Compte personnel de formation : 7 juin 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 19/02375

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Compte personnel de formation : 7 juin 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 19/02375
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07 JUIN 2022

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 19/02375 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FK2C

[D] [R]

/

S.A.S. SOCIETE NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE

Arrêt rendu ce SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [D] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Aliénor GAUME, avocat suppléant Me Isabelle VERDEAUX-KERNEIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

S.A.S. SOCIETE NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Anaïs MASDUPUY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Monsieur RUIN, Président et Mme VICARD, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l’audience publique du 04 avril 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [D] [R] a été embauchée par la laiterie TOURY, devenue la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE, sans contrat de travail, à compter du 1er août 2006, sous le régime du contrat à durée indéterminée.

Au dernier état des relations contractuelles, Madame [R] occupait le poste d`employée de conditionnement.

Le 10 septembre 2018, Madame [R] a reçu une convocation à un entretien préalable, lequel a été suivi d’un licenciement pour faute grave, notifié le 26 septembre 2018.

Le 7 décembre 2018, par requête expédiée en recommandé, Madame [R] a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et également abusif, outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 23 janvier 2019 et, comme suite au constat de l’absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 10 décembre 2018), l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 28 novembre 2019 (audience du 12 septembre 2019), le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :

– dit et jugé les demandes de Madame [R] recevables et en partie fondées ;

– dit et jugé que son licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse et non pour une faute grave ;

– condamné en conséquence, la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE prise en la personne de son représentant légal, a payer et porter a Madame [R] les sommes de :

* 6 055,30 euros à titre d`indemnité de licenciement ;

* 3 970,38 euros à titre d`indemnité de préavis ;

* 397,03 euros à titre de congés payés sur préavis ;

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour déloyauté de l’employeur ;

* 1 000 euros au titre de l”article 700 du code de procédure civile ;

– débouté Madame [R] de ses autres demandes ;

– débouté 1a SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE de ses demandes et la condamne aux entiers dépens.

Le 20 décembre 2019, Madame [R] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 3 décembre 2019.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 5 mars 2022 par Madame [R],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 3 novembre 2020 par la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 7 mars 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Madame [R] demande à la cour de :

– juger Madame [R] recevable et bien fondée en son action ;

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes, en ce qu’il a jugé que le licenciement de Madame [R] n’était pas fondé sur une faute grave ;

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes, en ce qu’il a condamné la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer et porter à Madame [R] la somme de 3970,38 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes, en ce qu’il a condamné la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer et porter à Madame [R] la somme de 397,03 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis ;

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes, en ce qu’il a condamné la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer et porter à Madame [R] la somme de la somme de 6.055,30 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

– l’infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

– juger que le licenciement de Madame [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et également abusif ;

– condamner la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer et porter à Madame [R] la somme de 5000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation au poste de travail ;

– condamner la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer et porter à [R] la somme de 21 837,09 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer et porter à [R] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires pour licenciement abusif ;

– condamner la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer et porter à Madame [R] la somme de 5000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté contractuelle ;

– juger que les condamnations interviendront en deniers ou quittances, compte tenu des sommes déjà versées par l’employeur ;

– indiquer le salaire de référence en application de l’article R.1454-28 du code du travail ;

– ordonner le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé ;

– ordonner à la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE de transmettre à Madame [R] les bulletins de salaire rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 5ème jour suivant la notification de la décision à intervenir ;

– condamner la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer et porter à Madame [R] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Madame [R] expose tout d’abord qu’aucune faute ne peut lui être reprochée dans la mesure où l’employeur ne verse strictement aucun élément attestant qu’elle se serait vue refuser des congés sur les semaines 32, 33 et 34, et aurait convenu avec son supérieur d’un départ sur les semaines 31, 32 et 33.

Sur les faits du 6 août 2018, elle fait valoir que ceux-ci ne lui sont pas personnellement imputables. Elle conteste avoir proféré quelque menace que ce soit et affirme n’être pas intervenue dans l’échange entre Monsieur [M] et son compagnon, Monsieur [H]. Elle indique verser aux débats une attestation qui confirme le fait qu’elle n’est pas intervenue dans l’échange et elle ajoute que les éléments rapportés par l’employeur ne sont en aucun cas probants. Elle ajoute qu’en toutes hypothèses, les propos litigieux tenus par Monsieur [H] ne sauraient être qualifiés de menaces. En effet, elle affirme que celui-ci s’est contenté de prévenir Monsieur [M] qu’il envisageait de saisir l’inspection du travail, ce qui ne constitue ni une menace ni une intimidation. En outre, elle précise que suite à cet échange, l’employeur n’a notifié aucune mise à pied conservatoire à son encontre et a engagé la procédure de licenciement de manière tardive. Dès lors, elle affirme démontrer que son maintien dans l’entreprise n’avait rien d’impossible.

Elle ajoute n’avoir commis aucun manquement avéré à ses obligations contractuelles. Elle argue que le fait d’avoir été présente sur le parking de l’entreprise à 4h30 du matin ne saurait être constitutif d’une faute, d’autant plus qu’elle était tenue de s’y rendre à cette heure-là puisqu’elle prenait son poste à 5 heures, ce dont l’employeur justifie lui-même. Elle conclut que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle indique ensuite que la déclaration de Monsieur [M] du 10 septembre 2018 démontre que la décision de la licencier était déjà prise avant la tenue de l’entretien préalable. Dès lors, la procédure de licenciement s’en trouve totalement viciée. Elle ajoute que la motivation du licenciement par l’employeur est sans motifs objectifs, précis et matériellement vérifiables. Elle conclut ainsi que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sur le deuxième grief, Madame [R] soutient qu’il ne saurait justifier un licenciement pour faute grave, dès lors que plusieurs attestations de salariés rapportent qu’une tolérance relative au port de bijoux existait dans l’établissement. En outre, elle précise que le règlement intérieur n’interdit pas le port de bijoux et que l’employeur ne rapporte pas la preuve que l’interdiction dont il se prévaut ait été portée à la connaissance de la salariée.

Elle déduit de tous ces éléments que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car aucune faute n’est caractérisée.

Madame [R] sollicite le versement d’une indemnité au titre du manquement de l’employeur à son obligation de formation. Elle affirme que les actions de formations et d’adaptations au poste de travail rapportées par l’employeur sont totalement dérisoires et démontrent ledit manquement.

Madame [R] sollicite ensuite les conséquences indemnitaires de son licenciement abusif. Elle affirme, au soutien de sa demande, que les griefs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement sont totalement artificiels et que, dès lors, l’abus dans l’exercice du droit de licencier est établi. Elle ajoute qu’il est démontré que l’employeur a fait preuve d’une totale mauvaise foi dans la mise en ‘uvre de ce licenciement pour faute grave.

Elle sollicite en outre le versement d’une indemnité au titre de la déloyauté de l’employeur après la rupture du contrat. Elle avance que l’employeur l’a privée de son emploi et a aussi imaginé de diffuser, dans toute l’entreprise, des propos dénigrants à son sujet, lui causant un préjudice certain.

Elle sollicite enfin la condamnation de l’employeur au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE demande à la cour de :

A titre principal :

– infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a jugé que le licenciement de Madame [R] ne reposait pas sur une faute grave ;

En conséquence,

– dire et juger que le licenciement pour faute grave de Madame [R] est justifié ;

– infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a alloué à Madame [R] des dommages et intérêts pour déloyauté de l’employeur ;

En conséquence,

– dire et juger que Madame [R] ne démontre aucun manquement à l’obligation de loyauté contractuelle ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [R] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’absence de formations professionnelles ;

En conséquence,

– dire et juger que Madame [R] a bénéficié de nombreuses formations professionnelles dans l’entreprise ;

En conséquence,

– débouter Madame [R] de la totalité de ses demandes ;

– dire et juger que l’article 1780 du Code Civil est inapplicable à un contentieux devant le Conseil de Prud’hommes ;

– débouter Madame [R] de sa demande à hauteur de 15 000 euros de dommages et intérêts complémentaires ;

– condamner Madame [R] à payer à la société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

Sur l’indemnité de licenciement :

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a retenu une ancienneté de 11 ans et 10 mois ;

– dire et juger que le calcul de Madame [R] pour l’indemnité de licenciement est erroné ;

– dire et juger Madame [R] n’a pas tenu compte de ses périodes d’arrêt de maladie non professionnelle ;

– dire et juger qu’il ne pourrait pas être alloué à Madame [R] une somme supérieure à 6 055,30 euros ;

Sur le licenciement :

– dire et juger que Madame [R] ne justifie pas d’un préjudice pouvant justifier le versement de onze mois de salaires.

La SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE soutient, sur les demandes de congés de Madame [R], que la demande initiale de celle-ci portait bien sur les semaines 32, 33 et 34. Elle fait valoir que les dates de congé de Madame [R] n’ont pas été modifiées le 3 août 2018, soit moins d’un mois avant la date de départ en congé, contrairement à ce qui est soutenu. Elle souligne verser aux débats des attestations qui confirment que la salariée avait connaissance de ses semaines de vacances estivales dès leur affichage, et non le 3 août, qui est simplement la date à laquelle elle s’est aperçue que cela ne correspondait pas avec ses souhaits. Par conséquent, elle expose n’être pas à l’origine d’une modification tardive et avoir bien respecté ses obligations d’information sur l’ordre et les dates de départ en congés payés.

Elle affirme ensuite que Madame [R] a commis une faute grave en menaçant Monsieur [M] sur le parking de l’entreprise. Elle indique que la salariée a, de manière intentionnelle, agressé Monsieur [M] avec son compagnon, à 4h du matin, soit une heure avant sa prise de poste, connaissant l’heure d’arrivée de celui-ci.

Elle souligne que la salariée a reconnu, lors de l’entretien préalable du 21 septembre 2018, avoir tenu des propos menaçants de concert avec son compagnon. Elle soutient que l’attestation de Monsieur [E], produite par la salariée, où celui-ci affirme que Madame [R] n’a pas parlé lors de l’échange du 6 août 2018, est irrecevable car non conforme aux articles 202 et suivants du code de procédure civile.

S’agissant de l’argumentation selon laquelle l’employeur aurait tardé à procéder au licenciement pour faute grave de Madame [R], elle argue qu’il ne peut rien lui être reproché puisqu’elle dispose d’un délai de deux mois en matière disciplinaire pour engager une procédure.

Elle conclut que les faits sont avérés et que Madame [R] ne peut pas nier s’être présentée en avance sur le parking de la société pour prendre à partie son responsable. Dès lors, ces faits sont inacceptables et justifient le licenciement pour faute grave.

Sur le port de bijoux et piercings par Madame [R], elle fait valoir qu’à l’entrée de la salle de conditionnement étaient affichées les consignes d’hygiènes et les interdictions. Elle précise verser aux débats les photos de l’affichage à l’entrée de la salle de conditionnement qui démontrent le fait que la salariée avait connaissance de l’interdiction. Elle ajoute que les salariés de l’entreprise attestent que le port de bijoux était interdit. Elle indique que le règlement intérieur prévoit que le personnel est tenu de respecter les consignes en matière d’hygiène et de sécurité. La lettre de licenciement rappelle que même non datés, plusieurs rappels de son supérieur hiérarchique ont été fait à Madame [R], qui a continué à se présenter de manière réitérée à son poste de travail munie de ses bijoux. Elle conclut que ce non-respect répété des consignes d’hygiène par la salariée justifie largement son licenciement pour faute grave.

Sur la procédure de licenciement, elle fait valoir qu’elle a engagé ladite procédure dans les délais. Elle ajoute qu’une mise à pied conservatoire n’était pas utile, puisque la salariée n’était pas dans l’entreprise. Elle était en congés payés au cours de cette période.

Aussi, dans la mesure où la salariée n’était pas présente dans l’entreprise, et où l’employeur a engagé la procédure de licenciement un mois après les faits, la procédure est parfaitement valable et le licenciement pour faute grave justifié.

Par ailleurs, elle soutient qu’il est parfaitement faux d’indiquer que la décision de licencier Madame [R] aurait déjà été prise avant la tenue de l’entretien préalable. En effet, elle expose que si Monsieur [M] a indiqué au service de gendarmerie qu’une sanction allait être prise contre Madame [R], cela ne signifie aucunement qu’une procédure de licenciement était envisagée puisqu’il existe d’autres sanctions que le licenciement. Elle conclut ainsi qu’il n’est donc aucunement démontré qu’à la date du 10 septembre 2018, l’employeur avait déjà pris la décision de licencier Madame [R].

Sur la demande de Madame [R] au titre de la formation professionnelle, elle indique verser une liste des formations suivies par la salariée. Dès lors, elle soutient que Madame [R] est de mauvaise foi et a bien bénéficié de nombreuses formations professionnelles.

Sur la demande de Madame [R] au titre de la déloyauté de l’employeur, elle fait valoir que la salariée ne rapporte aucune preuve d’un préjudice.

A titre subsidiaire, et sur l’indemnité de licenciement, elle demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a retenu une ancienneté de 11 ans et 10 mois pour le calcul de l’indemnité de licenciement. Elle précise que l’ancienneté prise en compte par la salariée dans ses écritures est erronée.

Elle ajoute que si la cour devait considérer que le licenciement de Madame [R] était sans cause réelle et sérieuse, il ne pourrait lui être alloué qu’une indemnité de licenciement prévue entre 3 et 11 mois de salaire selon le barème issu de la loi MACRON, barème validé par un avis de la Cour de cassation du 17 juillet 2019.

Sur le licenciement abusif allégué par la salariée, elle soutient que Madame [R] ne fait état d’aucun préjudice particulier et que l’argumentation selon laquelle l’article 1780 du code civil viendrait compléter le barème MACRON n’est pas sérieuse.

Elle sollicite enfin la condamnation de Madame [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

– Sur la rupture du contrat de travail –

Si l’employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu’il considère comme fautif, il doit s’agir d’un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l’employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée.

Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat de travail.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis.

Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il invoque. Le doute doit profiter au salarié.

En cas de faute grave, la mise en ouvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d’une telle mesure n’est pas obligatoire.

Madame [R] expose tout d’abord qu’aucune faute ne peut lui être reprochée dans la mesure où l’employeur ne verse strictement aucun élément attestant qu’elle se serait vue refuser des congés sur les semaines 32, 33 et 34, et aurait convenu avec son supérieur d’un départ sur les semaines 31, 32 et 33.

Sur les faits du 6 août 2018, elle fait valoir que ceux-ci ne lui sont pas personnellement imputables. Elle conteste avoir proféré quelque menace que ce soit et affirme n’être pas intervenue dans l’échange entre Monsieur [M] et son compagnon, Monsieur [H]. Elle indique verser aux débats une attestation qui confirme le fait qu’elle n’est pas intervenue dans l’échange et elle ajoute que les éléments rapportés par l’employeur ne sont en aucun cas probants. Elle estime qu’en toutes hypothèses, les propos litigieux tenus par Monsieur [H] ne sauraient être qualifiés de menaces. En effet, elle affirme que celui-ci s’est contenté de prévenir Monsieur [M] qu’il envisageait de saisir l’inspection du travail, ce qui ne constitue ni une menace ni une intimidation. En outre, elle précise que suite à cet échange, l’employeur n’a notifié aucune mise à pied conservatoire à son encontre et a engagé la procédure de licenciement de manière tardive. Dès lors, elle affirme démontrer que son maintien dans l’entreprise n’avait rien d’impossible.

Elle ajoute n’avoir commis aucun manquement avéré à ses obligations contractuelles. Elle argue que le fait d’avoir été présente sur le parking de l’entreprise à 4h30 du matin ne saurait être constitutif d’une faute, d’autant plus qu’elle était tenue de s’y rendre à cette heure-là puisqu’elle prenait son poste à 5 heures, ce dont l’employeur justifie lui-même. Elle conclut que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle indique ensuite que la déclaration de Monsieur [M] du 10 septembre 2018 démontre que la décision de licencier était déjà prise avant la tenue de l’entretien préalable. Dès lors, la procédure de licenciement s’en trouve totalement viciée. Elle ajoute que la motivation du licenciement par l’employeur est sans motifs objectifs, précis et matériellement vérifiables. Elle conclut ainsi que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sur le deuxième grief, Madame [R] soutient qu’il ne saurait justifier un licenciement pour faute grave, dès lors que plusieurs attestations de salariés rapportent qu’une tolérance relative au port de bijoux existait dans l’établissement. En outre, elle précise que le règlement intérieur n’interdit pas le port de bijoux et que l’employeur ne rapporte pas la preuve que l’interdiction dont il se prévaut ait été portée à la connaissance de la salariée.

Elle déduit de tous ces éléments que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car aucune faute n’est caractérisée.

La société SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE soutient, sur les demandes de congés de Madame [R], que la demande initiale de celle-ci portait bien sur les semaines 32, 33 et 34. Elle fait valoir que les dates de congé de Madame [R] n’ont pas été modifiées le 3 août 2018, soit moins d’un mois avant la date de départ en congé, contrairement à ce qui est soutenu. Elle souligne verser aux débats des attestations qui confirment que la salariée avait connaissance de ses semaines de vacances estivales dès leur affichage, et non le 3 août, qui est simplement la date à laquelle elle s’est aperçue que cela ne correspondait pas avec ses souhaits. Par conséquent, elle expose n’être pas à l’origine d’une modification tardive et avoir bien respecté ses obligations d’information sur l’ordre et les dates de départ en congés payés.

Elle affirme ensuite que Madame [R] a commis une faute grave en menaçant Monsieur [M] sur le parking de l’entreprise. Elle indique que la salariée a, de manière intentionnelle, agressé Monsieur [M] avec son compagnon, à 4h du matin, soit une heure avant sa prise de poste, connaissant l’heure d’arrivée de celui-ci.

Elle souligne que la salariée a reconnu, lors de l’entretien préalable du 21 septembre 2018, avoir tenu des propos menaçants de concert avec son compagnon. Elle soutient que l’attestation de Monsieur [E], produite par la salariée, où celui-ci affirme que Madame [R] n’a pas parlé lors de l’échange du 6 août 2018, est irrecevable car non conforme aux articles 202 et suivants du code de procédure civile.

S’agissant de l’argumentation selon laquelle l’employeur aurait tardé à procéder au licenciement pour faute grave de Madame [R], elle argue qu’il ne peut rien lui être reproché puisqu’elle dispose d’un délai de deux mois en matière disciplinaire pour engager une procédure.

Elle conclut que les faits sont avérés et que Madame [R] ne peut pas nier s’être présentée en avance sur le parking de la société pour prendre à partie son responsable. Dès lors, ces faits sont inacceptables et justifient le licenciement pour faute grave.

Sur le port de bijoux et piercings par Madame [R], elle fait valoir qu’à l’entrée de la salle de conditionnement étaient affichées les consignes d’hygiènes et les interdictions. Elle précise verser aux débats les photos de l’affichage à l’entrée de la salle de conditionnement qui démontrent le fait que la salariée avait connaissance de l’interdiction. Elle ajoute que les salariés de l’entreprise attestent que le port de bijoux était interdit. Elle indique que le règlement intérieur prévoit que le personnel est tenu de respecter les consignes en matière d’hygiène et de sécurité. La lettre de licenciement rappelle que même non datés, plusieurs rappels de son supérieur hiérarchique ont été fait à Madame [R], qui a continué à se présenter de manière réitérée à son poste de travail munie de ses bijoux. Elle conclut que ce non-respect répété des consignes d’hygiène par la salariée justifie largement son licenciement pour faute grave.

Sur la procédure de licenciement, elle fait valoir qu’elle a engagé ladite procédure dans les délais. Elle ajoute qu’une mise à pied conservatoire n’était pas utile, puisque la salariée n’était pas dans l’entreprise. Elle était en congés payés au cours de cette période.

Aussi, dans la mesure où la salariée n’était pas présente dans l’entreprise, et où l’employeur a engagé la procédure de licenciement un mois après les faits, la procédure est parfaitement valable et le licenciement pour faute grave justifié.

Par ailleurs, elle soutient qu’il est parfaitement faux d’indiquer que la décision de licencier Madame [R] aurait déjà été prise avant la tenue de l’entretien préalable. En effet, elle expose que si Monsieur [M] a indiqué au service de gendarmerie qu’une sanction allait être prise contre Madame [R], cela ne signifie aucunement qu’une procédure de licenciement était envisagée puisqu’il existe d’autres sanctions que le licenciement. Elle conclut ainsi qu’il n’est donc aucunement démontré qu’à la date du 10 septembre 2018, l’employeur avait déjà pris la décision de licencier Madame [R].

En l’espèce, Madame [D] [R] a été embauchée par la laiterie TOURY, devenue la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE, sans contrat de travail, à compter du 1er août 2006, sous le régime du contrat à durée indéterminée.

Au dernier état des relations contractuelles, Madame [R] occupait le poste d`employée de conditionnement.

Le 10 septembre 2018, Madame [R] a reçu une convocation à un entretien préalable, lequel a été suivi d’un licenciement pour faute grave, notifié le 26 septembre 2018.

Le courrier de notification est ainsi libellé :

‘ Madame,

Vous avez été reçue en entretien le vendredi 21 septembre 2018 à 08h30, par Messieurs [A] [P], Directeur Général, et [S] [M], Responsable Conditionnement. Vous étiez accompagnée de Monsieur [I] [E], Employé Conditionnement.

Nous vous informons aujourd’hui de notre décision de vous licencier pour faute grave. Au cours de cet entretien, il vous a été exposé les motifs qui nous conduisaient à envisager votre licenciement pour donner suite à des comportements graves et inappropriés.

Monsieur [A] [P] a tout d’abord évoqué votre comportement menaçant envers votre supérieur hiérarchique, Monsieur [S] [M], à la suite d’une demande de modification de congés d’été.

Le vendredi 03 août 2.018, vous avez sollicité votre supérieur hiérarchique concernant vos congés d’été. Vous lui avez demandé de les déplacer, chose qu’il a refusé en vous rappelant la procédure et en justifiant son refus pour raison organisationnelle : tous les ans, l’ensemble des salariés est sollicité afin de connaître les souhaits de demande de congés d’été. Une réponse doit être donnée à son supérieur hiérarchique avant fin février de l’année en cours.

Les périodes définitives de congés d’été sont affichées avant fin mars de l’année en cours ; elles ont même été affichées dans votre service la première semaine de mars. Le respect de ces délais est nécessaire pour effectuer la planification de la production estivale.

Le lundi 06 août 2018 aux alentours de 04h30, vous vous êtes présentée, en dehors de vos horaires de travail, sur le parking de l’entreprise accompagnée d’une personne étrangère à l’entreprise. Vous connaissiez l’horaire de prise de poste de votre Responsable de service : cette démarche était dans le seul but d’avoir une explication agressive avec lui.

Votre demande était la même que celle du vendredi 03 août 2018, à savoir la modification de vos congés du mois d’août.

Votre Responsable a subi des menaces de votre part et de la part de l’individu vous accompagnant. En quittant les lieux, ce dernier a ajouté : ‘De toute façon, tu verras, j’ai des dossiers sur toi.’.

Lors de l’entretien du vendredi 21 septembre 2018, vous avez reconnu les faits et précisé que les menaces verbales venaient essentiellement de la personne vous accompagnant, soit votre compagnon. Messieurs [P] et [M] vous ont alors informée que le fait de ne pas contredire ses propos valait acceptation. Aussi, que le fait même de vous présenter sur le parking de l’entreprise pour prendre à partie votre Responsable était de votre entière responsabilité.

Dans la foulée, le jeudi 09 août 2018, vous avez présenté un arrêt de travail à votre Responsable, justifiant votre absence du 09 au 16 août. Puis, nous avons reçu une prolongation de l’arrêt de travail initial jusqu’au 31 août.

Ce comportement menaçant et suscitant des craintes, a contraint votre supérieur hiérarchique à déposer une main courante le lundi 10 septembre 2018. Il a également engendré un problème de collaboration entre vous et ce dernier.

En effet, il y a une perte de confiance certaine à votre égard : votre continuité dans l’exercice de votre activité professionnelle est remise en question. Aussi, pour cause de votre attitude inconvenante et contraire aux bonnes moeurs de l’entreprise, votre supérieur hiérarchique a subi une perte de légitimité au sein de son service du fait de cette confrontation. Un bon nombre de salariés de I’entreprise ont également été choqué de votre attitude, cela a fait l’objet de discussions et nous sommes donc dans l’obligation de sanctionner ces agissements.

Durant cet entretien, Monsieur [P] vous a également rappelé votre attitude contraire à celle attendue au sein du règlement intérieur de l’entreprise, en termes d’hygiène et plus particulièrement concernant le port de bijoux. En effet, malgré plusieurs rappels de votre supérieur hiérarchique, vous vous êtes présentée, de manière réitérée, à votre poste de travail munie de bijoux :

– Lors d’une première fois, vous vous êtes présentée à votre poste de travail avec des bijoux dont un piercing apparent sur le visage. Votre supérieur hiérarchique vous a demandé de les enlever et a dû procéder à votre remplacement sur la ligne de production pour vous le permettre. Nous constatons que votre manquement a également contraint la bonne exécution du travail au sein du service emballage.

– Lors d’une seconde fois, vous vous êtes à nouveau présentée à votre poste de travail avec votre piercing au visage. Votre supérieur hiérarchique vous a demandé de l’enlever ; vous avez refusé en stipulant que vous ne pouviez pas.

Compte-tenu de l’activité de l’entreprise et de votre poste de travail (Employée Conditionnement au sein du service emballage), justifiant un contact permanent avec des produits destinés à l’alimentation humaine, vous êtes tenue de respecter scrupuleusement les consignes de l’entreprise en matière d’hygiène.

Les consignes, – présentes dans le règlement intérieur et dans le plan d’hygiène de votre secteur – sont claires en cette matière: ‘les bijoux (y compris les piercings apparents) et montres sont interdits dans les ateliers’. Ces transgressions sont donc formellement interdites et inacceptables.

Lors de l’entretien du vendredi 21 septembre 2018, vous avez reconnu les faits concernant le non-respect des règles d’hygiène.

Vos explications recueillies lors de notre entretien du vendredi 21 septembre 2018 ne sont pas de nature à modifier notre décision.

Ainsi, et compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Cette dernière rend impossible votre maintien dans l’entreprise, mais également le versement d’une indemnité de licenciement et enfin, ne vous donne pas le droit d’effectuer votre préavis de 2 mois. Votre licenciement est alors immédiat.

Nous vous adressons par courrier séparé, votre solde de tout compte, votre certificat de travail, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi.

Nous vous rappelons que vous aviez acquis au 31 décembre 2014, 120 heures au titre du DIF, dispositif remplacé par le Compte Personnel de Formation (CPF). La loi prévoit la possibilité d’utiliser, selon certaines modalités, les droits acquis et non consommés au titre du DIF, dans le cadre du CPF, jusqu’au 31 décembre 2020.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d’y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de cette demande par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l’initiative d’apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement

Nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de nos salutations distinguées.’

Il ressort ainsi de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que l’employeur reproche deux griefs à la salariée qu’il conviendra d’analyser successivement: l’altercation survenue le lundi 6 août 2018 entre le supérieur hiérarchique de la salariée et son compagnon ainsi que le port de bijoux pendant son travail.

– Sur l’altercation du 6 août 2018 –

Aux termes de l’article 202 du code de procédure civile, ‘l’attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés. Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s’il y a lieu son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles.

Elle indique en outre qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales.

L’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.’

Les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, d’irrecevabilité ou d’inopposabilité. Il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement la valeur probante d’une attestation non conforme à l’article 202 du code de procédure civile. Le juge ne peut rejeter ou écarter une attestation non conforme à l’article 202 du code de procédure civile sans préciser ou caractériser en quoi l’irrégularité constatée constituait l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public faisant grief à la partie qui l’attaque.

En l’espèce, il est constant que l’altercation du 6 août 2018 trouve pour fondement les demandes de congés du mois d’août 2018 de la salariée.

Il ressort des éléments versés aux débats que Madame [D] [R], à l’époque épouse [K], était en instance de divorce de Monsieur [B] [K], également salarié de la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE, au cours de l’année 2018.

Il résulte de la lecture des plannings des congés, produits par l’employeur, qu’il a pu y avoir un malentendu ou une erreur sur les semaines de congés prises par ces deux salariés, lesquels les prenaient de façon conjointe avant d’entrer en procédure de divorce. En effet, il ressort de ces pièces que la semaine 31 de congés de Madame [R] est grossièrement barrée alors qu’il est indiqué en même temps que Monsieur [B] [K] est en congés la semaine 34. Sachant que les deux anciens conjoints disposaient d’une garde alternée des enfants, il peut raisonnablement s’évincer de ces éléments que ladite semaine de congés 34 posait des difficultés d’attribution pour l’employeur aussi bien pour des raisons personnelles que professionnelles.

Il résulte cependant des attestations versées aux débats, et notamment des attestations de Monsieur [W], de Madame [Y], de Monsieur [M] et de Monsieur [C], qu’en tout état de cause les congés des salariés pour l’été 2018 étaient affichés depuis le mois de mars 2018 et que dès lors Madame [R] était en mesure de rectifier toute erreur éventuellement commise par l’employeur, à condition de consulter ledit tableau dans les lieux communs de la société.

Il est également constant que le matin du 6 août 2018 aux environs de 4 heures du matin, une altercation s’est déroulée sur le parking de la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE entre Monsieur [M], supérieur hiérarchique de Madame [R], et cette dernière, en présence de son nouveau compagnon, Monsieur [Z] [H], également un ancien salarié de la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE.

En effet, il ressort de l’attestation même établie par Monsieur [E], qui a assisté Madame [R] au cours de l’entretien préalable au licenciement, que cette dernière ne ‘[nie] pas ce qui s’est passé sur le parking’ mais a précisé que ce n’était pas elle, mais son compagnon, qui avait parlé à son supérieur hiérarchique, ce qui semblerait avoir pour effet voulu de la mettre hors de cause de l’altercation ainsi intervenue.

Aux termes de l’attestation établie par Monsieur [H]:

‘En dâte du 6 Août 2018, j’ai accompagné Melle [R] [D] sur son lieu de travail par rapport à l’erreur de Monsieur [M] [S] sur la période de congés et que les congés avaient été reserver par rapport aux dâtes. Nous avons vu monsieur [M] [S] sur le parking de la sociéter.

Melle [R] [D] a montrée les pièces Justificatives de la réservation mais Monsieur [M] [S] n’a même pas voulu y prêter attention. J’ai insister auprès de Monsieur [M] [S] qu’il regarde les documents justifiant de la réservation après son refus vis-à-vis de Melle [R] [D]. Il c’est ennerver et a refuser de modifier le planning des congés. J’ai alors ajouter que son attitude s’ajouter à d’autres dossiers existants et que j’allais saisir l’Inspection du Travail. En effet, Monsieur [M] [S] était mon supérieur et j’ai pût constater courant 2016 lorsque j’étais intérimaires certaines règles d’Hygiène non respecter (chutte de fromage au sol remis sur la chaîne pour emballage). J’ai était également contreint d’intervenir dans une salle obstruée par les vapeurs de désinfection des gaines de ventilation qui m’avais irrité les yeux. Le management de Monsieur [M] [S] vis-à-vis des intérimaires était inacceptable (propos désobligeants, ton employé dénigrant).

Je conteste absolument avoir menacé ou injurier Monsieur [M] [S] le 06 Août 2018. Je l’ai simplement prévenus que j’irai voir l’inspection du travail.’

M. [S] [M] a effectué le 10 septembre 2018 à 8 heures 20 la déclaration de main courante suivante auprès de la brigade territoriale d'[Localité 4]:

‘Le vendredi 3 août 2018, une personne de mon service de la laiterie est venue me voir au sujet du planning des congés. Le 6 août, cette même personne m’attendait avec son compagnon sur le parking de la laiterie à 4h du matin. Nous avons eu une explication houleuse, et en quittant les lieux, le compagnon a dit ‘toute façon tu verras, j’ai des dossiers sur toi et dès lundi matin, j’irais à l’urssaf j’ai des photos et tu verras’. Le 9 août, l’employé est revenue me donner son arrêt maladie afin de partir en vacances. L’employé va recevoir une sanction demain par le courrier. Dernièrement, j’ai appris que le compagnon de mon employé voulait me casser la figure et c’est en ce sens là que je fais cette démarche.

Il s’agit de [H] [Z] et l’employé de mon service est [D] [R].’

Enfin, Monsieur [N], chef de service au sein de la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE, a établi l’attestation suivante:

‘Monsieur [H] [Z] a travaillé au service affinage fin 2017, début 2018 dont j’étais le responsable.

Le 3 janvier 2018, j’ai demandé à Monsieur [H] de bien vouloir respecter les pauses prévues. M. [H] s’est énervé et à lacer une caisse d’affinage en ma direction puis a quitté son poste. J’ai immédiatement contacté la société Crit, Agence d’intérim qui employé M. [H] pour les prévenir. Son contrat a pris fin suite à cet événement. (…)’

Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, l’employeur démontre que s’il y a bien pu avoir une erreur sur la date des congés de Madame [R] pour le mois d’août 2018, il lui était tout à fait possible de prendre connaissance et de rectifier cette erreur auprès de son employeur à compter du mois de mars 2018. Au lieu de cela, la salariée s’est présentée sur les lieux de son travail le 6 août 2018 à 4 heures du matin, alors qu’elle devait être en congés, en présence de son nouveau compagnon, un ancien salarié à qui l’employeur reprochait déjà des faits de violences, pour réclamer, dans des conditions houleuses, l’attribution d’une semaine supplémentaire de congés la semaine 34 de l’année 2018, soit deux semaines après l’altercation.

Si l’employeur n’a pas procédé à la mise à pied immédiat de la salariée, il convient d’observer que celle-ci était en congés, puis en arrêt maladie, et n’était donc pas amenée à reprendre son travail immédiatement.

Surtout, il convient de relever que son supérieur hiérarchique, pris à partie au cours de l’altercation du 6 août 2018, a dû se présenter devant les services de gendarmerie le 10 septembre 2018 pour établir une main courante puisqu’il craignait de faire l’objet d’autres éventuelles menaces ou de violences de la part du nouveau compagnon de la salariée, étant de nouveau précisé que le contrat de travail de ce dernier semblerait avoir été interrompu suite à des faits de violences commis envers un autre supérieur hiérarchique.

Si les éléments produits par l’employeur n’ont pas permis de déterminer avec certitude le contenu exact des propos tenus par Monsieur [H] vis-à-vis du supérieur hiérarchique de sa nouvelle compagne, les circonstances mêmes de cette conversation ne peuvent qu’interroger dès lors que la conversation en question s’est déroulée sur un parking, à 4 heures du matin, alors que la salariée était en congés et n’avait aucune raison de s’y trouver, qu’il s’agissait d’une discussion portant sur la possibilité de prendre une dernière semaine de congés dans un délai de quinze jours après et alors qu’enfin Monsieur [H] semblerait avoir perdu son emploi suite à des faits de violences commises sur le même lieu de travail au préjudice d’un autre supérieur hiérarchique.

Ainsi, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens surabondamment évoqués par l’employeur, il résulte de l’ensemble de ces éléments et des principes de droit sus-visés que l’employeur établit l’existence d’une faute grave, de nature à empêcher toute poursuite du contrat de travail de Madame [R], laquelle, en se présentant pendant une période de congés en compagnie d’un ancien salarié de la société congédié en raison de violences vis-à-vis d’un autre supérieur hiérarchique, est à l’origine d’une altercation opposant son supérieur hiérarchique à cet ancien salarié, de tels faits rendant impossible son maintien sur les lieux du travail alors que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat envers l’ensemble de ses salariés, y compris le supérieur hiérarchique de Madame [R].

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a considéré que le licenciement de Madame [D] [R] ne repose pas sur une faute grave mais est intervenu pour une cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, la cour dit que le licenciement de Madame [D] [R] repose sur une faute grave.

Le jugement déféré sera également infirmé en ce qu’il a condamné en conséquence la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer à Madame [D] [R] les sommes de 6.055,30 euros à titre d’indemnité de licenciement, de 3.970,38 euros à titre d’indemnité de préavis et de 397,03 euros à titre de congés payés sur préavis et, statuant à nouveau, la cour déboute Madame [D] [R] de l’intégralité de ses demandes en lien avec la rupture de son contrat de travail le 26 septembre 2018.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation au poste de travail –

L’article L6321-1 du code du travail met à la charge de l’employeur une obligation d’adaptation des salariés à leur poste de travail et de maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Madame [R] sollicite le versement d’une indemnité au titre du manquement de l’employeur à son obligation de formation. Elle affirme que les actions de formations et d’adaptations au poste de travail rapportées par l’employeur sont totalement dérisoires et démontrent ledit manquement.

Sur la demande de Madame [R] au titre de la formation professionnelle, la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE indique verser une liste des formations suivies par la salariée. Dès lors, elle soutient que Madame [R] est de mauvaise foi et a bien bénéficié de nombreuses formations professionnelles.

En l’espèce, il ressort des pièces versées par l’employeur que la salariée a suivi les formations suivantes:

– du 2 au 31 mai 2001: pilote kalifass ;

– du 3 au 28 septembre 2001: préparateur LS ;

– les 16 et 17 octobre 2006: HACCP – maîtrise des CCP aux postes ;

– le 9 octobre 2007: hygiène et sécurité ;

– le 23 octobre 2007: hygiène et sécurité alimentaire ;

– le 10 décembre 2009: hygiène et sécurité alimentaire ;

– le 14 janvier 2010: hygiène et sécurité alimentaire ;

– le 20 janvier 2010: hygiène et sécurité alimentaire ;

– le 19 janvier 2013: hygiène et sécurité alimentaire ;

– le 21 janvier 2013: incendie ;

– le 22 ou 23 janvier 2014: bonnes pratiques de l’hygiène ;

– le 15 janvier 2015: formation nettoyage.

Au vu de ces éléments, il apparaît que l’employeur a rempli son obligation de formation et d’adaptation de la salariée. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Madame [D] [R] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation au poste de travail.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté contractuelle –

Madame [R] sollicite le versement d’une indemnité au titre de la déloyauté de l’employeur après la rupture du contrat. Elle avance que l’employeur l’a privée de son emploi et a aussi imaginé de diffuser, dans toute l’entreprise, des propos dénigrants à son sujet, lui causant un préjudice certain.

Sur la demande de Madame [R] au titre de la déloyauté de l’employeur, la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE fait valoir que la salariée ne rapporte aucune preuve d’un préjudice.

En l’espèce, la cour a déjà retenu que le licenciement pour faute grave de Madame [R] était fondé et justifié.

En outre, le licenciement de Madame [R] est intervenu alors qu’elle était en procédure de divorce avec un autre salarié et que son nouveau compagnon, ancien salarié de la structure qui aurait été congédié pour des faits de violences volontaires, a eu une altercation en sa présence avec son supérieur hiérarchique. Dès lors, au vu de l’obligation de sécurité de résultat qui incombe à l’employeur, ce dernier pouvait raisonnablement vouloir faire passer un message général rappelant l’interdiction de tous faits de violences ou de menaces sur le lieu de travail.

Enfin, alors que la notion de préjudice nécessaire a été abandonnée par la Cour de cassation en 2016, il doit être observé que Madame [R] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct et spécifique de ce chef.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer à Madame [D] [R] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté contractuelle et, statuant à nouveau, la cour déboute Madame [D] [R] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté contractuelle.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens –

Au vu de la solution apportée au litige par la cour, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer à Madame [D] [R] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, la cour dit, qu’en équité, il n’y a pas lieu de statuer sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance.

Au vu de la solution apportée au litige par la cour d’appel, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE aux dépens de première instance et, statuant à nouveau, la cour condamne Madame [D] [R] au paiement des dépens en première instance.

En équité, Madame [D] [R] sera condamnée à payer à la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Madame [D] [R] sera également condamnée au paiement des dépens en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que le licenciement de Madame [D] [R] ne repose pas sur une faute grave mais est intervenu pour une cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, dit que le licenciement de Madame [D] [R] repose sur une faute grave ;

– Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné en conséquence la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer à Madame [D] [R] les sommes de 6.055,30 euros à titre d’indemnité de licenciement, de 3.970,38 euros à titre d’indemnité de préavis et de 397,03 euros à titre de congés payés sur préavis et, statuant à nouveau, déboute Madame [D] [R] de l’intégralité de ses demandes en lien avec la rupture de son contrat de travail le 26 septembre 2018 ;

– Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer à Madame [D] [R] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté contractuelle et, statuant à nouveau, déboute Madame [D] [R] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté contractuelle ;

– Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE à payer à Madame [D] [R] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, dit, qu’en équité, il n’y a pas lieu de statuer sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance ;

– Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE aux dépens de première instance et, statuant à nouveau, condamne Madame [D] [R] au paiement des dépens en première instance ;

– Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

– Condamne Madame [D] [R] à payer à la SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– Condamne Madame [D] [R] au paiement des dépens en cause d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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