Comptes courants d’associés : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02934

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Comptes courants d’associés : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02934

1 décembre 2022
Cour d’appel de Grenoble
RG
21/02934

Chambre Commerciale

N° RG 21/02934 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K6F3

C4

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SCP ALPAZUR AVOCATS

la SELARL BGLM

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 01 DECEMBRE 2022

Appel d’une décision (N° RG 2019J66)

rendue par le Tribunal de Commerce de GAP

en date du 04 juin 2021

suivant déclaration d’appel du 01 juillet 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. JOBEL, au capital de 1.180.000 € inscrit au SIREN sous le n° 794.768.937 et immatriculé au registre du Commerce et des Sociétés de GAP, représentée par son gérant en exercice

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Jean-Pierre AOUDIANI de la SCP ALPAZUR AVOCATS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES, substitué et plaidant par Me BORNICAT, avocat au barreau des HAUTES-ALPES

INTIMÉ :

M. [R], [E], [V] [D]

né le 07 Juin 1984 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté et plaidant par Me Franck MILLIAS, de la SELARL BGLM, avocat au barreau des HAUTES-ALPES

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre. FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 05 octobre 2022, M. Lionel BRUNO Conseiller, qui a fait rapport et, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, assistés de Mme Alice RICHET, Greffière, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

Exposé du litige

Faits et procédure :

1. La Sasu Papi Délices a été constituée le 15 mars 2016, par [R] [D], qui a assumé les fonctions de président jusqu’en 2011. Elle a pour activité la fabrication et la vente de tous produits alimentaires non soumis à une règlementation particulière, et exerce son activité sous le nom commercial « Tarte Epi d’Or’».

2. En 2017, [L] [C] s’est montré intéressé pour faire l’acquisition de l’intégralité des parts sociales de la société Papi Délices, au travers de la Sarl Jobel. Suivant acte sous seing privé du 25 mars 2017, [R] [D] et [L] [C] ont régularisé un compromis de cession de l’intégralité des parts de la société Papi Délices. Après clôture des comptes de cette société au 30 avril 2017, la cession a été réitérée par acte authentique par devant maître [Y], notaire a [Localité 3], le 24 mai 2017. [R] [D] a ainsi cédé les 200 parts sociales composant le capital de la société Papi Délices, au profit de la société Jobel, moyennant un prix de 20.000 euros, payé comptant à la signature de l’acte.

3. Cet acte a également prévu la cession par [R] [D] de sa créance détenue en compte courant d’associé, pour un montant de 187.598,82 euros. Ce montant a été réglé de manière échelonnée et a été intégralement acquitté.

4. L’acte de cession a prévu une garantie de passif du cédant ainsi que ses modalités de mise en ‘uvre, garantie expirant le 31 décembre 2020. Il a également été stipulé qu’à l’exception des cas pour lesquels un recours au tribunal de commerce ou à son président est prévu par la loi, toutes contestations qui pourraient s’élever à l’occasion de l’acte de cession, de son exécution ou de son interprétation, seront soumises à la décision d’un tribunal arbitral à constituer.

5. A l’issue de son premier exercice, clos le 30 avril 2018, la société Papi Délices a enregistré une perte de 251.362 euros. Par ordonnance du 28 mai 2019, le président du tribunal de commerce de Gap a autorisé l’inscription d’une hypothèque judiciaire conservatoire sur les biens immobiliers de [R] [D]. Par acte d’huissier du 28 juin 2019, la société Jobel a fait en conséquence assigner monsieur [D] devant le tribunal de commerce de Gap, afin notamment de le voir condamner à lui payer la somme de 110.000 euros en principal et intérêts à compter de l’assignation.

6. Par jugement du 4 juin 2021, le tribunal de commerce de Gap :

– a déclaré la Sarl Jobel irrecevable en ses demandes’;

– l’a invitée à mieux se pourvoir’;

– a débouté monsieur [D] de sa demande au titre de l’abus manifeste du droit agir’;

– a condamné la société Jobel à verser à [R] [D] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– a condamné la société Jobel aux entiers dépens de la procédure’;

– a rejeté toutes autres demandes.

7. La société Jobel a interjeté appel de cette décision le 30 juin 2021 en toutes ses dispositions. L’instruction de cette procédure a été clôturée le 29 septembre 2022.

Moyens

Prétentions et moyens de la société Jobel:

8. Selon ses conclusions remises le 27 septembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1100, 1103 et suivants, 1137, 1192, 1231 et suivants, les 1641 et suivants du code civil, 1449 du code de procédure civile’:

– de réformer le jugement de première instance en ce qu’il a déclaré irrecevable la procédure engagée par concluante à l’encontre de monsieur [D], de déclarer cette procédure recevable et, subsidiairement, de renvoyer pour compétence la présente procédure devant le tribunal arbitral à charge pour la partie la plus diligente d’en organiser la constitution’;

– de réformer en conséquence le jugement rendu et statuant à nouveau’;

– de constater l’inexactitude des déclarations comptables de [R] [D] dans l’acte de cession, et en conséquence, de constater que [R] [D] engage sa responsabilité contractuelle envers la concluante’;

– de condamner [R] [D] à payer à la concluante la somme de 110.000 euros en principal et intérêts à compter de l’assignation signifiée le 28 juin 2019′;

– subsidiairement, d’ordonner la restitution de la somme de 110.000 euros en raison des vices cachés qui ont altéré la valeur des actions cédées par monsieur [D] à la concluante’; ou de constater l’existence de man’uvres dolosives entreprises par monsieur [D] au préjudice exclusif de la concluante, et à ce titre, de condamner monsieur [D] à payer à la concluante la somme de 110.000 euros à titre de dommages et intérêts’;

– dans tous les cas, d’ordonner la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil à compter de l’assignation signifiée le 28 juin 2019′;

– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la concluante au paiement de la somme de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens’;

– statuant à nouveau, de condamner [R] [D] au paiement de la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

L’appelante expose’:

9. – que la requête aux fins d’inscription de l’hypothèque judiciaire conservatoire a été déposée dans la mesure où le tribunal arbitral n’était pas constitué’; qu’il résulte de l’article 1449 du code de procédure civile que lorsqu’un tel tribunal n’est pas constitué, une partie est en droit de saisir une juridiction étatique’; qu’ainsi, la concluante était fondée à déposer sa requête’; que cette réserve permet ainsi la possibilité d’introduire une procédure devant la même juridiction afin d’obtenir un titre exécutoire, selon l’article R511-7 du code des procédures civile d’exécution’; que c’est donc à tort que le tribunal de commerce a déclaré la concluante irrecevable’;

10. – que la clause compromissoire stipulée dans l’acte de cession a prévu que les parties sont privées de la faculté de saisir un tribunal arbitral dans les cas où un recours au tribunal de commerce ou à son président est prévu par la loi’; que les parties ont dérogé à la seule possibilité d’écarter la saisine du tribunal arbitral lorsque le recours à une autre juridiction est imposé par la loi’; que le tribunal de commerce a dénaturé cette clause, puisqu’il a été saisi d’un recours prévu par la loi’;

11. – que la demande subsidiaire de la concluante de renvoi des parties devant le tribunal arbitral n’est pas nouvelle en cause d’appel au sens de l’article 564 du code de procédure civile, puisqu’elle ne tend qu’à faire écarter les prétentions adverses, à savoir l’incompétence invoquée par l’intimé’; qu’elle n’est en outre que le complément de la demande faite par la concluante en première instance, tendant à voir le tribunal se déclarer incompétent avec le renvoi devant le juge compétent comme le prévoit la loi’; qu’il s’agit enfin d’une demande reconventionnelle recevable en cause d’appel selon l’article 567 du code de procédure civile’;

12. – sur le fond, que l’acte de cession comporte une garantie d’actif et de passif, outre une clause générale d’indemnisation, stipulant que le cédant garantit personnellement l’exactitude de l’ensemble des déclarations qu’il a faites, et s’engage personnellement, au cas où l’une de ces déclarations se révélerait inexacte, à indemniser le cessionnaire du préjudice subi’; ainsi, que dans le cas où un passif apparaît postérieurement à la cession, résultant d’une déclaration invalide ou incomplète du cédant dans l’acte de cession, la question de savoir si la cause de ce passif est antérieure à la date de cession est indifférente’;

13. – qu’une garantie de passif n’est pas exclusive de la faculté de mettre en jeu la responsabilité de droit commun du cédant, en l’absence de stipulation contraire dans l’acte de cession’;

14. – que monsieur [D] a déclaré, dans l’acte de cession, que les comptes sociaux ont été arrêtés au 31 janvier 2017 et qu’ils ont été établis conformément aux principes comptables’; qu’il a également garanti personnellement la régularité et la sincérité des comptes, du bilan,’; qu’entre la date du compromis de cession le 25 mars 2017 et la date de l’acte réitératif du 24 mai 2017, il s’est engagé à maintenir globalement inchangée l’activité de la société, et à tenir une comptabilité régulière’;

15. – que cependant, il est établi que les stocks de l’exercice au 30 avril 2017 ne correspondent pas à la réalité matérielle et comptable’; que les chiffres ont été gonflés artificiellement pour 110.000 euros a minima’; que cela entraîne une absence de régularité et de sincérité des comptes et du bilan, ce que l’intimé ne pouvait ignorer’;

16. – que monsieur [D] reconnaît devant la cour que les stocks mentionnés dans les comptes ont été fortement augmentés la veille de la vente, et ainsi artificiellement’; que s’il cherche à en faire porter la responsabilité sur la société Papi Délices, qui n’aurait pas ignoré cette augmentation des stocks la veille de la cession, afin de profiter d’un important contrat d’approvisionnement, et produit un témoignage de monsieur [K], qui aurait été témoin de la cession litigieuse et qui précise que la concluante aurait été informée de l’importance des stocks en raison de contrats en cours avec une société de grande distribution, cette attestation ne précise pas pour autant que l’augmentation des stocks ne correspondait à aucune réalité’; que monsieur [D] reconnaît dans ses conclusions qu’il a procédé à cette augmentation par un simple jeu d’écritures comptables la veille de la cession, ainsi sans lien avec le stock physique’; que l’attestation produite n’est pas régulière en la forme, alors que son auteur n’est pas un consultant de la concluante, mais en réalité un traiteur’;

17. – que la concluante a subi un dommage direct, résultant de la surévaluation du stock de la société cédée, à hauteur de 110.000 euros’; que monsieur [D] était président et associé unique de la société et ne pouvait ainsi ignorer cette irrégularité’; qu’il a agi ainsi dolosivement en induisant volontairement la concluante en erreur’; que cette surévaluation constitue également un vice caché, puisque si la valeur réelle des stocks était apparue, cela aurait minoré le prix de la cession’; qu’ainsi, l’intimé doit être condamné à payer à la concluante la somme de 110.000 euros soit à titre de dommages et intérêts, soit à titre de restitution’;

18. – que l’action de la concluante ne résulte que de la mise en ‘uvre de la mesure conservatoire, rendue nécessaire par les conséquences dommageables de déclarations inexactes de monsieur [D]’; que la présente procédure n’est pas ainsi abusive.

Prétentions et moyens de [R] [D]’:

19. Selon ses conclusions remises le 31 août 2022, il demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants, 2060 du code civil, 1448 et 1449 du code de procédure civile’:

– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a constaté l’irrecevabilité des demandes de la société Jobel’;

– de dire l’appelante irrecevable en sa prétention nouvelle de voir renvoyer la procédure devant le tribunal arbitral’;

– de constater que la société Jobel était valablement informée de l’évolution des stocks de la société Papi Délices’;

– de la débouter de l’intégralité de ses prétentions’;

– en toutes hypothèses, de condamner l’appelante à verser au concluant la somme de 5.000 euros au titre de l’abus manifeste du droit d’agir comme au titre de l’exercice abusif du droit à interjeter appel’;

– de la condamner à payer au concluant la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– de condamner la société Jobel aux entiers dépens.

L’intimé soutient’:

20. – concernant la recevabilité de la procédure, qu’il est constant qu’aucun tribunal arbitral n’a été saisi, alors que l’acte de cession a prévu une véritable clause compromissoire, sans option possible concernant le recours à une juridiction étatique’; que si l’appelante invoque l’article 1449 du code de procédure civile, concernant les mesures d’instruction, provisoires ou conservatoires, l’assignation délivrée devant le tribunal de commerce tend à l’obtention du paiement d’une somme d’argent, même si elle a été mise en ‘uvre suite à une saisie conservatoire’; que la procédure d’arbitrage constitue une procédure au fond qui pouvait être engagée afin de valider la saisie conservatoire’; que l’article 2412 du code civil dispose ainsi que l’hypothèque judiciaire résulte des jugements et également des sentences arbitrales revêtues de l’exequatur’; qu’une sentence arbitrale constitue une décision de justice fondant une mesure d’exécution’; que rien donc ne s’opposait à ce que l’appelante saisisse un tribunal arbitral’;

21. – que la demande de renvoi de l’affaire devant un tribunal arbitral est irrecevable par application de l’article 564 du code de procédure civile, n’ayant pas été formulée devant le tribunal de commerce, et ne tendant pas au rejet des demandes du concluant’; qu’en outre, aucun tribunal arbitral n’est constitué, alors qu’il appartient aux parties d’effectuer les démarches en ce sens’;

22. – que l’action est également irrecevable en raison de l’absence de mise en ‘uvre de la clause de garantie d’actif et de passif, qui a pour objet de garantir le cessionnaire contre tout élément de passif non révélé ou contre une diminution d’actif’ à la date de la cession, dont l’origine ou la cause est antérieure’; que la mise en ‘uvre de cette garantie n’est pas une option puisqu’elle prévoit que les sommes dues seront versées au cessionnaire ou à la société cédée, au choix du premier, sous réserve du respect des conditions de mise en jeu de la garantie, effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception’; que la société Jobel n’a pas réalisé cette diligence, bien qu’elle soutient qu’un élément d’actif a été surévalué’;

23. – que si l’appelante soutient qu’elle peut s’exonérer de ces obligations, en prétendant que son action a pour objet la mise en ‘uvre de la clause d’indemnisation générale prévue dans l’acte de cession, il est cependant prévu que toute réclamation susceptible d’entraîner la mise en ‘uvre de la garantie d’actif et de passif sera communiquée au garant par le cessionnaire au plus tard dans les 10 jours où il aura eu connaissance des faits’;

24. – que si la société Jobel prétend qu’elle peut exercer une action de droit commun, en l’absence de stipulation contraire dans l’acte de cession, il résulte cependant de cet acte que le bénéficiaire de la garantie doit se conformer aux démarches contractuellement convenues’; qu’il a été prévu que le cessionnaire doit associer le cédant à toute vérification ou procédure pouvant avoir une incidence sur le montant d’une éventuelle dette du garant, toute réclamation ou fait susceptible d’entraîner la mise en jeu de la garantie devant être communiqué au garant au plus tard dans les dix jours de sa connaissance’; qu’ainsi, si cette obligation d’information n’est pas remplie, le bénéficiaire ne peut réclamer l’application de la garantie’; que l’action de l’appelante est ainsi irrecevable’;

25. – sur le fond, que la société Jobel ne justifie pas les chiffres qu’elle invoque concernant une variation des stocks’; qu’il n’y a pas eu d’augmentation artificielle des stocks, puisque si effectivement la société Papi Délices a accru ses stocks à la veille de la réitération de la cession, c’est en vue de répondre à de nouvelles perspectives de marché, suite à des contrats signés avant la signature de la cession, ainsi qu’il résulte de la présentation synthétique du projet de cession, la société devant assumer une commande massive au profit d’une centrale commerciale’; que l’augmentation des stocks a été décidée avec l’assentiment de la société Jobel ainsi que le confirme monsieur [K], consultant du cessionnaire, dont l’attestation n’est pas entachée par une cause de nullité ;

26. – que la société Jobel a été informée par le concluant de l’évolution des stocks jusqu’à la clôture du 30 avril 2017, sans présenter aucun commentaire’; que cette augmentation de 52.000 euros au 30 septembre 2016 à 149.171 euros au 30 avril 2017 a eu pour corollaire l’augmentation du chiffre d’affaires, passant de 222.132 euros à 491.984 euros’;

27. – que l’action de l’appelante est ainsi abusive, et repose sur le fait qu’elle n’a pas obtenu les résultats escomptés, tentant de récupérer des liquidités pour financer son activité.

*****

28. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION’:

29. Concernant la recevabilité de l’action de la société Jobel, résultant de l’existence de la clause compromissoire prévue dans l’acte de cession, le tribunal de commerce a retenu que cette clause stipule que «A l’exception des cas pour lesquels un recours au tribunal de commerce ou à son président est prévu par la loi, toutes contestations qui pourraient s’élever à l’occasion des présentes, de leur exécution ou de leur interprétation seront soumises à la décision du tribunal arbitral ci-après prévu’». Les premiers juges ont indiqué qu’il n’est pas contesté par les parties que la société Jobel a directement saisi le tribunal de commerce de Gap, sans avoir préalablement saisi la juridiction arbitrale, d’une instance au fond visant à constater l’inexactitude des déclarations comptables et l’engagement de la responsabilité de monsieur [D], et que cette instance ne concernant pas des dispositions régissant les saisies conservatoires ou sûretés judiciaires, l’action de la société Jobel est irrecevable.

30. La cour constate que le tribunal de commerce a exactement rappelé les dispositions de l’article 1449 du code de procédure civile, selon lequel l’existence d’une convention d’arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n’est pas constitué, à ce qu’une partie saisisse une juridiction de l’État aux fins d’obtenir une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire, laquelle, sous réserve des dispositions régissant les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires, est portée devant le président du tribunal judiciaire ou de commerce selon le cas.

31. En l’espèce, la société Jobel a obtenu, par ordonnance du président du tribunal de commerce du 28 mai 2019, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens immobiliers de monsieur [D]. L’inscription de l’hypothèque judiciaire conservatoire a été dénoncée à monsieur [D] le 28 mai 2019, avec assignation devant le tribunal de commerce au fond. Cette assignation tend à la condamnation de monsieur [D] à payer à la société Jobel la somme principale de 110.000 euros, en raison de l’insuffisance d’actif résultant de la majoration des stocks de la société Papi Délices, et vise la garantie d’actif et de passif.

32. Selon l’article R511-7 du code des procédures civiles d’exécution, si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.

33. Ce texte est général, et aucune précision n’est apportée dans le cas où la procédure au fond, afin de valider la mesure provisoire, doit être engagée devant un tribunal arbitral à constituer. Il en résulte que la procédure permettant d’obtenir un titre exécutoire, lorsque le juge étatique a accordé une mesure conservatoire tendant à garantir l’exécution d’une sentence arbitale à intervenir, doit être engagée devant le tribunal arbitral.

34. En la cause, la clause compromissoire prévoit la possibilité de saisir le juge étatique dans les cas pour lesquels un recours au tribunal de commerce ou à son président est prévu par la loi. Tel est le cas en matière de mesures conservatoires, lorsque le tribunal arbitral n’est pas encore constitué, seul le recours au juge étatique étant alors possible, en application de l’article 1449 du code de procédure civile, et des dispositions spécifiques du code des procédures civiles d’exécution. Après que l’autorisation de pratiquer la mesure conservatoire a été accordée, cette clause compromissoire ne prévoit aucune dérogation concernant la saisie du tribunal arbitral devant obligatoirement intervenir pour statuer sur le litige au fond.

35. Il en résulte que le tribunal de commerce a fait une exacte application tant de la clause compromissoire que des textes susvisés, en déclarant la société Jobel irrecevable en ses demandes et en l’invitant à mieux se pourvoir, c’est à dire à procéder à la mise en ‘uvre de la procédure détaillée dans la clause compromissoire concernant la constitution du tribunal arbitral.

36. Concernant la demande subsidiaire de la société Jobel tendant à voir ordonner le renvoi des parties devant le tribunal arbitral, à charge pour la partie la plus diligente d’en organiser la constitution, cette demande est nouvelle devant la cour et ne tend pas au simple rejet des demandes de monsieur [D]. Elle tend à obtenir un avantage autre que le simple rejet des prétentions de monsieur [D] concernant l’incompétence du tribunal de commerce, et constitue ainsi une demande reconventionnelle au sens de l’article 64 du code de procédure civile. Se rattachant par un lien évident avec le problème de la compétence du tribunal de commerce, elle est recevable même présentée pour la première fois devant la cour, au sens de l’article 567 du code de procédure civile.

37. Cependant, ainsi que soutenu par l’intimé, la clause d’arbitrage a prévu une procédure détaillée concernant la constitution du tribunal arbitral, puisque l’une des parties estimant qu’il y a lieu de recourir à l’arbitrage devra en faire part à l’autre par lettre recommandée en lui précisant l’objet du litige, les parties ayant alors 15 jours pour s’entendre sur la désignation d’un arbitre unique. En cas d’échec, les parties doivent alors se communiquer réciproquement le nom de l’arbitre que chacune choisit.

38. Il est constant que la procédure tendant à la constitution du tribunal arbitral n’a pas été mise en ‘uvre par la société Jobel. Se prévalant d’une créance résultant de la clause de garantie d’actif et de passif, sinon d’un dol imputé à son cocontractant ou d’un vice caché, il lui appartient de mettre en place la procédure contractuellement définie afin de permettre la constitution du tribunal arbitral. Il résulte en outre de l’article 81 du code de procédure civile que lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. Cette demande subsidiaire est en conséquence mal fondée.

39. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions. La demande de l’intimé visant le paiement de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs sera rejetée, aucune faute de l’appelante n’étant démontrée dans les conditions de mise en ‘uvre de la présente instance.

40. Succombant en son appel, la société Jobel sera condamnée à payer à monsieur [D] la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 64, 81, 564, 567, 1449 du code de procédure civile, R 511-7 du code des procédures civiles d’exécution’;

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

y ajoutant’;

Déclare la demande de la société Jobel tendant au renvoi de la procédure devant un tribunal arbitral recevable, mais mal fondée’;

Déboute monsieur [D] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs’;

Condamne la société Jobel à payer à monsieur [D] la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne la société Jobel aux dépens exposés en cause d’appel’;

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 

 


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