Comptes courants d’associés : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01712

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Comptes courants d’associés : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01712

10 novembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG
20/01712

CHAMBRE 2 SECTION 1

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 10/11/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/01712 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S7WL

Jugement n° 2018018213 rendu le 14 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANT

Monsieur [B] [W]

né le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 7], de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Fabien Chirola, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [F] [P]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 6] (Maroc) de nationalité française

demeurant [Adresse 5]

SELARL Pharmacie du Vieil Abreuvoir

ayant son siège social [Adresse 2]

représentés par Me Patrick Kazmierczak, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 07 septembre 2022 tenue par Clotilde Vanhove magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 juillet 2022

Exposé du litige

****

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] exerce la profession de pharmacien au sein de la SELARL Pharmacie Grande rue, dont il détient 51% du capital social. M. [P], également pharmacien, détient 49% du capital social de cette société. M. [P] exerce quant à lui son activité au sein de la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir, dont il détient 51% du capital. M. [W] détient 49% du capital de la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir.

Par acte d’huissier de justice du 6 novembre 2018, M. [W] a fait assigner la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir, afin notamment de la voir condamner à lui verser la somme de 70 341 euros au titre du remboursement du solde de son compte courant d’associé excédant le seuil de 500 euros.

Par jugement du 14 janvier 2020, étant précisé que M. [P] est intervenu volontairement à l’instance, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

dit l’action de M. [W] irrecevable,

condamné M. [W] à payer à M. [P] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné M. [W] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 23 mars 2020, M. [W] a relevé appel du jugement en toutes ses dispositions.

Moyens

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 28 mai 2020, M. [W] demande à la cour de :

recevoir l’appel et le déclarer bien-fondé,

infirmer le jugement du tribunal de commerce conformément aux termes de la déclaration d’appel,

statuant à nouveau :

condamner la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir à lui verser la somme de 70 341 euros au titre du remboursement de sa créance excédant la solde de son compte courant d’associé fixé à 500 euros,

dire et juger que cette somme sera majorée des intérêts légaux à compter du 2 mai 2018, date de la première mise en demeure de payer,

condamner la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

mettre à sa charge les entiers frais et dépens de l’instance.

Il fait valoir que les statuts de la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir, qui ont été rédigés par M. [P] et lui, ont force obligatoire entre eux. Leur article 14 prévoit que le solde du compte courant d’associé, qui ne peut excéder la somme de 500 euros (montant de la participation au capital de chaque associé), fait l’objet d’un préavis d’un an pour être retiré, mais que ce blocage ne s’applique pas aux sommes au-delà de ce seuil contractuel, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges. Il expose que le bilan arrêté au 31 décembre 2017 démontre que le solde de son compte courant est de 70 841 euros, soit une créance à l’égard de la société qui excède de 70 341 euros le seuil maximal de sa participation. Cette créance est selon lui une créance ordinaire justifiée par un prêt d’argent pour laquelle la jurisprudence admet que l’associé décide librement du moment où il va en réclamer le remboursement. Il estime donc qu’il avait un intérêt à agir né et actuel à la date de la demande introductive d’instance.

M. [P] et la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir ont constitué avocat mais n’ont pas conclu dans les délais impartis.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 juillet 2022. Plaidé à l’audience du 7 septembre 2022, le dossier a été mis en délibéré au 10 novembre 2022.

Motivation

MOTIVATION

L’article 14 des statuts de la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir prévoit que « l’associé exerçant au sein de la société ainsi que ses ayants droit devenus associés, peuvent mettre à la disposition de la société, au titre de comptes d’associés, des sommes dont le montant ne peut excéder deux fois celui de leur participation au capital. Tout associé peut mettre au même titre à la disposition de la société des sommes dont le montant ne peut excéder celui de sa participation au capital.

Ces sommes ne peuvent être retirées, en tout ou partie, qu’après notification à la société, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, avec un préavis dont la durée ne peut être inférieure, pour l’associé exerçant au sein de la société et, le cas échéant, pour ses ayants droit mentionnés à l’alinéa précédent, à six mois, et pour tout associé, à un an ».

L’article 6 des statuts précise que l’apport de M. [W] est de 500 euros et l’article 7 stipule que le capital social est fixé à 1 000 euros divisé en cent parts de 10 euros chacune, M. [W] en détenant 49 en qualité d’associé professionnel extérieur n’exerçant pas au sein de la société.

En l’espèce, le compte courant d’associé de M. [W] dépasse largement sa participation au capital, puisque le bilan au 31 décembre 2017 de la société mentionne une somme de 70 841 euros pour son compte courant d’associé. Les associés ont donc manifestement convenu de dépasser le montant maximum prévu statutairement pour le compte courant d’associé de M. [W].

S’agissant de savoir si le retrait de cette somme est soumis au délai de préavis d’un an prévu par le deuxième alinéa des statuts, il doit être relevé que ce texte, en ce qu’il prévoit le préavis, vise les sommes mises par un associé à la disposition de la société, sans préciser de maximum. Si les associés ont d’un commun accord choisi de dépasser le montant maximum statutairement prévu pour le compte courant d’un associé, ces sommes doivent donc être soumises au régime prévu par l’article 14 pour leur retrait et donc au respect d’un délai de préavis d’un an.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. [W] devait être soumis au préavis statutairement prévu pour sa demande de retrait d’une partie des sommes de son compte courant d’associé. Ils ont cependant dit l’action de M. [W] irrecevable pour défaut d’intérêt à agir, au motif qu’il ne pouvait prétendre retirer les fonds de son compte courant d’associé avant le 11 octobre 2019, soit un an après la notification par lettre recommandée de sa demande le 11 octobre 2018, et que le 6 novembre 2018, date de délivrance de son assignation, le délai d’un an n’était pas écoulé.

Il convient cependant de rappeler qu’aux termes de l’article 126 du code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Ainsi, s’il est exact que le délai de préavis n’était pas écoulé lors de la délivrance de l’assignation en justice par M. [W], ce délai est depuis largement écoulé et la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de M. [W] a été régularisée.

En conséquence, le jugement du tribunal de commerce sera réformé en ce qu’il a dit l’action de M. [W] irrecevable.

La SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir sera condamnée à payer à M. [W] la somme de 70 341 euros correspondant au remboursement d’une partie de sa créance au titre de son compte courant d’associé, somme qui sera majorée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Le jugement sera également réformé en ce qu’il a condamné M. [W] aux dépens et l’a condamné sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et en équité condamnée à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement du tribunal de commerce en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir à payer à M. [W] la somme de 70 341 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne la SELARL Pharmacie du vieil abreuvoir à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles

 

 


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