une résolution identique a été adoptée toujours à l’unanimité pour les exercices 2002, 2003 et 2004.
Les arriérés de rémunérations ont fait l’objet d’un retraitement en charges dans le cadre de la première expertise judiciaire (rapport de M. [K], page 8) et cette charge de rémunération, non contestée par M. [G] qui sollicitait l’homologation du rapport, a été retenue pour la période 1994-2009 par arrêt de la cour de céans du 10 mai 2012.
Sur la période objet du litige, la SCI a voté une rémunération fixe annuelle de 4 500 euros en 2010, 2011 et 2012, puis de 5 000 euros pour les années suivantes. Si M. [G] n’était pas présent aux assemblées générales ayant adopté la rémunération du gérant pour les exercices 2010, 2011 et 2013 et s’il a voté contre les rémunérations de la gérante à hauteur de 4 500 euros (2012) puis 5 000 euros (2014 et 2015) lors des assemblées générales auxquelles il était présent ou représenté, la nullité de ces assemblées générales n’étant pas demandée, ces résolutions ont été régulièrement adoptées à 99 % des voix.
La rémunération de la gérante pour la période pour un montant total de 29 000 euros est par conséquent opposable aux associés.
A cet égard, par courriers des 7 août 2014, 23 janvier 2015 et 4 juillet 2018 (pièces 4, 7 et 59 M. [G]), le conseil de M. [G] sollicite des explications sur le montant des paiements d’arriérés ou l’imputation du salaire de Mme [R] pour l’année 2010 (année de versement des arriérés de salaires tranchés lors de la précédente procédure) mais ne conteste pas le principe du salaire de Mme [R] ni pour 2010, ni pour les années suivantes.
Sur le point de la nécessaire contrepartie à la rémunération de la gérante, les tâches dont Mme [R] dit s’acquitter en tant que gérante sont concordantes avec les ‘rapports de la gérance sur les comptes d’exercice clos’ produits chaque année et il ressort de la comparaison de ce descriptif d’activité avec les prestations de l’agence Century 21 à qui les mandats de gestion sont confiés pour les deux immeubles dont la SCI est propriétaire et les champs d’intervention respectifs des avocats et expert comptable, que, si tous concourent à la gestion de la SCI, contrairement à ce qu’indique M. [S], certaines tâches demeurent réalisées exclusivement par Mme [R] notamment concernant l’entretien des immeubles (commande, suivi, réception des travaux, gestions de sinistres, suivi assurances), les relations avec les partenaires bancaires (négociation des financements, dossiers de prêts, rendez-vous), la prospection de locataires (annonces, entretiens, sélection, dialogue) et les tâches spécifiques de gérant (engagements de la SCI, assemblées générales) outre la coordination entre les différents intervenants à son soutien dans la gestion de la SCI et interlocuteurs extérieurs.
M. [G] adresse à Mme [R] toutes ses demandes relatives à la SCI, y compris ses demandes de pièces produites par les autres intervenants dans la gestion de la SCI, ce qui atteste du rôle d’interface de cette dernière.
Concernant le remboursement des frais kilométriques que Mme [R] a inscrits au titre des charges de la SCI pour la somme totale de 4 677 euros sur la période 2010-2015, elle ne justifie pas de ce montant et M. [G] est en droit de réclamer 50 % des sommes retraitées, soit 2 292 euros.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu’il condamne Mme [R] à payer à M. [G] la somme de 15 002 euros au titre des conventions réglementées retraitées.
Sur la demande au titre du préjudice moral
Il ressort de l’article 32-1 du code de procédure civile et de l’article 1240 du code civil que le droit d’agir en justice ne dégénère en abus susceptible d’ouvrir droit à des dommages et intérêts qu’en cas de fraude ou d’intention de nuire.
En l’espèce, M. [G], bien fondé concernant certaines de ses demandes en paiement, est également inconstant à certains égards, ainsi que cela a été relevé précédemment, et ne justifie pas d’un préjudice distinct du retard dans les paiements, lequel est réparé par l’allocation d’intérêts moratoires.
C’est donc à bon droit que le premier juge l’a débouté de sa demande et le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.
Sur la demande de capitalisation des intérêts assortissant les demandes autres que celle en paiement des bénéfices
C’est avec pertinence que le premier juge a observé que la capitalisation n’était demandée aux termes des dernières conclusions de M. [G] dans le cadre de la procédure de première instance (conclusions communiquées le 7 février 2020) que dans la partie du dispositif relative aux bénéfices et non pour les autres demandes. Etant précisé qu’il en était de même aux termes de son assignation au fond du 1er février 2019, la demande de capitalisation des intérêts concernant les demandes en paiement autres que celle au titre des bénéfices est nouvelle en cause d’appel et par conséquent irrecevable en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile précité.
Sur les demandes accessoires
C’est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier a statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance, étant précisé que les frais de conseil que M. [G] a exposés l’ont été indistinctement concernant ses demandes quel que soit leur sort et que les dispositions légales relatives aux frais irrépétibles n’impose pas de remboursement des frais facturés.
Vu les dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, chaque partie succombant partiellement en ses demandes en cause d’appel,
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour
déclare irrecevables :
– la note en délibéré de Mme [J] [R] parvenue le 24 janvier 2023 et la pièce jointe à sa note en délibéré du 13 février 2023,
– la demande de Mme [J] [R] au titre du ‘compte général d’attente’,
– la demande de M. [D] [G] de capitalisation des intérêts assortissant les demandes autres que celle en paiement des bénéfices,
infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– condamné Mme [J] [R] à payer à M. [D] [G] la somme de 20 068 euros au titre de la quote-part sur les bénéfices réalisés par la SCI de 2010 à 2015, compte tenu des sommes déjà versées par Mme [J] [R] à hauteur de 8 432 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
-condamné Mme [J] [R] à payer à M. [D] [G] la somme de 86 455,66 euros correspondant au compte emprunt intitulé « Compte courant associé 1994 », avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
-condamné Mme [J] [R] à payer à M. [D] [G] la somme de 15 002 euros au titre des conventions réglementées retraitées,
statuant à nouveau sur ces chefs,
condamne Mme [J] [R] à payer à M. [D] [G] la somme de 16 027 euros au titre du solde de la quote-part sur les bénéfices réalisés par la SCI de 2010 à 2015, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 1er février 2019,
déboute M. [D] [G] de sa demande en paiement au titre du ‘compte courant associé 1994″,
condamne Mme [J] [R] à payer à M. [D] [G] la somme de 2 292 euros au titre des conventions réglementées retraitées (indemnités kilométriques) avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation du 1er février 2019,
confirme le jugement pour le surplus,
déboute M. [D] [G] de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d’appel,
dit que chaque partie supportera les dépens qu’il a exposés en cause d’appel.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet