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OM/CH
[G] [Y]
C/
S.A. PRÉVOIR-VIE GROUPE PRÉVOIR
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00452 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXDN
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section Commerce, décision attaquée en date du 12 Mai 2021, enregistrée sous le n° 20/00093
APPELANT :
[G] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Magalie MINI, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉE :
S.A. PRÉVOIR-VIE GROUPE PRÉVOIR
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Charles MEUNIER de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE, et Me Assunta SAPONE de la SELARL SAPONE – BLAESI, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er Mars 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [Y] (le salarié) a été engagé le 1er avril 2012 par contrat à durée indéterminée en qualité de conseiller commercial par la société Prévoir-vie groupe Prévoir (l’employeur).
Il a été licencié le 6 mars 2020 pour faute grave.
Estimant ce licenciement infondé, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 12 mai 2021, a dit ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné l’employeur à paiement de diverses sommes en conséquence et a rejeté une partie des demandes du salarié.
Le salarié a interjeté appel le 11 juin 2021.
Il demande la confirmation partielle du jugement sauf à obtenir le paiement des sommes de :
– 6 556,56 euros d’indemnité de préavis,
– 17 484,16 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 8 742,08 euros de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,
– 2 185,52 euros de dommages et intérêts pour défaut de mentions de l’absence de préavis et prise d’effet du licenciement dans la lettre de licenciement,
– 2 185,52 euros de dommages et intérêts pour défaut de mention de compte personnel de formation dans la lettre de licenciement,
– 2 185,52 euros de dommages et intérêts pour défaut de mention de la possibilité de demander des précisions dans un délai de 15 jours à réception de la lettre de licenciement,
– 2 185,52 euros de dommages et intérêts pour défaut de portabilité prévoyance dans la lettre de licenciement,
– 52 416 euros au titre de la clause de non-concurrence déguisée et donc nulle,
– 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
et réclame le bénéfice de l’exécution provisoire.
L’employeur conclut à l’infirmation du jugement sauf en ce qu’il a rejeté une partie des demandes du salarié et sollicite le remboursement des sommes versées en exécution du jugement et le paiement des sommes de 1 500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 28 janvier 2022 et 6 janvier 2023.
MOTIFS :
Sur la recevabilité du document manuscrit de la pièce n° 4 produite par l’employeur :
Le salarié indique que la pièce n° 4 communiquée par l’employeur regroupe différents mails ainsi qu’un document manuscrit intitulé attestation de Mme [X].
Il indique que ce document n’est pas recevable comme ne comportant pas les mentions légales et que la carte d’identité n’est pas jointe, de sorte qu’il aurait pu être rédigé par d’autres.
Le salarié le qualifie de montage de toute pièce.
Cependant, la preuve est libre en droit du travail et l’absence des mentions requises par les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne rend pas l’attestation, de ce seul fait, irrecevable, tout comme l’absence de copie d’une pièce d’identité.
Il appartiendra à la cour d’apprécier la valeur probante de ce document.
La demande d’irrecevabilité de cette pièce sera donc rejetée.
Sur le licenciement :
1°) Sur la forme de la lettre de licenciement :
Le salarié relève que la lettre de licenciement ne comporte pas la mention sur la portabilité de la mutuelle employeur, information prévue à l’article L. 932-6 du code de la sécurité sociale, ni sur le compte personnel de formation en euros comme le prévoit l’article L. 6111-1 du code du travail, ni encore la mention prévue à l’article L. 1235-2 du même code relatif à la précision, par l’employeur, des motifs du licenciement, ni encore de précision sur le préavis et la date d’effet du licenciement.
L’employeur répond que la mention du compte personnel de formation n’est pas requise, que la portabilité de la mutuelle figure sur le certificat de travail reçu, que la lettre de licenciement ne comporte aucune ambiguïté et qu’aucun préjudice n’est établi.
Il convient de relever que le salarié ne démontre aucunement l’existence d’un quelconque préjudice au regard du défaut de ces mentions à les supposer, pour certaines, obligatoires.
Les demandes de dommages et intérêts seront donc rejetées et le jugement confirmé.
2°) Sur la qualité de signataire de la lettre de licenciement, le salarié soutient que celle-ci a été signée par Mme [P] [J], juriste en droit social qui ne bénéficiait pas d’une délégation de pouvoir.
L’employeur produit la fiche de fonction de Mme [P] [J] laquelle prévoit la possibilité de signer les lettres de licenciement, ainsi que la délégation de pouvoir.
En conséquence, le moyen ne peut prospérer.
3°) Sur la garantie prévue à l’article 32 de la convention collective des producteurs salariés de base des services extérieurs de production des sociétés d’assurance (IDCC 659), le salarié rappelle que cet article prévoit que l’employeur envisageant de licencier un salarié ayant une ancienneté de plus de 5 années, recueille avant d’arrêter sa position, l’avis d’un conseil si le salarié concerné le demande.
A défaut d’avoir été informé par l’employeur, le salarié en déduit qu’il n’a pas pu exercer cette possibilité et qu’il a été privé d’une garantie de fond rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur répond que cette stipulation est devenue caduque depuis la suppression des délégués du personnel et la mise en place du CSE.
L’article 32 précité dispose que : ” Lorsque l’employeur envisage de licencier un producteur salarié de base ayant plus de cinq ans d’ancienneté dans l’entreprise pour un motif autre que l’insuffisance professionnelle il recueille, avant d’arrêter sa décision, l’avis d’un Conseil si l’intéressé le demande.
Ce Conseil est constitué de :
– 2 représentants de la direction désignés par l’employeur ;
– 2 représentants des Producteurs salariés de base.
Ceux-ci sont désignés par les délégués des Producteurs salariés de base titulaires et suppléants ayant eux-mêmes la qualité de Producteur salarié de base et choisis parmi eux ; dans le cas où le nombre des délégués titulaires et suppléants des Producteurs salariés de base susceptibles d’être désignés, comme il est dit ci-dessus, est inférieur à 2, les représentants des Producteurs salariés de base sont :
– l’un : le délégué Producteur salarié de base titulaire ou suppléant s’il en existe un ou, à défaut, un Producteur salarié de base désigné par l’intéressé ;
– l’autre : le plus ancien dans la qualité de Producteur salarié de base acceptant cette mission.
L’intéressé est sollicité, par pli recommandé avec avis de réception, de faire connaître s’il demande la réunion du Conseil et, en outre, s’il y a lieu, de désigner un représentant.
Le Conseil n’est pas réuni lorsque l’intéressé n’a pas répondu par écrit par l’affirmative et, s’il y a lieu, désigné un représentant, dans les huit jours qui suivent l’envoi de la lettre recommandée précitée.
L’employeur fixe la date de réunion du Conseil, compte tenu des dispositions qui précèdent.
Lorsque le Conseil est réuni, il formule un avis motivé. Dans la décision à intervenir l’employeur, qui en reste seul juge, doit expressément faire état de l’avis du Conseil et, notamment en cas de partage des voix, il doit faire connaître les avis formulés.
La décision de l’employeur doit être notifiée par écrit à l’intéressé.”
Il en résulte que l’employeur a l’obligation de solliciter le salarié pour savoir s’il entend ou non demander la réunion de ce conseil.
Par ailleurs, les représentants des producteurs de salariés de base siégeant à ce conseil sont désignés par les délégués des producteurs salariés de base titulaires et suppléants ayant eux-mêmes la qualité de producteur salarié de base et choisis parmi eux, ce qui vise les délégués du personnel.
La mise en place du CSE a entraîné la suppression des délégués du personnel et les dispositions transitoires prévues notamment à l’article 9 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 avaient expiré à la date de la procédure de licenciement.
Il en résulte que l’employeur démontre une impossibilité de réunir ce conseil faute de possibilité de désignation des représentants des producteurs de salariés de base et alors que cet article n’a pas été modifié à la suite de l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée.
Le moyen portant sur la violation de ces stipulations ne peut donc prospérer.
Au surplus, l’absence de réunion de conseil n’a pas porté atteinte aux droits de la défense du salarié qui a pu s’expliquer lors de l’entretien préalable.
4°) Il appartient à l’employeur qui s’en prévaut à l’appui du licenciement de démontrer la faute grave alléguée.
Ici, la lettre de licenciement reproche au salarié des fautes graves consistant dans le fait de ne plus exercer ses fonctions depuis de nombreuses semaines en mentionnant de faux rendez-vous dans les rapports d’activité de février et mars 2020 et d’avoir rempli un questionnaire de santé à la place d’un assuré.
Ces griefs sont suffisamment précis contrairement à ce que soutient le salarié.
L’employeur produit un mail de M. [U] en date du 21 février 2020 où il expose le contenu d’un entretien avec le salarié qui s’est fini par le départ de celui-ci, énervé et après qu’il a admis avoir indiqué des rendez-vous fictifs dans les comptes rendus d’activité.
L’attestation de M. [U] (pièce n° 3) indique qu’il a vu, le 21 février 2020, sur le bureau du salarié, le questionnaire de santé de Mme [X], double devant être laissé au client et que celle-ci lui a affirmé ne pas avoir le double de ce questionnaire et que celui refait par l’intéressée à la demande de M. [U] ne correspond pas à celui se trouvait que le bureau du salarié, notamment sur le poids et la taille.
Dans une autre attestation, M. [U] liste les noms de personnes avec lesquelles le salarié a soutenu avoir eu des rendez-vous et pour lesquelles soit les adresses sont fausses ou encore seul un contact par Internet a été effectué.
Le salarié indique que M. [U], son ancien supérieur hiérarchique, n’est pas objectif en raison d’un conflit personnel et se reporte à un mail du 21 février 2020 (pièce n° 4) qui retracerait une volonté de trouver coûte que coûte une faute à lui reprocher.
Le salarié verse aux débats des plannings des mois de février et mars 2020 où aucun des noms visés dans les attestations de M. [U] n’apparaît.
Il sera relevé que l’employeur se base uniquement sur les attestations de M. [U] et que celles-ci ne sont pas corroborées par d’autres et notamment les clients visés au titre des rendez-vous fictifs ou encore une attestation régulière de Mme [X], le document manuscrit produit, sans pouvoir s’assurer de l’auteur de la signature, n’emportant pas conviction.
Le seul témoignage du supérieur hiérarchique du salarié ne suffit pas, en l’espèce, à prouver la faute et un doute subsiste lequel doit profiter au salarié.
Enfin, aucun élément probant n’est produit pour établir que le défaut d’accomplissement des missions listées dans la lettre de licenciement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
5°) Le salarié demande la confirmation du jugement sur le montant de l’indemnité de licenciement mais pas sur les autres indemnités dues au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il demande une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire.
Aucun élément n’est apporté pour déroger au montant prévu par les dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail, notamment quant à la classification de l’emploi occupé qui permettrait d’accueillir cette demande.
Le jugement sera donc confirmé.
Au regard d’une ancienneté de 8 années entières, d’un salaire mensuel moyen de 2 185,52 euros et du barème prévu à l’article L. 1235-1 du code du travail, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera évalué à 6 556,56 euros, ce qui implique la confirmation du jugement.
6°) Le salarié demande des dommages et intérêts pour procédure vexatoire mais ne démonter aucunement l’existence d’un quelconque préjudice à ce titre, cette demande étant dénuée d’offre de preuve.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur les autres demandes :
1°) Le salarié réclame une somme en soulignant qu’une mention dans la lettre de licenciement et portant sur une obligation de loyauté s’analyse en une clause de non-concurrence nulle dont il est demandé la contrepartie financière.
Cependant, la phrase figurant dans la lettre de licenciement attirant l’attention du salarié de ne pas prendre contact avec d’anciens assurés en les incitant à souscrire des garanties au moyen d’arguments qualifiés de contestables et pouvant donner lieu de la part de l’employeur à une action pénale pour concurrence déloyale, y compris en cas de débauchage d’anciens collègues, ne peut s’analyser en une clause liant les parties mais seulement en un rappel qui n’engage que l’employeur.
La demande d’indemnité est donc sans objet.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
2°) La demande de remboursement par l’employeur des sommes payées en exécution du jugement dont appel est sans objet au regard de la confirmation du jugement.
3°) L’employeur ne démontre pas en quoi le salarié aurait abusé du droit d’appel, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
4°) La demande portant sur l’exécution provisoire étant sans intérêt devant la cour d’appel, elle sera rejetée.
5°) Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 1 500 euros.
L’employeur supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :
– Rejette la demande de M. [Y] en irrecevabilité de la pièce n° 4 communiquée par la société Prévoir-vie groupe Prévoir ;
– Confirme le jugement du 12 mai 2021 ;
Y ajoutant :
– Rejette les autres demandes ;
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Prévoir-vie groupe Prévoir et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 1 500 euros ;
– Condamne la société Prévoir-vie groupe Prévoir aux dépens d’appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION