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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
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ARRÊT DU : 09 NOVEMBRE 2022
PRUD’HOMMES
N° RG 19/04679 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LGIU
Madame [Y] [L]
c/
S.A.R.L. EL COMMODOR en redressement judiciaire
Société CBF ASSOCIES ès qualités de commissaire au plan de continuation de la SARL El Commodor
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 juillet 2019 (R.G. n°F18/00813) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 19 août 2019,
APPELANTE :
Madame [Y] [L]
née le 27 Mars 1980 à [Localité 7] de nationalité Française Profession : Commercial(e), demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
SARL Unipersonnelle EL COMMODOR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. [Adresse 1]
N° SIRET : 491 689 907
représentée par Me Albin TASTE de la SCP CABINET LEXIA, avocat au barreau de BORDEAUX
SCP CBF Associés, ès qualités de commissaire au plan de continuation de la SARL El Commodor placée en redressement judiciaire par jugement du 3 juillet 2019, prise en la personne de Me [U] domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]
représentée par Me Fabrice DELAVOYE de la SELARL DGD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
UNEDIC Délégation AGS – CGEA de [Localité 4], prise en la personnne de sa Directrice Nationale Madame [B] [P] domiciliée en cette qualité audit siège social [Adresse 5]
représentée par Me Philippe HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 octobre 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d’instruire l’affaire et Madame Sylvie Tronche, conseillère
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
*
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [Y] [L], née en 1980, a été engagée en qualité de commerciale et administrative, statut cadre, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2014 par la SARL unipersonnelle El Commodor.
Le contrat prévoyait une rémunération mensuelle brute de 2.600 euros, ‘forfaitaire et fonction du nombre annuel de jours de travail’ (218 jours).
Outre ce salaire fixe, était prévue une prime mensuelle correspondant à un pourcentage du chiffre d’affaires, réalisé le mois précédent, en fonction d’objectifs déterminés chaque année pour les périodes du 1er septembre au 30 août.
Le contrat ajoutait que la salariée pourrait renoncer à des jours de repos, avec l’accord de l’employeur, la rémunération de ce temps de travail étant alors majorée de 25%.
En dernier lieu, Mme [L] était classée coefficient 300, niveau VII de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire et son salaire mensuel forfaitaire s’élevait à la somme de 3.000 euros bruts.
La société EL Commodor exerce une activité de holding et en particulier, gère l’activité de la SAS Le Village qui exploite un restaurant à [Localité 6], sous l’enseigne l’Escale des Pirates.
En juillet 2017, ce restaurant a subi un incendie et par jugement rendu le 27 septembre 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Le Village, cette procédure étant étendue à la société El Commodor.
La Selarl Malmezat-Prat-Lucas-Dabadie a été désignée en qualité de mandataire.
Selon ordonnance du 6 juin 2018, le juge commissaire désigné par le tribunal de commerce a autorisé le licenciement de Mme [L].
Par lettre datée du 13 juin 2018, Mme [L] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 juin 2018.
Le10 juillet 2018, l’inspection du travail a considéré que le motif économique de licenciement et la suppression de poste étaient établis et a autorisé le licenciement licenciement de Mme [L] qui avait été désignée en qualité de représentant des salariés.
Le contrat de travail a pris fin le 16 juillet 2018 à la suite de l’acceptation par Mme [L] du contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé au cours de l’entretien.
Sollicitant à titre principal la nullité et l’inopposabilité de sa convention de forfait et le paiement des heures supplémentaires réalisées, à titre subsidiaire un rappel de salaire au titre du minimum conventionnel applicable et le règlement de la majoration contractuelle de la rémunération pour les jours de repos non pris, Mme [L] a saisi le 28 mai 2018 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement du 19 juillet 2019, auquel la
cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
– débouté Mme [L] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné Mme [L] à verser à la société El Commodor représentée par Maître [U] en sa qualité d’administrateur judiciaire et la SELARL Malmezat-Prat,Lucas-Dabadie mandataire judiciaire de la société El Commodor, la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [L] aux dépens.
Par jugement rendu le 30 juillet 2019, le tribunal de commerce a adopté un plan de redressement de la société et désigné la SCP CBF Associés, prise en la personne de Maître [U], en qualité de commissaire au plan.
Par déclaration du 19 août 2019, Mme [L] a relevé appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes à l’encontre de la société, du commissaire au plan et de l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4].
L’avocat constitué pour la société et le commissaire au plan, Maître Delavoye, a conclu uniquement pour la société, les 13 février 2020 et 31 mai 2021.
Par acte du 6 juillet 2022, Maître Taste s’est constitué en lieu et place de l’avocat initialement constitué pour le compte de la société.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 août 2022, Mme [L] demande à la cour de :
– la recevoir en son appel,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
* condamné Mme [L] à verser à la société El Commodor représentée par Maître [U] en qualité d’administrateur judiciaire et la SELARL Malmezat-Prat-Lucas-Dabadie, mandataire judiciaire de la société El Commodor, la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné Mme [L] aux dépens,
* débouté Mme [L] de l’ensemble de ses demandes,
Et, statuant à nouveau sur ces points,
A titre principal,
– condamner la société El Commodor, à défaut de convention de forfait opposable à la salariée, à lui payer les sommes suivantes :
* 2.098,02 euros au titre des heures supplémentaires réalisées de mai à décembre 2015 outre 209,80 euros au titre des congés payés afférents,
* 11.208,58 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2016 outre 1.120,86 euros au titre des congés payés afférents,
* 2.843,18 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2017 outre 284,32 euros au titre des congés payés afférents,
* 101,08 au titre des majorations pour heures de nuit outre 10,11 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.339,60 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour le dépassement du contingent d’heures supplémentaires en 2015,
* 133,96 euros au titre des congés payés afférents,
* 2.101,63 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour le dépassement du contingent d’heures supplémentaires en 2016,
* 210,16 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.516,18 euros nets à titre de rappel d’indemnité horaire d’activité partielle de janvier à avril 2018,
A titre subsidiaire,
– condamner la société El Commodor à lui payer en application du salaire minimum conventionnel prévu pour les cadres au forfait, soit de niveau VIII, les sommes de :
* 3.619,28 euros au titre de l’année 2015 (mai à décembre),
* 361,93 euros au titre des congés payés afférents,
* 2.490,32 au titre de l’année 2016,
* 249,03 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.087,77 euros au titre de l’année 2017,
* 108,78 euros au titre des congés payés afférents,
* 71,62 euros au titre de l’année 2018 (janvier à avril),
* 7,16 euros au titre des congés payés afférents,
* 523,15 euros nets à titre de rappel d’indemnité horaire d’activité partielle pour l’année 2018 (janvier à avril),
– condamner la société El Commodor à lui payer au titre du règlement majoré de 25% des jours travaillés au-delà du forfait annuel maximal prévu par la convention collective soit 214 jours, les sommes de :
* 6.509,41 euros pour 2015,
* 650,94 euros au titre des congés payés afférents,
* 5.413,20 euros pour 2016,
* 541,32 euros au titre des congés payés afférents,
En tout état de cause,
– condamner la société El Commodor à lui payer les sommes de :
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des manquements de l’employeur à ses obligations de loyauté et de préservation de la santé et de la sécurité, et du fait de la minoration du salaire de référence pris en compte par la CPAM par la faute de l’employeur,
* 15.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par la salariée à défaut pour l’employeur d’avoir justifié des éléments nécessaires au calcul de sa rémunération variable,
* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
– condamner la société El Commodor à lui payer la somme de 1.500 euros supplémentaires en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
– condamner la société El Commodor aux dépens d’instance et frais éventuels d’exécution,
– condamner la société El Commodor au règlement des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 26 septembre 2017,
– déclarer l’arrêt à intervenir opposable au CGEA qui devra garantie en cas de cessation ou résolution du plan de continuation et d’ouverture d’une procédure collective donnant lieu à garantie.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 septembre 2022, la société El Commodor demande à la cour de’:
– déclarer Mme [L] mal fondée en son appel et l’en débouter,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux du 19 juillet 2019 en toutes ses dispositions,
– débouter Mme [L] de l’ensemble de ses demandes à titre principal, subsidiaire et en tout état de cause,
– condamner Mme [L] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance dont distraction d’appel au profit de Maître Albin Taste, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 février 2020, l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de’:
– déclarer Mme [L] mal fondée en son appel,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux du 19 juillet 2019,
A titre principal,
– dire que, par l’effet attaché à l’adoption du plan de redressement, l’employeur est à cet instant in bonis et que dès lors, la garantie des éventuelles créances auxquelles Mme [L] peut prétendre, ne peut plus être mise en oeuvre,
– dire qu’elle sera mise hors de cause et que les demandes de Mme [L], si elles sont accueillies, ne pourront pas être garanties par elle,
A titre subsidiaire,
– dire que la convention de forfait est valable et opposable à Mme [L],
– débouter Mme [L] de ses demandes tendant à voir fixer au passif de la société El Commodor les sommes suivantes :
* 2.098, 02 euros au titre des heures supplémentaires réalisées de mai à décembre 2015 outre 209,20 euros au titre des congés payés afférents,
* 11.208,58 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2016 outre 1.120,86 euros au titre des congés payés afférents,
* 2.843,18 euros au titre des heures supplémentaires réalisées en 2017 outre 284,32 euros au titre des congés payés afférents,
* 101,08 euros au titre des majorations pour heures de nuit outre 10,11 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.339,60 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour le dépassement du contingent d’heures supplémentaires en 2015 outre 133,96 euros au titre des congés payés afférents,
* 2.101,63 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour le dépassement du contingent d’heures supplémentaires en 2016 outre 210,18 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.516,18 euros nets à titre de rappel d’indemnité horaire d’activité partielle de janvier à avril 2018,
– débouter Mme [L] de sa demande tendant à voir juger qu’elle devait percevoir le salaire minimum conventionnel prévu pour les cadres au forfait, soit de niveau VIII,
– débouter Mme [L] de ses demandes tendant à voir fixer au passif de la société El Commodor les sommes de :
* 3.619,28 euros au titre de l’année 2015 (mai à décembre) outre les congés payés afférents, soit la somme de 361,93 euros,
* 2.490,32 euros au titre de l’année 2016 outre les congés payés afférents, soit la somme de 249,03 euros,
* 1.087,77 euros au titre de l’année 2017 outre les congés payés afférents soit la somme de 108,78 euros,
* 71,62 euros au titre de l’année 2018 (janvier à avril) outre les congés payés afférents, soit la somme de 7,16 euros,
* 523,15 euros nets à titre de rappel d’indemnité horaire d’activité partielle pour l’année 2018 (janvier à avril),
– débouter Mme [L] de sa demande tendant à voir juger qu’elle est fondée à obtenir le règlement majoré de 25% des jours travaillés au-delà du forfait annuel maximal prévu par la convention collective soit 214 jours,
– débouter Mme [L] de ses demandes tendant à voir fixer au passif de la société El Commodor les sommes de :
* 6.509,41 euros au titre de la rémunération majorée des jours de repos non pris en 2015 et 650,94 euros au titre des congés payés afférents,
* 5.413,20 euros au titre de la rémunération majorée des jours de repos non pris en 2016 et 541,32 euros au titre des congés payés afférents,
– débouter Mme [L] de sa demande tendant à voir dire et juger que l’employeur a manqué à ses obligations de loyauté et de préservation de la santé et de la sécurité au préjudice de Mme [L],
– débouter Mme [L] de sa demande de dire et juger que le salaire de référence pris en compte par la CPAM a été injustement minoré par la faute de l’employeur au préjudice de Mme [L],
– débouter Mme [L] de sa demande de réparation des préjudices en découlant à hauteur de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– débouter Mme [L] de sa demande tendant à voir dire que l’employeur doit verser aux débats des éléments de nature à justifier du chiffre d’affaires et du nombre de contrats signés pour chaque mois depuis mai 2015 et à voir inscrire sa créance à ce titre au passif du redressement de la société El Commodor à hauteur de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– débouter Mme [L] de sa demande relative aux intérêts (à compter de la mise en demeure du 26 septembre 2017),
– dire que la garantie de l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4] ne peut pas être recherchée de ces chefs,
En tout état de cause,
– dire que la mise en cause de l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4] dans la présente instance ne peut avoir pour objet que de lui rendre opposable le jugement à intervenir et non d’obtenir une condamnation au paiement qui serait dirigée à son encontre et ce, à défaut de droit direct de Mme [L] à agir contre elle,
– dire que la garantie de l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4] est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale ou d’origine conventionnelle imposée par la loi et ce, dans les limites des articles L. 3253-8 et L. 3253-17 du code du travail et des textes réglementaires édictés pour son application,
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,
– juger que les demandes de Mme [L] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ne sont pas garanties par l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4].
Aucune écriture n’a été adressée pour le compte du commissaire à l’exécution du plan,
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 4 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande au titre de l’inopposabilté de la convention de forfait
Mme [L] conclut à l’inopposabilité de la conventionde forfait prévue à son contrat de travail au motif que la convention collective applicable prévoit que les conventions de forfait ne peuvent être imposées qu’aux salariés de niveau VIII alors qu’elle relevait du niveau VII et qu’elle limite le forfait à 214 jours, alors que son contrat prévoyait un nombre de jours supérieur, fixé à 218.
Mme [L] ajoute qu’elle n’a pas bénéficié des jours de RTT prévus puisqu’elle a travaillé 233 jours en 2016 et 235 jours en 2015.
Elle soulève également l’insuffisance des garanties prévues par l’accord de branche pour assurer la protection de la santé des salariés et souligne qu’elle n’a bénéficié que d’un seul entretien annuel en octobre 2015 où la question de sa charge de travail n’a pas été évoquée, le compte-rendu de cet entretien, rempli uniquement par l’employeur mentionnant seulement : ‘la gestion du stress ou de la pression s’est améliorée’.
La société intimée ainsi que l’UNEDIC concluent au rejet de cette demande au motif que Mme [L] disposait d’une grande autonomie et responsabilité, ne pouvait pas avoir un horaire de travail prédéterminé et que, dès lors, une convention de forfait jour pouvait valablement être conclue, la convention collective devant seulement déterminer la durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait est établi.
Elles ajoutent que si l’accord RTT du 14 novembre 2000, dont se prévaut Mme [L], privilégie pour les cadres de niveau VII une réduction du temps de travail sous forme de jours de repos, le recours à une convention de forfait n’est pas interdit y compris pour ces cadres.
L’accord de forfait jours conclu entre les parties est donc valable.
***
Aux termes des dispositions de l’article L. 3121-39 du code du travail, dans sa version applicable au litige, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, devait être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
L’accord de branche du 11 avril 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail appplicable à la relation contractuelle prévoit différentes modalités d’organisation du temps de travail :
– modalité 1 : 35 heures par semaine,
– modalité 2 : 35 heures sur deux ou quatre semaines,
– modalité 3 : 36 jeures par semaine sur 4 jours ouvrant droit à 6 jours ouvrés de RTT,
– modalité 4 : 37 heures par semaine ouvrant droit à 14 jours ouvrés de RTT,
– modalité 5 : 39 heures par semaine, ouvrant droit à 23 jours ouvrés de RTT article 2.7.4.5 de l’accord).
Ces modalités sont prévues ‘à titre d’exemples’, l’accord renvoyant les entreprises à négocier des accords pour adopter des formes d’aménagement et de réduction du temps de travail permettant d’adapter celui-ci aux exigences de l’organisation du travail.
L’accord prévoit par ailleurs des dispositions spécifiques à l’encadrement (article 2.8)
distinguant :
– les cadres dirigeants (de niveau IX),
– les cadres ‘forfait jours’ de niveau VIII,
– les autres cadres : niveau VII : ‘En ce qui les concerne, la réduction du temps de travail sous la forme de jours de repos et et en particulier la modalité prévue par l’article 2.7.4.5 sera privilégiée ‘ soit la modalité 5.
Enfin, l’article 2.8 de l’accord de branche préconise :
– la mise en place d’un contrôle du nombre de journées ou demi-journées travaillées sous la forme d’un document récapitulatif faisant en outre apparaître la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire en congés payés, congés conventionnels, ou jours de réduction du temps de travail ;
– la tenue d’un entretien annuel au cours duquel doit être évoquée l’organisation du travail, l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail en résultant, qui ‘devront rester raisonnables et assurer une bonne répartitition, dans le temps, du travail des intéressés’ et permettre ‘un équilibre satisfaisant entre la vie professionnelle et la vie personnelle du cadre concerné’.
Aux termes de cet accord, d’une part, il ne peut qu’être retenu que la modalité d’organisation du temps de travail sous forme de forfait annuel en jours n’est prévue que pour les cadres relevant du niveau VIII.
Si l’application d’une telle modalité était néanmoins possible, il appartenait à la société de conclure un accord d’entreprise pour pouvoir soumettre les cadres d’un niveau inférieur, telle Mme [L], à un forfait annuel en jours.
D’autre part, le compte-rendu d’entretien d’évaluation professionnelle produit par la société intimée établi le 2 octobre 2015 (sa pièce 12), ne comporte aucune rubrique relative à la charge de travail ; la seule mention d’une amélioration de la gestion du stress ou de la pression, relevée dans un § consacré à l’appréciation générale/avis sur la tenue du poste, n’est aucunement la démonstration de l’évocation de la charge et amplitude du travail imposée à l’employeur aux termes de l’accord de branche.
Enfin, le document intitulé ‘tableau des heures de présence 2017 (pièce 13 de la société) n’est que très partiellement renseigné : sur plusieurs journées, la présence n’est pas mentionnée mais ne figure pas non plus la mention qu’il s’agirait de jours de repos et aucune heure n’est précisée.
La convention de forfait conclue entre les parties, qui, au surplus, contenait un nombre annuel de jours travaillés supérieur au maximum prévu par l’accord, n’est donc pas opposable à la salariée.
Sur les demandes en paiement découlant de l’inopposabilité de la convention de forfait
– Sur les demandes au titre des heures supplémentaires
La convention de forfait étant inopposable à Mme [L], la demande en paiement des heures supplémentaires doit être examinée au regard des dispositions des l’articles L. 3171-2 alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail selon lesquelles en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Au soutien de ses prétentions, Mme [L] produit un décompte journalier des ses horaires de travail, qu’elle indique avoir établi au fur et à mesure de l’exécution de la relation contractuelle en fonction de ses plannings de travail, mentionnant l’heure d’embauche et de débauche, déduisant une pause méridienne de 45 minutes et faisant également apparaître des jours d’arrêts pour maladie ainsi que de récupération.
La société intimée fait valoir que, suite à l’incendie survenu dans ses locaux, l’ensemble de ses documents comptables et sociaux ont été détruits et qu’elle n’a pu retrouver que le document déjà cité pour les trois premiers mois de l’année 2017 (pièce 13).
L’UNEDIC conclut également au rejet des demandes de Mme [L] qui n’étaye pas suffisamment sa demande, n’établit pas l’accord de l’employeur quant à l’accomplissement des heures supplémentaires dont elle sollicite le paiement ni que ces heures étaient imposés par sa charge de travail.
***
Les éléments produits par Mme [L] sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.
En ayant inséré dans le contrat de travail une convention de forfait jours, l’employeur a reconnu que la charge de travail excédait la durée légale et supposait l’accomplissement d’heures au-delà ce cette durée.
Par ailleurs, ne produisant aucune pièce relative à l’incendie survenu dans les locaux, alors qu’une procédure pénale a été engagée, la société ne permet pas à la cour de s’assurer de la véracité de son affirmation quant à l’impossibilité de produire des documents relatifs aux horaires de travail effectués par Mme [L].
Il sera en outre observé d’une part que si des documents probants avaient été établis à ce sujet, le cabinet d’expertise comptable, chargé de l’établissement des bulletins de paie, selon Mme [L] qui n’est pas contredite sur ce point, pouvait être sollicité pour les fournir.
D’autre part, il a été ci-avant relevé que la pièce 13 (tableau des heures de présence 2017) était dépourvue de tout caractère probant, ce tableau n’étant que très partiellement renseigné et revêtu d’une signature de la salariée portée pour des semaines entières voire le mois entier (pour mai 2017) en sorte qu’il ne peut être retenu qu’en février 2017, Mme [L] n’aurait travaillé que le matin.
Il sera donc considéré que les horaires de travail revendiqués par Mme [L] sont établis.
S’agissant des sommes réclamées,au vu des décomptes figurant en pages 23 et 24 des écritures de la salariée, il sera fait droit aux demandes de Mme [L], sauf à préciser que ses créances seront fixées au passif de la société.
– Sur les demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos
Au vu des tableaux horaires produits par la salariée et du décompte figurant dans ses écritures, établi sur la base du contingent annuel légal d’heures supplémentaires, il sera fait droit aux demandes de Mme [L].
Sur les autres demandes de rappel de salaire
– Sur la demande au titre des heures de nuit
Cette demande qui figure au dispositif des écritures de la salariée ne fait l’objet d’aucune explication dans le corps de ses écritures, ni dans son principe, ni dans son montant.
Elle sera en conséquence rejetée.
– Sur la demande de rappel au titre de l’indemnité d’horaire activité partielle pour la période de janvier à avril 2018
Mme [L] sollicite le paiement de la somme de 1.516,18 euros nets à ce titre, estimant que l’assiette de calcul de l’indemnité due pour le salarié placé en situation d’activité partielle (soit 70% du salaire) est basée, selon les dispositions de l’article R. 5122-18 du code du travail, sur l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés et doit donc inclure les heures supplémentaires effectuées, soit un salaire de référence s’élevant de janvier à mai 2017 non pas à 3.000 euros mais à 3.586,64 euros, le détail de calcul de la somme réclamée figurant en page 28 de ses écritures.
La société, se référant à une circulaire DGEFP n° 2013-12 du 12 juillet 2013, non produite, mais qui confirmerait sa position, et l’UNEDIC, visant l’article R. 5122-11 alinéa 2 du code du travail et un arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 octobre 2008 (pourvoi n° 0740865) font valoir à titre subsidiaire que l’assiette de calcul de cette indemnité n’inclut pas les heures supplémentaires.
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A la suite de l’incendie subi dans la nuit du 10 au 11 juillet 2017, la société a suspendu son activité et a notamment informé Mme [L] qu’elle était placée en chômage partiel à compter du 10 janvier 2018 par lettre du 23 novembre 2017.
La société lui a versé une indemnité calculée sur la base de 70% de son salaire de 3.000 euros pour les mois de janvier à avril 2018.
Aux termes des dispositions des articles L. 5122-1 et suivants du code du travail et des articles R.5122-1 et suivants du même code, et spécialement de l’article R. 5122-18 dans sa version applicable au litige, le salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, correspondant à 70 % de sa rémunération brute servant d’assiette de l’indemnité de congés payés telle que prévue au II de l’article L. 3141-22, ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail applicable dans l’entreprise ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail.
Il résulte de ce texte qui certes se réfère à l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés, comme le soutient Mme [L], que l’indemnité horaire allouée au salarié placé en situation de chômage partiel, doit être ramenée à un montant horaire calculé sur la base de la durée légale de travail soit 35 heures, ce qui exclut l’inclusion des heures supplémentaires réalisées.
Par conséquent, Mme [L] sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des manquements de l’employeur à ses obligations d’exécution loyale du contrat et de sécurité
Mme [L] sollicite la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des manquements de l’employeur à ses obligations d’exécution de bonne foi du contrat de travail et de sécurité invoquant tout à la fois :
– le non-respect de la durée maximale de travail hebdomadaire (48 heures),
– le non-respect des durées maximales de travail et de celles relatives à la durée de repos quotidien,
– le réglement tardif de ses salaires qui n’intervenait jamais aux dates mentionnées sur les bulletins de paie,
– la privation du bénéfice du contrat santé et prévoyance,
– le non-respect des obligations au titre du compte personnel de formation et de ses points retraite,
– le manque à gagner sur le montant des indemnités versées par la sécurité sociale durant ses arrêts de maladie, par suite du défaut de paiement des heures supplémentaires.
La société ainsi que l’UNEDIC concluent au rejet de cette demande, soutenant que le dépassement de la durée maximale de travail n’est pas démontré, de même que le prétendu règlement tardif de salaire ou la résiliation du contrat de prévoyance.
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Le non-respect des durées maximales de travail, journalière et/ou hebdomadaires et/ou du temps de repos quotidien n’a été qu’occasionnel, au vu des tableaux produits par la salariée.
Le retard dans le paiement des salaires ne repose que sur les seules allégations de Mme [L], de même que le non-respect des obligations au titre du compte personnel de formation et de ses points retraite.
La privation du bénéfice du contrat de santé et prévoyance est démentie par la pièce 14 produite par la société.
Il est en revanche établi que, par suite du non paiement des heures supplémentaires, Mme [L] a subi un manque à gagner sur le montant des indemnités qui lui ont été versées par la sécurité sociale.
Cependant, dans la msure où Mme [L] ne propose à la cour aucune modalité de calcul de la perte subie, le préjudice résultant des manquements retenus sera évalué à la somme de 1.000 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut de l’employeur de communiquer le chiffre d’affaires mensuel
Mme [L] sollicite la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, exposant que la société ne lui a pas communiqué les éléments nécessaires au calcul de sa rémunération variable, et notamment le chiffre d’affaires réalisé et le nombre de couverts, malgré sa demande, la société ne communiquant que des chiffres résultant de ses seules déclarations.
La société et l’UNEDIC concluent au rejet de cette demande, communiquant des tableaux établis pour les exercices 2014/2015 et 2015/2016 et soulignant que pour l’année 2017, l’activité a été interrompue suite à l’incendie subi au mois de juillet.
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Le contrat de travail de Mme [L] prévoyait qu’elle percevrait une rémunération variable sous forme d’une prime mensuelle correspondant à un pourcentage du chiffre d’affaires hors taxes réalisé le mois précédent en fonction d’objectifs fixés chaque année
pour les périodes du 1er septembre au 30 août.
Mme [L] ne conteste pas avoir été destinataire des objectifs fixés par l’employeur et a, au demeurant, signé le tableau que produit la société à ce sujet pour l’exercice 2014/2015 (pièce 15).
Cependant, les tableaux produits par la société pour cet exercice, comme pour l’exercice suivant, ne reposent que sur les seules déclarations de la société et ne sont étayés par aucun document comptable probant.
En considération de ces éléments mais aussi de la cessation de l’activité de la société suite à l’incendie survenu en juillet 2017, le préjudice subi par Mme [L] de ce chef sera évalué à 1.000 euros.
Sur les autres demandes
La société intimée, condamnée en paiement, supportera les dépens de la présente instance mais eu égard à sa situation, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de rappeler que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, tout en précisant que l’ouverture de la procédure collective a suspendu le cours des intérêts.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’UNEDIC, dans les limites légales et règlementaires de sa garantie, à l’exception des dépens, sa garantie n’étant due qu’à titre subsidiaire compte tenu de la situation de la société et uniquement en cas d’impossibilité de celle-ci de faire face aux condamnations prononcées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Fixe les créances de Mme [Y] [L] au passif de la société El Commodor aux sommes suivantes :
– 2.098,02 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées de mai à décembre 2015 outre 209,80 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 11.208,58 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées en 2016 outre 1.120,86 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 2.843,18 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées en 2017 outre 284,32 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 1.339,60 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour le dépassement du contingent d’heures supplémentaires en 2015 outre 133,96 euros au titre des congés payés afférents,
– 2.101,63 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour le dépassement du contingent d’heures supplémentaires en 2016 outre 210,16 euros au titre des congés payés afférents,
– 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des manquements de l’employeur à ses obligations d’exécution loyale du contrat et de sécurité,
– 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut de l’employeur de communiquer le chiffre d’affaires mensuel,
Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, tout en précisant que l’ouverture de la procédure collective a suspendu le cours des intérêts,
Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC, dans les limites légales et règlementaires de sa garantie, à l’exception des dépens, sa garantie n’étant due qu’à titre subsidiaire compte tenu de la situation de la société et uniquement en cas d’impossibilité de celle-ci de faire face aux condamnations prononcées,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Dit que les dépens seront inscrits au passif de la société El Commodor.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire