1 décembre 2022
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
22/01474
1ère Chambre civile
ARRET
N°
Société CAGEFI
C/
[T]
[P]
PM/SGS
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU PREMIER DECEMBRE
DEUX MILLE VINGT DEUX
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/01474 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IMSM
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DE L’EXECUTION DE COMPIEGNE DU VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Société CAGEFI, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Cyrielle CAZELLES de la SELARL DEJANS, avocat au barreau de SENLIS
APPELANTE
ET
Madame [W] [T] épouse [G]
née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 9] (93)
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me DUPONCHELLE substituant Me Géraldine MELIN de la SCP GOSSARD BOLLIET MELIN, avocat au barreau de COMPIEGNE
Madame [F] [P]
Notaire associé
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me CHOCHOY substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau D’AMIENS
INTIMEES
DEBATS :
A l’audience publique du 29 septembre 2022, l’affaire est venue devant M. Pascal MAIMONE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 01 décembre 2022.
La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 01 décembre 2022, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
Le 29 décembre 2006, suivant acte notarié dressé par Me [P], Mme [T] s’est porté caution solidaire de la SCIIimmo Charles Daniel dans le cadre du prêt accordé par la société coopérative CAGEFI ( ci après CAGEFI) d’un montant de 1 362 220 euros.
Le 28 septembre 2020, CAGEFI a formé une demande de saisie des rémunérations de Mme [W] [T] par 1’intermédiaire de la Selarl Dejans, avocats associés, pour un montant total de 447.915,80 euros en principal, frais et intérêts, en exécution de cet acte notarié.
Par jugement du 28 février 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Compiègne a:
-Déclaré l’action de la société CAGEFI recevable ;
-Prononcé la nullité de la copie exécutoire délivrée à la CAGEFI de l’acte notarié contenant prêt par la société CAGEFI au profit de la SCIIimmo Charles Daniel d’un montant de 1 362 220 euros et engagement de caution solidaire de Mme [W] [T], dressé par Me [F] [P], notaire, en date du 29 décembre 2006 ;
-Débouté la société CAGEFI de sa demande de saisie des rémunérations à l’encontre de Mme [W] [T] ;
-Rejeté toute autre demande ;
-Condamné la société CAGEFI à payer Mme [W] [T] la somme de l 500 € au titre de 1’article700 du code de procédure civile ;
-Condamné la société CAGEFI aux entiers dépens ;
-Accordé l’aide juridictionnelle provisoire à Mme [W] [T].
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 29 mars 2022, CAGEFI a interjeté appel de ce jugement. Par acte d’huissier du 11 juillet 2022, elle a fait assigner en intervention forcée devant la Cour Me [F] [P].
Par conclusions transmises par la voie électronique le 23 septembre 2022, CAGEFI demande à la Cour de :
-Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
. Prononcé la nullité de la copie exécutoire délivrée à la société CAGEFI de l’acte notarié contenant prêt par la société CAGEFI au profit de la SCIImmo Charles Daniel d’un montant de 1.362.220 euros et engagement de caution solidaire de Mme [T] dressé par Me [F] [P] en date du 29 décembre 2006,
. Débouté la société CAGEFI de sa demande de saisie des rémunérations à l’encontre de Mme [T],
Statuant à nouveau,
-Déclarer recevable la demande de saisie des rémunérations par la société CAGEFI ;
-Débouter Mme [W] [T] de l’ensemble de ses demandes ;
-Ordonner la saisie des rémunérations de Mme [W] [T] ;
-Confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
A titre subsidiaire,
-Condamner Me [F] [P] à lui payer la somme de 447.915,80 euros avec intérêts postérieurs au taux de 4,6 % à compter du 28 septembre 2018 ;
A titre infiniment subsidiaire,
-Prononcer un sursis à statuer dans l’attente de la vente des deux biens immobiliers ;
En tout état de cause,
-Condamner Mme [W] [T] à verser à la société CAGEFI la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner Mme [W] [T] aux entiers dépens.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 28 septembre 2022, Mme [W] [T] demande à la Cour de :
A titre principal
Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Compiègne en date du 28 février 2022 dans son intégralité ;
Y ajoutant en cause d’appel,
-Débouter la société CAGEFI de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
-Débouter Me [F] [P] de ses demandes, fins et prétentions ;
-Condamner la société CAGEFI à payer à Mme [W] [T] la somme de 2500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la société CAGEFI aux entiers dépens de l’instance dont distraction est requise au profit de la Scp Gossard Bolliet Melin, avocat, par application de l’article 699 du code de procédure civile;
En cas d’infirmation du jugement quant à la nullité de la copie exécutoire :
A titre subsidiaire
-Prononcer que l’engagement de caution de Mme [W] [T] lui est inopposable en raison de la disproportion
A titre infiniment subsidiaire
-Prononcer que la société CAGEFI ne justifie pas du montant de sa créance et de l’utilité de la saisie des rémunérations sollicitée
A titre très subsidiaire
-Prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur pour défaut d’information de la caution
Ce faisant,
-Fixer le solde dû, en deniers ou quittance compte tenu des ventes immobilières en cours, à la somme de 425.347,89 euros
En tout état de cause
-Prononcer que Mme [W] [T] a la qualité de caution non avertie,
-Débouter la société CAGEFI de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
-Condamner la société CAGEFI à payer à Mme [W] [T] la somme de 2500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la société CAGEFI aux entiers dépens de l’instance dont distraction est requise au profit de la SCP Gossard Bolliet Melin, avocat, par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 13 septembre 2022, Me [F] [P] demande à la Cour de :
A titre principal,
1) Juger que le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Compiègne n’était pas compétent pour prononcer la nullité de la copie exécutoire délivrée à la société CAGEFI de l’acte notarié contenant prêt par la société CAGEFI au profit de la SCI Immo Charles Daniel d’un montant de 1.362.220 euros et engagement de caution solidaire de Mme [T] dressé par Me [F] [P] en date du 29 décembre 2006, en application des dispositions de l’article L.213-6 du code de l’organisation Judiciaire,
En conséquence,
Infirmer le jugement entrepris.
2) Juger la demande d’intervention forcée et de condamnation dirigée à l’encontre de Me [P], notaire, par la société CAGEFI irrecevable en application des dispositions de l’article 555 du code de procédure civile et de la jurisprudence applicable,
En conséquence,
Débouter la société CAGEFI de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de Me [P], Notaire.
A titre subsidiaire,
3) Juger n’y avoir lieu de prononcer la nullité de la copie exécutoire délivrée à la société CAGEFI de l’acte notarié contenant prêt par la société CAGEFI au profit de la SCI Immo Charles Daniel d’un montant de 1.362.220 euros et engagement de caution solidaire de Madame [T] dressé par Me [F] [P] en date du 29 décembre 2006.
En conséquence,
Infirmer le jugement entrepris.
4) Juger que Me [P] n’a commis aucune faute
En conséquence,
Débouter la société CAGEFI de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre du notaire
A titre infiniment subsidiaire, et si par impossible la Cour devait confirmer le jugement entrepris et estimer que le notaire avait commis une faute engageant sa responsabilité et entraînant un préjudice pour la société CAGEFI,
5) Juger que les fonds provenant de la vente des deux biens immobiliers viendront en déduction des sommes éventuellement mises à la charge du notaire.
En tout état de cause,
6) Condamner la société CAGEFI a payer à Me [P] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner tout succombant aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
Par ordonnance du 29 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l’affaire pour plaidoiries à l’audience du même jour.
Motivation
CECI EXPOSE, LA COUR,
Liminairement, il convient de rappeler que conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la Cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Il ne sera donc pas statué sur la fin de non recevoir relative à la prescription de l’action de Mme [T] en déchéance du droit aux intérêts pour absence d’information annuelle de la caution, cette demande reprise dans la rubrique discussion des conclusions de la société CAGEFI ne faisant l’objet d’aucune prétention reprise au dispositif de ces mêmes conclusions.
Par ailleurs, si l’irrecevabilité de la prétention de Me [P] tendant à l’incompétence du juge de l’exécution est développée dans la motivation des conclusions de Mme [W] [T], force est de constater que cette prétention n’est pas reprise dans le dispositif des conclusions de Mme [W] [T]. Il ne sera donc pas statué sur cette question.
Sur la compétence du juge de l’exécution pour statuer sur la nullité d’une copie exécutoire :
L’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire dispose que : « Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en ‘uvre.
Le juge de l’exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires. Il connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Le juge de l’exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d’exécution ».
Ainsi, si le juge de l’exécution n’a pas compétence pour connaître de demandes tendant à la nullité d’un engagement de caution constaté par un titre exécutoire servant de base aux poursuites en raison de l’absence prétendue d’une des conditions requises par la loi pour la validité de sa formation, il est compétent pour statuer sur la régularité formelle des pièces qui lui sont soumises.
En l’espèce, en relevant l’irrégularité formelle de la copie exécutoire qui lui a été soumise, le juge de l’exécution de Compiègne a relevé une difficulté relative au titre exécutoire produit sans remettre en cause le titre en son principe, ni constater que les conditions requises par la loi pour sa formation n’étaient pas remplies.
Il a donc statué dans les limites de sa compétence telle que prévue à l’article L.213-6 précité.
Sur la recevabilité des demandes dirigées contre Me [F] [P] :
Selon, l’article 555 du code de procédure civile, les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la Cour, même aux fins de condamnation quant l’évolution du litige implique leur mise en cause.
Il y a évolution du litige lorsqu’un élément survient après la décision de première instance ou lorsque cet élément était inconnu au moment du jugement de première instance.
En l’espèce, Mme [W] [T] invoquait déjà en première instance la nullité du titre exécutoire et CAGEFI avait donc connaissance dès la première instance que la responsabilité du notaire était susceptible d’être engagée.
Les conditions requises par l’article 555 du code de procédure civile n’étant pas remplies, il convient donc de déclarer irrecevable la demande en intervention forcée formée à l’encontre de Me [F] [P].
Sur la validité du titre exécutoire :
Aux termes de l’article 1er de la loi du 15 juin 1976, pour permettre au créancier de poursuivre le recouvrement de sa créance, le notaire établit une copie exécutoire qui rapporte littéralement les termes de l’acte authentique qu’il a dressé. Il la certifie conforme à l’original et la revêt de la formule exécutoire.
Par ailleurs, l’article 34 du décret n°71-941 dispose notamment que:
Les copies exécutoires et les copies authentiques sont établies de façon lisible et indélébile sur un papier d’une qualité offrant toute garantie de conservation.
Elles respectent les paragraphes et les alinéas de la minute. Chaque page du texte est numérotée, le nombre de ces pages est indiqué à la dernière d’entre elles.
Chaque feuille est revêtue du paraphe du notaire à moins que toutes les feuilles ne soient réunies par un procédé empêchant toute substitution ou addition ou qu’elles ne reproduisent les paraphes et signatures de la minute.
Ainsi chaque feuille d’une copie authentique doit être paraphée par le notaire sous peine de nullité de celles non paraphées mais cette exigence ne concerne pas les annexes.
En l’espèce, en cause d’appel, CAGEFI justifie que Me [P] a été régulièrement autorisée par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Senlis à délivrer une seconde copie exécutoire de l’acte du 29 décembre 2006 qu’il produit.
Cette seconde copie exécutoire, contrairement à la première produite, comporte en annexe le contrat de prêt dans son intégralité et non pas les seules pages impaires.
Si le notaire n’a pas apposé ses initiales sur toutes les pages des annexes, il a apposé sur chaque annexe une mention constatant l’existence de l’annexe et a signé cette mention sur la première page de chaque annexe.
Par ailleurs, il a précisé que cette copie exécutoire contenait 139 pages, ce qui correspond aux pages de l’acte qu’il a rédigé en ce inclus les pages des différentes annexes étant précisé que la copie exécutoire ne comporte pas de numéro sur chaque page à partir des annexes.
En apposant sur chaque première page des annexes la mention ‘ annexé à la minute d’un acte reçu par le notaire associé soussigné’ accompagné de sa signature, Me [P] a clairement distingué la copie exécutoire proprement dite des annexes. Par ailleurs les pages non numérotées de l’acte litigieux constituant les annexes, leur paraphe par le notaire n’était pas nécessaire. D’une manière plus générale, il n’y avait pas lieu, les concernant à applications des dispositions de l’article 34 susvisé.
Il ne peut être sérieusement prétendu qu’en procédant ainsi le notaire n’a pas délivré une copie exécutoire accompagnée de documents annexes mais aurait délivré une copie exécutoire incluant expressément des documents annexes non numérotées bien que comptabilités comme faisant partie intégrante de la copie exécutoire. Il ne saurait pas plus être prétendu que les annexes devaient être établies en respectant les dispositions de l’article 34 susvisé et devaient être numérotées et à défaut de paraphe du notaire devaient être réunies par un procédé empêchant toute substitution ou addition.
Il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité de la copie exécutoire litigieuse et débouté en conséquence CAGEFI de sa demande de saisie des rémunérations à l’encontre de Mme [W] [T] et de débouter Mme [W] [T] de sa demande de nullité de la copie exécutoire.
Sur le caractère disproportionné de l’engagement de caution :
Mme [T] fait valoir que son engagement serait disproportionné au motif qu’elle ne disposait au moment de la souscription de cet engagement que d’un revenu mensuel de 2541 euros.
Aux termes de l’article L314-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Le principe de proportionnalité de l’engagement de caution s’étend à toutes les personnes physiques, y compris les cautions dirigeantes, quel que soit l’objet de la dette cautionnée. La disproportion s’apprécie en prenant en considération l’endettement global, y compris celui résultant de l’engagement de caution.
Il ressort des pièces versées aux débats que Mme [T] a déclaré sur la fiche de renseignements qu’elle a remplie au moment de la signature de son engagement de caution un revenu mensuel de 4482 euros pour l’année 2006.
Il est établi par les éléments comptables et fiscaux produits qu’en réalité Mme [T] disposait de 57.780 euros de revenus professionnels annuels et de 20.640 euros de revenus fonciers, soit un revenu mensuel global de l’ordre de 6535 euros, qu’au moment de son engagement elle était propriétaire d’un bien commun évalué à 240.000 euros et d’un bien propre de 230.000 euros.
Les états hypothécaires produits au moment de son engagement de caution indiquent qu’elle a vendu deux autres biens immobiliers qui après remboursement des emprunts lui ont permis de percevoir plus de 77.000 euros
Elle reconnaît encore avoir été propriétaire au moment de son engagement de caution d’une maison située [Adresse 7] qu’elle a vendu en 2011 pour un montant de 110.000 euros.
Elle disposait d’une épargne de plus de 12.000 euros au jour de la signature de son engagement de caution et, avec son époux, d’un compte courant d’associé au sein de la SCIImmo Charles Daniel de 96.338 euros au 31 décembre 2006.
A la date de engagement de caution, ses revenus mensuels s’élevaient à 6535 euros et son patrimoine propre s’élevait à près de 600 000 euros.
Il en résulte que l’engagement de caution souscrit par Mme [T] à hauteur de 1.362.220 euros, pour important qu’il soit, n’était manifestement pas disproportionné à ses biens et revenus au moment de la signature de son engagement.
Il convient donc de débouter Mme [T] de sa demande tendant à ce que l’engagement de caution qu’elle a souscrit lui soit déclaré inopposable par application de l’article L 341-4 précité.
Sur le montant de la créance :
Les deux biens appartenant à la SCIImmoCharles Daniel ont été vendus dans le cadre de la liquidation judiciaire de cette SCI
Mme [T] soutient que CAGEFI ne justifie pas du montant des fonds qu’elle a perçus suite à ces ventes de sorte que le montant de sa créance et l’intérêt de la saisie des rémunérations sollicitée ne serait pas rapportée.
La société CAGEFI justifie que le bien situé à [Localité 11] a été vendu 449.700 euros mais qu’elle n’arrive pas en rang utile en raison des inscriptions prises sur cet immeuble et primant la sienne pour des montants de 570.000 euros, 30.000 euros et 20.000 euros.
Elle justifie également que le bien situé à [Localité 10] a été vendu 157.000 euros mais que son privilège de prêteur de deniers sur ce bien est primé par celui du syndicat des copropriétaires de l’immeuble en question pour 15.087,16 euros et 16.000 euros , de sorte qu’elle ne percevra lors de la répartition du prix de vente de cet immeuble qui n’est pas encore intervenue une somme de l’ordre de 127.000 euros.
Ainsi, même si à ce jour, le montant exact de la créance de la société CAGEFI n’est pas établi et ne pourra l’être définitivement qu’après répartition du prix de vente de l’immeuble de [Localité 10], il est certain que les ventes immobilières en question n’ont pas permis de désintéresser en totalité CAGEFI dont la créance a été admise au passif de la SCIImmo Charles Daniel pour 447.915,80 euros dont 425.347,89 euros en principal. Il est ainsi établi que CAGEFI dispose à ce jour à l’encontre de Mme [T] d’une créance en principal de l’ordre de 298.347,89 euros (425.347,89 euros – 127.000 euros) à parfaire après répartition du prix de vente de l’immeuble de [Localité 10].
Il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté CAGEFI de sa demande de saisie des rémunérations de Mme [T] et d’ordonner la saisie des rémunérations de Mme [T] au profit de CAGEFI pour un montant en principal de 298.347,89 euros à parfaire après répartition du prix de vente de l’immeuble de [Localité 10].
Sur les intérêts et l’information annuelle de la caution :
Selon les dispositions de l’article L.313-22 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur au jour du contrat, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
En l’espèce, la société CAGEFI verse aux débats copies des lettres simples d’information qu’elle affirme sans le justifier avoir adressées à Mme [T].
Il doit être relevé que:
-pour les années antérieures à 2016, les lettres d’informations annuelles produites ne comportent pas de façon distincte le montant des frais, accessoires et commissions mais ne mentionnent qu’une rubrique intitulée: accessoires.
-celles produites pour les années 2016 à 2021 ne comportent pas mention de la faculté de révocation annuelle et des conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée ;
Il convient donc :
-de déclarer CAGEFI déchue du droit à intérêt par application de l’article L313-22 précité jusqu’à la date de communication d’une nouvelle information annuelle à Mme [T] du montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution ;
-de débouter la société CAGEFI de sa demande en saisie des rémunérations pour des intérêts échus à hauteur de 22.567,91 euros arrêté au 28 septembre 2018.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Mme [T] succombant en l’essentiel ses demandes à l’encontre de CAGEFI, il convient :
-d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné CAGEFI aux dépens de première instance ;
-d’infirmer le jugement en ce qu’il lui a alloué au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance, la somme de 2500 euros ;
-de la condamner aux dépens de première instance et aux dépens d’appel liés à l’instance principale ;
-de la débouter de ses demandes au titre des frais irrépétibles tant pour la procédure de première instance que celle d’appel.
CAGEFI succombant en ses demandes dirigées contre Me [F] [P], il convient de la condamner aux dépens d’appel liés à l’intervention forcée.
L’équité ne commandant pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de CAGEFI, il convient de la débouter de sa demande à ce titre pour la procédure d’appel et de confirmer le jugement en ce qu’il en a fait de même pour la procédure de première instance.
L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de Me [F] [P], il convient de lui allouer de ce chef la somme de 1000 euros.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Déclare irrecevable la demande en intervention forcée initiée par la société coopérative GAGEFI à l’encontre de Me [F] [P] ;
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté la société coopérative CAGEFI de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Déclare la société coopérative déchue du droit à intérêt par application de l’article L313-22 précité jusqu’à la date de communication d’une nouvelle information à Mme [W] [T] du montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution ;
Déboute la société coopérative CAGEFI de sa demande en saisie des rémunérations pour des intérêts échus à hauteur de 22.567,91 euros arrêté au 28 septembre 2018 ;
Ordonne la saisie des rémunérations de Mme [W] [T] au profit de la société coopérative CAGEFI pour un montant en principal de 298.347,89 euros à parfaire après répartition du prix de vente de l’immeuble de [Localité 10] appartenant à la SCIImmo Charles Daniel ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
Condamne la société coopérative CAGEFI à payer à Me [F] [P] la somme de 1000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [W] [T] aux dépens de première instance et aux dépens d’appel liés à l’instance principale.
Condamne la société coopérative CAGEFI aux dépens de l’instance en intervention forcée dirigée contre Me [F] [P].
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE