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ARRÊT DU
08 Juillet 2022
N° 1246/22
N° RG 19/02011 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SUD4
FB/NB
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de [Localité 9]
en date du
06 Septembre 2019
(RG F17/00650)
GROSSE :
Aux avocats
le 08 Juillet 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [T] [J],
[Adresse 3] [Localité 4]
Syndicat NATIONAL DE L’ENCADREMENT DES SERVICES (SNES) CFE-CGC
Intervenant volontaire
[Adresse 7] [Localité 6]
représentés par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE :
SAS ADECCO FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Lionel HERSCOVICI, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Stéphane MEYER
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER
: CONSEILLER
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : Valérie DOIZE
DÉBATS :à l’audience publique du 21 Juin 2022
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 Juillet 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Frédéric BURNIER, conseiller et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 31 mai 2022
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [T] [J] a été engagé par la société Ecco, devenue Adecco France, pour une durée indéterminée à compter du 24 février 1989 en qualité d’attaché commercial.
Il exerce les fonctions de chargé de mission ’emploi et compétences’ au sein du réseau BTP.
Le 22 septembre 2004, Monsieur [J] a été désigné délégué syndical par le syndicat CFE-CGC.
Il a occupé par la suite d’autres mandats tels que ceux de délégué du personnel, membre du CHSCT, membre du comité d’établissement Nord et membre du comité central d’entreprise.
Depuis le 1er janvier 2020, Monsieur [J] n’occupe plus de mandats internes à l’entreprise et conserve deux mandats extérieurs (celui de conseiller du salarié et négociateur au niveau de la branche).
Le 21 juillet 2017, Monsieur [T] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Lille et formé des demandes afférentes à une discrimination syndicale, à une revalorisation de sa rémunération et à un préjudice moral.
Par jugement du 6 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Lille, retenant l’absence de discrimination syndicale, de harcèlement moral et d’inégalité de traitement, a débouté Monsieur [J] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement d’une indemnité pour frais de procédure au bénéfice de la société Adecco France d’un montant de 2 000 euros, ainsi qu’aux dépens.
Monsieur [T] [J] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11 octobre 2019, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 mai 2022, Monsieur [T] [J] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de:
– condamner la société Adecco France à lui payer les sommes suivantes :
-150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;
– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;
– ordonner que son salaire soit indexé à une somme de 70 000 euros annuels à compter du 1er janvier 2017;
– condamner la société Adecco France à lui payer les sommes suivantes :
– 16 780,00 euros au titre des frais de formation 2021/2023;
– 2 142,62 euros au titre de frais exposés et non remboursés par l’employeur;
– 5 000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, Monsieur [T] [J] expose que :
– il s’oppose à la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par l’intimée; la discrimination perdurant, le délai de prescription n’a pas commencé à courir;
– il a été mis à l’écart; son emploi a été vidé de tout contenu ; il n’est plus convoqué aux réunions de service; il réclame vainement la tenue d’entretiens individuels; son bureau a été transféré dans un appartement situé au dessus d’une agence avec laquelle il n’entretient aucun rapport; il n’a plus accès à l’intranet de l’entreprise;
– il n’a bénéficié d’aucune formation depuis 2014;
– il demeure sans activité et son bureau vide depuis la fin de ses mandats internes en décembre 2019;
– son supérieur fait systématiquement état de ses différents mandats dans le cadre des entretiens d’évaluation ;
– l’employeur l’a privé de toute évolution professionnelle et n’a pas maintenu son employabilité; il compare sa situation à celle de Monsieur [I] qui était son homologue sur l’Est de la France et qui a été promu manager de la prévention sécurité au niveau national;
– il n’a bénéficié d’aucune augmentation de salaire depuis 2004; son positionnement dans la grille de classification a été bloqué;
– il a été en arrêt maladie du 27 juillet au 21 décembre 2018;
– il a subi un préjudice distinct de la discrimination du fait d’un harcèlement moral qui a porté atteinte à sa dignité et à sa santé ;
– il demeure au niveau ‘T5 réseau’ alors que compte tenu de son ancienneté il devrait être classé au niveau ‘T6 siège’;
– l’employeur a refusé de prendre en charge sa formation en vue de l’obtention d’un Master 2 en Qualité Environnement Santé et Toxicologie;
– il a engagé des frais professionnels et en lien avec ses mandats représentatifs qui ne lui ont pas été remboursés.
Aux termes de ses conclusions en intervention volontaire, transmises par voie électronique le 22 novembre 2021, le Syndicat National de l’Encadrement des Services (SNES) CFE-CGC, soutenant que Monsieur [J] a fait l’objet d’une mise à l’écart injustifiée caractérisant une discrimination syndicale, demande la condamnation de la société Adecco France à lui payer les sommes de 5 000 euros en réparation du préjudice que le comportement de l’employeur a causé à l’intérêt collectif de la profession, et de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 mai 2022, la société Adecco France, demande à la cour de :
– déclarer irrecevable les demandes nouvelles formées par Monsieur [J] au titre des frais de formation et des frais exposés par celui-ci et non remboursés par l’employeur;
à titre subsidiaire, le débouter de ces demandes ;
– dire que les faits antérieurs au 9 novembre 2012 sont couverts par la prescription;
– confirmer le jugement et débouter l’appelant de l’ensemble de ses demandes;
– condamner Monsieur [J], solidairement avec le syndicat SNES CFE-CGC, au paiement d’une indemnité pour frais de procédure de 5 000 euros.
La société Adecco France fait valoir que :
– les demandes de prise en charge des frais de formation et des frais de déplacement formées en cause d’appel sont irrecevables car abusivement tardives et sans lien avec la demande principale relative à une discrimination syndicale ;
– les faits antérieurs au 9 novembre 2012 sont couverts par la prescription quinquennale applicable aux actions en réparation du préjudice résultant de la discrimination;
– Monsieur [J] bénéficie depuis 2008, compte tenu de ses nombreux mandats, d’heures de délégation à hauteur d’un temps plein ; il ne réalise donc plus les missions qui lui ont été confiées au titre de son contrat de travail;
– Monsieur [J] a pris l’initiative de mettre systématiquement en avant ses mandats lors des entretiens individuels de formation; à cette occasion, celui-ci n’a jamais fait état de difficultés rencontrées pour exercer ses mandats ; l’intéressé n’occupant pas son poste, son manager n’était pas en mesure de fixer des objectifs et de procéder à une évaluation ;
-Monsieur [J] ne se rend jamais sur son lieu de travail; l’impossibilité de se connecter à l’intranet résulte uniquement de son refus de réinitialiser son mot de passe (qui doit être modifié tous les 60 jours);
– Monsieur [J] ne démontre pas se trouver dans une situation identique à celle de Monsieur [I] et n’apporte aucun élément susceptible de déterminer son aptitude professionnelle à occuper le poste de ce dernier; l’appelant n’aurait pas été en mesure d’occuper ce poste à responsabilités tout en exerçant à temps plein ses divers mandats;
– l’appelant a été régulièrement augmenté après avoir obtenu ses mandats de représentation; il a, en outre, bénéficié de réévaluations de son salaire en application de l’accord d’entreprise du 23 mars 2017 portant sur le droit syndical ;
– l’entreprise a toujours répondu favorablement aux demandes de formation du salarié en lien avec ses missions; elle n’avait pas à faire droit à des demandes de formation concernant directement et exclusivement les mandats occupés;
– Monsieur [J], qui n’exerce plus aucun mandat interne depuis la fin de l’année 2019, continue à occuper de très nombreux mandats externes et à bénéficier d’un crédit d’heures de délégation à hauteur d’un temps plein; celui-ci n’a jamais répondu aux sollicitations de l’employeur qui lui a demandé de se soumettre à un bilan de compétences;
– l’appelant a sollicité en 2021 le financement d’une formation universitaire à hauteur de 17 000 euros; la société lui a proposé un entretien pour envisager différentes possibilités de formation en interne; il n’a pas répondu à cette proposition ;
– Monsieur [J] ne produit aucun élément concret manifestant une rupture de l’égalité de traitement en matière de rémunération ;
– l’appelant ne justifie pas des préjudices allégués ;
– la demande nouvelle au titre des frais de formation est dénuée de tout fondement; le salarié a décidé seul d’effectuer une formation qui ne relevait pas du programme arrêté par l’employeur;
– il n’est démontré aucun lien entre les justificatifs fournis au soutien de la demande de remboursement de frais de déplacement et l’exercice des mandats ; ces documents n’ont jamais été présentés pour paiement.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes nouvelles
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
L’article 910-4 du même code, dans sa version applicable en l’espèce, ajoute que, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En l’espèce, la société Adecco France demande à la cour de déclarer irrecevables deux demandes nouvelles présentées par Monsieur [J] en cause d’appel, formulées dans le cadre de ses quatrièmes et dernières conclusions transmises le 30 mai 2022.
La première demande concerne le financement d’une formation.
Il ressort des pièces versées au dossier que la demande de financement a été présentée à l’employeur et refusée en septembre 2021. La question soumise à la cour est donc née d’un fait survenu postérieurement au terme de la première instance et au dépôt des premières conclusions de l’appelant le 8 janvier 2020.
Cette demande nouvelle a pu être soumise au débat contradictoire.
Cette demande sera donc déclarée recevable.
La seconde demande vise le remboursement de frais engagés par le salarié entre le 1er septembre 2019 et le 10 mai 2022.
Seul le remboursement de frais engagés après le 8 janvier 2020 peut être regardé comme un fait survenu postérieurement au terme de la première instance et au dépôt des premières conclusions de l’appelant.
Cette demande nouvelle a pu être soumise au débat contradictoire.
La demande sera donc déclarée irrecevable concernant la période allant du 1er septembre 2019 au 8 janvier 2020, et recevable pour le surplus.
Sur la prescription
Aux termes de l’article L.1134-5 du code du travail, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.
En l’espèce, Monsieur [J] fait état d’une discrimination syndicale ayant débuté en 2004, dont les manifestations et les effets, non seulement, n’avaient pas cessé au moment de l’introduction de son action le 21 juillet 2017, mais aussi, se sont poursuivis depuis cette date.
Il fonde son action sur des faits qui n’ont pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription.
Il s’ensuit que son action n’est pas prescrite et que la fin de non recevoir tirée de la prétendue prescription des faits discriminatoires antérieurs au 9 novembre 2012 n’est pas fondée.
Sur l’allégation de discrimination
Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable au litige, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L’article L.1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l’espèce, les parties conviennent que Monsieur [J], qui a été embauché le 28 février 1989 en qualité d’attaché commercial et a ensuite progressé au sein de l’entreprise jusqu’à être nommé en septembre 2007, chargé de mission ’emploi et compétences’ au sein du réseau BTP, a été désigné, le 22 septembre 2004, délégué syndical par le syndicat CFE-CGC, qu’il a occupé par la suite d’autres mandats tels que ceux de délégué du personnel, membre du CHSCT, membre du comité d’établissement Nord et membre du comité central d’entreprise, qu’à compter de l’année 2008 l’exercice de ses différents mandats l’a mobilisé à temps plein, qu’il n’exerce plus aucun mandat représentatif interne depuis le 1er janvier 2020.
Monsieur [J] soutient que son employeur lui a réservé un traitement défavorable en considération de ses fonctions syndicales et représentatives. Il fait grief à la société Adecco France de l’avoir mis à l’écart, de ne pas lui avoir donné les moyens d’exécuter son contrat de travail, d’avoir pris en considération l’exercice de ses mandats lors des entretiens annuels d’évaluation, avant de cesser d’organiser de tels entretiens à compter de l’année 2016, de ne pas avoir maintenu son employabilité, d’avoir entravé son évolution professionnelle et de l’avoir privé de toute augmentation salariale, de maintenir cet ostracisme malgré l’abandon de tout mandat interne depuis la fin de l’année 2019.
La cour précise qu’elle ne retient pas au nombre de ces éléments, ceux dont la matérialité n’est pas suffisamment établie.
Ainsi, il n’est nullement démontré que Monsieur [J] se serait inscrit dans le processus ayant conduit à la nomination du directeur national de la prévention, en se portant candidat ou en manifestant son intérêt pour ce poste, de sorte qu’il apparaît vain d’analyser une procédure de sélection à laquelle l’intéressé n’a aucunement pris part, ni explicitement, ni même implicitement.
Par ailleurs, Monsieur [J] n’apporte aucun élément susceptible de matérialiser l’existence d’un biais dans son évolution de salaire.
En effet, Monsieur [J] soutient, dans un premier temps, qu’il a été privé de toute augmentation de salaire entre 2004 et 2016. Or, les bulletins de salaires épars qu’il produit font état d’un salaire moyen de 4792,16 euros sur les 11 premiers mois de l’année 2003 (avant la période d’engagement syndical) porté à 4851,65 euros sur les 11 premiers mois de l’année 2016.
Monsieur [J] conclut, dans un second temps, au caractère insatisfaisant de cette progression. Il ne produit toutefois aucun élément, notamment tiré de comparaisons avec d’autres salariés placés dans une situation comparable, laissant supposer que l’évolution constatée serait insuffisante, et donc possiblement discriminatoire.
Monsieur [J] souligne, enfin, l’absence de part variable alors que les bulletins de salaire portent mention d’avances sur commissionnement versées chaque mois et que plusieurs courriers échangés avec la direction font état de prime d’objectif et de prime de fin d’année.
Concernant la mise à l’écart, Monsieur [J] reproche à la société Adecco France de l’avoir installé dans un bureau isolé situé au dessus d’une agence sise [Adresse 11] à [Localité 8]. Un courrier du 22 novembre 2010 adressé par celui-ci à la direction des ressources humaines porte mention de son souhait de quitter ce local présenté comme ‘exclusivement réservé aux porteurs de mandat’ et d’intégrer les locaux de la direction régionale Grand Nord. Cette demande était motivée tant par la volonté de rejoindre une équipe dédiée au secteur du BTP nouvellement constituée que par celle d’être inséré dans la communauté de travail qu’il représentait en sa qualité de délégué du personnel et membre du comité d’établissement.
Par courrier du 14 novembre 2019, l’employeur a informé le salarié que son lieu de travail était déplacé au [Adresse 2] à [Localité 10]. Un constat d’huissier réalisé dans ce local le 5 octobre 2020 relève : ‘Je constate que la seule activité dédiée à Adecco dans cet immeuble est celle attribuée dans ce bureau (…) Je peux constater que celui-ci, hormis une chaise, une table, un téléphone et un copieur, est entièrement vide de toute occupation physique, autre que celle de Monsieur [J]. On peut voir que dans ce bureau aucun dossier n’est présent. Il est vide de toute occupation professionnelle. J’ai essayé de tester la ligne téléphonique en composant le numéro de ligne affiché avec mon téléphone portable. Il m’a été répondu que cette ligne est inconnue des services de l’opérateur téléphonique Orange. Monsieur [J] m’a présenté l’ordinateur portable qui lui avait été mis à disposition par la société Adecco (…) Un message ‘erreur réseau’ est apparu précisant qu’il est impossible de s’en servir. Ainsi, toute connexion sur cet ordinateur portable dédié est impossible.’
Par courrier du 8 février 2019, Monsieur [J] a relevé qu’il n’avait pas accès à l’intranet de l’entreprise, précisant que malgré une demande formulée le 19 décembre 2018, l’écran affichait la mention : ‘utilisateur inconnu’. Il a réitéré cette demande par courriers des 12 avril et 2 août 2019.
De plus, par courrier du 22 janvier 2018, Monsieur [J] s’est plaint de ne pas avoir été invité à une réunion regroupant l’ensemble des cadres de la société Adecco France consacrée à la présentation des objectifs et de la stratégie de l’entreprise pour l’année 2018. L’année suivante, l’intéressé a constaté, par courrier du 8 février 2019, qu’il n’avait pas été convoqué à la réunion de lancement de l’année 2019 regroupant l’ensemble des cadres de la direction opérationnelle Nord.
Par ailleurs, Monsieur [J] produit des comptes rendus d’entretiens annuels d’évaluation réalisés les 18 avril 2006, 12 avril 2010 (2009/2010), 16 mars 2011 (2010/2011), 22 mars 2012 (2011/2012), 25 mars 2014 (2013/2014) et 9 février 2015 (2014/2015), dont il ressort que :
– l’exercice des mandats a été systématiquement abordé par le salarié comme par son manager;
– dès 2006, le manager a relevé : ‘attention, certains interlocuteurs ne savent pas toujours si le positionnement de [T], sur certains dossiers, est lié à ses mandats ou à sa mission’; Monsieur [J] a noté en conclusion de l’entretien : ‘cet entretien a porté pour une part très importante sur mes mandats syndicats et mes responsabilités au sein des instances représentatives du personnel. Je le déplore car je m’attendais à un entretien professionnel (…) Bien au contraire, j’ai été confronté à une vision unilatérale de mon action avec beaucoup de doutes émis par [U] sur ma capacité à assurer ma mission (…) Quant à mon positionnement dans l’entreprise, il est très clair pour tous les collaborateurs que je cotoie et qui sont très à l’aise à mon contact’;
– dans le cadre des entretiens couvrant les années 2009/2010, 2010/2011, 2011/2012, aucun objectif n’a été fixé ou fait l’objet d’une évaluation, les comportements professionnels n’ont pas été évalués, au motif que l’intéressé était impliqué à 100% dans l’exercice de ses mandats;
– au cours des entretiens couvrant les années 2013/2014 puis 2014/2015 des objectifs ayant directement trait aux mandats exercés ont été fixés puis évalués.
Monsieur [J] déclare qu’aucun entretien annuel d’évaluation n’a été organisé par la suite. Les parties ne versent au dossier aucun compte rendu d’entretien annuel d’évaluation postérieur à celui du 9 février 2015.
A l’occasion de chacun de ces entretiens, Monsieur [J] a insisté sur le nécessaire maintien de son employabilité. Il a notamment demandé à être convié au réunions opérationnelles et à pouvoir bénéficier de formations permettant de faire évoluer ses acquis professionnels. Monsieur [J] a également sollicité une validation des acquis de son expérience syndicale en matière de relations sociales.
Monsieur [J] fait grief à l’employeur de ne pas lui avoir dispensé de formations permettant de maintenir ses compétences sur son poste de chargé de mission ’emploi et compétences’ au sein du réseau BTP.
La lecture des rubriques de ces compte-rendus d’entretien consacrées aux formations réalisées confirme ce défaut de formations en lien direct avec les problématiques de sécurité et santé au travail.
De plus, la demande formulée par la société Adecco France à l’occasion de l’entretien de fin de mandat en janvier 2020 visant à soumettre Monsieur [J] à un bilan de compétences, compte tenu du nombre d’années écoulées sans fonctions opérationnelles, laisse supposer que l’employeur n’avait pas jusqu’alors assuré le maintien des compétences du salarié afin de permettre à ce dernier de reprendre effectivement son poste de travail.
Enfin, Monsieur [J] souligne qu’il demeure sans missions effectives et mis à l’écart alors qu’il n’exerce plus aucun mandat interne depuis le 1er janvier 2020 et que ses mandats externes (conseiller du salarié et négociateur au niveau de la branche) ne l’occupent plus à temps plein.
Il est établi par la production de courriers échangés que le salarié a demandé à plusieurs reprises, à compter de l’entretien de fin de mandat du 12 février 2020, à assurer son emploi de chargé de mission ou à effectuer toute mission en lien avec ses compétences. Depuis cette date, la société Adecco France exige que l’intéressé réalise un bilan de compétences et fournisse la liste de ses mandats externes. Aucun document n’indique que l’employeur aurait, depuis cette date, défini les tâches confiées au salarié ou lui aurait fixé des objectifs. Le constat d’huissier susvisé témoigne d’un lieu de travail isolé et dénué de toute trace d’activité professionnelles. Les parties conviennent que Monsieur [J] continuent à bénéficier d’un crédit d’heures de délégation à hauteur d’un temps sans qu’il lui soit demandé de remettre des bons de délégation.
Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination en lien avec l’activité syndicale et l’exercice des mandats représentatifs de Monsieur [J].
Pour sa part, la société Adecco France explique le choix des lieux de travail en indiquant que Monsieur [J], en raison de ses différents mandats, ne s’y rendait jamais.
Cette décision d’affectation des locaux est donc expressément et uniquement liée à l’exercice des mandats du salarié.
Le volume d’heures de délégation ne saurait constituer un motif objectif étranger à toute discrimination. En effet, cette mesure avait pour effet de mettre le salarié à l’écart du collectif de travail qu’il avait pour mission de représenter. Elle était, en outre, de nature à entraver l’exécution des tâches liées au contrat de travail, en coupant le salarié de toute interaction professionnelle, dans les cas où l’intéressé se serait trouvé dans la situation de ne pas utiliser la totalité des heures de délégation auxquelles il pouvait prétendre, ou aurait vu le nombre de ces heures significativement réduit (situation dans laquelle il se trouve depuis le début de l’année 2020).
L’intimée ne justifie pas l’absence de ligne téléphonique et la mise à disposition d’un ordinateur portable inutilisable constatées par huissier de justice.
Le défaut d’accès à l’intranet faute de respect d’une simple procédure de changement de mot de passe ne saurait convaincre alors que Monsieur [J] a effectué plusieurs demandes pour obtenir cette connexion après avoir relevé que le système ignorait son existence et lui renvoyait un message : ‘utilisateur inconnu’.
L’intimée ne fait pas connaître les raisons qui se sont opposées à l’invitation de Monsieur [J] aux réunions regroupant l’ensemble des cadres en début d’années 2018 et 2019.
Si le salarié a, lors des entretiens d’évaluation susvisés, convenu de la difficulté de fixer des objectifs et d’en évaluer la réalisation puisqu’il indiquait se consacrer intégralement à l’exercice de ses différents mandats, la société Adecco France ne justifie aucunement l’absence de tout entretien annuel d’évaluation depuis 2016.
De plus, l’employeur n’étaye pas la critique de positionnement équivoque, entre exécution du contrat de travail et engagement syndical, adressée au salarié en 2006.
S’il apparaît à la lecture des comptes rendus d’entretien d’évaluation versés au dossier que Monsieur [J] n’a formalisé, jusqu’en 2015, que des demandes de formation essentiellement en lien avec l’exercice de ses mandats, l’employeur ne peut utilement en tirer argument pour faire valoir qu’il a rempli son obligation de formation et de maintien de l’employabilité de l’intéressé. En effet, La liste des formations suivies par Monsieur [J], fournie par l’intimée, montre que la dernière dispensée remonte au 3 janvier 2015. Surtout, en l’absence de tout entretien d’évaluation à compter de l’année 2016, l’employeur s’est privé de la possibilité de recueillir les besoins de formation du salarié, de faire le point sur ses souhaits d’évolution professionnelle, voire d’anticiper sa reprise opérationnelle.
Enfin, la société Adecco France ne justifie pas son refus de fournir du travail à Monsieur [J] depuis que celui-ci n’exerce plus ses mandats à hauteur d’un temps plein.
Alors que l’exécution du contrat de travail liant les parties doit primer, l’employeur, qui n’ignore pas que l’intéressé n’est plus titulaire de mandats internes, maintient celui-ci sans activité, malgré ses sollicitations réitérées, et le considère toujours en délégation à hauteur d’un temps plein sans exiger le moindre justificatif. Pour s’opposer à la reprise du travail depuis le mois de janvier 2020, l’employeur présume, sans en apporter la moindre preuve (et en se référant à des déclarations du salarié faites lors d’entretiens d’évaluation dont le plus récent date du 9 février 2015), que le salarié continue à occuper différents mandats externes qui l’occuperaient à temps plein. Il impose comme préalable à la reprise la communication par l’intéressé de tous ses mandats externes alors que seule l’utilisation de bons de délégation peut être exigée lorsque le salarié souhaite quitter son poste pour l’exercice d’un mandat ouvrant droit à absence.
En outre, l’employeur ne peut subordonner la reprise effective des missions découlant du contrat de travail à la réalisation d’un bilan de compétences alors que le défaut de maintien de l’employabilité du salarié et de préparation du retour de celui-ci à son poste de travail, provient, pour l’essentiel, de ses propres carences en matière d’organisation des entretiens annuels et d’intégration de l’intéressé aux réunions opérationnelles pouvant relever de sa compétence.
Il résulte de l’ensemble de ces considérations que la société Adecco France échoue à prouver que les faits, matériellement établis par Monsieur [J] et laissant supposer l’existence d’une discrimination, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Par infirmation du jugement entrepris, la cour retient que la discrimination est ainsi établie et qu’elle ouvre droit à une réparation qui sera évaluée, compte tenu du statut du salarié, de l’inscription des faits dans la durée et de leur persistance, à la somme de 40 000 euros.
Sur l’allégation de harcèlement moral
Aux termes de l’article L.1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément aux dispositions de l’article L.1154-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable au litige, il appartient au salarié d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.
En l’espèce, Monsieur [J] estime que les mêmes faits que ceux précédemment étudiés laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.
La mise à l’écart durable du collectif de travail, l’absence d’entretiens d’évaluation et de formations pendant plusieurs années, le refus de fournir un travail conforme au contrat de travail et de mettre à disposition un bureau et un équipement de travail adéquats ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, notamment en compromettant son avenir professionnel.
Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
L’employeur, qui n’a pas été en mesure de démontrer que les décisions susvisées étaient fondées sur des considérations objectives, ne justifie pas que celles-ci reposent sur des éléments étrangers à tout harcèlement.
En conséquence, il y a lieu de retenir, par infirmation du jugement déféré, que Monsieur [J] a subi des agissements de harcèlement moral.
Le préjudice résultant du harcèlement moral, distinct de celui causé par la discrimination, est constitué par l’atteinte portée à la dignité du salarié.
Compte tenu de l’inscription des faits dans la durée et de leur persistance, il convient d’évaluer à la somme de 5 000 euros le préjudice causé par ce harcèlement moral.
Sur la demande en indexation du salaire
Indépendamment de ses demandes fondées sur un moyen tiré de la discrimination, Monsieur [J] demande que son salaire annuel soit fixé à compter du 1er janvier 2017 à une somme de 70 000 euros.
Il se réfère au statut de responsable régional candidats et intérimaires classé ‘T6 réseau’ ou au positionnement ‘T6 siège’ sans apporter le moindre élément permettant, d’une part, de déterminer les conditions requises pour obtenir un tel classement, et d’autre part, de vérifier que son emploi répond aux critères ainsi fixés.
Il argue également d’une ancienneté importante au même niveau ‘T5 réseau’ mais ne présente aucun élément, notamment tiré de comparaisons avec d’autres salariés placés dans une situation comparable, laissant présumer l’existence d’une situation irrégulière ou d’une atteinte au principe d’égalité de traitement.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [J] de sa demande à ce titre.
Sur la demande de remboursement de frais de formation
Monsieur [J] demande le remboursement de frais d’inscription à un Master 2 en Qualité Environnement Santé et Toxicologie au sein de la Faculté d’Ingénierie et de Management en Santé de [Localité 8], qu’il a engagés en décembre 2021.
Il ne fonde sa demande sur aucun moyen de droit.
L’appelant ne justifie pas avoir tenté de mobiliser son compte personnel de formation ou tout autre dispositif de formation professionnelle. Il n’a pas répondu à la proposition de l’employeur l’invitant à rechercher parmi les formations proposées en interne.
Il n’établit pas suffisamment le lien entre cette formation longue et les nécessités de son poste de travail.
Cette demande, insuffisamment fondée, sera donc rejetée.
Sur le remboursement de frais de déplacements
La cour a estimé que seule est recevable la demande nouvelle visant le remboursement de frais de déplacements engagés par le salarié depuis le 8 janvier 2020.
Sur cette période, seuls les frais engagés pour se rendre à Villeurbane le 22 janvier 2020 afin de participer à l’entretien de fin de mandat apparaissent justifiés.
Aucun lien n’est établi entre les autres frais intitulés ‘carburant’ et l’activité professionnelle de Monsieur [J], qui n’exerce plus de mandats internes à l’entreprise depuis le début du mois de janvier 2020 et qui fait grief à son employeur de n’avoir aucune mission à réaliser.
La société Adecco France ne peut utilement tirer argument du fait que ces frais ne lui ont pas été présentés pour paiement alors qu’il apparaît à la lecture de courriers échangés depuis le mois de février 2019 que le salarié n’a plus accès à intranet et au logiciel de remboursement des frais professionnels.
En conséquence, la société Adecco France sera condamnée à rembourser à Monsieur [J] la somme de 18,52 euros au titre du remboursement de frais professionnels.
Sur la demande présentée par le Syndicat National de l’Encadrement des Services
Selon l’article L2132-3, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
Les mesures discriminatoires retenues par la cour porte atteinte au libre exercice du droit syndical au sein de l’entreprise et de la branche ainsi qu’à l’intérêt collectif de la profession.
En conséquence, il sera alloué au Syndicat National de l’Encadrement des Services la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts au titre de l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
Sur les autres demandes
Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Adecco France à payer les sommes de 3 000 euros à Monsieur [J] et de 500 euros au Syndicat National de l’Encadrement des Services à titre d’indemnités destinées à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’ils ont dû engager pour assurer la défense de leurs intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription des faits antérieurs au 9 novembre 2012,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [T] [J] de sa demande d’indexation de son salaire,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les points infirmés :
Condamne la SAS Adecco France à payer à Monsieur [T] [J] les sommes de :
– 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
Y ajoutant :
Déclare recevable la demande de Monsieur [T] [J] aux fins de remboursement de frais de formation,
Déboute Monsieur [T] [J] de sa demande de remboursement de frais de formation,
Déclare irrecevable la demande de Monsieur [T] [J] aux fins de remboursement de frais de déplacements engagés avant le 8 janvier 2020,
Déclare recevable la demande de Monsieur [T] [J] aux fins de remboursement de frais de déplacements engagés depuis le 8 janvier 2020,
Condamne la SAS Adecco France à payer à Monsieur [T] [J] la somme de 18,52 euros à titre de remboursement de frais de déplacements,
Déclare recevable l’intervention volontaire du Syndicat National de l’Encadrement des Services,
Condamne la SAS Adecco France à payer au Syndicat National de l’Encadrement des Services la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession,
Condamne la SAS Adecco France à payer à Monsieur [T] [J] la somme de 3 000 euros application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Adecco France à payer au Syndicat National de l’Encadrement des Services la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS Adecco France de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Adecco France aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier,
Nadine BERLY
Pour le président empêché,
Frédéric BURNIER, conseiller