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7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°83/2023
N° RG 19/07299 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QHJP
SAS BRET NET
C/
M. [X] [L]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère, faisant fonction de Président
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 Décembre 2022 devant Madame Liliane LE MERLUS et Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrats, tenant seuls l’audience en la formation double rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame DUBUIS, médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé le 02 Mars 2023
****
APPELANTE :
SAS BRET NET
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Nicolas CARABIN de la SELARL CARABIN-STIERLEN AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [X] [L]
né le 17 Avril 1986 à [Localité 3] (29)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Catherine FEVRIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Bret Net assure des prestations de nettoyage auprès d’entreprises clientes sous l’enseigne Aber propreté.
M. [X] [L] a été engagé par la SAS Bret net selon un contrat à durée déterminée pour la période du 25 juin au 17 juillet 2004, renouvelé jusqu’au 28 août 2004. La relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en date du 26 août 2004 à effet au 4 septembre 2004. Différents avenants portant sur la durée du travail ont été régularisés durant la relation contractuelle.
M. [L] exerçait les fonctions d’agent de propreté avant d’être promu chef d’équipe, à temps complet, à l’agence de [Localité 4], le 1er septembre 2010.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective des entreprises de propreté.
Par courrier en date du 13 novembre 2017, le salarié a alerté son directeur d’agence sur ses conditions de travail, indiquant être victime du ‘comportement inconvenant, irrespectueux, dégradant et humiliant’ de M. [D], agent de maîtrise et son supérieur hiérarchique.
Par courrier remis en mains propres à son directeur d’agence le 02 juillet 2018, M. [L] a sollicité une rupture conventionnelle, avec une fin de contrat souhaitée au plus tard le 31 août 2018, qui n’a pas été acceptée par l’employeur.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 juillet 2018, M. [L] a notifié la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur en raison des manquements de la société Bret Net à ses obligations légales (non respect du repos hebdomadaire, du temps de travail hebdomadaire, pression de la part de son agent de maîtrise, absence de mise à jour de son contrat de travail).
***
M. [L] a saisi le conseil de prud’homes de Quimper par requête en date du 21 novembre 2018 afin de voir :
– Dire et juger que la rupture du contrat de travail dont il a été pris acte le 19 juillet 2018 s’analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
– Condamner la Société Bret Net, Aber Propreté à lui verser les sommes suivantes:
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 27 107,16 euros nets ;
– Indemnité compensatrice de préavis : 4 517,80 euros bruts ;
– Indemnité compensatrice de congés payés correspondante : 451,78 euros bruts ;
– Indemnité de licenciement : 8 851,94 euros nets ;
– Dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire :
2 000,00 euros ;
– Dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire : 2 000,00 euros ;
– Article 700 du code de procédure civile : 2 000,00 euros.
– Dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;
– Dire que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
– Condamner la Société Bret net exerçant sous l’enseigne Aber propreté à une somme de 2000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la même à lui remettre un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 100 Euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
– Dire que le conseil se réserve la possibilité de liquider cette astreinte;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, sur le fondement des articles 514, 515 et 516 du code de procédure civile ;
– Condamner la Société Bret net exerçant sous 1’enseigne Aber propreté aux entiers dépens.
La SARL Bret net a demandé au conseil de prud’homes de :
A titre principal,
– Dire et juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d’une démission.
En conséquence,
– Débouter Monsieur [X] [L] de ses demandes
– Condamner Monsieur [X] [L] à lui verser net une somme de 521,68 euros à titre de dommages et intérêts, au motif du non-respect de sa période de préavis conventionnel.
– Condamner Monsieur [X] [L] à lui verser une indemnité de
3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– Subsidiairement, limiter la demande indemnitaire présentée sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail ;
– Débouter Monsieur [X] [L] de sa demande d’exécution provisoire.
Par jugement en date du 23 octobre 2019, le conseil de prud’homes de Quimper a :
-Dit et jugé que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail le 19 juillet 2018, par Monsieur [L] s’analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
– Condamné la SAS Bret net à payer à Monsieur [X] [L] les sommes suivantes :
– 4 517,80 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 451,78 euros brut au titre des congés payés afférents,
– 8 851,94 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement,
– 27 107,16 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
– 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire du travail ;
– 2 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non respect du repos hebdomadaire ;
– 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,
– Ordonné à la SAS Bret net de transmettre à Monsieur [X] [L] les documents sociaux rectifiés, bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50euros par jour de retard à compter du l5èjour suivant la notification de la présente décision ;
– Dit qu’il se réserve le droit de liquider l’astreinte,
– Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, soit le 21 novembre 2018 et que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,
– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur les condamnations à caractère salarial et en remise de pièces et dit qu’en vue d’une éventuelle application des dispositions de l’article R 1454-28 du code du travail, le salaire moyen à prendre en compte est de 2 258,90 euros,
– Ordonné l’exécution provisoire sur l’ensemble des condamnations conformément aux dispositions de l’article 515 du code de procédure civile ;
– Débouté les parties de leur demande plus ample ou contraire ;
– Condamné la SAS Bret net aux entiers dépens, y compris aux frais d’exécution forcée du présent jugement.
***
La SAS Bret net a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 04 novembre 2019.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 03 février 2020, la SAS Bret net demande à la cour de :
– Réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Quimper le 23 octobre 2019.
À titre principal,
– Dire et juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d’une démission.
En conséquence,
– Débouter Monsieur [X] [L] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
– Débouter Monsieur [X] [L] de sa demande d’indemnité de licenciement ;
– Débouter Monsieur [X] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Débouter Monsieur [X] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail;
– Débouter Monsieur [X] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire ;
– Condamner Monsieur [X] [L] à verser à la Société Bret net une somme de 521,68 euros à titre de dommages et intérêts, au motif du non-respect de sa période de préavis conventionnel.
– Condamner Monsieur [X] [L] à verser à la Société Bret net une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement
– Subsidiairement, limiter la demande indemnitaire présentée sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 06 avril 2020, M. [L] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Quimper le 02 octobre 2019 en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau :
– Dire et juger que la rupture du contrat de travail dont il a été pris acte par M. [L] le 19 juillet 2018 s’analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
En conséquence :
– Condamner la Société Bret net, Aber propreté à verser à Monsieur [X] [L] les sommes suivantes:
– Dommages et intérêts pour non respect du repos hebdomadaire :
2 000,00 euros nets
– Dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire du travail : 2 000 euros nets
– Indemnité de licenciement : 8 851,94 euros nets
– Indemnité compensatrice de préavis : 4 517,80 euros bruts
– Congés payés correspondants : 451,78 euros bruts
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 27 107,16 euros nets
– Dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le Bureau de conciliation et d’orientation.
– Dire que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.
– Condamner la Société Bret net exerçant sous l’enseigne Aber propreté à une somme de 3 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner la même à remettre à Monsieur [X] [L] un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 100 Euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
– Condamner la Société Bret net exerçant sous l’enseigne Aber propreté aux entiers dépens.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 25 octobre 2022 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 12 décembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes de dommages et intérêts pour non respect du repos hebdomadaire et non respect du repos hebdomadaire
La société Bret Net critique le jugment en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme totale de 4000 euros à titre de dommages et intérêts alors qu’aucun élément objectif ne permet de justifier une telle somme pour un préjudice non établi et qu’aucun élément produit aux débats ne justifie, alors que la théorie du préjudice nécessaire n’est plus d’actualité et qu’il appartient au demandeur d’apporter les éléments matériels précis permettant d’étayer une demande d’indemnisation.
M. [L] réplique que les dépassements de la durée maximale du travail étaient fréquents, que c’est dans ce contexte que le 2 juillet 2018, après trois semaines d’affilée de plus de 50 heures, il a remis en main propre au directeur d’agence une demande de rupture conventionnelle ; qu’il s’est vu imposer un cycle de travail de 16 jours en avril 2017 et de 16 jours d’affilée en mai 2017; qu’en ne bénéficiant pas du temps de repos minimal il était privé de toute vie familiale ou extra professionnelle et que le montant de ses demandes est particulièrement raisonnable.
***
En application de l’article L3121-20 du code du travail, la durée maximale de travail hebdomadaire est de 48 heures et en application des articles L3132-2 et L3132-3 du code du travail, le repos hebdomadaire, qui est donné le dimanche, dans l’intérêt des salariés, a une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre 1 er.
M. [L] produit des plannings (correspondant, au vu de sa pièce 26, aux documents dits ‘ pointage hebdomadaire’ qui étaient transmis chaque mois à l’employeur) qui font apparaître que le plafond hebdomadaire a été dépassé à plusieurs reprises, en 2017 et également en juin 2018 ; qu’en avril et mai 2017 il a travaillé en cycles continus de plus de 6 jours d’affilée, sans respect du repso hebdomadaire dominical.
L’employeur, qui conteste ces plannings mais n’en produit pas d’autres couvrant l’ensemble de ces périodes, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu’il a respecté la durée maximale de travail hebdomadaire et le repos hebdomadaire.
Les plafonds légaux et les temps de repos étant édictés dans l’intérêt de la protection de la santé du salarié, M. [L] caractérise une faute de l’employeur qui doit y veiller et justifie d’un préjudice, dont l’ampleur a été justement évaluée par le conseil de prud’hommes qui a condamné l’employeur à lui payer en réparation la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts sur chacun des deux chefs de demandes. Le jugement sera confirmé en ces dispositions.
Sur la rupture
La société Bret Net, qui soutient que les pièces communiquées par M. [L] à l’appui de ses affirmations sur la durée du travail ne retracent pas les horaires qu’il réalisait effectivement mais les horaires planifiés sur les sites, étant précisé qu’en sa qualité de chef d’équipe il n’avait pas l’obligation de se rendre sur chacun d’eux, fait valoir que les dépassements ponctuels et limités de la durée hebdomadaire de 48 heures constatés par le conseil de prud’hommes, notamment en juin 2018, sont des dépassements ponctuels et limités ne pouvant être considérés comme des manquements graves ; que ceux relevés en 2017 sont anciens et n’ont pas empêché la poursuite du contrat de travail, d’autant que les fiches de planification sur lesquels se base M. [L] ne tiennent pas compte des temps de coupure et des temps de déplacement entre les sites, et ne transcrivent donc pas un temps de travail effectif mais un temps global de présence sur site et de déplacements entre les sites ; que M. [L] n’a pas été occupé plus de 6 jours en avril et mai 2017 et que quand bien même ces manquements seraient avérés ils n’ont pas empêché la poursuite du contrat de travail ;
que le salarié, qui affirme avoir été vitime d’une situation de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique direct en la personne de M. [D], animateur d’exploitation, n’était pas en contact permanent avec celui-ci, dont le rôle, en qualité d’animateur d’exploitation, est de contrôler le respect du cahier des charges sur différents chantiers, d’entretenir la relation commerciale avec les clients ou encore de s’assurer de la mise en place des moyens humains et matériels permettant une bonne exécution de la prestation, et a, en tant que tel, des fonctions itinérantes l’amenant à se déplacer sur une multitude de chantiers, mais n’est pas affecté sur un chantier ; que de fait, les 3 attestations d’anciens salariés qu’il produit ne relatent pas des faits de harcèlement mais décrivent les difficultés d’organisation de l’agence de [Localité 4] et les tensions nées de cette situation, et sont, pour d’eux d’entre elles, très imprécises ; qu’en définitive deux ‘incidents’ sont mis en exergue, un sms tardif le 8 novembre 2017 et un échange sur site le 10 novembre 2017, soit plus de 8 mois avant la prise d’acte ; qu’ils matérialisent simplement une situation de mésentente entre M. [L] et M.[D], recruté quelques mois auparavant sur le poste d’animateur d’exploitation, tandis que la candidature de M. [L] à ce même poste avait été écartée ; qu’il en a manifestement ressenti de la rancoeur à l’égard de la société et n’a sans doute pas tout mis en oeuvre pour faciliter l’intégration de M. [D] ; que d’ailleurs le courrier qu’il avait adressé au directeur de l’agence était plus une remise en cause de son supérieur hiérarchique, sans évocation de faits qualifiables de harcèlement moral ; enfin, qu’aucune persistance de la mésentente n’a été constatée après le mois de novembre 2017 et que les échanges entre février et juin 2018 étaient courtois.
Subsidiairement, elle critique le jugement en ce qu’il alloue à M. [L] 12 mois de salaire bruts présentant un caractère totalement disproportionné et correspondant au maximum indemnitaire prévu par l’article L1235-3 du code du travail, alors que l’intimé omet d’indiquer quelle a été sa situation immédiatement après la rupture du contrat de travail et sa situation actuelle. Elle ajoute que M. [L] avait sollicité une rupture conventionnelle motivée par une volonté de changer d’activité et s’était montré particulièrement insistant pour que son contrat de travail soit rompu assez rapidement, désireux en outre d’obtenir une compensation financière pour mener à bien son projet professionnel.
M. [L] réplique que l’employeur a commis plusieurs manquements contractuels : qu’il lui imposait des avenants, faisant peser sur les salariés l’alea de l’activité au gré des chantiers acquis ou perdus, jusqu’à excéder les durées maximales de travail ; que la multiplication des horaires pléthoriques l’épuisait et lui faisait craindre des effets délétères sur sa santé ; que l’employeur a également manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral et à son obligation de sécurité puisqu’alors qu’il a dénoncé être victime de la part de son supérieur d’agissements de harcèlement moral et de pressions totalement indues, la direction, face à la dégradation des conditions de travail au sein de l’agence qui a conduit certains salariés à partir, n’a rien fait pour limiter les conséquences sur les salariés ‘rescapés’, mais a au contraire exercé sur eux, ou du moins laissé exercer, une pression et des agissements totalement anormaux en laissant ainsi carte blanche à M. [D]; qu’elle devait au minimum diligenter une enquête, ce qu’elle n’a pas fait, maintenant M. [D] à son poste sans le sanctionner, même s’il a appris, selon les informations dont il dispose, qu’elle l’a finalement licencié, ce qui confirme a posteriori la réalité de la situation décrite.
Il fait valoir, pour justifier du quantum sollicité au titre des dommages et intérêts pour le préjudice lié à la rupture, qu’il n’a retrouvé du travail, en septembre et octobre 2018, que dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée à temps partiel et qu’il n’a pas eu d’autre choix, compte tenu de cette précarité, que de se reconvertir (dans le domaine de la carrosserie).
***
Il résulte des dispositions de l’article L1231-1 du même code, que le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié, ou d’un commun accord.
La prise d’acte de la rupture par le salarié ne constitue ni un licenciement, ni une démission, mais une rupture produisant les effets de l’un ou de l’autre selon que les faits invoqués la justifient ou non.
Si elle est fondée sur des faits avérés constitutifs d’une violation des obligations contractuelles de l’employeur, la rupture est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il appartient dans cette hypothèse au salarié de rapporter la preuve de ce que les manquements reprochés sont d’une gravité suffisante pour justifier l’impossibilité de poursuivre la relation de travail.
En l’espèce, le texto, les mails et attestations produits aux débats par M. [L] ne constituent pas des éléments susceptibles de laisser présumer une situation de harcèlement moral (qui n’est d’ailleurs pas un grief soutenu en tant que tel puisque seul un manquement à l’obligation de l’employeur à l’obligation de prévention du harcèlement moral est visé ), l’attestation de M. [H] étant vague et non circonstanciée, celle de Mme [Z] ne relatant qu’un incident ponctuel et celle de Mme [M] des ‘prises de bec’entre salariés et M. [D] ; il ressort également de cette dernière attestation que M. [D], recruté en interne et issu des services techniques de la fonction publique n’avait qu’un an d’expérience dans le domaine du nettoyage.
Ces attestations établissent tout de même que M.[D] présentait des carences dans sa fonction d’animateur de secteur, au plan organisationnel et managerial, ce qui était d’ailleurs le fond de la dénonciation faite par M. [L] dans sa lettre au directeur d’agence en date du 13 novembre 2017. Dans cette lettre il évoquait : -des propos inadaptés de M. [D] qu’il ne citait pas, en dehors de ‘il va falloir que [X] se calme’ ‘[X] fait n’importe quoi’, -un problème dans la transmission d’une consigne de travail (en l’occurrence un texto courtois mais tardif à 23h34 sur le téléphone personnel de M. [L] ‘bonsoir [X], désolé pour sms tardif…seulement avant que j’oublie…Peux tu me faire un point des consommables que tu aurais besoin sur l’année 2018…il n’y aura qu’une commande’, décrit, de manière subjective, comme une provocation par M. [L]), -le fait que les contrôles qualité hebdomadaires étaient désormais réalisés par son agent de maîtrise, tâche dans la réalisation de laquelle ce dernier montrait pourtant des carences selon lui, M. [L] soulignant que ‘si mon responsable rencontre des difficultés d’organisation ou des contraintes calendaires car les contrôles qualité sont par ailleurs chronophages, il existe la possibilité que je puisse m’en charger étant donné que je suis sur place quotidiennement’, -un incident, repris dans l’une des attestations qu’il produit, celle de Mme [Z], lorsqu’il a refusé de signer un avenant antidaté et donc caduc que lui présentait M. [D]. Il en concluait que ‘les priorités de [Y] ([D]) ne sont plus celles du groupe ce qui est sincèrement regrettable étant donné qu’avec plus de connaissances et de pratique il pourrait être un bon élément. Seulement son manque de respect, d’écoute, de bons conseils et son manque de maîtrise de soi ne jouent pas en sa faveur. J’ai aussi parfaite conscience que le travail d’animateur est un travail fastidieux qui demande beaucoup de qualités et d’organisation, ce travail correspond t il réellement à [Y] en ce moment”. Il précisait également que ‘par le biais de cet écrit je recherche juste qu’une justice soit rétablie et ainsi ne plus subir de tels agissements de la part de [Y]. Si des problèmes professionnels ou personnels existent dans sa vie, il n’est absolument pas question que moi ou peut-être d’autres salariés ne les subissent à leur tour’.
En dehors d’une réunion organisée dans son bureau par M. [K], directeur d’agence, entre M. [L] et M. [D], évoquée par Mme [M] dans son attestation, l’employeur ne justifie pas de la suite qu’il a donnée à ce courrier de M. [L], lequel faisait état de ce que les carences de l’agent de maîtrise dégradaient ses conditions de travail. Or, il n’est pas contesté que [D] a été licencié postérieurement à la rupture du contrat de travail de M. [L], pour insuffisance professionnelle selon l’employeur, mesure qui ne peut être justifiée que par l’incidence de cette insuffisance sur le fonctionnement du service dont il avait la charge en tant qu’animateur, incidence qui s’est par conséquent poursuivie entre le courrier de M. [L] de novembre 2017 et sa prise d’acte de la rupture. Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est ainsi établi et constitue un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail de M. [L], d’autant que s’y est ajouté, peu avant la rupture du contrat de ce dernier, un dépassement pendant 3 semaines consécutives de la durée maximale hebdomadaire de travail, étant précisé que Mme [M] explique dans son attestation que du fait d’une mauvaise organisation de l’agence de [Localité 4] (manque de communication entre M. [K] et les deux animateurs de secteur entraînant des doublons dans les préparatifs et des tensions dans un contexte où l’agence doit répondre à des demandes de travaux ponctuels de clients)’certains chefs d’équipe, notamment M. [L], sont mis à contribution pour répondre aux besoins de certains clients ou pallier des absences de salariés sur certains sites en urgence’.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a dit que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par M.[L] était justifiée et qu’elle doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il doit également être confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement de l’indemnité de licenciement, ainsi que de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, dont les montants ne sont pas spécifiquement contestés, et en ce qu’il a ordonné la remise par l’employeur des documents de fin de contrat, sans que l’astreinte assortant la remise ne soit toutefois justifiée.
Les contrats de travail à durée déterminée à temps partiel du 11 au 15 septembre 2018 à hauteur de 13,50 heures par semaine et celui du 17 octobre 2018 au 17 novembre 2018 à hauteur de 1,50 heures par semaine que produit M. [L] ,qui se garde de verser aux débats le justificatif de ses revenus postérieurement à sa prise d’acte de rupture, ne rendent pas compte de la réalité de sa situation, dès lors qu’il ressort de l’attestation Pôle Emploi en date du 4 mars 2020 (sa pièce 28) que, ayant quitté au bout de 14 ans la société Aber Propreté Ouest, il a en mars 2020 une expérience de 16 ans dans le milieu du nettoyage, et que le dernier poste ocupé était animateur de secteur, soit le poste pour lequel sa candidature n’avait pas été retenue au sein de la Sas Bret Net.
Il s’est effectivement reconverti dans une autre activité, après avoir pu mobiliser son compte personnel de formation lui permettant de suivre une formation d’une durée de 8 mois.
En application de l’article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, M. [L] peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 12 mois de salaires.
En considération de son ancienneté et des quelques éléments qu’il produit pour justifier de son préjudice, il convient de condamner la société Bret Net à lui payer la somme de 8 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en infirmation du jugement sur le quantum retenu.
Il sera rappelé que les sommes à caractère salarial produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la décision les ordonnant.
Il est inéquitable de laisser à M. [L] ses frais irrépétibles d’appel qui seront mis à la charge de la société intimée à hauteur de 2000 euros en sus de la somme allouée à ce titre pour la procédure de première instance. La société Bret Net, qui succombe principalement, sera également condamnée aux dépens d’appel, et le jugement entrepris confirmé en ses dispositions sur ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné la SAS Bret Net à payer à M. [X] [L] la somme de 27 107,16 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a assorti d’une astreinte l’obligation de remise par l’employeur au salarié des documents de fin de contrat,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la SAS Bret Net à payer à M. [X] [L] la somme de 8 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit n’y avoir lieu à ordonner une astreinte pour la remise des documents de fin de contrat par l’employeur,
Rappelle que les sommes à caractère salarial produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la décision les ordonnant,
Condamne la SAS Bret Net à payer à M. [X] [L] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
Déboute la SAS Bret Net de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Bret Net aux dépens d’appel.
Le Greffier Le Président