11 mai 2023
Cour d’appel de Papeete
RG n°
19/00348
Cabinet D
N° 171/add
GR
————–
Copies authentiques
délivrées à :
– Me Kintzler,
– Me Jannot,
– Me Quinquis,
– Me Lamourette,
– Mme [RX],
le 11.05.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 11 mai 2023
RG 19/00348 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 13/00372 Add, rg 13/00372 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 27 mai 2019 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 12 septembre 2019 ;
Appelantes :
Mme [LF] [P] [W] [Y], épouse [YE] [CC], née le 2 février 1958 à [Localité 16], de nationalité française, demeurant à [Adresse 12] ;
Ayant pour avocat la Selarl Kintzler & Associés, représentée par Me Diana KINTZLER, avocat au barreau de Papeete ;
Mme [F] [YE] [CC], née le 16 juillet 1978 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ;
Représentée par Me Olivier JANNOT, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
Mme [FD] [Y], veuve [T], née le 7 mai 1954 à [Localité 16], de nationalité française, demeurant [Adresse 14] ;
M. [E] [Y], né le 23 mars 1964 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant [Adresse 5] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
Mme [LF] [FI] épouse [SC], née le 3 janvier 1964 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Adresse 9] ;
Représentée par Me Mathieu LAMOURETTE, avocat au barreau de Papeete ;
Mme [BI] [RX], mandataire successoral, demeurant à [Adresse 8] ;
Non comparante, assignée à personne le 7 octobre 2019 ;
Ordonnance de clôture du 27 janvier 2023 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 9 février 2023, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l’ordonnance n° 57/OD/PP.CA/22 du premier président de la Cour d’Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de Président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme PINET-URIOT, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Exposé du litige
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
[UY] [Y] et [B] [LA] se sont mariés en 1952. Ils ont adopté en 1988 le régime matrimonial de la communauté universelle.
Le couple a eu trois enfants : [FD] [Y] épouse [T], [E] [Y] et [LF] [Y] épouse [YE] [CC].
En 2001, un dossier d’investissement immobilier a été préparé par la société d’expertise comptable FITEC avec les familles [Y] et [YE] [CC]. Le projet s’élevait à 492 millions de F CFP. Les fonds propres étaient constitués notamment par l’apport d’un terrain d’une valeur de 48 millions. Il était prévu qu’une société [Y] serait promotrice du projet et emprunterait les fonds nécessaires aux banques, soit environ 215 millions. Le reste du financement se ferait grâce à la double défiscalisation locale et métropolitaine.
[UY] [Y] a été autorisé par jugement du juge des tutelles du 14 novembre 2001 à se substituer à [B] [LA] dans l’exercice des pouvoirs de celle-ci, en raison de troubles cognitifs.
Une société civile SCI [Y]-[YE] a été constituée le 20 septembre 2002 entre [UY] [Y], [LF] [Y] épouse [YE] [CC] et la fille de cette dernière, [F] [YE] [CC]. [UY] [Y] a été nommé gérant de la SCI.
Le même jour a été constituée une deuxième société civile SCI HINARAUREA entre la SCI [Y]-[YE] et [UY] [Y]. Sont devenus associées de cette SCI les sociétés SOUTH PACIFIC MANAGEMENT, TAHITI NUI TRAVEL, TRANSPOLYNESIE et [J] [V] et [F] [YE] [CC].
Par actes authentiques du 10 octobre 2002, [UY] [Y] a cédé à [LF] [Y] épouse [YE] [CC] ses parts dans la SCI [Y]-[YE], et à [F] [YE] [CC] ses parts dans la SCI HINARAUREA.
Par ordonnance du 14 octobre 2002, le juge des tutelles a autorisé [UY] [Y] à disposer à titre gratuit de leur résidence principale sise à [Adresse 12] lot 17, meubles et immeuble, au profit de leur fille [LF] [Y] épouse [YE] [CC].
Par jugement rendu le 30 octobre 2002, le juge des tutelles a dit n’y avoir lieu de donner suite à une requête aux fins de placement de [UY] [Y] sous un régime de protection, au constat médical de l’absence d’altération de ses facultés.
Par acte du 4 décembre 2002, [F] [YE] [CC] a cédé 1 de ses 192 parts dans la SCI HINARAUREA respectivement aux sociétés ATELIER 3, BRAPAC DISTRIBUTION, SOCOTEC POLYNÉSIE, SNA TUHAA PAE, CAROVOG BÂTIR, ART CUISINE et à l’entreprise [I] [R].
La SCI HINARAUREA a tenu le 9 décembre 2002 une assemblée générale qui a inscrit dans son objet social la réalisation d’opérations relatives à la promotion immobilière.
Selon contrat de promotion immobilière du 10 décembre 2002, la SCI HINARAUREA représentée par sa gérante [F] [YE] [CC], maître d’ouvrage, a chargé la SCI [Y]-[YE], représentée par ses gérants [F] [YE] [CC] et [I] [R], promoteur, de réaliser un programme de construction d’un immeuble d’habitation sur un terrain situé à [Localité 2] [Localité 6], [Adresse 15].
Une mesure de tutelle à l’égard de [B] [LA] a été mise en ‘uvre par jugement du 11 décembre 2002, [UY] [Y] étant désigné administrateur légal sous contrôle judiciaire.
Par acte authentique du 12 décembre 2002, les époux [Y] ont fait donation en avancement d’hoirie de ces biens à [LF] [Y] épouse [YE] [CC], [UY] [Y] représentant [B] [LA].
Par acte authentique du même jour, les époux [Y], [UY] [Y] représentant [B] [LA], ont vendu à la SCI HINARAUREA, représentée par sa gérante [F] [YE] [CC], la parcelle C dépendant des terres [Localité 4], [Localité 19], [Localité 13], [Localité 18], [Localité 17] [Adresse 15] commune de [Localité 2] cadastrée section T5 n° [Cadastre 1] d’une superficie de 8000 m2 au prix de 48 000 000 F CFP payable sous huitaine.
Par acte sous seing privé du 18 décembre 2002, les époux [Y], [B] [LA] étant représentée par [UY] [Y], ont cédé à la SCI [Y]-[YE], représentée par sa gérante [F] [YE] [CC], leur créance du montant du prix de la vente du terrain de [Localité 2] à la SCI HINARAUREA, la cession étant faite au prix de 1 F CFP.
Par acte authentique du 24 décembre 2002, la SCI [Y]-[YE] représentée par son gérant [UY] [Y] a contracté un emprunt auprès de la BANQUE DE POLYNÉSIE d’un montant de 222 000 000 F CFP destiné au financement de l’opération de promotion immobilière sur le terrain de la SCI HINARAUREA à [Localité 2]. Cette dernière a fourni sa caution hypothécaire.
La SCI HINARAUREA a tenu le 31 décembre 2002 une assemblée générale qui a procédé à une augmentation de capital et à l’entrée de nouveaux associés, contribuables métropolitains concourant au financement de l’opération de promotion immobilière sous un régime de défiscalisation. En suite de cette augmentation de capital, le nombre de parts sociales a été porté à 547 200, dont 1 détenue par la SCI [Y]-[YE], 2 par [UY] [Y] et 190 par [F] [YE] [CC]. Les nouveaux associés ont déclaré vouloir libérer 71 % du montant total de leur souscription (547 MF CFP) par le rachat à crédit des créances de la SCI [Y]-[YE] sur la SCI HINARAUREA par compensation avec les sommes portées sur un compte courant d’associé.
Par acte sous seing privé du même jour, la SCI [Y]-[YE] représentée par l’un de ses gérants [I] [R] a cédé à [O] [Z], associé dans la SCI HINARAUREA, une partie de sa créance d’un montant total de 456 750 000 F CFP sur la SCI HINARAUREA représentant 71 % du montant de la participation du cessionnaire au capital de celle-ci, au prix du montant de la quotité de la créance cédée, soit 4 970 000 F CFP.
Par acte authentique du même jour, la SCI HINARAUREA représentée par [F] [YE] [CC] a déclaré consentir au nantissement de ses parts sociales accessoire à l’augmentation de capital. L’acte a stipulé que :
-La SCI [Y]-[YE] a cédé à 52 personnes physiques, chacune pour une quotité, sa créance d’un montant de 388 370 000 F CFP à l’encontre de la SCI HINARAUREA.
-Il a été consenti une délégation au profit de la SCI [Y]-[YE] par les 52 cessionnaires, jusqu’à parfait remboursement de leur dette née de la cession de compte courant, de la totalité des sommes à recevoir de la SCI HINARAUREA au titre des droits au capital de celle-ci provenant de leur souscription du 31/12/2002.
-Il a été consenti un nantissement des parts sociales des 52 cessionnaires dans la SCI HINARAUREA en garantie du remboursement de la dette née de la cession de compte courant.
Par acte sous seing privé en date également du 31 décembre 2002, la SCI HINARAUREA représentée par sa gérante [F] [YE] [CC] a, en qualité de propriétaire de l’immeuble de [Localité 2] [Localité 6], constitué la SCI [Y]-[YE], représentée par son co gérant [I] [R] comme étant son mandataire pour assurer la gestion locative de l’ensemble immobilier.
L’immeuble objet de l’opération de promotion immobilière à [Localité 2] a obtenu son certificat de conformité le 28 décembre 2004.
[UY] [Y] a déposé plainte le 5 décembre 2007 pour abus de faiblesse et abus de confiance. Une information a été ouverte.
[B] [LA] épouse [Y] est décédée le 11 août 2008.
Le 17 février 2010, [UY] [Y] a assigné la SCI HINARAUREA devant le tribunal de première instance de Papeete aux fins de remboursement des sommes qu’il avait dû investir personnellement pour achever et entretenir l’immeuble de [Localité 2] [Localité 6].
[UY] [Y] est décédé le 14 avril 2011.
Un mandataire judiciaire de sa succession, M. [XU] [U] a été désigné le 17 octobre 2011.
Suivant un procès-verbal d’ouverture et de description du testament de [UY] [Y] établi par Me [K], notaire à [Localité 7], le 11 juillet 2011, feu [UY] [Y] avait déposé chez ce notaire un testament olographe en date du 12 février 2009 aux termes duquel il léguait la quotité disponible de ses biens meubles et immeubles à [OB] [FI] épouse [SC].
[UY] [Y] avait rédigé le 12 juillet 1999 un précédent testament contenant des legs faits à ses trois enfants, stipulant notamment que : «Quant à ma fille [FD] (‘) en raison de sa conduite INDIGNE envers moi, elle se contentera de ce que je veux bien lui léguer», à savoir l’appartement de [Localité 10].
[FD] [Y] épouse [T] et [E] [Y] ont assigné le 27 décembre 2011 [LF] [FI] épouse [SC] et leur s’ur [LF] [Y] épouse [YE] [CC] aux fins d’annulation de ce testament.
Par ordonnance rendue le 11 juillet 2012, le juge d’instruction du tribunal de première instance de Papeete a dit n’y avoir lieu à suivre sur la plainte déposée par feu [UY] [Y] à la suite duquel [FD] [Y] épouse [T] s’était constitué partie civile ès qualités d’héritière.
L’ordonnance de non-lieu a retenu que :
-Le 5 décembre 2007, M. [UY] [Y], docteur en médecine, adressait un courrier au Parquet expliquant qu’il avait constitué une société civile Immobilière appelée HINARAUREA. Diverses opérations devaient ensuite modifier le capital, notamment la cession de 197 parts à sa petite fille [F] [YE] [CC], nommée gérante, à la suite de cette cession, dans le même temps, la Société Métropolitaine PHALSBOURG GESTION était nommée cogérante, 37 autres parts étaient réparties chez des investisseurs locaux. La SCI avait pour objet d’édifier un immeuble sur un terrain acquis par M. [UY] [Y] pour un montant de 48 000 000 FCP. Le coût de revient de la construction, terrain compris était estimé à 1 021 275 000 FCP. [UY] [Y] souhaitant obtenir les comptes de la SCI s’adressait aux experts-comptables, mais n’obtenait aucune communication des pièces en l’absence de l’autorisation des gérants de la SCI. N’ayant pas pu avoir satisfaction, [UY] [Y], associé de ladite société, déposait la présente plainte auprès du procureur de la République.
-[UY] [Y] expliquait aux enquêteurs qu’il n’avait jamais été payé de la cession du terrain, n’ayant pas été destinataire des comptes de la SCI, il estimait donc avoir été victime d’un abus de confiance. Les premières investigations menées par les militaires de la gendarmerie mettaient en évidence des incohérences, d’autant que Mme [Y] [B], épouse de [UY] [Y] devait décéder et que les éléments patrimoniaux semblaient démontrer que les cessions d’actif et l’organisation financière ainsi créée excluaient les autres enfants du couple [Y] au profit de la famille [YE] [CC].
-Compte tenu des éléments recueillis et des investigations à poursuivre une information était ouverte des chefs d’abus de faiblesse d’un majeur, suivie d’un réquisitoire supplétif des chefs d’abus de confiance aggravé par la vulnérabilité de la victime et d’abus de faiblesse. Parallèlement à l’information, compte tenu des éléments aux dossiers sur les états de santé de Mme [Y] [B], alors sous tutelle, ainsi que de [UY] [Y] lui-même, il apparaissait utile de procéder à une jonction de l’enquête en cours avec l’information ouverte pour recherches des causes de la mort de Mme [B] [LA] épouse [Y].
-Des expertises étaient ordonnées, d’une part financière sur les comptes bancaires de la famille [YE] [CC], ainsi que des comptes communs de Mme [F] [YE] [CC] avec M. [UY] [Y] dans le cadre de la SCI. Les investigations sur les SCI relativement au projet de construction de l’immeuble indiquaient que M. [UY] [Y] avait émis le souhait de construire un immeuble sur un terrain sis à [Localité 6] avec un financement en défiscalisation. Cependant la volonté M. [UY] [Y] était de faire partager son projet avec l’ensemble de la famille à l’exception de sa fille [FD] [Y] épouse [T], en raison d’un contentieux familial. C’était donc sa petite fille, avec divers autres intervenants, qui portait le projet. De très nombreuses relations financières s’établissaient donc entre la SCI [Y]-[YE], maître d’ouvrage délégué, et la SCI HINARAUREA, maître d’ouvrage. Les recherches démontraient que lors de la constitution des SCI, M. [UY] [Y] avait été nommé gérant et associé majoritaire des deux personnes morales, avec 98,5% des parts de la SCI HINARAUREA et 34% de la SCI [Y] – [YE], avec 100% d’usufruit, cependant un mois plus tard, le Docteur [Y] n’apparaissait plus qu’avec 1% de HINARAUREA, et 34% de la SCI [Y]-[YE], mais avec, maintenant, un usufruit de 34%, il n’était plus gérant d’aucune société, au profit de sa petite fille [F] [YE] [CC] épouse [AU].
-Néanmoins les investigations et expertises financières faisaient apparaître que M. [UY] [Y] avait eu une parfaite connaissance des montages juridiques et financiers relatifs au projet immobilier, les actes et contrats avaient bien été signés, voire rédigés ou initiés par lui-même et c’est son propre chef qu’il avait entrepris d’exclure sa fille [FD] et son fils [E] du projet. Disposant des relevés bancaires le Docteur [Y] avait également connaissance de l’emploi des fonds et des utilisations des sommes. Il apparaissait encore aux enquêteurs que M. [UY] [Y] aurait modifié ses décisions dans le courant de l’année 2007, en raison d’un chantage exercé par sa fille [FD], laquelle menaçait son père de recourir à une mise sous tutelle dans le cas où il ne consentirait pas à une donation d’immeuble.
-Il résulte de l’enquête que M. [UY] [Y] a très largement favorisé dans toutes ces opérations sa petite fille [YE] [CC], mais aucun élément de nature pénale ne permet de caractériser cette situation de favoritisme.
La présente instance a été engagée devant le tribunal de première instance de Papeete par [FD] [Y] Vve [T] par requête du 14 mai 2013 et assignation délivrée les 22 et 26 avril à [LF] [FI] épouse [SC], [LF] [Y] épouse [YE] [CC], [E] [Y] et [F] [YE] [CC] épouse [AU].
Moyens
[FD] [Y] a demandé dans sa requête initiale de :
-Ordonner la liquidation et le partage des successions de M. [UY] [Y] et de son épouse [B] [LA] ainsi que de la communauté ayant existé entre eux ;
-Dire et juger que la cession des parts sociales des sociétés HINARAUREA et [Y]- [YE] constitue une donation indirecte au profit de [LF] et [F] [YE] [CC] ;
-Dire et juger que la donation au profit de [F] [YE] [CC] constitue un avantage indirect au profit de sa mère [LF] [YE] [CC] ;
-Dire y avoir lieu à rapport à succession des biens objet des donations consenties à [LF] ou/et [YE] [CC] ;
-Dire et juger que la cession à son profit des droits sociaux dans les sociétés précitées et son acception par [LF] [YE] [CC] constitue un recel civil au sens de l’article 778 du Code civil ;
-Dire et juger Mme [LF] [YE] [CC] exclue de tous droits dans les actifs successoraux dont s’agit ;
-La condamner au remboursement au profit de l’indivision successorale des loyers, fruits et revenus générés par la détention desdits droits sociaux ;
En toute hypothèse,
-Dire y avoir lieu à réduction des libéralités consenties à Mme [YE] [CC], si celles-ci n’étaient pas rapportées à la succession et s’il devait ne pas être fait application de l’article 778 du Code civil, ainsi qu’à Mme [SC] par voie testamentaire ;
-Ordonner une expertise afin de déterminer la valeur des biens donnés soit directement soit de façon déguisée à la date de la donation par application de l’article 922 du Code civil ainsi que ceux, le cas échéant, objet des testaments au profit de Mme [SC] ;
-Désigner tel notaire qu’il plaira au Tribunal afin de proposer un projet de liquidation partage et tel juge du siège pour surveiller les opérations de liquidation.
D’autre part, [E] [Y] et [FD] [Y] Vve [T] ont assigné le 5 août 2013 la SCI HINARAUERA et [LF] [Y] épouse [YE] [CC] devant le tribunal de première instance de Papeete aux fins d’annulation de l’acte de vente du 12 décembre 2002 en l’absence d’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille.
Par ordonnance rendue le 20 juin 2014, le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete a désigné Mme [N] [M] avec mission d’administrer provisoirement les successions de [B] [LA] décédée le 12 août 2008 et de [UY] [Y] décédé le 14 avril 2011 jusqu’à la signature d’une convention d’indivision ou d’un acte de partage. Mme [BI] [RX] a été désignée par ordonnance du 29 janvier 2015 en remplacement de M. [IE] qui avait lui-même été désigné le 17 décembre 2014 en remplacement de Mme [M].
D’autre part, un expert a été désigné pour reconstituer la gérance de tutelle de [B] [LA] par [UY] [Y] et permettre de déterminer des responsabilités et d’évaluer les préjudices en résultant.
L’expert [L] a établi son rapport le 25 novembre 2015. Il a conclu que :
-La mission de l’expert consistait à reconstituer la gérance de tutelle de Mme [B] [LA] épouse [Y] par M. [UY] [Y], de déterminer les responsabilités et d’évaluer les préjudices en résultant. Faute d’information financière sur les autres actes de gérance de M. [UY] [Y], nous n’avons pu analyser que ceux liés à la promotion immobilière développée par la SCI HINARAUREA.
-Nous déduisons des informations communiquées que M. [UY] [Y] a agi avec une certaine légèreté en signant des actes dont il ne semble pas mesurer les conséquences, ce qui a concouru à faire sortir du patrimoine commun (le sien et celui de son épouse) d’un terrain et de sommes (travaux faits pour la SCI HINARAUREA) sans contreparties, au préjudice du patrimoine de sa succession. Ces informations ont fait l’objet d’un rapport provisoire transmis aux parties le 7 juillet 2015. Nous n’avons reçu aucune information complémentaire, ni aucun dire à la suite de la remise de ce rapport. Nous en concluons que nous devons déposer notre rapport en l’état de nos investigations en précisant les options possibles pour le juge du fond.
-Nous pouvons distinguer les cas suivants qui sont présentés selon la chronologie des opérations susceptibles d’être annulées :
1-Si la constitution de la SCI HINARAUREA est reconnue comme non valide par le juge du fond du fait de l’absence d’accord de [B] [Y], l’entier patrimoine immobilier qui repose sur la construction faite sur le terrain des époux cédés ensuite à cette même SCI revient à la succession. Une expertise immobilière est nécessaire pour attribuer une valeur à l’immeuble de la SCI à ce jour sachant que la valeur de la promotion était évaluée au départ à 492,3 millions (annexe 3 – coût de la construction) et qu’elle a été réalisée pour un coût final de 502,2 millions (annexe 9 – Bilan 2006).
2-Si la constitution de la SCI HINARAUREA est considérée comme valide, mais que la vente des 197 parts de M. [UY] [Y] sur les 199 parts possédées à Mlle [F] [YE] [CC] n’est pas reconnue comme valide la valeur de ces 197 parts revient à la succession. Dans ce cas la situation nette de la SCI HINARAUREA du dernier bilan obtenu de 526 millions est une base de départ du calcul de l’actif à réintégrer (197/200ème de cette valeur), cette somme devant être modulée selon les plus ou moins-values immobilières qui seraient mises en évidence par l’évaluation des biens dont la SCI est propriétaire.
3-Si la vente du terrain est annulée pour défaut d’accord du juge des tutelles, l’entier patrimoine de la SCI HINARAUREA revient par accession dans le patrimoine de la succession. Nous nous retrouvons dans le premier cas où les immeubles propriétés de la SCI HINARAUREA reviennent à la succession sans que les autres créances et dettes de la SCI puissent jouer en plus ou moins. C’est la différence essentielle entre un retour d’actif ou un retour de parts sociales.
-Si aucun acte n’est annulé la succession doit se faire indemniser du non-paiement du terrain évalué à l’époque pour 48 millions et des frais engagés par [UY] [Y], éventuellement de 39,5 millions en 2005 (mais ces sommes ne sont pas justifiées) et de 9,6 millions en 2008 (ces sommes sont justifiées par des dépenses précises).
Dans la présente instance, le juge de la mise en état a, par ordonnances des 26 mars et 13 juin 2018, déclaré irrecevables ou rejeté des demandes de sursis à statuer dans l’attente du jugement des deux autres instances.
Par trois jugements rendus le 27 mai 2019, le tribunal civil de première instance de Papeete a :
– débouté [FD] [Y] épouse [T] et [E] [Y] de leur action en annulation du testament de [UY] [Y] du 12 février 2009 et a constaté la validité de celui-ci ;
-débouté [FD] [Y] épouse [T], [E] [Y] et [LF] [FI] épouse [SC] de leur demande d’annulation de la vente du 12 décembre 2002 ;
-débouté [FD] [Y] épouse [T], [E] [Y] et [LF] [Y] épouse [YE] [CC] de leur action poursuivie en suite de la demande de remboursement faite par feu [UY] [Y] contre la SCI HINARAUREA.
Par jugement rendu dans la présente instance le 27 mai 2019, le tribunal civil de première instance de Papeete a :
Déclaré l’intervention volontaire de [LF] [FI] épouse [SC] recevable ;
Déclaré l’intervention volontaire de [E] [Y] recevable ;
Ordonné le partage judiciaire des biens de la succession de [UY] [H] [X] [Y] né le 31 mai 1931 à [Localité 7] et décédé le 14 avril 2011 à [Localité 11] ;
Désigné le Président de la chambre des notaires à [Localité 7], pour procéder aux opérations d’évaluation, de compte, liquidation et partage et qui aura la charge de préparer un projet d’état liquidatif après avoir inventorié l’actif et le passif successoral, en tenant compte du rapport d’expertise et des évaluations faites par M. [L] ;
Désigné Mme LACROIX, vice-présidente, pour surveiller les opérations de compte, liquidation et partage, auquel il sera fait rapport en cas de difficulté ;
Dit qu’en cas d’empêchement des juges ou notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par simple ordonnance de Madame le président du tribunal de première instance de Papeete ;
Dit que les libéralités consenties à [LF] [Y] seront rapportées à la succession de feu [UY] [Y] ;
Réservé les demandes tendant à la réduction des libéralités consenties à [LF] [Y] ;
Réservé les demandes tendant à la réduction des libéralités consenties au profit de [F] [YE] [CC] ;
Réservé les demandes dirigées contre [LF] [FI] ;
Avant dire droit :
Ordonné une expertise confiée à M. [L] [S], désigné en qualité d’expert, qui pourra sans nouvelle décision s’adjoindre tout sapiteur de son choix, à la condition qu’il exerce dans une autre spécialité que la sienne et sauf à en informer les parties, avec mission de :
prendre attache avec le Président de la chambre des notaires afin de prendre connaissance de l’inventaire du patrimoine de M. [UY] [Y] portant sur l’ensemble des actifs successoraux composant la succession de M. [UY] [Y], notamment les biens immobiliers, les parts sociales détenues dans les SCI [Y]-[YE], SCI HINARAUREA ;
évaluer les donations afin de les incorporer dans la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible qui doit comprendre tous les biens existants à l’ouverture de la succession ;
fixer la date d’achèvement de la construction ;
évaluer les parts sociales de la SCI [Y]-[YE] correspondant aux biens donnés en retenant pour valeur le jour de la succession, et en tenant compte de leur état au jour de la donation, mais en incluant la plus-value issue de la construction de l’immeuble et d’autres plus-values éventuelles tenant au disposant, en vue du rapport à la succession ;
évaluer les parts sociales de la SCI HINARAUREA correspondant aux biens donnés en retenant pour valeur le jour de la succession, et en tenant compte de leur état au jour de la donation, mais en incluant la plus-value issue de la construction de l’immeuble et d’autres plus-values éventuelles tenant au disposant, en vue du rapport à la succession ;
évaluer les parts sociales de la SCI [Y]-[YE] correspondant aux biens donnés en retenant pour valeur le jour du partage, et en tenant compte de leur état au jour de la donation, mais en incluant la plus-value issue de la construction de l’immeuble et d’autres plus-values éventuelles tenant au disposant, en vue de la fixation d’une indemnité éventuelle de réduction ;
évaluer les parts sociales de la SCI HINARAUREA correspondant aux biens donnés en retenant pour valeur le jour du partage, et en tenant compte de leur état au jour de la donation, mais en incluant la plus-value issue de la construction de l’immeuble et d’autres plus-values éventuelles tenant au disposant en vue de la fixation d’une indemnité éventuelle de réduction ;
répondre aux dires des parties ;
Dit que l’expert donnera un avis motivé sous la forme d’un rapport écrit qui devra être déposé au greffe du tribunal de première instance de Papeete dans le délai de 3 mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission ;
Fixé à la somme de 300.000 FCP le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par le mandataire successoral Mme [BI] [RX], au compte régie du greffe du tribunal de première instance de Papeete dans le délai de deux mois à compter de la date du présent jugement, l’expert ne devant pas commencer sa mission avant d’avoir reçu du greffe du tribunal l’avis de cette consignation ;
Dit qu’il appartient au mandataire successoral de solliciter, éventuellement, l’autorisation aux fins d’obtenir une avance sur la liquidation de la succession, pour couvrir ces frais ;
Dit que peu après le commencement de sa mission, l’expert devra adresser au juge de la mise en état en charge du contrôle des expertises un état prévisionnel de sa rémunération et pourra demander un complément de provision ; il devra suspendre ses opérations jusqu’à décision du juge de la mise en état ;
Dit que l’expert devra informer le juge de la mise en état des appels en cause ou des mises hors de cause auxquels il lui paraît nécessaire de procéder eu égard aux constatations qu’il aura effectuées ;
Dit qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert sera caduque ;
Dit qu’en cas d’empêchement ou de refus de l’expert d’accomplir sa mission, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du juge de la mise en état rendue sur simple requête de la partie la plus diligente ;
Dit que le juge de la mise en état chargé du contrôle des expertises pourra être saisi sur simple requête de tout incident ;
Dit que les frais d’expertise seront mis à la charge de la succession de [UY] [Y] ;
Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du mercredi 11 décembre 2019 à 9 heures ;
Déclaré le jugement opposable à Mme [BI] [RX] ès qualités de mandataire successoral de la succession de [UY] [H] [Y], décédé le 14 avril 2011, et de [B] [LA] épouse [Y], décédée le 12 août 2008 ;
Débouté pour le surplus ;
Condamné [LF] [Y] et [F] [YE] [CC] à verser à [FD] [Y] une somme de 150.000 FCP au titre des frais irrépétibles ;
Dit que les dépens seront supportés par la succession au titre de la liquidation.
La caducité de la mesure d’expertise a été prononcée par ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises au tribunal de première instance de Papeete rendue le 30 août 2019, au motif du non-versement de la consignation.
[LF] [Y] épouse [YE] [CC] a relevé appel du jugement par requête enregistrée au greffe le 12 septembre 2019.
[F] [YE] [CC] en a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 19 septembre 2019.
Les deux appels ont été joints par ordonnance du 22 novembre 2019.
Par ordonnance rendue le 4 janvier 2021, le conseiller chargé de la mise en état, statuant sur des demandes faites par incident par [LF] [Y], a enjoint à [FD] [Y] épouse [T] de reprendre le référencement de ses pièces en les visant de manière exacte dans de nouvelles conclusions récapitulatives et de vérifier l’exhaustivité de leur production aux débats en complétant celle-ci sans délai si nécessaire.
Il est demandé :
1° par [LF] [Y] épouse [YE] [CC], appelante, dans ses conclusions récapitulatives visées le 2 septembre 2022, de :
infirmer le jugement n° 13/00372 du tribunal civil de première instance du 27 mai 2019, en ce qu’il a :
Désigné le Président de la chambre des notaires à [Localité 7], pour procéder aux opérations d’évaluation, de compte, liquidation et partage et qui aura la charge de préparer un projet d’état liquidatif après avoir inventorié l’actif et le passif successoral, en tenant compte du rapport d’expertise et des évaluations faites par M. [L],
Dit que les libéralités consenties à Mme [LF] [Y] seront rapportées à la succession de feu [UY] [Y],
Avant-dire-droit :
Ordonné une expertise confiée à M. [L] [S], désigné en qualité d’expert ;
Statuant à nouveau :
désigner le Président de la chambre des notaires à [Localité 7], pour procéder aux opérations d’évaluation, de compte, liquidation et partage et qui aura la charge de préparer un projet d’état liquidatif après avoir inventorié l’actif et le passif successoral ;
dire que seule la libéralité consentie par acte authentique du 12 décembre 2002 reçu par Maître [S] [G], à Mme [LF] [Y] sera rapportée à la succession de feu [UY] [Y] ;
Avant dire droit :
ordonner une expertise qui sera confiée à un expert autre que M. [L] [S] ;
condamner Mme [FD] [Y] et M. [E] [Y] à verser à Mme [LF] [Y] épouse [YE] [CC] la somme de 450 000 F CFP par application de l’article 407 du Code de procédure civile de Polynésie française, outre les entiers dépens dont distraction ;
2° par [F] [YE] [CC], appelante, dans ses conclusions récapitulatives visées le 26 octobre 2022, de :
Confirmer le jugement n° 13/00372 rendu le 27 mai 2019 par le tribunal civil de première instance de Papeete en tant qu’il a rejeté les actions en nullité de la SCI Hinaraurea et de la cession de ses parts sociales ;
L’infirmer en tant qu’il a, dans son dispositif ou par motifs décisoires :
qualifié les cessions de parts sociales intervenues au profit de [F] [YE] [CC] d’acte à titre gratuit ;
dit que [F] [YE] [CC] avait bénéficié de libéralités ;
réservé les demandes tendant à la réduction desdites libéralités ;
condamné [F] [YE] [CC] au titre des frais irrépétibles ;
désigné M. [S] [L] pour procéder à une mission d’expertise ;
rejeté la demande de [F] [YE] [CC] en inopposabilité du rapport d’expertise [L] du 12 janvier 2016 ;
Et pour le surplus, renvoyer les parties devant le premier juge ;
À défaut,
Dire le rapport [L] du 12 janvier 2016 inopposable à Mme [F] [YE] [CC] ;
Rejeter toutes les demandes de [FD] [Y] veuve [T], [E] [Y] et [LF] [FI] épouse [SC], en tant qu’elles concernent Mme [F] [YE] [CC] ;
En toute hypothèse, condamner in solidum [FD] [Y] veuve [T], [E] [Y] et [LF] [FI] épouse [SC] à payer à Mme [F] [YE] [CC] la somme de 452 000 F CFP par application de l’article 407 du Code de procédure civile ;
Les condamner sous même solidarité aux dépens ;
3° par [FD] [Y] épouse [T] et [E] [Y], intimés, appelants à titre incident, dans leurs conclusions récapitulatives visées le 28 décembre 2021, de :
Infirmer parte in qua le jugement entrepris ;
Dire recevable et bien fondée l’action en annulation de la constitution de la SCI HINARAUREA et les actes subséquents notamment de cession de parts sociales ;
Dire et juger non prescrite ladite action, notamment en raison de la fraude affectant l’acte de constitution dont s’agit ;
Prendre acte que M. [E] [Y] et Mme [Y] s’inscrivent en faux contre l’acte du 20 mars 2012, conformément à l’article 189 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Annuler l’acte du 20 mars 2002 portant constitution de la SCI et les actes subséquents ;
Dire Mme [LF] [Y] coupable du délit civil de recel successoral, par application de l’article 378 du Code civil ;
La dire privée de sa part dans la succession de [UY] [Y] à concurrence des droits dont ont été privés ses frère et s’ur, [FD] et [E] [Y] ;
Pour le surplus,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamner Mme [LF] [Y] et [F] [YE] [CC] au versement d’une somme de 400.000 CFP au titre des frais irrépétibles ;
Les condamner aux dépens dont distraction ;
4° par [LF] [FI] épouse [SC], intimée, dans ses conclusions visées le 17 juin 2020, de :
Constater que Mme [LF] [FI] épouse [SC] bénéficie d’un testament à son bénéfice validé judiciairement par M. [UY] [Y] ;
Décerner acte à Mme [LF] [FI] épouse [SC] de ce qu’elle s’associe aux moyens, fins et prétentions de Mme [FD] [Y] épouse [T] aux termes de ses écritures du 21 janvier 2020 ;
Statuer ce que de droit sur les dépens.
Mme [BI] [RX] a été assignée à sa personne ès qualités de mandataire successoral par exploit en date du 7 octobre 2019. Elle n’a pas constitué avocat ni fait rapport de sa mission dans la présente instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2023.
Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des appels :
L’appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d’appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré (C.P.C.P.F., art. 327). Le jugement entrepris est un jugement mixte qui tranche une partie du litige et qui est susceptible d’un appel immédiat. Les appels ont été interjetés dans les formes et délais légaux. Leur recevabilité n’est pas discutée.
Sur la demande d’inscription de faux :
[FD] et [E] [Y] s’inscrivent en faux contre l’acte de constitution de la SCI HINARAUREA. Il s’agit d’un acte authentique reçu le 20 septembre 2002 par Me [A], notaire à [Localité 7], contenant les statuts de cette société civile immobilière.
Contrairement à ce que conclut [F] [YE] [CC], cette inscription de faux, qui a été faite par conclusions de première instance du 5 avril 2017, est réitérée en cause d’appel.
Le jugement entrepris a déclaré irrecevable pour défaut de qualité et prescription de l’action la demande de [FD] [Y] d’annuler la constitution de la SCI HINARAUREA au motif d’une fraude aux droits de sa mère feue [B] [LA]. Il a constaté qu’aucun apport de bien commun n’a été fait à la SCI [Y]-[YE] contrairement à une mention dans l’acte du 20 septembre 2002 relative à la renonciation de [B] [LA] à devenir associée. Le jugement a aussi rejeté la demande tendant à faire constater que l’acte annexé du 2 octobre 2001 constitue un faux civil au motif qu’il est sans lien suffisant avec le présent litige.
[FD] et [E] [Y] font valoir que cette action en nullité était incluse dans le patrimoine de leur mère, nonobstant la communauté universelle du régime matrimonial, pour être une action personnelle, qu’ils l’ont recueillie dans sa succession et qu’ils ont qualité à l’exercer, tout comme à s’inscrire en faux ; que ce faux a été reconnu par [UY] [Y] dans son audition par la gendarmerie du 27 décembre 2009 ; et que la prescription de l’action n’est pas acquise.
Aux termes des articles 189 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française :
Celui qui prétend qu’un acte authentique ou sous seing privé est faux ou falsifié peut s’inscrire en faux contre cet acte. Toutefois, l’inscription de faux n’est pas recevable contre la partie d’un acte sous seing privé reconnue ou vérifiée par un jugement passé en force de chose jugée.
La demande en faux est principale ou incidente.
L’inscription de faux est de la compétence exclusive des tribunaux civils.
Si le juge devant lequel l’acte est argué de faux est incompétent, il paraphe la pièce, renvoie les parties à se pourvoir devant la juridiction civile et sursoit à statuer jusqu’à décision définitive sur l’inscription de faux.
L’inscription de faux est formée par voie de requête ou par simples conclusions.
Si le demandeur en faux maintient son inscription et si le tribunal n’a pas les éléments pour admettre ou rejeter sans délai la pièce arguée de faux, le tribunal fait procéder à toutes mesures d’instructions nécessaires.
Le jugement qui déclare le faux est mentionné en marge de la pièce reconnue fausse. Il précise si les minutes des actes authentiques doivent être rétablies dans le dépôt d’où elles sont extraites ou si elles doivent être conservées au greffe.
Les copies d’actes authentiques et les actes sous seing privé reconnus faux restent toujours déposés au greffe.
Il est sursis à l’exécution des dispositions qui précèdent tant que le jugement n’a pas acquis la force de chose jugée ou que la partie condamnée n’y a pas acquiescé.
En l’espèce, la réalité des diligences actées par le notaire n’est pas contestée : Me [A] a bien procédé le 20 septembre 2002 à la réception en la forme authentique des statuts de la SCI [Y]-[YE] à la requête des associés de celle-ci, auxquels ont été annexés une déclaration écrite de [B] [LA] datée du 2 octobre 2001 aux termes de laquelle, reconnaissant avoir été avertie du projet d’apport de biens commun par son époux aux SCI [Y]-[YE] et HINARAUREA, elle a exprimé ne pas entendre devenir associée dans celles-ci.
Entendu par la gendarmerie le 27 décembre 2009 suite à son dépôt de plainte, [UY] [Y] a déclaré que son épouse n’avait jamais signé la déclaration du 2 octobre 2001 et que sa signature ne correspondait pas à celle dans d’autres documents.
Mais l’ordonnance de non-lieu du 11 juillet 2012, qui est définitive, a caractérisé la forte implication de feu [UY] [Y] dans l’opération de promotion immobilière en défiscalisation à l’occasion de laquelle l’immeuble de communauté de [Localité 2] [Localité 6] a été cédé. L’information n’a pas caractérisé de faux.
La déclaration de [B] [LA] datée du 2 octobre 2001 est signée «M. [Y]» alors qu’elle avait signé «M. [LA]» l’acte de changement du régime matrimonial du 6 septembre 1980. Mais aucun élément produit ne permet de prouver qu’elle n’avait pas changé entretemps sa signature, alors qu’une copie versée du premier testament de [UY] [Y] en 1999 comporte une signature par [B] [LA] dont la cour constate qu’elle est la même que celle de l’acte du 2 octobre 2001.
La demande d’inscription de faux est recevable mais mal fondée, elle doit être rejetée.
Sur l’opposabilité du rapport d’expertise ordonnée en référé :
[F] [YE] [CC] demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande en inopposabilité du rapport d’expertise [L] du 12 janvier 2016. [LF] [Y] demande qu’une expertise ordonnée avant dire doit soit confiée à un autre expert.
Le rapport de l’expert [L] a été mis dans les débats et a pu être contradictoirement discuté par les parties. Il n’y a pas matière à l’écarter ou à le dire inopposable à certaines d’entre elles. La question du choix d’un autre expert le cas échéant est distincte.
Sur la demande de partage :
Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention (C. civ., art. 815).
En l’absence d’un tel motif, le jugement entrepris a à bon droit ordonné les opérations de compte, liquidation et partage des successions des époux [Y]-[LA] et de la communauté ayant existé entre eux, et a prescrit les mesures nécessaires à la réalisation de ces opérations.
Il a justement précisé que le projet d’état liquidatif après avoir inventorié l’actif et le passif successoral tiendra compte du rapport d’expertise et des évaluations faites par M. [L], qui sont acquises aux débats.
Sur la demande de nullité de la constitution de la SCI HINARAUREA et des actes subséquents :
Le jugement dont appel a retenu que :
-Sur la demande en nullité de la constitution de la SCI Hinaraurea :
-Par un acte notarié du 20 septembre 2002, enregistré le 24 septembre 2002. Mme [F] [YE] [CC], Mme [LF] [Y], M. [UY] [Y] ont constitué une société civile immobilière [Y]-[YE] et sont devenus associés. Mme [F] [YE] [CC] étant titulaire de 33 parts numérotées de 1 à33. Mme [LF] [Y] épouse [YE] [CC], étant titulaire de 33 parts de 34 à 66, et les 34 parts restant étant attribuées à M. [UY] [Y] (n° 67 à 100). Chaque associé devait faire rapport d’une somme en numéraire à hauteur des parts détenues, d’une valeur de 1000 Fr. chacune. M. [UY] [Y] a été nommé gérant. L’objet de cette société était l’acquisition de tous biens, meubles et immeubles, la mise en valeur, l’administration, la location et l’exploitation des biens meubles et immeubles, ainsi que l’édification de toute construction. L’acte précise que Mme [LA], a reconnu avoir été avertie du projet d’apport de biens communs par son conjoint à la société présentement constituée et a déclaré expressément qu’elle n’entendait pas devenir associée de ladite société.
-L’action en nullité peut être intentée par toute personne ayant un intérêt à agir, lorsqu’elle sanctionne le non-respect d’une règle d’ordre public. Mme [FD] [Y] soutient que la société civile immobilière Hinaraurea a été constituée en fraude des droits de sa mère Mme [B] [LA]. Cependant, lors de la constitution de la société aucun bien commun n’a été apporté au capital social de la SCI Hinaraurea. M. [UY] [Y] a fait un apport en numéraire portant sur une somme de 100 000 Fr. CFP. De plus, par l’effet du régime matrimonial de la communauté universelle, la totalité des biens des époux sont mis en commun. Chaque époux a le pouvoir de gérer seul les biens communs.
-Mme [FD] [Y] ne peut donc agir qu’en invoquant le vice du consentement de sa mère, ce qui est une cause de nullité relative. Or Mme [FD] [Y] ne peut agir aux lieu et place de sa mère, n’ayant pas la qualité de successible de cette dernière, en raison du régime matrimonial adopté par les époux [Y] soumis aux règles de la communauté universelle, selon acte reçu par Maître [D], notaire à [Localité 7] le 6 septembre 1988, régulièrement homologué par un jugement du tribunal de première instance de Papeete le 17 janvier 1989.
-Au surplus, l’action en nullité de société se prescrit par trois ans, par application de l’article 1884-14 du Code civil. Les actions en nullité d’une société se prescrivent à compter du jour où la nullité est encourue. L’exception de nullité, qui échappe à la prescription ne peut être invoquée, dès lors que la nullité est opposée par la requérante et ne constitue pas une exception en défense à une action principale en exécution d’une obligation. Force est de constater que la nullité soulevée par la requérante ne peut être qualifiée d’exception de nullité. La demande présentée à ce titre est donc prescrite.
-En tout état de cause, il convient de noter que contrairement à la mention apposée sur l’acte du 20 septembre 2002, précisant que Mme [LA], a reconnu avoir été avertie du projet d’apport de biens communs par son conjoint à la société présentement constituée et a déclaré expressément qu’elle n’entendait pas devenir associée de ladite société, aucun apport de bien commun n’a été effectué au profit de la SCI [Y]-[YE].
La demande tendant à faire constater que l’acte du 2 octobre 2001 constitue un faux civil, est sans lien suffisant avec le présent litige. Elle est donc rejetée.
-Sur la demande en nullité de la cession de parts sociales :
-L’action en nullité contre les délibérations d’une assemblée générale ou les actes postérieurs à la constitution d’une société doit être intentée dans un délai de trois ans à compter du jour où la nullité est encourue. La Cour de cassation rappelle que ce délai s’applique, peu importe que l’irrégularité résulte d’une simple omission ou d’une fraude. Le délai de prescription pour demander l’annulation d’une cession de parts sociales court à compter de l’enregistrement de la cession de parts sociales.
-Les demandes tendant à la nullité de la constitution de la SCI HINARAUREA, et à la nullité de la cession de parts sociales, subséquente, ne peuvent qu’être rejetées dès lors que l’action est prescrite.
-En conséquence, il convient de rejeter les demandes visant à déclarer nulle la constitution
de la SCI HINARAUREA et les actes subséquents.
Les moyens d’appel de [FD] et [E] [Y] sont : la clause d’attribution générale prévue dans le contrat de communauté universelle n’a pas fait perdre aux héritiers de [B] [LA] leur qualité de successibles continuateurs de sa personne ayant qualité à exercer les actions attachées à celle-ci ; l’action fondée sur le vice du consentement de [B] [LA] se prescrit à compter du jour où celui-ci a été découvert, à savoir de la déposition de [UY] [Y] à la gendarmerie du 27/12/2009 ; la prescription quinquennale n’est pas encourue ; non plus que la prescription triennale en application de l’adage fraus omnia corrumpit.
Sur quoi :
La demande de nullité de la constitution de la SCI HINARAUERA et des actes subséquents n’a pas été formée dans la requête introductive d’instance de [FD] [Y] du 14 mai 2013. Si elle y a indiqué que la déclaration de feue [B] [LA] précitée du 2 octobre 2001 était un faux, elle a cantonné sa demande, dont l’objet est un partage judiciaire, à des mesures de rétablissement des droits des héritiers : rapport à la succession d’une donation indirecte et prononcé des sanctions prévues en cas de recel civil.
C’est par ses dernières conclusions de première instance du 5 avril 2017 que [FD] [Y] a, outre son inscription de faux susmentionnée, excepté de la nullité de la constitution de la SCI HINARAUERA et des actes subséquents, sur le fondement de ce faux matériel.
Cette exception est bien recevable sur le fondement, non de la qualité d’héritiers de leur mère de [FD] [Y] et [E] [Y], ou de l’absence d’une prescription de l’action en nullité d’un acte pour vice du consentement, ou de la reconnaissance du caractère fictif d’une société, mais sur celui de la perte de force probante d’un acte déclaré faux dans ses effets sur la dévolution successorale.
Mais, ainsi qu’il a été dit, la preuve d’un faux matériel dans l’acte daté du 2 octobre 2001 n’est pas rapportée.
La SCI HINARAUERA a été constituée alors que [UY] [Y] avait été autorisé par le juge des tutelles à se substituer à son épouse commune en biens [B] [LA] dans l’exercice des pouvoirs de celle-ci. Cette SCI a eu des associés, un objet et un établissement réels et conformes à son objet social. L’incidence de sa constitution sur l’actif successoral doit par conséquent être examinée sur le plan des règles du droit successoral, et non sur celui des vices du consentement ou du droit des sociétés. Au demeurant, [FD] et [E] [Y] ne sont pas bien fondés à demander à la fois, par infirmation du jugement, l’annulation de l’acte de constitution de cette SCI et des actes subséquents, et la confirmation de celui-ci en ce qu’il a dit qu’en qualité d’associée de la SCI HINARAUREA, par l’interposition de la SCI [Y]-[YE], les parts sociales de [LF] [Y] doivent faire l’objet d’un rapport à la succession, à l’instar de ses parts dans la SCI [Y]-[YE].
Le jugement sera donc confirmé de ce chef par substitution de motifs.
Sur les libéralités :
Le jugement dont appel a retenu que :
-Sur les demandes en donation indirectes :
-L’existence d’une donation déguisée suppose à la fois le déguisement de l’acte et l’intention délibérée du donateur. Elle peut prendre différentes formes. La preuve de la dissimulation peut être apportée par tous moyens.
-La cession de parts sociales :
-Une société civile immobilière familiale peut être constituée entre plusieurs associés d’une même famille, dans le désir commun de créer, gérer, puis transmettre un patrimoine immobilier. Il résulte d’une ordonnance de non-lieu du juge d’instruction en date du 11 juillet 2012 faisant suite à la plainte de M. [UY] [Y], déposée le 5 décembre 2007, qu’après avoir constitué une société civile immobilière appelée HINARAUREA, diverses opérations ont modifié le capital de la société, notamment une cession de 197 parts à sa petite-fille [F] [YE] [CC] nommé gérante, la société métropolitaine PHALSBOURG GESTION étant nommée cogérante, et 37 autres parts étant réparties chez des investisseurs locaux. En raison d’une opération de défiscalisation, portant sur la construction d’un immeuble, le coût de revient de la construction et du terrain était estimé à 1 021 275 000 Fr. CFP. De nombreuses relations financières existaient entre la SCI [Y]-[YE] et la SCI HINARAUREA, maître d’ouvrage. L’information établit que lors de la constitution des deux SCI, M. [UY] [Y] avait été nommé gérant et associé majoritaire des deux personnes morales, avec 98.5 % des parts de la SCI Hinaraurea et 34 % de la SCI [Y]-[YE], et 100 % d’usufruit. Un mois plus tard. M. [UY] [Y] n’apparaissait plus qu’avec 1 % de la SCI Hinaraurea et toujours 34 % de la SCI [Y]-[YE]. ainsi qu’avec 34 % d’usufruit. Il n’était plus gérant d’aucune société, et sa petite-fille [F] [YE] [CC] avait été nommée gérante. Le juge d’instruction a relevé que les investigations et expertises financières démontrent que M. [UY] [Y] avait une parfaite connaissance des montages juridiques et financiers relatifs aux projets immobiliers. Les actes et contrats ont été signés, rédigés ou initiés par lui-même et il avait entrepris d’exclure sa fille [FD] et son fils [E] du projet. M.[UY] [Y] a modifié ses décisions au cours de l’année 2007 en raison du chantage exercé par sa fille [FD] qui le menaçait de le placer sous tutelle. Les enquêteurs concluaient que M. [UY] [Y] a largement favorisé dans toutes ses opérations sa petite-fille [F] [YE] [CC].
-Il résulte, par ailleurs, des pièces versées au dossier, qu’aux termes d’un acte reçu par Maître [A] le 10 octobre 2002, M. [UY] [Y] a cédé 197 parts numérotées de 4 à 200 qu’il détenait dans la SCI HINARAUREA à Mme [F] [P] [C] [YE] [CC]. Il a démissionné de ses fonctions de gérant à compter du même jour et Mme [F] [YE] [CC] a été nommée comme nouvelle gérante. Le 31 décembre 2002 par une assemblée générale extraordinaire, les associés ont décidé d’augmenter le capital de la SCI pour le porter de 200 000 Fr. CFP à 547 200 000 Fr. CFP et de nommer deux nouveaux gérants, à savoir, Mme [F] [YE] [CC] et la SARL Phalsbourg gestion. Par différents actes sous-seing privé intervenus ultérieurement entre le 27 septembre 2002 et le 25 août 2003, 14 parts ont été cédées à différentes sociétés et particuliers, par M. [UY] [Y] (l part) et Mme [F] [YE] [CC] (13 parts). Puis, par actes sous-seing privé des 31 décembre 2002 au 30 octobre 2003, 5 rétrocessions de parts de sociétés ou entreprises locales ont été effectuées en faveur de Mme [F] [YE] [CC].
-Les rétrocessions ultérieures de parts sociales par des entreprises locales, sont étrangères au litige. S’il n’est pas démontré que la cession des parts sociales était irrégulière, toutefois l’acte de cession gratuite de parts sociales d’un associé, M. [UY] [Y], à un autre associé, sa petite fille, relève de la donation indirecte. M. [UY] [Y] a, par interposition de personnes morales, effectué une donation indirecte en faveur de sa petite fille.
-Les parts sociales :
Dans la SCI [Y]-[YE], Mme [F] [YE] [CC] est titulaire de 33 parts numérotées de 1 à 33, et Mme [LF] [Y] épouse [YE] [CC], est titulaire de 33 parts de 34 à 66. L’apport en numéraire fixé à 200 000 Fr. pour les trois associés est de faible valeur et ne permet pas d’établir une libéralité. Toutefois. la création de la SCI HINARAUREA, dont la SCI [Y]-[YE] est l’associé à hauteur de 1 part, a permis le transfert de la propriété du bien commun issu de la vente du terrain, qui constitue une donation déguisée. La SCI [Y]-[YE] est donc bénéficiaire indirecte de la donation déguisée. En qualité d’associé, elle bénéficie du capital social de la SCI HINARAUREA. La concomitance des dates de création des deux SCI, de la cession de parts sociales, de la vente du terrain, qui ont été réalisés entre le 20 septembre 2002 et le 12 décembre 2002 confirme l’intention libérale de Monsieur [UY] [Y].
-Il résulte, par ailleurs, des pièces versées au dossier, que la société dénommée «société civile immobilière [Y]-[YE]». aux termes de ses statuts établis le 20 septembre 2002 par acte authentique de Maître [A]. notaire à [Localité 7], a pour objet l’édification d’immeubles en qualité de maître d’ouvrage et notamment la construction d’un immeuble situé à [Localité 2] sur une parcelle dépendant des terres [Localité 17]-[Localité 13]-[Localité 18], d’une contenance de 80 ares, cadastrée section T5 n° [Cadastre 1] pour le compte de la SCI [Y]-[YE] maître de l’ouvrage. Une déclaration de constitution d’une personne morale en date du 2 octobre 2002 précise que la SCI HINARAUREA a pour objet social l’édification de tous immeubles en qualité de maître d’ouvrage délégué et notamment la construction d’un immeuble à [Localité 2], situé à [Localité 6], sur une parcelle de 80 ares, pour le compte de la SCI [Y]-[YE], maître de l’ouvrage, d’un montant de 200 000 Fr. inscrit au capital social. La SCI [Y]-[YE] apparaît en qualité d’associé et M. [UY] [Y], en qualité de gérant.
-Ainsi M. [UY] [Y] a monté deux sociétés civiles immobilières, ayant un même objet social, faisant écran par l’interposition de ces deux personnes morales, qui n’avait qu’un seul but de transférer, essentiellement, à sa petite-fille [F] la propriété d’un immeuble à édifier, ainsi que le terrain.
-Par ailleurs Mme [F] [YE] [CC] associée dans la SCI [Y]-[YE], bénéficie doublement du transfert de la propriété du bien commun et du capital social de la SCI HINARAUREA.
-La preuve des donations indirectes de M. [UY] [Y] en faveur de [LF] [Y] et de [F] [YE] [CC] est donc établie.
-Sur la vente :
-Lors de la vente d’un bien, l’absence de paiement après la vente caractérise la donation déguisée. La donation emprunte fictivement l’apparence d’un acte à titre onéreux.
-L’acte de vente des époux [Y], en date du 12 décembre 2002, a été réalisé au profit de la SCI HINARAUREA, et porte sur une parcelle de terre cadastrée section T5 n°[Cadastre 1], moyennant le prix de vente de 48 millions de francs CFP, à verser au plus tard le 20 décembre 2002.
-Une donation déguisée est valable si les conditions de forme requises pour l’acte dont elle emprunte l’apparence sont remplies. La preuve d’une libéralité suppose de prouver un élément objectif qui est l’appauvrissement du donateur, et un élément subjectif, l’intention libérale.
-L’acte notarié du 12 décembre 2002 emprunte à la vente la forme de l’apparence. Cependant, cet acte constitue une donation déguisée dès lors que la preuve du paiement libératoire n’est pas rapportée. Or, il résulte de l’acte notarié qu’aucun versement au comptant n’a été réalisé au jour de la vente, et le notaire n’a donc pu constater le paiement du prix qui était différé de huit jours.
-Par ailleurs, ce bien apporté à la SCI Hinaraurea, s’ajoute à la cession de parts sociales de M. [UY] [Y], faite en faveur de sa petite-fille [F] [YE] [CC], en date du 10 octobre 2002.
-L’intention libérale de M. [UY] [Y] qui porte sur la totalité de l’opération immobilière, a été mise en lumière par l’enquête pénale qui souligne l’acuité juridique du donateur dans le processus de montage des deux SCI. Il a, d’ailleurs, fait appel à deux études notariales distinctes, l’une chargée du montage juridique et financier des sociétés civiles immobilières, et l’autre, d’établir un acte de vente simulée.
-La vente du terrain, constitutif de l’appauvrissement du donateur, profite à la SCI HINARAUREA dont l’associé majoritaire est Mme [F] [YE] [CC] et dans une moindre mesure à la SCI [Y]-[YE] dans laquelle Mme [LF] [Y] a la qualité d’associé. L’enrichissement des deux donataires est avéré par les pièces du dossier. L’enrichissement est constitué d’une part, par le transfert de la propriété du terrain sur lequel une construction a été édifiée par la SCI HINARAUREA et d’autre part, par l’opération de défiscalisation qui a permis l’édification d’une construction sur ce terrain.
-Mme [F] [YE] [CC] a donc bénéficié à la fois de la valeur du terrain prétendument vendu, outre de la valeur des constructions y édifiées, à hauteur du nombre de parts détenues, à savoir 197/200.
-Mme [LF] [Y], s’est enrichie à hauteur des 33 parts détenues dans la SCI [Y]-[YE], qui est elle-même associée de la SCI HINARAUREA. à hauteur d’1 part. Cependant Mme [LF] [Y], qui a ainsi bénéficié d’une libéralité, ne vient pas aux droits de sa fille [F]. La donation consentie au profit de la petite-fille de M. [UY] [Y] ne peut constituer un avantage indirect fait à sa mère.
Les moyens d’appel de [LF] [Y] sont : la construction et l’exploitation de l’immeuble a été réalisée notamment grâce à un montage en défiscalisation et au contrat de promotion immobilière entre les deux SCI créées par [UY] [Y] ; l’apport du terrain de [Localité 6] n’était pas une donation déguisée, mais une obligation visée dans le contrat de prêt bancaire du 24 décembre 2002 ; [LF] [Y] s’est portée caution de ce financement et de prêts ultérieurs ; elle n’a pas bénéficié d’une donation, elle a concouru à une opération de promotion immobilière comprenant des risques financiers pour elle ; il n’est en rien prouvé que le prix de vente du terrain aurait été dérisoire ; seule la libéralité consentie par acte authentique du 12 décembre 2002 reçue par Me [G] à [LF] [Y] devra être rapportée à la succession de son père [UY] [Y].
Les moyens d’appel de [F] [YE] [CC] sont : la cession des parts sociales de la SCI HINARAUREA a été faite au prix de leur valeur nominale qui a été payé aux termes de l’acte authentique ; [UY] [Y] a réalisé en quelques jours une plus-value de 97 % ; le terrain a été vendu pour un prix distinct du prix de cession des parts ; ce prix a fait l’objet d’une cession de créance aux investisseurs défiscalisants mais n’a pas disparu ; les participations de [F] [YE] [CC] dans les SCI ne sont pas d’un montant permettant de caractériser une donation indirecte ; la vente et la construction de l’immeuble n’étaient pas une libéralité de [UY] [Y] mais une opération de promotion immobilière qui a nécessité des financements extérieurs ; le montage qu’il a adopté lui a permis d’avoir droit au tiers des bénéfices avec un apport de moins de 10 % ; la constitution des SCI et l’augmentation de capital sont le déroulement normal d’une opération de défiscalisation ; [F] [YE] [CC], n’étant pas successible, n’est pas concernée par les opérations de partage.
[FD] et [E] [Y] concluent que : le prix de cession des parts de la SCI est dérisoire comparé à la valeur du terrain apporté, il s’agit d’une donation déguisée ; l’information et l’expertise ordonnée en référé ont établi l’intention libérale dont était animé [UY] [Y] ; l’opération immobilière était viciée, elle a eu pour objet et effet de vider la succession [Y] de ses actifs au bénéfice de [LF] [Y] et de sa fille [F].
Sur quoi :
Tout héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale (C. civ., art. 843 en vigueur en Polynésie française).
Les dons faits hors part successorale ne peuvent être retenus que jusqu’à concurrence de la quotité disponible ; l’excédent est sujet à réduction (art. 844).
Les dons et legs faits à l’enfant de celui qui se trouve successible au jour de l’ouverture de la succession sont toujours réputés faits avec dispense de rapport. Le parent venant à la succession du donateur n’est pas tenu de les rapporter (art. 847).
Il n’est pas dû de rapport pour les associations faites sans fraude entre le défunt et l’un de ses héritiers, lorsque les conditions en ont été réglées par un acte authentique (art. 854).
Une donation peut être déguisée en revêtant l’apparence d’un acte fait à titre onéreux. L’exercice d’une action en déclaration de simulation permet de rapporter la preuve que le cédant avait la capacité d’être donataire et qu’il était animé d’une intention libérale, auquel cas la donation déguisée produit les effets d’une donation, notamment en ce qu’elle peut être soumise à rapport à la succession du donataire.
En l’espèce :
[LF] [Y] ne conteste pas que la donation des biens meubles et immeubles qui fait l’objet de l’acte authentique du 12 décembre 2002 soit sujette à rapport.
Les actes qui ont modifié le contenu du patrimoine de la communauté universelle qui existait entre les époux [Y] sont :
-L’apport par [UY] [Y] de 34 000 F CFP pour acquérir le tiers des parts sociales plus une de la SCI [Y]-[YE] constituée avec [LF] [Y] et sa fille [F] :
Les conditions de cet apport ne sont pas régies par l’acte authentique du 20/09/2002 qui n’a fait que recevoir des statuts.
En application de l’article 1526 du code civil et de la convention de changement de régime matrimonial du 6 septembre 1988, les parts ainsi acquises par [UY] [Y] font partie de la communauté universelle, peu important que [B] [LA], ait, dans un écrit annexé, déclaré sa volonté de ne pas devenir associée.
Aucun élément ne permet en l’état de retenir que la communauté des époux [Y] aurait payé le prix des apports en numéraire de [LF] [Y] et de [F] [YE] [CC].
-L’apport par [UY] [Y] et par la SCI [Y]-[YE] de 100 000 F CFP chacun pour acquérir respectivement 119 et 1 part de la SCI HINARAUREA créée entre eux :
Les conditions de cet apport ne sont pas régies par l’acte authentique du 20/09/2002 qui n’a fait que recevoir des statuts.
Comme il vient d’être dit au sujet de la constitution de la SCI [Y]-[YE], la participation de [UY] [Y], personnellement et en qualité d’associé de celle-ci, au capital social de la SCI HINARAUREA doit être incorporée au patrimoine de la communauté universelle ayant existé avec [B] [LA].
La constitution de ces deux SCI correspondait à l’objectif de créer des véhicules juridiques permettant de réaliser l’opération de promotion immobilière en défiscalisation sur le terrain de [Localité 2] [Localité 6], dont l’expert [L] désigné en référé a décrit le projet en ces termes : «En 2001 un dossier d’investissement immobilier (non daté précisément) est préparé par la société d’expertise comptable FITEC avec les familles [Y] et [YE] [CC]. Le projet s’élève à 492 millions de F CFP.
Dans ce projet il est précisé que les fonds propres sont constitués notamment par l’apport d’un terrain d’une valeur de 48 millions. Il est prévu qu’une société [Y] sera promotrice du projet et empruntera les fonds nécessaires aux banques, soit environ 215 millions. Le reste du financement se fera grâce à la double défiscalisation locale et métropolitaine.»
Mais, s’agissant de la SCI HINARAUREA, l’expert s’est interrogé : «Comment la société HINARAUREA peut se constituer avec un capital social de 100 000 XPF au profit de la SCI [Y]-[YE] représentant 1 seule part et 100 000 XPF au profit de M. [UY] [Y] ayant 199 parts ‘ Nous n’avons pas de réponse satisfaisante.»
De fait, les statuts mentionnent que la SCI [Y]-[YE] n’a reçu qu’une part alors que [UY] [Y] a reçu les 199 autres, quoique leurs apports aient été du même montant.
-La cession par [UY] [Y] à [LF] [Y] de 33 de ses 34 parts dans la SCI [Y]-[YE] :
Cet acte entre dans les prévisions de l’article 854 du code civil puisque les conditions de cette cession ont été réglées par un acte authentique en date du 10 octobre 2002.
L’acte confirme que les parts sociales cédées par [UY] [Y] faisaient partie de la communauté universelle, puis qu’il est mentionné que les cédants sont les deux époux.
L’expert [L] a relevé que : «Lors des cessions de parts les SCI viennent d’être constituées et ne possèdent encore aucun actif, si ce n’est le projet immobilier en devenir. La valeur des parts est donc bien la valeur nominale, soit une valeur minime.»
Cette cession peut être sujette à rapport dans le cas où elle serait indivisible d’une donation déguisée en vente du terrain de [Localité 2] [Localité 6].
-La cession par [UY] [Y] à [F] [YE] [CC] de 197 de ses 199 parts dans la SCI HINARAUERA :
Pour les mêmes motifs que la précédente, cette cession doit être appréciée au regard de la qualification de la vente du terrain.
-La vente du terrain de [Localité 2] [Localité 6] par les époux [Y] à la SCI HINARAUERA :
L’expert [L] a retenu que :
-Le 19 décembre 2002 M. [UY] [Y] vend un terrain de 8.000 m2 appartenant au couple depuis 1979 à la SCI HINARAUREA pour un prix de 48 millions de XPF, le prix devant être versé le 20 décembre 2002 au plus tard selon l’acte, qui précise en outre que le vendeur renonce à son privilège et à l’action résolutoire. Cette vente fait l’objet d’une transcription à la conservation des hypothèques le 27 janvier 2003 (Vol-Num 2725-13).
-Les demandeurs à l’action précisent que M. [UY] [Y] ne fait nullement état d’une autorisation du juge des tutelles pour la vente de ce terrain et ceci en violation de l’article 457 du code civil.
-Le projet de la FITEC parlait d’apport en compte courant de la contre-valeur du terrain. Il semble que ce compte courant n’a jamais été payé à M. [UY] [Y] (c’est l’objet de sa plainte postérieure). Nous remarquons en outre que M. [UY] [Y] a renoncé à son privilège de vendeur. À ce jour il semble que le terrain n’a donc jamais été payé et sa valeur doit faire l’objet d’un reversement à la succession.
-Le 31 décembre 2002 une augmentation du capital de la SCI HINARAUREA de 547 millions de Francs (100 millions de XPF) est opérée par souscription d’apporteurs métropolitains dans le cadre d’une défiscalisation. La société PHALSBOURG Gestion est nommée cogérante.
-Nous en concluons que M. [UY] [Y] n’étant plus qu’associé pour une part très minime dans les SCI HINARAUREA et [Y]-[YE] au moment de la réalisation des investissements, le programme immobilier lui échappe totalement et qu’il ne fait pas partie de son patrimoine. Les SCI prennent de la valeur seulement au moment du développement de ce programme immobilier, et non pas avant les cessions de parts.
-Le 5 décembre 2007 M. [UY] [Y] porte plainte et se constitue partie civile du fait de l’absence totale de reddition des comptes de la SCI HINARAUREA. Outre l’apport du terrain pour 48 millions, il aurait apporté 39,5 millions à la SCI HINARAUREA. Le 4 juillet 2008 M. [UY] [Y] réclame le remboursement de travaux faits sur ses deniers au profit de la SCI HINARAUREA pour 9.581.529 XPF.
-Il découle de ces faits et des différents documents soumis à l’expert que M. [UY] [Y] se croyait propriétaire de l’ensemble immobilier développé dans le projet HINARAUREA, et qu’il y a apporté son soutien en termes de crédit (cautions bancaires), d’apport non rémunéré (terrain) et de travaux payés par lui postérieurement. Ce n’est que tardivement qu’il a réalisé que les cessions de parts au profit de sa petite-fille l’évinçaient pratiquement totalement sur le plan patrimonial.
Cette vente a fait l’objet d’une action en annulation formée par [E] et [FD] [Y], dont ils ont été déboutés par jugement n° RG 13/00602 du 27 mai 2019, aux motifs que : l’action en nullité des actes passés en violation des dispositions légales relatives aux vices du consentement ou aux régimes de protection des incapables ne peut être exercée que par le majeur protégé et par ses héritiers après son décès ; mais, par application du régime matrimonial de communauté universelle, aucune succession n’a été ouverte au décès de [B] [LA], dont le conjoint survivant a recueilli la part de communauté ; n’ayant jamais acquis la qualité d’héritiers de [B] [LA], [E] et [FD] [Y] n’ont pas qualité pour agir en annulation de cette vente.
Le jugement du 27 mai 2019 a été confirmé par arrêt n° RG 19/00308 rendu le 8 décembre 2022.
Il n’est pas justifié néanmoins que cette décision soit définitive. Or, la solution de ce litige conditionne la présente instance en ce qui concerne la masse successorale qui serait sujette à rapport, notamment sous l’angle de l’existence d’une fraude par violation du régime de protection dont bénéficiait feue [B] [LA].
Il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’il soit justifié du jugement définitif de cette instance en nullité de la vente.
D’autre part, il n’est pas non plus justifié que le jugement du tribunal de première instance n° RG 12/00004, qui a débouté [FD] et [E] [Y] de leur action en annulation du testament olographe de [UY] [Y] du 12 février 2009, soit définitif. Or, la solution de ce litige est aussi nécessaire au jugement de la présente instance, en ce qu’elle permettra d’apprécier l’intention libérale de feu [UY] [Y].
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a :
Dispositif
Déclaré l’intervention volontaire de [LF] [FI] épouse [SC] recevable ;
Déclaré l’intervention volontaire de [E] [Y] recevable ;
Ordonné le partage judiciaire des biens de la succession de [UY] [H] [X] [Y] né le 31 mai 1931 à [Localité 7] et décédé le 14 avril 2011 à [Localité 11] ;
Désigné le Président de la chambre des notaires à [Localité 7], pour procéder aux opérations d’évaluation, de compte, liquidation et partage et qui aura la charge de préparer un projet d’état liquidatif après avoir inventorié l’actif et le passif successoral, en tenant compte du rapport d’expertise et des évaluations faites par M. [L] ;
Désigné Mme LACROIX, vice-présidente, pour surveiller les opérations de compte, liquidation et partage, auquel il sera fait rapport en cas de difficulté ;
Dit qu’en cas d’empêchement des juges ou notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par simple ordonnance de Mme le président du tribunal de première instance de Papeete ;
Débouté les demandeurs de leur demande de nullité de la constitution de la SCI HINARAUREA et des actes subséquents ;
Débouté les défendeurs de leurs demandes d’inopposabilité du rapport de l’expert [L] désigné en référé ;
Déclaré le jugement opposable à Mme [BI] [RX] ès qualités de mandataire successoral de la succession de [UY] [H] [Y], décédé le 14 avril 2011, et de [B] [LA] épouse [Y], décédée le 12 août 2008.
Le sursis à statuer sera ordonné sur l’appel des dispositions du jugement entrepris qui a :
Dit que les libéralités consenties à [LF] [Y] seront rapportées à la succession de feu [UY] [Y] ;
Réservé les demandes tendant à la réduction des libéralités consenties à [LF] [Y] ;
Réservé les demandes tendant à la réduction des libéralités consenties au profit de [F] [YE] [CC] ;
Réservé les demandes dirigées contre [LF] [FI] ;
Débouté pour le surplus ;
Condamné [LF] [Y] et [F] [YE] [CC] à verser à [FD] [Y] une somme de 150.000 FCP au titre des frais irrépétibles ;
Dit que les dépens seront supportés par la succession au titre de la liquidation.
Sur la mesure d’expertise :
Aux termes des articles 676-5 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française relatifs au partage judiciaire :
Lorsque le partage est ordonné, le tribunal peut désigner un notaire chargé de dresser l’acte constatant le partage.
Un expert peut être désigné en cours d’instance pour procéder à l’estimation des biens ou proposer la composition des lots à répartir.
Si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations.
Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d’accord, par le tribunal.
Le notaire convoque les parties et demande la production de tout document utile à l’accomplissement de sa mission.
Il rend compte au juge commis des difficultés rencontrées et peut solliciter de lui toute mesure de nature à en faciliter le déroulement.
Il peut, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, s’adjoindre un expert, choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis.
Le notaire peut demander au juge commis de convoquer les parties ou leurs représentants, en sa présence, pour tenter une conciliation entre elles.
À défaut de conciliation, le juge commis renvoie les parties devant le notaire, qui établit un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi qu’un projet d’état liquidatif.
Le notaire dresse un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir.
Le juge commis veille au bon déroulement des opérations de partage et au respect du délai prévu à l’article 676-15 du présent code.
À cette fin il peut, même d’office, adresser des injonctions aux parties ou au notaire commis, prononcer des astreintes et procéder au remplacement du notaire commis par le tribunal.
Il statue sur les demandes relatives à la succession pour laquelle il a été commis.
En cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif.
Le juge commis peut entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation.
Il fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants.
Il est, le cas échéant, juge de la mise en état.
Toutes les demandes faites en application de l’article 676-19 du présent code entre les mêmes parties, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, ne constituent qu’une seule instance. Toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l’établissement du rapport par le juge commis.
Le tribunal statue sur les points de désaccord. Il homologue l’état liquidatif ou renvoie les parties devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage.
Cette organisation du déroulement des opérations de compte, liquidation, et partage par un notaire qui peut s’adjoindre un expert et saisir le juge des contestations est, en l’espèce, suffisante pour permettre le règlement de la succession des époux [Y]-[LA]. La mission d’expertise ordonnée avant dire droit par le jugement entrepris fait double emploi avec les dispositions précitées, et est au demeurant devenue caduque faute de consignation. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme, déclare l’appel recevable ;
Déboute [FD] et [E] [Y] de leur demande d’inscription de faux ;
Au fond :
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
Déclaré l’intervention volontaire de [LF] [FI] épouse [SC] recevable ;
Déclaré l’intervention volontaire de [E] [Y] recevable ;
Ordonné le partage judiciaire des biens de la succession de [UY] [H] [X] [Y] né le 31 mai 1931 à [Localité 7] et décédé le 14 avril 2011 à [Localité 11] ;
Désigné le Président de la chambre des notaires à [Localité 7], pour procéder aux opérations d’évaluation, de compte, liquidation et partage et qui aura la charge de préparer un projet d’état liquidatif après avoir inventorié l’actif et le passif successoral, en tenant compte du rapport d’expertise et des évaluations faites par M. [L] ;
Désigné Mme LACROIX, vice-présidente, pour surveiller les opérations de compte, liquidation et partage, auquel il sera fait rapport en cas de difficulté ;
Dit qu’en cas d’empêchement des juges ou notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par simple ordonnance de Madame le président du tribunal de première instance de Papeete ;
Débouté les demandeurs de leur demande de nullité de la constitution de la SCI HINARAUREA et des actes subséquents ;
Débouté les défendeurs de leurs demandes d’inopposabilité du rapport de l’expert [L] désigné en référé ;
Déclaré le jugement opposable à Mme [BI] [RX] ès qualités de mandataire successoral de la succession de [UY] [H] [Y], décédé le 14 avril 2011, et de [B] [LA] épouse [Y], décédée le 12 août 2008 ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné avant dire droit une mesure d’expertise et désigné Monsieur [L] pour y procéder ;
Statuant à nouveau de ce chef :
Dit n’y avoir lieu à mesure d’expertise et renvoie les parties à agir devant le tribunal de première instance de Papeete ainsi qu’il est dit aux articles 676-5 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française relatifs au partage judiciaire ;
Ordonne le sursis à statuer sur l’appel des dispositions du jugement entrepris qui a :
Dit que les libéralités consenties à [LF] [Y] seront rapportées à la succession de feu [UY] [Y] ;
Réservé les demandes tendant à la réduction des libéralités consenties à [LF] [Y] ;
Réservé les demandes tendant à la réduction des libéralités consenties au profit de [F] [YE] [CC] ;
Réservé les demandes dirigées contre [LF] [FI] ;
Débouté pour le surplus ;
Condamné [LF] [Y] et [F] [YE] [CC] à verser à [FD] [Y] une somme de 150.000 FCP au titre des frais irrépétibles ;
Dit que les dépens seront supportés par la succession au titre de la liquidation ;
Dit que l’instance sera reprise à la diligence des parties sur justification du caractère définitif des jugements du tribunal de première instance de Papeete rendus le 27 mai 2019 sous les numéros RG 12/00004 et RG 13/00602, ou bien jusqu’au jugement définitif des instances dans lesquelles ces jugements ont été rendus ;
Renvoie pour ordre l’affaire à l’audience des mises en état du vendredi 27 octobre 2023 à 8 h 30 ;
Enjoint à Mme [BI] [RX] ès qualités de mandataire successoral de constituer avocat avant cette date ;
Réserve les frais irrépétibles et les dépens.
Prononcé à Papeete, le 11 mai 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL