10 novembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/01019
Chambre 4-5
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 10 NOVEMBRE 2022
N° 2022/
MS
Rôle N°20/01019
N° Portalis DBVB-V-B7E-BFPIT
[T] [P]
C/
SARL NETWORK AIRLINE SERVICES
Copie exécutoire délivrée
le : 10/11/2022
à :
– Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
– Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 19 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00458.
APPELANTE
Madame [T] [P], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et par Me Jean-Louis DAVID, avocat au barreau de GRASSE,
INTIMEE
SARL NETWORK AIRLINE SERVICES, sise [Adresse 5]. [Adresse 6]
représentée par Me Thierry CHEYMOL, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Marine GARDIC, avocat au barreau de PARIS
et par Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
***
FAITS ET PROCÉDURE
La SARL Network Airline Services (NAS) dispose de deux établissements distincts, situés à [Localité 4] et à [Localité 1]. Elle fait partie du groupe Network Aviation, spécialisé principalement dans le fret aérien (NAM).
Mme [T] [P] a été engagée par la SARL Network Airline Services en qualité de ‘office assistant’à compter du 14 mai 1992 par contrat à durée déterminée devenue indéterminée, sur l’établissement de [Localité 1].
A la date de la rupture des relations contractuelles, Mme [P] occupait à [Localité 1], le poste de responsable d’agence, statut cadre, groupe 01, coefficient 100, moyennant un salaire brut moyen mensuel 4.300 euros.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
La SARL Network Airline Services employait habituellement moins de onze salariés au moment du licenciement.
Par courriel du 30 septembre 2016, la SARL Network Airline Services a informé Mme [P] de la décision de fermeture de l’établissement de [Localité 1] au motif de difficultés économiques. Le 31 mars 2017, l’établissement a été définitivement fermé et Mme [P] s’est trouvée placée en télétravail à compter du 3 avril 2017.
Par courriel du 10 mars 2017 et lettre recommandée avec demande d’avis de réception, datée du 10 mars 2017 mais réceptionnée le 6 avril 2017, la SARL Network Airline Services a proposé à Mme [P] une modification de son contrat de travail pour motif économique, prévoyant un passage en télétravail. Aux termes de ce courrier, elle disposait d’un délai de réflexion allant jusqu’au 14 avril 2017. Ce délai a été prolongé jusqu’au 6 mai 2017, par lettre DHL du 24 avril 2017.
Le 12 avril 2017, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, Mme [P] a refusé la proposition de modification de son contrat de travail.
Mme [P] a été convoquée le 24 mai 2017 à un entretien préalable fixé le 6 juin 2017 auquel elle s’est présentée assistée .L’employeur était représenté par trois membres de la société.
La salariée n’a pas répondu favorablement aux propositions de reclassement qui lui ont été faites et elle n’a pas adhéré au contrat de sécurisation professionelle proposé.
Mme [P] a été licenciée pour motif économique à la suite du refus de modification de son contrat de travail et dispensée d’activité pendant la durée de son préavis, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 3 juillet 2017.
Le 18 mai 2018, Mme [P], contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, a saisi la juridiction prud’homale, afin d’obtenir diverses sommes tant en exécution qu’au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 19 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nice a :
– ‘Dit le licenciement de Madame [T] [P] pour motif économique justifié,
– Condamne la société Network Airline Services, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Madame [T] [P] les sommes de :
– 4.292, 95 € nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
– 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Dit qu’il n’y a pas lieu à astreinte ni exécution provisoire.
– Déboute Madame [T] [P] du surplus de ses demandes.
– Déboute la société Network Airline Services de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Condamne la société Network Airline Services aux dépens.’
Mme [P] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 août 2022.
Moyens
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 juillet 2020, l’appelante demande à la cour de réformer le jugement et statuant de nouveau de :
– juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– juger que la SARL Network Airline Services n’a pas respecté son obligation de reclassement,
– juger que la SARL Network Airline Services a violé les règles de l’entretien préalable au licenciement,
– juger que les documents de fin de contrat sont entachés d’erreurs et d’inexactitudes,
– juger que la SARL Network Airline Services a manqué à son devoir d’exécution loyale du contrat de travail,
Mme [P] demande la condamnation de la SARL Network Airline Services au paiement des sommes suivantes :
– 132 500 euros à titre d’indemnité de licenciement pour licenciement abusif,
– 4 417, 05 euros nets à titre d’indemnité pour méconnaissance de la procédure de licenciement,
– 9 994, 74 euros nets à titre de rappel sur l’indemnité légale de licenciement,
-10.000 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice découlant de la remise de documents de fin de contrat erronés,
– 50 000 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice découlant du manquement au devoir d’exécution loyale du contrat de travail.
Elle demande de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SARL Network Airline Services de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens et en outre de condamner l’intimée au paiement d’une somme de 7.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’appelante fait valoir que:
-la procédure de licenciement est irrégulière: la présence, lors de l’entretien préalable au licenciement, de trois représentants de l’employeur s’assimile à une enquête qui rend irrégulière la procédure de licenciement,
-l’employeur ne justifie pas de difficultés économiques: il ne démontre pas, au moyen de pièces en langue anglaise non traduites en français la réalité et le sérieux des difficultés économiques invoquées à la date du licenciement, compte tenu de la bonne santé financière du groupe, ni leur incidence sur la suppression de son poste à [Localité 1]; en réalité, l’employeur a voulu réaliser des économies: dès 2013 il a délocalisé les services administratifs et comptables au Kenya et à Dubaï; le site de [Localité 1] représentait pour lui une charge minime,
– l’employeur a commis une faute de gestion: il a décidé fautivement du remboursement pour la somme de 200.000 euros du compte courant d’associés; il ne peut dès lors invoquer des difficultés économiques,
– l’employeur a failli à son obligation d’adaptation et de reclassement en ne procédant à aucune recherche sérieuse pour elle d’un reclassement en France ou à l’étranger.
Elle invoque par ailleurs:
– le caractère erroné des mentions portées sur les documents de fin de contrat entraînant un retard d’indemnisation chômage,
– le calcul erroné du solde de l’indemnité de licenciement par le jugement,
– l’exécution déloyale par l’employeur du contrat de travail, celui-ciayant procédé précipitamment, et à son insu à la fermeture du bureau de [Localité 1],
– l’importance du préjudice qui découle pour elle de la perte injustifiée de son emploi au terme de 25 ans d’ancienneté .
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2020, l’intimée demande de confirmer le jugement excepté en ce qu’il l’a condamnée au paiement d’une somme de 4.295, 95 euros nets à titre de reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement et d’une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. L’intimée demande à la cour de débouter à cet égard Mme [P] de ses demandes et de la condamner au paiement d’une somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
L’intimée réplique que :
-la procédure de licenciement est régulière: la présence à l’entretien de trois représentants de l’employeur n’a pas transformé l’entretien préalable au licenciement en enquête et ainsi détourné la procédure de son objet; la salariée ne justifie d’aucun préjudice du fait de cette irrégularité,
-le groupe, qui avait toujours été bénéficiaire auparavant, a rencontré des difficultés économiques réelles et sérieuses à compter de 2016; ces difficultés étaient persistantes au moment du licenciement; elles se caractérisaient par une baisse de la demande de fret, l’augmentation du prix du baril de pétrole et un effet de change négatif du dollar par rapport à la livre sterling et à l’euro, la fermeture du bureau de [Localité 1] étant, parmi d’autres, l’une des mesures propres à y remédier,
– le remboursement par les associes de la société NAS de leur compte courant d’associé pour un montant de 200.000 euros ne caractérise pas une faute de gestion,
– la salariée a refusé une modification de son contrat de travail,
– la salariée n’a pas donné suite aux offres de reclassement libérant donc la société de son obligation de rechercher des solutions de reclassement en dehors du territoire national, aucun poste n’était disposnible au sein de la société au moment du licenciement.
Elle répond en outre que:
– le calcul de l’indemnité de licenciement par la salariée est erroné car il prend en considération sa qualité de cadre pour toute sa période d’ancienneté alors qu’elle était d’abord ETAM,
– la salariée a disposé d’un délai suffisant pour accepter la proposition de modification , pour raison économique de son contrat de travail , et il a été systématiquement répondu avec diligence à |’ensemble de ses demandes.
– la société a été transparente et a mené sans précipitation la fermeture de l’établissement de [Localité 1] ; elle n’a commis aucun manquement à la loyauté contractuelle.
Motivation
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
La société NAS France a décidé le 30 septembre 2016 de fermer son agence de [Localité 1] le 1er avril 2017. Mme [P], qui était la seule salariée de cette agence, ayant refusé une modification de son contrat de travail consistant en la poursuite de son activité en télétravail, la société l’a licenciée pour motif économique par lettre de licenciement du 3 juillet 2017 ainsi motivée:
« (…)
Vous êtes responsables de la comptabilité de l’administration de la société NAS France depuis le 14 mai 1992, fonction que vous exercez depuis un bureau situé à [Localité 1].
La société NAS France fait parti du groupe Network Aviation Group spécialisé dans le fret aérien. Elle assure la représentation commerciale en France de 9 compagnies cargo, dont les compagnies Alliéed Air Cargo et Astral Aviation, qui sont celles exploitées par le groupe (NAM) et qui représentent une part très dominante de son activité ( supérieure à 70%).
Ces volumes de fret en provenance de la France et gérés par la NAM ont connu une baisse considérable de 32,1 % au cours des 9 premiers mois de l’année 2006, passant de 2782 tonnes à 1889 tonnes. Cette baisse d’activité a engendré une perte de 83’548 euros au cours des 9 premiers mois de l’année 2016, à comparer à un bénéfice de 306’071 euros sur la même période de 2015.
Au niveau de l’ensemble du groupe, les volumes de fret gérés par la NAM (toutes provenances confondues) ont enregistré sur la même période une baisse de 12,300%, passant de 21’274 tonnes à 18’666 tonnes.
Dans le même temps, le groupe s’est heurté à :
-des effets de change négatifs (renchérissement du dollar américain par rapport à la livre sterling et à l’euro ; dévaluation des monnaies et pénurie de devises fortes dans certains pays africains) ;
– pression à la baisse sur les prix sans précédent de concurrence exacerbée par les surcapacités des flux de l’Europe vers l’Afrique ;
– renchérissement du coût du carburant, passant de 30$ le baril en janvier 2016 à plus de 45$ le baril en septembre 2016. Aujourd’hui, ce coût se situe à 55$ le baril ;
– une réduction des flux commerciaux clés.
Ces différents facteurs négatifs ont conduit à une perte nette au niveau du groupe Network Aviation Group de 507’519 euros au 30 septembre 2016, à comparer à un bénéfice de 7 135’640 euros à la même date de 2015.
En réaction à ces difficultés préoccupantes, tous les coûts ont été passés en revue et différentes mesures ont été prises pour les réduire.
En France, la société Netwotk Airline Services a décidé de fermer son bureau à [Localité 1] pendant mon congé du 30 septembre 2016, avec effet au 1er avril 2017.
Il vous ( a) en conséquence été proposée de poursuivre vos fonctions en télétravail.
Vous avez refusé cette modification de votre contrat de travail.
Les difficultés économiques nous ayant conduit à décider la fermeture du bureau de [Localité 1] perdurant (le groupe enregistre sur le premier trimestre 2017 une perte net de 234 528£ (265’773 €) à comparer un bénéfice de 629’267£ (713’102 €) pour la même période de 2016 votre refus nous a amené à engager une procédure de licenciement.
Nous vous ainsi convoqué à un entretien préalable, cette convocation vous précisant :
-qu’il vous était offert, à titre de reclassement de poursuivre votre activité de responsable comptable et administrative soit au siège de la société située à [Localité 2] soit à votre domicile;
-que vous aviez la possibilité de demander à recevoir des offres de reclassement dans les implantations du groupe situé à l’étranger.
Vous n’avez donné suite à aucune de ces possibilités.
Vous n’avez également pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui vous a été proposé.
Ainsi, en l’absence de reclassement possible, votre refus de notre proposition de modification de votre contrat de travail, rendue nécessaire par difficultés économiques, conduits à vous notifier par la présente votre licenciement.
(…)»
L’article L.1233-2 du code du travail dispose que ‘tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.’
L’article L.1233-3 du code du travail, modifié par la loi du 8 août 2016, entrée en vigueur le 1er décembre 2016 énonce : ‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.’
Il s’évince desdites dispositions que pour être jugé réel et sérieux, le licenciement pour motif économique doit reposer :
– sur un élément causal, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité, ainsi que la cessation d’activité,
– sur un élément matériel, la suppression ou la transformation d’emploi ou la modification du contrat de travail.
Il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, le cas échéant, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
1- sur l’irrégularité de la procédure de licenciement
Deux des cogérants de la société NAS Sarl se sont rendus depuis Londres à l’entretien préalable au licenciement et, ceux-ci étant anglophones, Monsieur [A], Responsable du Développement NAS en France les assistait. Mme [P] était pour sa part assistée de Mme [M], membre du personnel.
Alors qu’il n’est pas justifié par l’employeur que, comme il le prétend, avant le début de l’entretien, il a été expressément demandé à Madame [T] [P], si elle souhaitait qu’un des trois représentants de la société sorte de la pièce et que celle-ci a répondu négativement, la cour estime que la présence de trois représentants de l’employeur a eu pour effet, si ce n’est de transformer l’entretien préalable en enquête, d’entraîner un déséquilibre des forces entre les parties et une rupture d’égalité entre elles, causant un préjudice à la salariée dont elle est fondée à demander réparation.
Infirmant de ce chef la décision entreprise, la cour condamne l’employeur à payer à la salariée une somme équivalente à un mois de salaire à titre de dommages-intérêts.
2- sur les difficultés économiques
En cause d’appel, l’employeur, a versé des pièces comptables dont il a assuré la traduction libre et en particulier:
-pièce n°2 : Rapport annuel et comptes consolidés au 31 décembre 2016 de Network Aviation Group
-pièce n°9 : Comptes consolidés du groupe au 30 septembre 2016
-pièce n°30 : Comptes consolidés groupe NAG 2015
-pièce n°31 : Comptes consolidés groupe NAG 2017
-pièce n°32 : Comptes annuels SARL NAS 2015
-pièce n°33 : Comptes annuels SARL NAS 2016
-pièce n°34 : Comptes annuels SARL NAS 2017
Ces pièces confirment comme le soutient l’employeur :
– qu’au niveau de la France : les volumes de fret en provenance de la France gérés par le groupe ont connu une baisse de 32,1% au cours des neuf premiers mois de l’année 2016, passant de 2 782 tonnes à1 889 tonnes et que cette baisse d’activité a engendré pour le groupe une perte de 83 548 euros au cours de ladite période, à comparer à un bénéfice de 306 071 euros sur la même période de 2015, soit une perte de 345.458, 74 £,
– qu’au titre de l’exercice 2016, la société NAS enregistrait un résultat net comptable négatif de 143.339 euros (eau lieu de 268.749 euros en 2015 ) et un chiffre d’affaires de 633.013 euros, en
baisse de 47,03% par rapport à I’année précédente( au titre de l’exercice 2015, la société NAS enregistrait déjà un résultat net comptable de 268.749,18 euros et un chiffre d’atfaires en recul par rapport à l’exercice précédent2014 (de 1.299.343 euros à 1.195.020 euros)
– qu’au titre de l’exercice 2017, le résultat net comptable de la société NAS était encore en baisse, soit – 161.742,42 euros.
Il en découle que la conjoncture économique a été très difficile tant pour le groupe que pour la société courant 2016, au moment où elle a pris la décision de conner congé du bail de location de l’agence de [Localité 1], et ce, jusqu’au second trimestre 2017, date du licenciement. Les difficultés économiques ont donc avérées.
Au soutien de son appel, la salariée fait exactement valoir:
– qu’il n’est pas justifié de ce que les difficultés économiques nécessitaient la suppression du poste de Mme [P], alors que le prix de la location de 1480 € par mois, du bureau de [Localité 1] représentait une charge minime,
– que depuis 2013, le groupe auquel appartient la société avait choisi de transférer toutes les fonctions support administratives soit à Dubaï soit au Kenya, ce qui s’est traduit par des réductions de personnel dans les autres pays notamment en France ; Mme [P] s’appuie sur un email de Monsieur [O] [J] du 27 octobre 2013 informant les salariés de ce que certains salariés seront affectés dans les bureaux de Dubaï ou du Kenya pour réduire les charges de salaires.
– que le groupe a procédé à des embauches au moment de son licenciement: Mme [P] s’appuie pour cela sur un email de M. [F] du 4 octobre 2016 adressé au personnel «supplémentaire» au sujet de l’utilisation du logiciel Sage, lequel est un logiciel de gestion.
Cependant, la fermeture du bureau de [Localité 1] n’était pas la seule décision prise groupe pour faire face à ces difficultés.
Par ailleurs, Mme [P] était la seule salariée de l’agence de [Localité 1], dont la résiliation du bail de location, était justifiée par un motif économique, quel que soit le montant du loyer versé. Il a été proposé à la salariée le maintien de son emploi en l’exécutant sous forme de télétravail ce qu’ell a refusé.
Il en découle que la société Network Airline Services justifie de ce que les difficultés rencontrées par le groupe, et par delà, par la société Network Airline Services, avaient une incidence sur l’emploi de Mme [P] et qu’elles justifiaient de supprimer le bureau de [Localité 1] et en conséquence le poste de Mme [P].
Il se déduit de ces motifs que le licenciement est fondé sur une cause économique cause réelle et sérieuse . La décision déférée sera en conséquence confirmée.
3- Sur l’obligation de reclassement
Aux termes de la convocation à l’entretien préalable au licenciement , la SARL Network Airline Services a proposé à Mme [P], à titre de reclassement, de poursuivre son poste de responsable comptable et administrative sur l’établissement de [Localité 4] ou en télétravail. L’employeur lui a indiqué également la possibilité de recevoir des offres de reclassement des autres sociétés du groupe implantées à l’étranger.
Il résulte des pièces produites au débats, notamment du livre d’entrée et de sortie du personnel de la société NAS que :
– le seul recrutement intervenu entre le 1er janvier 2016 et le 30 juin 2018 est celui de Monsieur [L] [R], en qualité d’agent de réservation, 8 mois après le licenciement,
– la salariée n’a pas donné suite à la proposition de recevoir des offres de reclassement dans les implantations du groupe situées à l’étranger.
C’est en conséquence vainement que l’appelante invoque une violation par l’employeur de son obligation d’adaptation (ladite violation n’étant pas développée dans ses écritures) et de son obligation de reclassement. La décision déférée sera en conséquence confirmée.
4- Sur l’indemnité de licenciement
La salariée comptait 25 ans et 39 mois d’ancienneté dans une entreprise employant plus de onze salariés, elle percevait un salaire brut moyen mensuel de 4.300 euros.
La salariée a reçu la somme de 35.035,92 euros à titre d’indemnité de licenciement.
L’employeur , formant appel incident, fait justement valoir que ce n’est qu’à compter du 1er avril 2005 que Mme [P] est devenue cadre et ce, jusqu’à son licenciement de sorte que le calcul opéré par le conseil de prud’hommes de l’indemnité de licenciement est nécessairement erroné, car il fait application du coefficient 4/10 à toute I’ancienneté de la salariée (alors qu’il aurait fallu prendre en compte ses années en tant qu’ETAM et la faire ainsi bénéficier du coefficient 3/10) considérant à tort avoir été cadre durant 25,39 années.
En conséquence, infirmant de ce chef le jugement, la cour déboute Mme [P] de sa demande en versement d’un reliquat d’indemnité de licenciement.
5- Sur les dommages-intérêts pour remise erronée des documents de fin de contrat
La salariée justifie de ce que le 5 octobre 2017 elle a été destinataire de la part de son employeur de documents sociaux de fin de contrat dont plusieurs mentions étaient erronés, en sorte que ce n’est que le 26 décembre 2017 qu’elle a reçu notification de l’ouverture de ses droits à ARE.
La salariée justifie subir un préjudice découlant de ce retard d’indemnisation qui sera intégralement réparé par le versement d’une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts par voie d’infirmation du jugement déféré.
6 – Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
En application des dispositions combinées des articles L1221-1, L1222-1 du code du travail et 1134, devenu article 1103, du code civil, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, la partie défaillante étant condamnée au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1147, devenu 1231-1 du code civil.
Le refus du salarié d’une modification de son contrat de travail (par exemple de quitter un site en cours de fermeture ) peut nécessiter que l’employeur le dispense d’activité le temps de la mise en ‘uvre de la réorganisation.
En l’espèce, l’employeur n’a pas agi de mauvaise foi et il n’a nullement dissimulé à Mme [P] sa décision prise le 30 septembre 2017 de fermer agence de [Localité 1] en sorte que Mme [P] ne peut sérieusement invoquer la mauvaise foi de l’employeur.
La lettre de proposition de modification du contrat de travail en date du 10 mars 2017 mentionne qu’elle dispose d’un délai de reflexion d’un mois courant à compter de la première présentation du recommandé. La lettre recommandée avec demande d’avis de réception a été presentée le 6 avril 2017 de sorte que la société a bien décompté le délai de réflexion à compter de cette date, comme mentionné dans son courrier du 24 avril 2017.
Les manquements de l’employeur à la loyauté contractuelle invoqués par la salariée ne sont en conséquence pas démontrés. Le jugement entrepris sera sur ce point confirmé.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Infirme le jugement en ce qu’il déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et pour remise tardive des documents de fin de contrat,
L’infirme en ce qu’il condamne l’employeur à payer à la salariée la somme de 4.292,95 euros nets à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement,
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute Mme [P] de sa demande en paiement d’un solde d’indemnité conventionnelle de licenciement,
Condamne la société Network Airline Services à payer à Mme [P] la somme de 4.300€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier,
Condamne la société Network Airline Services à payer à Mme [P] la somme de 5.000€ à titre de dommages-intérêts pour remise erronée des documents de fin de contrat,
Confirme le jugement en ses autres dispositions soumises à la cour,
Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT