Comptes courants d’associés : 13 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/06242

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Comptes courants d’associés : 13 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/06242

13 avril 2023
Cour d’appel de Douai
RG
21/06242

CHAMBRE 2 SECTION 2

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 13/04/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/06242 – N° Portalis DBVT-V-B7F-UAAR

Jugement (N° 2020005218) rendu le 23 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTES

SARL Sherkan Retail agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié ès qualités audit siège,

ayant son siège social, [Adresse 3]

SARL Victoire Participations, prise en la personne de son gérant domicilié ès qualités audit siège

ayant son siège social, [Adresse 3]

représentées par Me Amaury Lammens, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

SARL JDC Invest, représentée par Monsieur [U] [C] [S] [J] ès qualités de gérant

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Fabrice Vinchant, avocat au barreau d’Arras

DÉBATS à l’audience publique du 17 janvier 2023 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 décembre 2022

****

La société JDC Invest, dont le gérant est Monsieur [U] [J], est une holding qui a pour objet l’acquisition et la gestion de participations dans d’autres sociétés.

La société Sherkan retail, dont le gérant est Monsieur [X] [E], exerce une activité de marchand de biens immobiliers.

La société Victoire participations, dont le gérant est Monsieur [X] [E], est une holding qui a pour objet l’acquisition et la gestion de participations dans d’autres sociétés.

Dans le cadre d’une collaboration avec la société Arthur Loyld, Monsieur [U] [J] a appris qu’un immeuble disponible situé à [Adresse 5], était susceptible d’être proposé à la vente.

Monsieur [U] [J], au travers de la société JDC invest, a proposé à Monsieur [X] [E] de s’associer dans l’acquisition et l’exploitation de cet immeuble afin, dans un premier temps de le donner à bail, puis par la suite de le revendre à un tiers.

En l’absence de structure en commun, et au nom et pour le compte des deux sociétés, Monsieur [X] [E] a procédé à l’acquisition de cet immeuble le 17 août 2017 via sa société Sherkan retail.

Afin de finaliser et concrétiser le caractère commun de leur projet et de régulariser la situation ainsi que leur relation, les sociétés JDC invest et Sherkan retail ont créé la société en participation Fly invest, dont les statuts n’ont été enregistrés que le 28 août 2018.

L’immeuble a été donné à bail à compter du 1er août 2018 à la société Abeille Rush. Les loyers ont été encaissés par la société Sherkan retail au nom et pour le compte de la société en participation Fly invest.

Le 24 avril 2020, la société Sherkan retail a procédé à la revente de l’immeuble au bénéfice de la SCI Amiens 17, pour un prix de vente de 910 000 euros.

En parallèle, les relations entre MM. [U] [J] et [X] [E] se sont dégradées peu à peu, et par voie de conséquence entre les sociétés JDC invest et Sherkan retail, la société JDC invest craignant que le prix de vente ne soit remis qu’à la société Sherkan retail et que celle-ci ne lui reverse pas la moitié lui revenant.

Le 16 avril 2020, la société JDC invest a déposé devant Monsieur le Président du tribunal de commerce de Lille Métropole une requête a’n d’être autorisée à procéder à la saisie conservatoire, entre les mains de Maître [L], notaire chargé de la vente, de la somme de 910 000 euros ou, à défaut, de la somme de 455 000 euros.

Le 17 avril 2020, une ordonnance a fait droit à la requête.

Le 11 mai 2020, la société Sherkan retail a assigné la société JDC invest devant le tribunal de commerce de Lille Métropole pour solliciter la main-levée de la saisie conservatoire.

Par exploit d’huissier signifié le 19 mai 2020, la société JDC invest a assigné les sociétés Sherkan retail et Victoire participations afin d’obtenir un titre exécutoire conformément aux dispositions de l’article R511-7 du code des procédures civiles d’exécution.

Suivant acte sous seing privé en date du 17 juin 2020, une convention de séquestre a été régularisée entre les sociétés Sherkan retail et JDC Invest, en la présence de Maître [O] [L].

Cette convention prévoyait que le séquestre serait déchargé de sa mission par la remise du solde séquestré, entre les mains de l’une ou l’autre des parties, ou des deux :

– sur demande conjointe et expresse des deux sociétés ;

– sur présentation d’une décision de justice définitive statuant sur l’exploit signifié le 19 mai 2020 (et enrôlé devant le tribunal de commerce de Lille Métropole sous le n° RG 2020-005128).

En exécution de cette convention de séquestre, la société JDC invest a procédé, suivant acte extrajudiciaire du 19 juin 2020, à la main-levée pure et simple des deux saisies conservatoires de créances.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 23 novembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

« Constate la dissolution de plein droit de la SEP FLY INVEST

Dit que les parties devront faire une demande de requête en nomination d’un mandataire indépendant en tant que liquidateur amiable de la SEP FLY INVEST

Dit que chacune des parties pourra réintroduire l’instance à tout moment, et notamment en cas de difficulté

Déboute la société JDC INVEST de sa demande de condamner la société SHERKAN RETAIL à payer la somme de 100 000 euros à titre de demande de provision

Condamne la société SHERKAN RETAIL à payer à la société JDC INVEST la somme de 17 870,00 euros à titre de remboursement des avances effectuées pour le compte de la société SEP FLY INVEST outre les intérêts judiciaires à compter de la mise en demeure

Condamne la société VICTOIRE PARTICIPATIONS à payer à la société JDC INVEST la somme de 25 000 euros au titre du solde des sommes restant dues sur l’avance de tresorerie accordée avec intérêts judiciaires à compter de la mise en demeure

Déboute les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

Condamne les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS in solidum à payer à la société JDC INVEST la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile

Condamne les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS aux entiers dépens de la présente instance, taxes et liquides à la somme de 94,36 euros (en ce qui concerne les frais de Greffe) ».

Par déclaration en date du 15 décembre 2021, la société Sherkan retail et la SARL Victoire participations ont interjeté appel des chefs suivants : « Condamne la société SHERKAN RETAIL à payer à la société JDC INVEST la somme de 17 870,00 euros à titre de remboursement des avances effectuées pour le compte de la société SEP FLY INVEST outre les intérêts judiciaires à compter de la mise en demeure ; Condamne la société VICTOIRE PARTICIPATIONS à payer à la société JDC INVEST la somme de 25 000 euros au titre du solde des sommes restant dues sur l’avance de tresorerie accordée avec intérêts judiciaires à compter de la mise en demeure ;Déboute les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS de l’ensemble de leur demandes, fins et conclusions ; Condamne les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS in solidum à payer à la société JDC INVEST la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ; Condamne les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS aux entiers dépens de la présente instance, taxes et liquides à la somme de 94.36 euros (en ce qui concerne les frais de Greffe). »

Par requête auprès du président du tribunal de commerce de Lille, la société Sherkan retail a notamment sollicité la désignation d’un administrateur ad hoc ès qualités de liquidateur amiable de la société en participation Fly invest pour qu’il lui soit conféré les pouvoirs les plus étendus pour procéder aux opérations de liquidation dans les conditions fixées aux statuts enregistrés au service de la publicité foncière et de l’enregistrement de Lille 3 le 28 août 2018.

Par ordonnance du 21 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de Lille métropole a rejeté la requête aux motifs que la société Fly invest, qui est une société en participation, n’était pas inscrite au registre du commerce et des sociétés de Lille-Métropole.

Cette ordonnance a été notifiée par les soins du greffe le 24 janvier 2022.

Par déclaration du 9 février 2022, réceptionnée par le greffe le 11 février 2022, la société Sherkan retail a formé appel en l’absence de rétractation de l’ordonnance litigieuse.

Exposé du litige

Par ordonnance en date du 3 mars 2022, le président du tribunal de commerce de Lille Métropole a :

– dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance n° 20220P178 du 21 janvier 2022 ;

– ordonné la transmission de l’entier dossier à la cour d’appel de Douai,

– condamné le requérant aux entiers frais et dépens de la présente ordonnance.

Le dossier a été transmis à la cour d’appel pour qu’il soit statué sur le recours.

Par arrêt en date du 29 septembre 2022, la cour d’appel de Douai, chambre 2 section 2 a confirmé l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille.

Moyens

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 16 novembre 2022, la société Sherkan Retail et la société Victoire participations demandent à la cour de :

« Vu l’articles 1832 et suivants, l’article 1871 et suivants du Code Civil et l’article 1240 du Code Civil,

Vu l’article 1347 du Code Civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les statuts de la société en participation FLY INVEST, enregistrés le 28 août 2018,

Vu l’ordonnance rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE le 17 avril 2020 et la requête présentée par la Société JDC INVEST le 16 avril 2020,

Vu les procès-verbaux de saisie conservatoire, dressés les 20 et 24 avril 2020 par l’intermédiaire de la SCP GLORIEUX-MANCHEZ,

Vu la dénonciation desdites saisies suivant acte extrajudiciaire de la SCP GLORIEUX-MANCHEZ en date du 27 avril 2020,

Vu l’article 1240 du Code Civil,

Vu les articles 378 et suivants du Code de Procédure Civile,

INFIRMER le jugement entrepris, rendu par le Tribunal de Commerce de Lille Métropole le 23 Novembre 2021, en ce qu’il a :

« – Condamné la Société SHERKAN RETAIL à payer à la Société JDC INVEST la somme de 17 870 euros à titre de remboursement des avances effectuées pour le compte de la Société SEP FLY INVEST, outre les intérêts judiciaires à compter de la mise en demeure,

– Condamné la Société VICTOIRE PARTICIPATIONS à payer à la Société JDC INVEST la somme de 25 000 euros, au titre du solde des sommes restant dues sur l’avance de trésorerie accordée avec intérêts judiciaires à compter de la mise en demeure,

– Débouté les Sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– Condamné les Sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS in solidum à payer à la Société JDC INVEST la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– Condamné les Sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS aux entiers dépens de la présente instance, taxés et liquidés à la somme de 94.36 euros (en ce qui concerne les frais de greffe) ».

Et statuant à nouveau,

‘ DEBOUTER la SAS JDC INVEST de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

‘ CONDAMNER la SAS JDC INVEST à payer, entre les mains de la SARL SHERKAN RETAIL, la somme de 32 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2020, date de signature de l’acte authentique de vente,

‘ CONDAMNER la SAS JDC INVEST à payer, entre les mains de la SARL VICTOIRE PARTICIPATIONS, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2020, pour procédure abusive et injustifiée,

‘ CONDAMNER la SAS JDC INVEST à payer, d’une part, entre les mains de la SARL SHERKAN RETAIL et, d’autre part, entre les mains de la SARL VICTOIRE PARTICIPATIONS, la somme de 6 800 euros, chacune, en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ CONDAMNER la SAS JDC INVEST aux entiers frais et dépens, de première instance et d’appel ».

La société Sherkan retail revient sur la dissolution de plein droit de la société en participation Fly invest et la nomination d’un mandataire indépendant en tant que liquidateur amiable.

Elle estime que la demande de la société JDC invest sollicitant la réformation du jugement entrepris, en ce qui concerne la nomination d’un mandataire indépendant en tant que liquidateur amiable, ne saurait être approuvée au motif que la société Sherkan retail n’a jamais proposé l’ouverture des opérations de liquidation amiable en sa qualité de gérante de la société Fly invest, malgré les stipulations de l’article 16 des statuts. Elle souligne que si l’article 16 des statuts prévoit effectivement que le gérant pourra dresser un inventaire et établir un compte définitif, encore faut-il qu’il soit désigné en qualité de liquidateur, et qu’au vu de la mésentente et de la répartition des parts à hauteur de 50 % entre chacun des associés, la désignation amiable d’un liquidateur ne pourra jamais intervenir.

Elle rappelle que ni le bien-fondé ni la légitimité de la demande n’ont été examinés par le président du tribunal de commerce lors de son rejet de la demande sur requête. Il en est de même de la décision de la cour qui s’est attachée uniquement à vérifier la régularité de la saisine du premier juge sur un plan purement procédural.

Elle s’oppose à la désignation de la société JDC invest en qualité de liquidateur amiable au vu des différends ayant opposé les parties et de leurs antécédents procéduraux, cette dernière ne répondant pas à l’exigence de neutralité à laquelle doit nécessairement répondre tout liquidateur amiable d’une société.

La société Sherkan retail s’oppose à la demande de règlement d’un acompte de 100 000 euros à valoir sur les opérations de liquidation, présentée par la société JDC invest, au motif que si la société Sherkan a certes perçu l’intégralité des loyers au titre du bail consenti à la société Abeille rush, pour la période d’août 2018 à avril 2020, elle a assumé, seule, le paiement des échéances du prêt d’un montant de 155 000 euros consenti par le Crédit du Nord pour financer l’acquisition de l’immeuble, et s’est acquittée de l’ensemble des charges liées à l’immeuble, notamment en procédant au paiement des taxes foncières.

Elle rappelle que la société en participation Fly invest n’avait pas vocation à appréhender l’intégralité des produits inhérents à la commercialisation, mais seulement une quote-part de 50 %, conformément à l’article 2 des statuts, raison pour laquelle les parties ont convenu, aux termes de la convention de séquestre, que seule la somme de 355 446,21 euros, correspondant à 50 % du solde du prix de vente (710 892,43 euros) demeurerait séquestrée entre les mains de Me [O] [L]. Le solde libéré, soit la somme de 355 446, 21 euros, ne revient pas à la société en participation et ne saurait dès lors servir d’appui pour asseoir une demande en paiement d’une somme à titre de provision à valoir sur les opérations de liquidation.

Si, par impossible, la cour estimait cette demande justifiée dans son quantum, il ne saurait pour autant être fait droit à cette demande, puisque les reproches faits par la société JDC invest (perception des loyers et revente seule du même immeuble) résultent d’une confusion des clauses statutaires entretenue par la société JDC invest, clauses dont elle a pourtant librement approuvé les termes.

Les appelantes contestent que la société JDC invest soit créancière de la société Sherkan retail. Il revient à la société en participation Fly invest, et non à la société Sherkan retail, de distribuer aux associés le produit de toute commercialisation et notamment une partie du prix de vente, selon les modalités prévues aux statuts (article 2, 12 des statuts). La société Sherkan retail s’estime donc certes débitrice de tout produit inhérent à la commercialisation, dans la limite de 50 %, mais exclusivement envers la société en participation Fly invest et non envers la société JDC invest.

Les appelantes en déduisent que la société JDC invest n’agit pas contre son débiteur (la société en participation Fly invest) mais à l’encontre du débiteur (SARL Sherkan retail) de son propre débiteur (Fly invest).

Les appelantes s’opposent à l’analyse des dispositions contractuelles faite par la société JDC invest selon laquelle la commission de vente ou la commission de mise à bail devait être répartie par moitié entre la société qui réaliserait la vente et/ou la mise à bail et la société Fly invest. Cette prétention est immédiatement contredite par l’objet social de la société en participation, cette dernière ayant pour objet l’acquisition d’un immeuble et sa mise en location et non la perception d’honoraires de négociation. Elles rappellent en outre que la société en participation Fly invest n’a pas la qualité d’agent immobilier. Elles soulignent d’ailleurs que la société JDC invest a introduit après la vente une action en dissolution de la SEP, reconnaissant par là-même que l’objet social de la société en participation ne résidait pas dans la perception des honoraires de négociation dus aux autres sociétés dans lesquelles les associés ont des intérêts mais bien dans la vente ou la mise en location. Selon elles, chaque associée de la société Fly invest a vocation à percevoir 50 % de 50 % de la commission.

Quand bien même la qualité de créancier de la société JDC invest à l’égard de la société Sherkan retail serait établie, cela ne lui permettrait pas pour autant de prétendre au règlement d’un acompte dans l’attente des opérations de liquidation. Ignorant totalement le passif de la société en participation, il n’est pas possible de déterminer s’il existe une créance. La société JDC invest, sur qui pèse la charge de la preuve, ne produit aucun élément comptable ou financier qui permettrait de justifier une contribution aux pertes inférieure au montant de sa prétendue créance.

Au titre de la condamnation au paiement d’une somme de 17 870 euros en remboursement de prétendues avances en trésorerie, les appelantes exposent que si la société JDC invest versait aux débats une attestation dressée par son expert-comptable le 14 mai 2020, cette pièce ne permettait absolument pas de justifier d’avances qui auraient été faites au bénéfice de la société Fly invest à concurrence de 17 870 euros. Selon cette attestation, il est question d’une avance réalisée au bénéfice non pas de la société Fly invest, mais de Monsieur [X] [E] à titre personnel. Les échanges de courriels versés aux débats par la société JDC invest ne permettent pas plus d’établir que les virements auraient été réalisés pour le compte précisément de la société en participation.

Les appelantes opposent en outre l’attestation dressée le 8 décembre 2021 par l’expert-comptable de la société Sherkan retail et soulignent que la compensation entre les avances en trésorerie d’une part, et le résultat déficitaire de la société en participation d’autre part, emportent extinction des obligations réciproques, de sorte que la société JDC invest ne peut formuler aucune demande à l’encontre de la société Sherkan retail au titre des avances de trésorerie.

Les appelantes soulignent, quand bien même une telle preuve serait rapportée, que seule la société en participation serait débitrice du remboursement puisque l’avance en compte courant constitue une créance de l’associé à l’encontre de la société.

Les appelantes rappellent que la procédure a été introduite par la société JDC invest sur le fondement de l’article R 511-7 du code des procédures civiles d’exécution, lequel impose au créancier d’obtenir un titre exécutoire pour la créance ayant fait l’objet de la requête déposée en vue d’être autorisé à procéder à la saisie conservatoire, requête qui n’est nullement motivée par des avances en trésorerie, et estiment en conséquence que la société JDC invest ne saurait obtenir un titre exécutoire pour des avances en trésorerie, au demeurant non justifiées, ni dans leur principe, ni dans leur quantum.

Les appelantes, concernant les condamnations de la société Victoire participations, lesquelles contreviennent à un protocole transactionnel, pointent la mauvaise foi de la société JDC invest, laquelle a tardé à rembourser le montant indûment perçu suite à l’exécution du jugement querellé.

Si, aux termes de ses conclusions, la société JDC invest s’associe à l’appel principal formé par la société Victoire participations en vue d’obtenir l’infirmation du chef de jugement ayant condamné cette dernière au paiement de la somme de 25 000 euros et renonce expressément à toute demande à cet égard, des frais et un préjudice ont été subis par la société Victoire participations.

Les appelantes formulent, à titre reconventionnel, des demandes de condamnation de la société JDC invest à la réparation du préjudice subi. Elles estiment que la société JDC invest s’est adonnée, ni plus ni moins, à une dénonciation calomnieuse. Cette fausse dénonciation porte atteinte à l’image, à la réputation et à l’honneur de la société Sherkan retail, de nature à emporter des répercussions négatives dans le cadre de ses relations d’affaires avec les tiers, ce qui, pour une personne morale, constitue assurément un préjudice d’ordre moral. Enfin, la société JDC invest a pratiqué deux saisies de manière successive, ce qui constitue un abus de droit dans la mesure où la première saisie a été pratiquée pour un montant quatre fois supérieur à la créance à laquelle peut prétendre la société JDC invest, de surcroît à l’égard seulement de la société Fly invest et non de la société Sherkan retail.

Elles soulignent que la circonstance qu’une convention de séquestre a été régularisée entre les parties n’a pas pour effet d’annihiler le préjudice subi, étant rappelé que cette dernière n’a pas eu pour effet de libérer l’intégralité du solde du prix de vente.

La société Victoire participations au regard de la condamnation infondée obtenue à hauteur de 25 000 euros et des difficultés pour en obtenir le remboursement s’estime bien fondée à solliciter la condamnation de la société JDC invest au paiement d’une somme de 15 000 euros pour procédure abusive.

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 03 juin 2022, la société JDC Invest demande à la cour de :

« Vu les dispositions des articles 1832 ; 1842 ; 1844-7 2 ; 1844-8 ; 1871-1 du code civil

De l’article R511-7 du code des procédures civiles d’exécution

Des articles L221-1 et suivants ; L231-1 et suivants ; R232-1 et suivants ; L237-19 ; R237-12 du code de commerce

Des articles 2 et 16 des statuts de la SEP FLY INVEST

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de LILLE METROPOLE en ce qu’il a :

– Constaté la dissolution de plein droit de la SEP FLY INVEST

– Condamné la société SHERKAN RETAIL à payer à la société JDC INVEST la somme de 17 870 euros à titre de remboursement des avances effectuées pour le compte de la société SEP FLY INVEST outre les intérêts judiciaires à compter de la mise en demeure

– Débouté les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

– Condamné les sociétés SHERKAN RETAIL ET VICTOIRE PARTICIPATIONS in solidum à payer à la société JDC INVEST la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamné les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS aux dépens de la première instance

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de LILLE METROPOLE en ce qu’il a :

– Dit que les parties devront faire une demande de requête en nomination d’un mandataire indépendant en tant que liquidateur amiable de la SEP FLY INVEST

– Dit que chacune des parties pourra réintroduire l’absence à tout moment et notamment en cas de difficulté

– Débouté la société JDC INVEST de sa demande de condamner la société SHERKAN RETAIL à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de demande de provision

– Condamné la société VICTOIRE PARTICIPATIONS à payer à la société JDC INVEST la somme de 25.000 euros au titre du solde des sommes restant dues sur l’avance de trésorerie accordée avec intérêts judiciaires à compter de la mise en demeure, en donnant acte à la société JDC INVEST de la renonciation à sa demande à l’égard de la société VICTOIRE PARTICIPATIONS et de sa renonciation au bénéfice du jugement concernant cette condamnation prononcée à l’égard de la société VICTOIRE PARTICIPATIONS

Statuant à nouveau en cause d’appel :

– Désigner la société JDC INVEST es qualité de liquidateur amiable de la société SEP FLY INVEST et l’autoriser à procéder aux opérations de liquidation amiable de la SEP FLY INVEST avec mission de :

o Dresser un inventaire et établir un décompte définitif

o Répartir entre les associés les produits nets du règlement

o Au besoin, procéder au paiement des dettes

o Procéder au partage de l’actif et des bénéfices au boni de la liquidation entre les associés

o Du tout, établir un rapport de liquidation et le déposer au Greffe du tribunal de commerce de LILLE METROPOLE dans le délai imparti à la cour

o Informer le tribunal de commerce de LILLE METROPOLE de toutes difficultés liées aux opérations de liquidation amiable de la SEP FLY INVEST

– A défaut de désigner la société JDC INVEST es qualité de liquidateur amiable, désigner tel mandataire AD HOC es qualité de liquidateur amiable de la SEP FLY INVEST avec pour mission de :

o Dresser un inventaire et établir un décompte définitif

o Répartir entre les associés les produits nets du règlement

o Au besoin, procéder au paiement des dettes

o Procéder au partage de l’actif et des bénéfices au boni de la liquidation entre les associés

o Du tout, établir un rapport de liquidation et le déposer au Greffe du tribunal de commerce de LILLE METROPOLE dans le délai imparti à la cour

o Informer le tribunal de commerce de LILLE METROPOLE de toutes difficultés liées aux opérations de liquidation amiable de la SEP FLY INVEST

– Condamner la société SHERKAN RETAIL à payer à la société JDC INVEST à titre de provision ou d’acompte à valoir sur les opérations de liquidation amiable la somme de 100 000 euros

– Dire et juger irrecevable la demande nouvelle présentée par la société VICTOIRE PARTICIPATIONS en cause d’appel tendant à la condamnation de la société JDC INVEST à lui payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée

– Débouter les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions présentées en cause d’appel

– Condamner les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRES PARTICIPATIONS in solidum à payer à la société JDC NVEST une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’instance d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamner in solidum les sociétés SHERKAN RETAIL et VICTOIRE PARTICIPATIONS aux dépens de la procédure d’appel »

La société JDC invest souligne que le litige qui l’oppose aux sociétés Sherkan retail et Victoire participations a profondément évolué depuis l’engagement de la procédure à son initiative, qui recherchait à l’origine l’obtention d’un titre exécutoire à la suite de la saisie conservatoire par ses soins pratiquée entre les mains du notaire. Au final, le litige tranché par le tribunal de commerce a porté sur la dissolution de la société en participation Fly invest et ses conséquences ainsi que sur le remboursement des avances versées par la société JDC invest, d’une part à la société Sherkan retail, d’autre part à la société Victoire participations.

Au vu du chef non critiqué, concernant la dissolution de plein droit de la société en participation Fly invest, il convient donc dans un premier temps de tirer les conséquences de cette dernière et dans un second temps de statuer sur les créances de la société JDC invest à l’encontre de chacune des deux sociétés appelantes.

La société JDC invest revient sur l’activité de la société en participations Fly invest, de nature commerciale puisqu’elle consistait en l’activité de marchand de biens, c’est-à-dire une activité commerciale par nature, et estime que la dissolution d’une telle société doit respecter les dispositions du code de commerce relatives aux sociétés en nom collectif et relève donc des dispositions des articles L221-1 et suivants du code de commerce ainsi que des articles L231-1 et suivants du code de commerce et des articles R232-1 et suivants également du code de commerce. En l’absence de nomination amiable, le liquidateur, conformément à l’article L 237-19 du code de commerce, est désigné par ordonnance du Président du tribunal de commerce statuant sur requête. Cependant, le président du tribunal de Lille a rejeté cette requête. La SEP Fly invest est aujourd’hui dissoute mais les opérations de liquidation amiable n’ont toujours pas débuté, faute de désignation d’un mandataire quelconque ès qualités de liquidateur amiable.

Faute pour les associées de s’être mises d’accord sur la désignation d’un mandataire ad hoc ès qualités de liquidateur amiable et à défaut pour le président du tribunal de commerce d’avoir désigné un mandataire ad hoc ès qualités de liquidateur amiable, le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 23 novembre 2021 devra nécessairement être infirmé.

La société JDC invest, en sa qualité d’associée de la société Fly invest, propose sa propre désignation ès qualités de liquidateur amiable et à défaut pour la cour de procéder à sa nomination en qualité de liquidateur amiable, elle demande à la cour de désigner un mandataire ad hoc en qualité de liquidateur amiable et détaille sa mission.

La société JDC invest reformule sa demande de provision, puisque la société Sherkan retail a perçu, certes pour le compte de la société en participation Fly invest, d’une part, l’intégralité des loyers d’août 2017 à avril 2020, d’autre part, la somme de 554 553,79 euros en règlement du prix de vente de l’immeuble. De son côté, pour autant associée à parts égales au sein de la société en participation Fly invest, elle n’a strictement rien perçu.

Elle s’oppose aux arguments de la société Sherkan retail selon lesquels il reviendrait à la société en participations Fly invest, et non à la société Sherkan retail, de distribuer aux associés le produit de toute commercialisation conformément aux dispositions de l’article 2 des statuts de la société. En l’absence d’immatriculation, par nature, la société en participation est dépourvue de personnalité morale, de capacité juridique. Elle ne peut être ni créancière d’une obligation, ni débitrice d’une telle obligation et ne dispose d’aucun patrimoine social. En conséquence, c’est bien la société Sherkan retail, qui a appréhendé les loyers commerciaux de l’immeuble ainsi que la plus grande partie du prix de vente de ce dernier, qui est nécessairement débitrice à l’égard de la société JDC invest, son associée au sein de la société en participation.

La société JDC invest critique la lecture faite par la société Sherkan retail de l’article 2 des statuts, et considère que ni les loyers, ni le prix de vente ne peuvent être considérés comme un « produit inhérent à la commercialisation » de l’immeuble. Elle précise que les deux sociétés avaient prévu que la commission de vente ou la commission de mise à bail devait être répartie par moitié entre la société qui réaliserait la vente et/ou la mise à bail et la société Fly invest. En aucun cas en revanche, il n’a été prévu que seuls 50 % du montant des loyers et du prix de vente de l’immeuble reviendrait à la société SEP Fly invest aux fins de répartition entre les deux associés, ce qui serait d’ailleurs contraire aux principes qui gouvernent une société en participation, et aux accords pris entre les associés de la société en participation.

Elle estime avoir donc vocation à percevoir dans le cadre de la liquidation amiable de la société en participation Fly invest un boni de liquidation qui correspondra à 50 % des loyers perçus et du prix de vente de l’immeuble, déduction faite des seules charges supportées par la société Sherkan retail pour le compte de la société Fly invest.

Quand bien même l’analyse de l’article 2 des statuts, faite par la société Sherkan retail, serait exacte, la société JDC invest indique avoir vocation à percevoir un boni de liquidation bien supérieur à la somme de 100 000 euros qu’elle réclame aujourd’hui à titre de provision ou d’acompte à valoir sur la liquidation amiable de la société en participation Fly invest, compte tenu notamment de l’importante plus-value réalisée lors de la vente de l’immeuble.

Il ne peut lui être opposée l’absence de communication des documents comptables pour déterminer le passif de la société en participation, dès lors que c’est la société Sherkan retail qui dispose de tous les éléments comptables et financiers relatifs à la société Fly invest, qui établit les comptes et qui a perçu l’intégralité des fonds revenant à la société en participation Fly invest.

Elle sollicite en outre le remboursement des avances de trésorerie versées à la société Sherkan retail, qui ne l’a jamais remboursée alors même que la société JDC invest n’est pas associée de la société Sherkan retail et qu’elle ne peut donc disposer d’aucun compte courant au sein de cette société. Elle confirme que les virements ont bien été faits entre les mains de la société Sherkan retail ou entre les mains de Monsieur [X] [E] pour le compte de la société Sherkan retail dans le cadre d’avances de trésorerie au bénéfice de la société Fly invest.

Il ne peut être soutenu que l’avance en compte courant réalisée constituerait une créance de l’associée à l’encontre de la société en participation, puisque cette dernière ne dispose pas de patrimoine de sorte que la société JDC invest ne peut être créancière de la société en participation Fly invest.

Concernant les avances faites à la société Victoire participations, la société JDC invest s’associe à l’appel principal formulé par la société Victoire participations et demande donc qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle se désiste de cette demande et renonce au bénéfice du jugement rendu sur cette condamnation.

La société JDC invest s’oppose aux demandes reconventionnelles des appelantes.

Concernant les demandes de la société Sherkan retail, elle rappelle que la demande principale présentée par la société JDC invest devant le tribunal de commerce de Lille-Métropole portait sur la constatation de la dissolution de plein droit de la société Fly invest, demande à laquelle il a été fait droit et qui n’est d’ailleurs pas contestée aujourd’hui par les parties.

Elle estime n’avoir commis aucune faute à l’égard de la société Sherkan retail, qui n’a subi aucun préjudice quelconque puisqu’en définitive elle a perçu une partie conséquente du prix de vente après mainlevée des saisies conservatoires pratiquées.

Elle conclut à l’irrecevabilité de la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive de la société Victoire participations sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile. Elle souligne que le protocole d’accord transactionnel, dont se prévaut aujourd’hui la société Victoire participations, postérieurement au prononcé du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille-Métropole le 23 novembre 2021, a été conclu entre les parties après l’assignation du 19 mai 2020, le 31 juillet 2020.

L’une comme l’autre avaient oublié le protocole lors de la plaidoirie en première instance, compte tenu de la complexité des relations existant entre elles, la société Victoire participations ne pouvant désormais lui en imputer la seule responsabilité.

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2022.

À l’audience du 17 janvier 2023, le dossier a été mis en délibéré au 13 avril 2023.

***

Par note en délibéré du 20 mars 2023, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen, relevé d’office, tiré de l’éventuelle irrecevabilité de la demande en remboursement des avances en trésorerie présentées par la société JDC invest, faute de décision collective des associés et d’établissement du compte définitif de la société en participation Fly invest, et ce avant le 24 mars à 17h.

Par message RPVA du 23 mars 2023, la société JDC invest expose que :

– les avances en trésorerie effectuées par un associé pour le compte de la société, quelle que soit la forme juridique de celle-ci, permettent à l’associé qui verse ces fonds de disposer d’un compte courant d’associé, ouvert dans les livres comptables de la société, et sur lequel figurent les sommes versées ;

– dans le cadre d’une société en participation, et dès lors que la société ne dispose d’aucun patrimoine, ni actif, ni passif, les fonds ou avances de trésorerie sont alors versés par un associé à un autre, pour le compte de l’indivision qui résulte de la société en participation ;

– par principe, un créancier peut donc solliciter le remboursement des sommes qu’il a versées ou des avances de trésorerie qu’il a consenties à son débiteur qui a reçu les fonds à tout moment et sans conditions particulières ce qui est précisément la jurisprudence de la Cour de cassation, qui reconnaît que, sauf clause contraire, conventionnelle ou statutaire, l’avance en compte courant consentie par un associé pour une durée indéterminée est remboursable à tout moment ;

– au vu des statuts, les associés de la société en participation Fly invest ont donc prévu que les conditions de retrait ou de remboursement des comptes courants devaient être décidées par une décision collective des associés prise en la forme extraordinaire, laquelle en l’espèce n’est jamais intervenue ;

– cette absence de décision extraordinaire des associés de la société pourrait laisser entendre que les conditions de retrait ou de remboursement des avances consenties n’ont jamais été déterminées de sorte qu’aucun remboursement ne pourrait avoir lieu, mais « ce serait oublier ici le principe dégagé par la Cour de cassation qui veut, qu’à défaut de disposition conventionnelle, ce remboursement peut et doit intervenir à tout moment, à tout le moins lorsque l’associé donateur en fait la demande » ;

– l’absence de décision collective et extraordinaire des associés de la société ne peut donc faire échapper la société Sherkan retail, et a fortiori la société Victoire participations, à leurs obligations de rembourser à la société JDC invest les avances en trésorerie qu’elle leur a directement versées, certes pour le compte de la société en participation Fly invest ;

– le remboursement d’un compte courant d’associé, à la suite de versements d’avances en trésorerie, constitue une opération totalement indépendante des conditions de liquidation amiable d’une société, quelle que soit sa forme juridique, a fortiori s’il s’agit d’une société en participation ;

– ce sont les sociétés Sherkan retail ou Victoire participations qui se trouvent débitrices des avances en trésorerie effectuées par la société JDC invest et qui doivent donc procéder à leur remboursement, indépendamment des conditions dans lesquelles la liquidation amiable de la société en participation Fly invest se déroulera ;

– dans le cadre d’une société en participation, le liquidateur amiable est effectivement chargé de l’arrêté définitif des comptes mais ne peut procéder par lui-même au règlement définitif du reliquat d’actif et des pertes ou des dettes dès lors que la société en participation ne dispose d’aucun actif, ni par voie de conséquence d’aucun compte bancaire ;

– l’absence d’établissement du compte définitif de la société en participation n’interdit pas et n’empêche pas le paiement d’éventuelles dettes de la société en participation et notamment le remboursement des comptes-courants d’associés, à tout moment, avant liquidation ou en cours de liquidation amiable, et ce d’autant moins que les remboursements sont alors directement opérés par les bénéficiaires des fonds versés à partir de leurs propres comptes bancaires ;

– le liquidateur est habilité à payer les créanciers en application de l’article L237-24 du code de commerce, ce paiement du passif devant impérativement intervenir avant la clôture des opérations de liquidation puisque la clôture de la liquidation intervient après réalisation de l’actif et du passif.

La note en délibéré n° 1 de société Sherkan retail n’est pas parvenue dans le délai imparti.

Motivation

MOTIVATION

Concernant les notes en délibérés adressées à la cour, seule est recevable la note dûment autorisée, parvenue dans les délais impartis, de la société JDC invest, la première note en délibéré de la société Sherkan retail ayant été communiquée postérieurement au délai clairement spécifié dans l’avis adressé le 20 mars 2023 par la cour.

Les notes en délibérés supplémentaires des parties ne sauraient être prises en comptes par la cour, faute d’avoir été autorisées.

A titre liminaire, il sera observé que les modalités de saisine de la juridiction par la société JDC invest en validation de saisie-conservatoire sur le fondement de l’article R 511-7 du code des procédures civiles d’exécution sont sans emport sur les pouvoirs de cette juridiction, laquelle peut être amenée, sous réserve que ces demandes ne se heurtent à aucune fin de non-recevoir éventuellement opposée par l’adversaire, à statuer sur des demandes incidentes, accessoires voire additionnelles à celle relative à la créance, objet de la requête déposée en vue d’être autorisée à procéder à une saisie conservatoire.

Ainsi, l’affirmation selon laquelle la société « JDC invest ne saurait obtenir un titre exécutoire pour des avances en trésorerie » puisque sa requête n’était absolument pas motivée par des avances en trésorerie est totalement inopérante, la cour observant en outre qu’à la suite de la convention de séquestre conclue entre les parties, mainlevée des deux saisies conservatoires a été donnée par la société JDC invest, ce qui a d’ailleurs justifié le retrait du rôle par ordonnance du 19 juin 2020 de l’instance engagée par la société Sherkan retail suivant assignation en date du 11 mars 2020 en contestation desdites saisies.

La cour ne peut par ailleurs que constater l’absence de fin de non-recevoir opposée aux demandes de la société JDC invest par les sociétés Sherkan retail et Victoire participations, que ce soit au titre des avances en trésorerie, ou au titre de la nomination d’un liquidateur amiable.

Il doit tout autant être noté qu’aucune des parties n’entend contester le chef du jugement aux termes duquel le tribunal de commerce de Lille Métropole par jugement du 23 novembre 2021 a constaté la dissolution de plein droit de la société en participation Fly invest à raison de l’extinction de son objet, tel que défini dans ses statuts enregistrés le 28 août 2018, ledit chef du jugement étant définitif.

Ainsi, la cour est saisie d’un litige relatif à la détermination dans le cadre de la dissolution de la société en participation Fly invest des comptes entre les associés, la société JDC invest évoquant des avances en trésorerie, des apports, tandis que la société Sherkan retail se prévaut de charges supportées et de l’acquisition de l’immeuble.

Dans ce cadre, et au vu de la demande de condamnation au titre des avances en trésorerie formulée par la société JDC invest, il est indispensable dans un premier temps de déterminer les règles devant présider à la liquidation de la société en participation qui sera menée par la personne désignée par la cour pour exécuter la mesure (I). Il sera enfin procédé à l’examen de la demande de provision de la société JDC invest (II) puis des demandes reconventionnelles des sociétés Sherkan retail et Victoire participations (III).

I- sur la liquidation amiable de la société en participation

Au vu de la dissolution de plein droit de la société en participation, la nomination d’un liquidateur amiable s’impose, le choix de ce dernier et les règles devant présider à la liquidation de la société en participation devant être arbitrés par la cour au vue des désaccords exprimés sur ces points par les parties.

1) la nomination du liquidateur

Aux termes de l’article 1844-8 du code civil, la dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l’article 1844-4. Elle n’a d’effet à l’égard des tiers qu’après sa publication.

Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il est nommé par les associés ou, si les associés n’ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice. Le liquidateur peut être révoqué dans les mêmes conditions (‘)

La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de celle-ci.

Si la clôture de la liquidation n’est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de la dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le tribunal, qui fait procéder à la liquidation ou, si celle-ci a été commencée, à son achèvement.

La dissolution entraîne sa liquidation.

L’article 16 des statuts stipule que « le gérant, ou à défaut, un mandataire de justice désigné par décision collective des associés dresse un inventaire et établit un compte définitif ».

La société JDC invest ne saurait exciper de cet article pour pointer une faute de la société Sherkan retail, laquelle n’aurait pas procédé à l’inventaire, alors qu’en sa qualité de co-dirigeante de la société Fly invest, aux termes des statuts, pesait sur elle les mêmes obligations et pouvoirs que ceux qu’elle attribue exclusivement à la société Sherkan retail, pouvoirs qui ne pouvaient être mis en ‘uvre au vu de la mésentente manifeste entre les associés à parts égalitaires de la société en participation.

Au vu de la mésentente flagrante et de l’impossibilité d’obtenir une décision collective des associés sur la nomination du liquidateur amiable pour procéder aux opérations de liquidation, il apparaît indispensable de nommer un mandataire ad hoc pour établir le compte définitif et procéder aux partages du boni ou des pertes entre les associés.

Compte tenu des différends opposant les parties, caractérisés par le nombre de procédures mises en ‘uvre, l’indépendance et la neutralité qui doivent présider dans l’exercice de la mission dévolue au liquidateur d’un groupement ne saurait être assurée par l’un ou l’autre des associés et nécessitent que soit nommé un mandataire ad hoc, extérieur à la personne des associés.

Ainsi, la demande de la société JDC invest pour se voir désigner en qualité de liquidateur amiable est rejetée.

Par ailleurs, la décision des premiers juge est infirmée en ce qu’elle a « dit que les parties devront faire une demande de requête en nomination d’un mandataire indépendant en tant que liquidateur amiable de la SEP FLY INVEST et dit que chacune des parties pourra réintroduire l’instance à tout moment, et notamment en cas de difficulté », la cour nommant Me [F] en qualité de mandataire ad hoc, lequel sera chargé d’établir le compte définitif de la société en participation Fly invest selon la mission et les règles devant présider à cette liquidation ci-dessous détaillées.

2) les règles devant présider à l’établissement du compte définitif de la société en participation

Au préalable et compte tenu des remarques de la société Sherkan retail, soulignant qu’elle n’a pas la qualité de débiteur de la société JDC invest, mais n’est que le débiteur du débiteur (la société Fly invest) de la société JDC invest, il convient de rappeler qu’en l’absence d’immatriculation de la société en participation, laquelle, par nature, est dépourvue de personnalité morale, en application des articles 1842 et 1871 du code civil, cette dernière société, qui ne dispose d’aucune patrimoine social propre, ne peut être ni créancière ni débitrice d’une obligation.

Par le biais d’une fiction juridique, ledit groupement ne dispose que d’un patrimoine d’affectation constitué par les produits et les charges résultant de son objet social, mais détenus au travers des personne morales l’ayant constitué, ce qui impose de faire les comptes et d’envisager le partage, s’il y a lieu, du boni de liquidation ou des pertes, conformément aux dispositions statutaires.

Cependant, les parties s’opposent sur le sens à donner à l’article 2 des statuts suivant lequel : « la société a pour objet :

* l’acquisition d’un immeuble à usage industriel et de stockage sis à [Adresse 4] superficie de 4 500 m² environ,

* la vente, en totalité ou par fractions, des bâtiments acquis, avant ou après rénovation.

* la location des fractions d’immeuble en stock en l’attente de leur vente.

De même, la société pourra réaliser toutes opérations financières, commerciales, industrielles, mobilières et immobilières, en ce compris l’obtention de tous prêts et garanties financières pouvant se rattacher à l’objet ci-dessus ou susceptibles d’en favoriser le développement.

Tout produit inhérent à la commercialisation des biens détenus par les associés dans le cadre de la présente société reviendra à hauteur de 50 % à la présente structure sociétaire ».

L’objet de la société en participation était avant tout l’achat puis la vente, après éventuelle mise en location pendant la période intermédiaire, de l’immeuble, lequel était détenu par la société Sherkan retail, qui, selon cette stipulation, claire et précise, ne nécessitant aucune interprétation, se devait de reverser « tout produit inhérent à la commercialisation des biens », ce qui s’entend de tout produit d’exploitation généré par le bien acquis au nom de la société en participation, qu’il s’agisse du prix de vente ou des gains tirés de la location de ce dernier, et ce à hauteur de 50 % à la structure sociétaire.

Ainsi, contrairement à ce qu’affirme la société JDC invest, le terme « tout produit inhérent à la commercialisation » ne vise nullement que les commissions liées à la vente ou à la prise à bail de l’immeuble, mais bien le montant des loyers eux-mêmes ou le prix de vente lui-même, dont seuls 50 % reviennent à la société en participation.

Les deux courriels, adressés par M. [E], en date du 18 février 2018 et du 9 mars 2017, qui sont bien antérieurs à la rédaction des statuts enregistrés, et pour le moins ambigus, ne permettent pas de faire preuve contre ou outre l’écrit de ce que les associés auraient pris un accord contraire du partage des produits à parts égales entre eux.

En outre, il s’extrait des statuts que chacun des associés a fait un apport de 500 euros et détient 50 parts, d’une valeur nominative de 10 euros, sur les 100 parts du ‘capital’ de la société en participation. L’article 12 (bénéfices annuels) stipule que « les produits nets de la société constatés par l’inventaire, déduction faite de tous frais et charges et de tous amortissements et provisions constituent les bénéfices nets annuels distribuables. Ceux-ci sont répartis entre les associés proportionnellement aux nombre de parts détenues par chacun d’eux. Toutefois les associés peuvent décider le report d’une année à l’autre de tout ou partie du bénéfice ou l’affecter à un compte de réserve ».

L’article 16, intitulé Règlement de comptes en fin de société ou en cas de dissolution anticipée, prévoit, en son alinéa 2, que « les produits nets du règlement sont répartis entre les associés proportionnellement au nombre de parts détenues par chacun d’eux. Les pertes éventuelles sont supportées dans les mêmes proportions ».

Sur le point de désaccord d’ores et déjà avéré, concernant les avances en trésorerie effectuées par la société JDC invest, on peut retenir des pièces versées que :

– la société JDC invest produit une attestation de son expert-comptable, mentionnant l’existence de mouvements relatifs à la société en participation Fly invest pour un montant de 17 870 euros, comprenant deux virements émis le 4 février 2018 pour 1 935 euros intitulés « vir Sherkan retail 01/2018 et 02/2018 », un virement émis le 28 mars 2018 pour 5 000 euros intitulé « Vir Avance tréso M. [X] [E] », un virement émis le 25 mai 2018 pour 5 000 euros intitulé « Vir Sherkan Retail » et un autre émis le 24 juillet 2018 pour 4 000 euros portant ce même intitulé ;

– l’expert-comptable de la société Sherkan répond à cette allégation de la société JDC invest, après une analyse « des comptes comptables de la société JDC invest ouvert dans les comptes de Sherkan retail pour le compte de Fly invest pour les années 2018-2019 et 2020 » et « constate bien dans les comptes les apports suivants : 1 935 euros le 4 février 2018, 1 935 euros le 4 février 2018, 5 000 euros le 28 mai 2018 et 4 000 le 25 juillet 2018, soit un total de 12 870 euros ». Il indique ne pas avoir connaissance du versement de 5 000 euros effectué le 28 mars 2018 par JDC invest et ajoute que « ces avances en trésorerie ont fait l’objet d’une compensation en date du 31 décembre 2018 par imputation du résultat comptable de la SEP. Le solde de cette avance est ainsi reportable les années suivantes comme vous pouvez le constater dans les extraits de compte » ;

– les mails échangés entre MM. [E] et [J], avec pour objet à chaque fois ‘Sherkan retail Bâtiment A3’, voire ‘Sherkan retail assurance Bâtiment A3′, confirment l’existence de flux financiers au profit de la société Fly invest, avec une confusion parfois dans le compte abondé ;

– retransmettant un mail adressé à son banquier à qui il reproche de lui avoir « envoyé le mauvais Rib et j’ai eu tort de ne pas vérifier. Du coup JDC invest a fait deux virement de 1 935 euros sur mon rib personnel (ci-joint intitulé SCI Sherkan, d’ailleurs c’est une Sarl) », M. [E] indique à M. [J] : « pour toi ça ne change rien j’ai fait les virements entre mon compte perso et celui de Sherkan c’est vu avec le comptable » ;

– dans le cadre d’un autre mail du 4 février 2018, avec pour objet l’intitulé « Sarl Sherkan Bâtiment A3 », et comme pièces jointes : « capture d’écran 2018-01-21′ RIB SCI Sherkan.pdf ; Contrat BC2L Sherkan’ Bâtiment A3 Alarme signé Sherkan.pdf ; Copie Prêt Crédit du Nord- Sherkan retail.pdf », M. [E] indique « il faut que tu précises comme ordre de virement AVANCE COMPTE COURANT » ;

– par mail du 18 mars 2018, M. [E] a écrit : « Salut [U]. Il n’y a que 227 euros sur le compte. Peux tu virer l’encours de Mars qui intervient le 20 mars après-demain. Et ci joint Albingia la prime qu’on doit payer. On fait moitié motié dessu ‘ (2500 euros) ‘ Soit un virement avec objet « apport en compte courant total de 2000 euros+2500 euros= 4 500 euros ;

– la société JDC invest produit un ordre de virement exécuté de 5 000 euros à destination de M. [E] avec un intitulé « avance trésorerie » de 5000 euros en date du 28 mars 2018.

De l’ensemble de ces éléments, il s’induit des présomptions graves et concordantes établissant l’existence d’apports en compte de la part de la société JDC invest au profit de la société en participation Fly invest, par l’intermédiaire de la société Sherkan retail, à hauteur de 17 870 euros, les erreurs d’intitulé des virements ou de destinataire n’étant pas de nature à écarter une quelconque somme, et notamment le versement de la somme de 5 000 euros du 28 mars 2018, qui ne faisait que répondre, au vu des échanges et des dates, à la demande d’appel de fonds effectuée par la société Sherkan Retail au profit de la société Fly invest.

Si les pièces versées aux débats par la société Sherkan retail sont insuffisantes à établir la compensation invoquée par son expert-comptable, il n’en demeure pas moins que ces versements sont entrés en compte, et doivent être comptabilisés, dans le cadre des stipulations statutaires précitées, au titre des provisions et charges supportées par un associé au profit de la structure en participation.

Dès lors, dans le cadre de la liquidation amiable, devra figurer 50 % « des produits inhérents à la commercialisation » (prix de vente de l’immeuble et montant des loyers perçus) à l’actif de la société en participation, duquel il conviendra de déduire l’ensemble des charges, frais, amortissements ou provisions supporté par chacun des associés pour le compte de la société en participation, avant de procéder au partage par moitié du boni ou des pertes entre lesdits associés.

Ainsi, au vu de ces principes, il convient de désigner Me [F], en qualité de mandataire ad hoc, chargé d’établir le compte définitif de la société en participation Fly invest, avec pour mission dresser un inventaire le décompte définitif avant de répartir entre les associés les pertes ou le boni de l’association.

II- sur les demandes en paiement de la société JDC invest

1) sur la demande de provision :

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Au vu des stipulations statutaires et de l’absence de tout élément précis, comptable et financier, permettant de déterminer la nature positive ou négative du compte définitif de la société en participation, il ne saurait être mis à la charge de la société Sherkan retail une quelconque provision à valoir sur les opérations de ‘liquidation’, la demande apparaissant prématurée et insuffisamment justifiée.

La décision de première instance est donc confirmée en ce qu’elle a débouté la société JDC invest de sa demande de provision.

2) sur la condamnation à la somme de 17 870 euros en remboursement des avances en trésorerie :

La société JDC invest, au visa d’un extrait de compte dans les comptes de la société Sherkan retail, sollicite le remboursement de la somme de 17 870 euros au titre « des avances en compte-courant » effectuées au nom et pour le compte de la société Fly invest.

La possibilité générale pour tout associé de solliciter le remboursement de son compte courant, en l’absence de dispositions statutaires ou conventionnelles dérogatoires à juste titre invoquée par la société JDC invest, se heurte toutefois ici au fait que la société en participation, faute de patrimoine, ne dispose pas à proprement parler de « compte-courant » d’associés, outre le fait que, notamment au vu de l’article 12 et de l’article 16 alinéa 2 précités, faute de décision collective des associés prise en la forme extraordinaire telle qu’envisagée par l’article 7 pour les retraits en comptes courants, les sommes ne sauraient donner lieu à remboursement immédiat.

D’ailleurs, l’extrait de compte est un extrait d’un compte dans les livres mêmes de la société Sherkan retail, et non de la société en participation ce qui serait impossible, étant observé que nul ne disconvient que la société JDC invest n’est pas associée de la société Sherkan retail, et qu’il ne saurait donc s’agir d’un compte courant d’associé dans cette dernière société.

Au contraire, au vu des explications mêmes des parties, et plus particulièrement de la société JDC invest, ce compte, ouvert dans les livres de la société Sherkan retail, au nom et pour le compte de la société en participation, par la société JDC invest, n’est en réalité qu’un élément du compte d’indivision, réalisé entre elle-même et la société Sherkan retail pour le bon fonctionnement de la société en participation.

Les sommes apportées ne pourront donc être récupérées que si le compte définitif est positif, et dans la limite du crédit dégagé à l’issue des opérations de ‘liquidation’ de la société en participation.

En conséquence, la demande de condamnation, en ce qu’elle est prématurée, ne peut qu’être déclarée irrecevable et le jugement de première instance ayant fait droit à cette demande doit être réformé.

3) sur la condamnation prononcée à l’encontre de la société Victoire participations

Le tribunal de commerce de Lille Métropole a fait droit, au vu des pièces qui lui avait été communiquées alors, à la demande de la société JDC invest à l’encontre de la société Victoire participations d’avoir à lui rembourser la somme de 25 000 euros au titre des sommes dues sur l’avance faite de 75 000 euros, 50 000 euros ayant été remboursés le 12 décembre 2017.

Cependant, il s’avère, ce qui n’est pas contesté par quiconque, qu’aux termes d’un protocole d’accord en date du 31 juillet 2020, la société Victoire participations s’est engagée à rembourser le montant de 25 000 euros et a dûment exécuté cet engagement par l’émission d’un chèque de banque, objet d’un débit en compte le 1er septembre 2020.

En conséquence, au vu du paiement effectué, l’obligation était éteinte et le jugement du 23 novembre 2022, au vu de cet élément nouveau, ne peut qu’être infirmé en ce qu’il a condamné la société Victoire participations à rembourser ladite somme à la société JDC invest, laquelle établit avoir d’ores et déjà restitué la somme, payée au titre de l’exécution provisoire assortissant le jugement querellé, par courrier officiel entre avocats.

III ‘ Sur les demandes reconventionnelles des appelants

1) sur les demandes de la société Sherkan retail

En vertu des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Le préjudice doit être direct, certain et présent. La réparation du préjudice doit être intégrale.

Il appartient dès lors à celui qui s’en prévaut d’apporter la preuve d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité.

a) sur la demande de dommages et intérêts de 32 000 euros

La société Sherkan retail sollicite la réparation de son préjudice moral et commercial subi à raison de l’attitude de la société JDC invest laquelle a mis en ‘uvre abusivement deux saisies conservatoires, selon elle, pour un montant bien supérieur à celui auquel elle pourrait de toute évidence prétendre selon les dispositions statutaires par le biais d’une requête comportant des dénonciations portant atteinte à son image et sa réputation, ce qui a engendré une perte de temps indéniable pour son gérant.

En l’espèce, par le biais d’une requête dont les termes mettent en cause la probité de la société Sherkan retail, en pointant sa « volonté de percevoir et conserver pour son seul et unique compte l’intégralité du prix de la vente » de l’immeuble acquis par ses soins au nom et pour le compte de la société en participation, la société JDC invest a fait procéder, au visa de l’ordonnance l’autorisant à garantir sa créance éventuelle à hauteur de 910 000 euros, à deux saisies conservatoires entre les mains du notaire du prix de vente du bien, en contradiction même avec les termes clairs et précis des dispositions statutaires, alors même qu’au vu des échanges et des termes de sa requête, la société JDC invest n’ignorait pas que ses droits ne portaient, au travers la société en participation Fly invest, que tout au plus, selon elle, sur « la moitié du prix de vente et des loyers perçus déduction faite des charges y afférentes » au travers la société en participation Fly invest, ce qui a porté atteinte à l’image de la société Sherkan retail et l’a privée d’une manne financière conséquente, qui, pour partie, à l’époque était admise comme lui revenant.

Ces faits sont sources d’un préjudice moral et financier dont la société Sherkan retail est en droit de solliciter réparation, sans que puissent lui être opposées la mainlevée donnée aux saisies et la convention de séquestre souscrite, ces dernières n’ayant eu que pour but d’éviter tout blocage de la situation en attendant la mise en ‘uvre des voies judiciaires s’imposant.

Au vu des pièces versées aux débats, la cour dispose de suffisamment d’éléments pour allouer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et financier subi par la société Sherkan retail à raison de la faute commise par la société JDC invest dans la mise en oeuvre de ces procédures de saisie conservatoire pour des montants inconsidérés et sans rapport avec les droits mêmes dont la société JDC invest se reconnaissait titulaire, sans qu’elle puisse utilement se dédouaner en invoquant l’autorisation donnée par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole et la suggestion faite à titre subsidiaire de cantonner éventuellement l’autorisation à la moitié du prix de l’immeuble.

b) sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive 

En vertu des dispositions des articles 1240 et suivant du code civil, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.

Au vu des relations complexes et conflictuelles existant entre les parties et de la nécessité d’obtenir par une décision de justice la nomination d’un liquidateur amiable, faute pour les parties de réussir à s’accorder sur ce point alors que nul ne conteste la dissolution de la société, aucun abus du droit d’agir n’est caractérisé à l’encontre de la société JDC invest par la société Sherkan retail, dont la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ne peut qu’être rejetée.

La confirmation de la décision de première instance de ce chef s’impose.

2) sur les demandes de la société Victoire participations

a) sur la fin de non-recevoir opposée à la demande

Aux termes des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou la révélation d’un fait.

Ne sont pas considérées comme nouvelles en application de l’article 566 du code de procédure civile, les demandes qui sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.

C’est vainement que la société JDC invest se prévaut du caractère nouveau de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Victoire participations, se contentant de rappeler l’article 564 du code de procédure civile, sans prendre en compte la possibilité pour la partie de soumettre au juge, en cause d’appel, les demandes qui sont l’accessoire de la demande initiale, ce qu’est manifestement la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, laquelle en outre s’appuie sur des circonstances intervenues après le prononcé du jugement de première instance.

b) sur la demande au titre de la procédure abusive

Des pièces, du dossier on peut retenir que :

– la demande initiale au titre des avances consenties au profit de la société Victoire participations a été présentée dans le cadre de l’acte extra-judiciaire du 19 mai 2020 et a fait l’objet d’un protocole transactionnel en date du 31 juillet 2020 ;

– la somme de 25 000 euros a été perçue par la société JDC invest en application de ce protocole le 1er septembre 2020 ;

– ni la société JDC invest ni la société Victoire participations n’ont fait état lors de l’audience de plaidoirie de cet accord et surtout de l’extinction par paiement de la dette ;

– la société JDC invest qui ne s’est pas désistée de la demande, a vu cette dernière accueillie par le tribunal et le montant de la condamnation assortie de l’exécution provisoire a été honorée ;

– la société Victoire participations, via son conseil, a procédé au règlement de cette somme, sans qu’il ne soit fait état dans ce courrier officiel adressé le 28 janvier 2022 d’une quelconque réserve, ledit courrier ne mentionnant nullement une extinction de la dette et l’existence du protocole ;

– par courrier du 18 février 2022, le conseil de la société JDC invest a indiqué qu’après vérification auprès du cabinet de l’expert-comptable, sa mandante confirmait que cette somme avait bien été remboursée au terme du protocole transactionnel et renonçait à percevoir cette somme qu’elle s’engage expressément à virer entre le mains du conseil ;

– par courrier du 3 mars 2022, le conseil de la société Victoire participations a indiqué ne pas entendre se désister en contrepartie du remboursement de la somme indûment perçue de 25 000 euros et mis en demeure la société JDC invest de la lui rembourser sous 72h.

De l’ensemble de ses éléments, il s’extrait qu’aucune intention malicieuse voire légèreté blâmable, ayant fait dégénérer en abus l’action, ne saurait être reprochée à la société JDC invest, au vu de la complexité des relations unissant les parties et des flux financiers nombreux existants entre les différents protagonistes, les pièces établissant à suffisance que l’une comme l’autre avaient oublié l’existence même de ce règlement et que dès cette omission découverte, la société JDC invest a rapidement réparé son erreur en procédant au remboursement de la somme indûment perçue à raison de l’exécution provisoire assortissant la condamnation prononcée et en sollicitant l’infirmation de ce chef de la décision querellée.

La demande de la société Victoire participations est en conséquence rejetée.

IV- Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société JDC invest succombant principalement en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont infirmés.

Le sens de la présente décision commande de condamner la société JDC invest à payer à la société Victoire participations la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Sherkan retail. Sa demande est donc rejetée.

La demande de la société JDC invest d’indemnité procédurale tant à l’encontre de la société Sherkan retail que de la société Victoire participations ne peut prospérer. Il convient de l’en débouter.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de la dévolution,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 23 novembre 2021 en ce qu’il a débouté la société JDC invest de sa demande de condamner la société Sherkan retail à payer la somme de 100 000 euros à titre de demande de provision ;

L’INFIRME pour le surplus ;

statuant à nouveau et y ajoutant ;

REJETTE la demande de nomination de la société JDC invest en qualité de ‘liquidateur amiable’ de la société en participation Fly invest ;

DESIGNE Me [F], [Adresse 1], en qualité de mandataire ad hoc chargé d’établir les comptes définitifs de l’association et de déterminer la part des bénéfices ou des pertes incombant à chaque participant, conformément aux règles ci-dessus énoncées au paragraphe I de la présente décision et conformément aux dispositions statutaires unissant les parties, avec pour mission pour ce faire de :

– se faire remettre tous documents comptables et pièces probatoires permettant d’établir les opérations réalisées par chacun des associés au nom et pour le compte de l’association ;

– dresser le compte définitif des opérations, notamment en faisant figurer, dans la masse active de l’association, 50 % « des produits inhérents à la commercialisation » (50 % du prix de vente de l’immeuble et 50 % du montant des loyers perçus’), et dans la masse passive, l’ensemble des charges, frais, amortissements ou provisions supporté par chacun des associés pour le compte de la société en participation, et notamment la somme de 17 870 euros versée par la société JDC invest au titre des avances en trésorerie ;

– au vu de ce compte définitif, procéder au partage par moitié du boni ou des pertes entre lesdits associés ;

MET à la charge de la société JDC invest une provision de 2 000 euros pour faire face aux frais avancés du mandataire ad hoc nommé, qui devra être versée au service de la Régie d’avance et de recettes de cette cour avant le 15 mai 2023  ;

DÉSIGNE le magistrat chargé du suivi des expertises à la cour d’appel de Douai pour contrôler les opérations découlant de la présente mission ;

DIT qu’en cas d’empêchement ou de carence du mandataire, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle des opérations d’expertise sur requête à lui présenter par la partie la plus diligente ou d’office ;

DIT que le mandataire commencera sa mission dès qu’il sera avisé du versement de la consignation ;

DIT qu’il appartiendra, à la partie la plus diligente, en cas de litige persistant, de saisir la juridiction compétente ;

DECLARE irrecevable la demande de la société JDC invest au titre des avances de trésorerie versées à la société Sherkan retail au profit de la société en participations ;

CONSTATE l’extinction de la créance de la société JDC invest au titre de l’avance de trésorerie versée à la société Victoire participations ;

REJETTE la fin de non-recevoir opposée à la demande de la société Victoire participations au titre de la procédure abusive ;

CONDAMNE la société JDC invest à payer à la société Sherkan retail la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

REJETTE la demande de la société Sherkan retail au titre de la procédure abusive ;

REJETTE la demande de la société Victoire participations au titre de la procédure abusive ;

CONDAMNE la société JDC invest à payer à la société Victoire participations la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société Sherkan retail de sa demande d’indemnité procédurale :

DEBOUTE la société JDC invest de sa demande d’indemnité procédurale ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

Samuel Vitse

 

 


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