14 décembre 2022
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
21/01441
Chambre commerciale
Arrêt N°22/
SP
R.G : N° RG 21/01441 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FTGH
S.A.R.L. TS HOLDING
C/
S.A.R.L. E.C.D.A. (LE CABANON)
S.E.L.A.R.L. HIROU
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2022
Chambre commerciale
Appel d’une ordonnance rendue par le JUGE COMMISSAIRE DE SAINT-PIERRE (REUNION) en date du 20 JUILLET 2021 suivant déclaration d’appel en date du 03 AOUT 2021 rg n°: 2021001033
APPELANTE :
S.A.R.L. TS HOLDING
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Isabelle MERCIER-BARRACO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEES :
S.A.R.L. E.C.D.A. (LE CABANON) prise en la personne de son représentant légal, M. [R] [F], demeurant [Adresse 3]
[Adresse 2]
[Localité 6]
S.E.L.A.R.L. HIROU Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SARL E.C.D.A. (LE CABANON) »
[Adresse 4]
[Localité 5]
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 octobre 2022 devant la cour composée de :
Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l’issue des débats, la présidente a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 14 décembre 2022.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 14 décembre 2022.
Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
* * * * *
Exposé du litige
LA COUR
Dans le cadre de la procédure collective ouverte à l’égard de la SARL ECDA, la SARL TS Holding, associée unique de la société ECDA, a déclaré le 10 mai 2020 une créance de 117.811,64 euros relatif à un compte courant d’associé auprès de la SELARL Hirou, es qualité de liquidateur judiciaire de la société ECDA (le liquidateur).
Par courrier recommandé en date du 17 mars 2021, la société TS Holding a été informée par la SELARL Hirou que sa créance était contestée car non justifiée (absence d’historique des versements avec preuve des virements) et qu’elle entendait saisir le juge-commissaire d’une proposition de rejet pour sa totalité.
Par courrier recommandé en date du 23 juin 2020, la société TS Holding a déclaré maintenir sa créance et produit un relevé du compte courant d’associé certifié par un expert comptable.
A l’audience du 8 juin 2021, la SARL ECDA n’était ni comparante, ni représentée.
Le mandataire judiciaire a souligné que les documents présentés et attestés par l’expert-comptable présentaient certaines incohérences de montants qui n’étaient pas levées, ce qui amenaient des incertitudes sur le montant déclaré. Il a maintenu sa demande de rejet total de la créance.
La SARL TS Holding, représentée par son conseil, a rappelé avoir transmis les documents attestés par l’expert-comptable de la SARL TS Holding et a maintenu les termes et le montant de la déclaration de créance.
Par ordonnance en date du 20 juillet 2021, le juge commissaire près le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a :
-rejeté la créance de la SARL TS Holding pour un montant de 117.811,64 euros au passif de la SARL ECDA
-dit que la présente ordonnance sera notifiée à la SARL ECDA et à la SARL TS Holding et communiquée au mandataire judiciaire
-ordonné les dépens privilégiés en procédure.
Par déclaration au greffe en date du 3 août 2021, la société ECDA a interjeté appel de cette décision.
L’affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 10 août 2021.
L’appelant a signifié la déclaration d’appel et l’avis à bref délai à la société ECDA (article 659 du code de procédure civile) et au liquidateur (remise à personne morale) par acte du 19 août 2021.
La société TS Holding a déposé ses premières conclusions d’appel par RPVA le 27 août 2021 qu’elle a signifiées ainsi que ses pièces au liquidateur le 1er septembre 2021 (remise à personne morale) et à la SARL ECDA le 6 septembre 2021 (remise à personne morale).
La SARL ECDA et la SELARL Hirou, ès qualité de liquidateur de la société ECDA, n’ont pas constitué avocat.
Moyens
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 novembre 2021, la société TS Holding demande à la cour de :
-infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’il a rejeté la créance de la SARL TS Holding pour un motif (sic) de 117.811,64 euros du passif de la SARL ECDA
Statuant à nouveau
-fixer au passif de la société ECDA la créance de la société TS Holding à la somme de 117.811,64 euros
-condamner la société ECDA à payer à la société TS Holding, la somme de 3.000 euros au titre article 700 du code de procédure civile
-juger le jugement à intervenir opposable à la SELARL Hirou
-condamner la société ECDA aux dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 octobre 2022 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience circuit court du 19 octobre 2022. Le prononcé de l’arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 14 décembre 2022.
Motivation
SUR CE, LA COUR
La société TS Holding soutient que sa créance est démontrée dans son principe et dans son montant par les pièces produites, à savoir :
-l’historique du compte courant d’associé attesté par l’expert-comptable de la société dont la validité et l’exactitude ne sauraient être remises en cause
-les justificatifs de l’intégralité des virements effectués en numéraire sur son compte courant d’associés n°4672 ouvert auprès de la société ECDA pour un montant total de 62.860 euros
-l’acte de cession des parts sociales et de créances du 8 février 2017 par laquelle elle a fait l’acquisition auprès des associés cédants M. [G] [L] et Mme [T] [B] d’une créance en compte courant d’associés d’un montant total de 144.980 euros
-la convention de prestations de service conclue entre elle et la société ECDA en date du 28 avril 2017 et justifiant le montant dû par la société ECDA au titre des factures émises pour un total de 84.971,64 euros
Elle en déduit qu’elle a procédé au versement de la somme totale de 175.000 euros et que, partant, elle justifie bien tant du principe que du quantum de sa créance de compte courant d’associé pour un total de 292.811,64 euros ‘ 175.000 euros = 117.811,64 euros.
Sur quoi,
Aux termes de l’article L624-1 du code de commerce (modifié par l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014) :
« Dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire.
Les observations du débiteur sont faites dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. Le débiteur qui ne formule pas d’observations dans ce délai ne peut émettre aucune contestation ultérieure sur la proposition du mandataire judiciaire.
Le mandataire judiciaire ne peut être rémunéré au titre des créances déclarées ne figurant pas sur la liste établie dans le délai mentionné ci-dessus, sauf pour des créances déclarées après ce délai, en application des deux derniers alinéas de l’article L. 622-24. »
Et l’article L624-2 du même code dans sa rédaction applicable au litige (modifié par l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 et antérieurement à l’ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021) dispose : « Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission. »
Pour rappel, en application de l’article L110-3 du code de commerce, « A l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi. » et selon l’article L123-23 alinéas 1 et 2 « La comptabilité régulièrement tenue peut-être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce. Si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit. »
En l’espèce, le juge-commissaire a estimé que la société TS Holding ne démontrait pas, par les justificatifs communiqués, de la réalité du montant au jour de l’ouverture de la procédure collective, relevant, notamment, que les documents produits par la SARL TS Holding s’arrêtaient au 12 décembre 2019 avec un solde en faveur de la SARL TS Holding de 216.622,62 euros.
La société TS Holding verse aux débats :
-un relevé de son compte courant ouvert auprès de la caisse d’épargne faisant apparaître un solde créditeur de 11.024,11€ au 29 avril 2017
-un relevé de son compte courant ouvert auprès de la caisse d’épargne faisant apparaître un solde créditeur de 2.144,95€ au 31 mai 2019
-ses relevés de compte à vue ouvert auprès de la BNP portant le cachet « COMPTABILISE » pour la période allant du 31 juillet 2017 au 20 août 2017 (solde créditeur 70.919,16€), du 20 au 30 septembre 2017 (solde créditeur 91.922,38€), du 20 au 30 novembre 2017 (solde créditeur 113.863,45€), du 20 au 31 décembre 2017 (solde créditeur 134.698,28€), du 10 au 20 mai 2018 (solde créditeur 107.247,63€), du 20 au 31 octobre 2018 (solde créditeur 41.596,88€), du 20 au 30 novembre 2018 (solde créditeur 31.710,71€), et du 10 au 20 février 2019 (solde créditeur 8.561,81€)
-des avis d’opération de la BNP en faveur de la société ECDA : le 22 mai 2017 pour 70.000€, le 11 mai 2018 pour 25.000€ et le 15 janvier 2019 pour 15.000€ (confirmés par les relevés de compte à vue BNP)
-un « ACTE DE CESSION DE PARTS SOCIALES ET DE CREANCES Sous Conditions Suspensives » par lequel M. [G] [L] et Mme [T] [B], associés à parts égales de la société ECDA à hauteur de 1.834 parts chacun, ont cédé à la société TS Holding leurs parts sociales au prix forfaitaire de 55.020 euros pour l’ensemble, ainsi que leur compte courant d’associés à hauteur de 100.703,11 euros pour M. [L] et 44.276,89 euros pour Mme [B] (ces derniers ayant renoncé purement et simplement au bénéfice du solde de leur compte courant à hauteur de 41.853,89 euros pour M. [L] et de 18.407,11 euros pour Mme [B]) sous conditions suspensive d’obtention d’un prêt pour financer l’acquisition des parts sociales, ledit acte prévoyant que le prix sera payé comptant le jour de la signature de l’acte constatant la réalisation de la vente, par chèque de banque de la manière suivante : au bénéfice de M. [L] la somme de 122.213,11 euros et au bénéfice de Mme [B] la somme de 71.786,89 euros, soit la somme de totale de 200.000 euros.
-la « CONVENTION DE PRESTATIONS DE SERVICE » conclu le 28 avril 2017 entre la société TS Holding (le prestataire) et la société ECDA (le bénéficiaire)
-32 factures de la société TS Holding à la société ECDA pour « prestations intellectuelles et assistance technique) couvrant la période du mois d’août 2017 au mois de novembre 2018.
La cour constate que, tant en première instance qu’à hauteur d’appel, la société TS Holding ne produit aucun document postérieur au mois de décembre 2019.
La cour relève en outre que :
-l’acte constatant la réalisation de l’acte de cession des parts sociales et de comptes courant n’est pas produit
-les montants argués par la société TS Holding ne figurent sur aucun document
-la société TS Holding ne produit aucun document comptable permettant de corroborer lesdits versements en compte courant (bilan détaillé, grand livre).
Il résulte de ce qui précède que la société TS Holding échoue à rapporter la preuve du quantum de la créance dont elle demande la fixation et c’est donc à bon droit que le juge-commissaire a rejeté le totalité de la créance pour un montant de 117.811,64 euros du passif de la SARL ECDA en l’absence de certitude du montant revendiqué par la SARL TS Holding.
La cour rappelle qu’elle n’est saisie que de l’examen du bien fondé des créances alléguées par la société TS Holding et qu’elle statue en appel de l’ordonnance du juge-commissaire avec par conséquent les mêmes pouvoirs : il s’en suit qu’en tout état de cause, la cour ne peut pas « fixer » les créances au passif de la société ECDA.
L’ordonnance sera par conséquent confirmée en toutes ses dispositions.
Les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective de la SARL ECDA.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile;
CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 20 juillet 2021 par le juge-commissaire près le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion
Y ajoutant,
DIT que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective de la SARL ECDA.
Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE SIGNE LA PRÉSIDENTE