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04 AVRIL 2023
Arrêt n°
SN/SB/NS
Dossier N° RG 21/01100 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FTEQ
[U] [M]
/
S.A.S. JADAMIC (BRICOMARCHE)
jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de riom, décision attaquée en date du 30 avril 2021, enregistrée sous le n° f 19/00044
Arrêt rendu ce QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Karine VALLEE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [U] [M]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Edwina GUSTIN, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005707 du 04/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
APPELANT
ET :
S.A.S. JADAMIC (BRICOMARCHE) prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Me Flavien COMBEAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Après avoir entendu Mme NOIR, conseiller en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 06 Février 2023, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Jadamic exploite un magasin d’articles de bricolage et d’équipements de maison (enseigne ‘BRICOMARCHE”) situé à [Localité 6] (63) qui appartient au groupement Les Mousquetaires.
M. [M] a été embauché par la Sas Jadamic en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 20 mai 2004.
La convention collective applicable à la relation contractuelle est la convention collective nationale du bricolage du 30 septembre 1991 (IDCC 1606).
Au dernier état de la relation de travail, M. [M] occupait le poste de chef de section jardin (catégorie cadre, niveau 5 degré K).
Le 18 juin 2016, le salarié a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire.
A compter du 26 juillet 2016, il a été placé en arrêt de travail pour maladie.
La société Jadamic a fait réaliser une contre visite médicale au mois de novembre 2016.
Le 29 avril 2017, M. [M] a déposé plainte pour harcèlement moral à l’encontre de la société Jadamic et de M. [H], son dirigeant. Cette plainte a fait l’objet d’un classement sans suite.
Le 2 juin 2017, le médecin du travail a déclaré M. [M] inapte à son poste dans les termes suivants : ‘ inapte au poste de chef de secteur/vendeur à dater de ce jour.
Inapte à tous les postes et toutes les tâches au sein de l’entreprise.
La visite médicale à 15 jours ne se justifie pas conformément à l’article R 4624-42 du code du travail.
Pas de reclassement professionnel dans l’entreprise, ni par adaptation, ni aménagement transformation du poste, ni par mutation à un autre poste dans l’entreprise.
L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé (article L1226-12).
L’étude du poste, des conditions de travail et l’actualisation de la fiche entreprise ont été réalisés.’
Le 17 juillet 2017, la société Jadamic a notifié à M. [M] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le courrier est ainsi libellé :
Par courrier en date du 30 juin 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable prévu le 11 juillet 2017.
Par courrier reçu le 11 juillet 2017, nous avons été destinataire d’une attestation du Docteur [B] [S], indiquant que votre état de santé ne vous permettait pas de vous rendre à l’entretien préalable prévu le 11 juillet 2017.
Cette transmission n’était accompagnée d’aucune demande de report de cet entretien.
Dans ces conditions, votre absence au cours de cet entretien n’emportant aucune conséquence sur la poursuite de la procédure, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Comme nous nous proposions de vous l’exposer au cours de l’entretien préalable prévu le 11 juillet 2017, cette mesure est justifiée par les motifs suivants.
Embauché au sein de la Société en date du 20 mai 2004, en qualité de vendeur, vous occupez actuellement des fonctions de responsabilité de service, chef de secteur jardin, catégorie cadre.
Vous avez été placé en arrêt maladie à compter du 26 juillet 2016 et jusqu’au 31 mai 2017.
Au cours de la visite médicale de reprise intervenue le 2 juin 2017, vous avez été déclaré inapte à votre poste.
Cette inaptitude est d’origine non professionnelle.
L’avis d’inaptitude indique :
L’avis du médecin du médecin du travail est assorti de la mention selon laquelle votre état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Cette mention, impliquant qu’aucun reclassement n’est envisageable et ce conformément à l’article L.1226-2-1 du Code du travail, nous exonère d’avoir à effectuer une recherche de reclassement.
Aussi, aucun reclassement n’est donc envisageable, suite à votre déclaration d’inaptitude.
Consultés sur cette question, les délégués du personnel ont émis, après vote à bulletins secrets, un avis favorable quant à l’impossibilité de reclassement constatée.
Cette impossibilité de reclassement vous a été notifiée par courrier en date du 29 juin 2017.
Au regard de ces éléments, nous sommes contraints de constater l’impossibilité de procéder à votre reclassement au sein de la Société et du groupe suite au constat de votre inaptitude d’origine non professionnelle, motif nous conduisant à vous notifier votre licenciement.
Cette mesure prend effet immédiatement.
Nous vous adresserons, par courrier séparé, vos documents de fin de contrats ainsi que le solde de votre compte et les éléments relatifs au maintien des garanties de prévoyance et de frais de santé dont vous bénéficiez au sein de la Société.
Enfin, vos droits à DIF, dont le total s’élevait, au 31 décembre 2014, à 106 heures, sont désormais mobilisables dans le cadre du dispositif du Compte Personnel de Formation.
Le 7 mai 2019, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Riom d’une demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral.
Par jugement du 30 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Riom a :
– constaté l’absence de tout harcèlement moral à l’encontre de M. [M];
– constaté le caractère réel et sérieux du licenciement de M. [M] ;
– débouté M. [M] de l’intégralité de ses demandes ;
– débouté les parties de leur demande d’article 700 du code de procédure civile ;
– laissé les dépens à la charge de chacune des parties.
M. [M] a interjeté appel de ce jugement le 17 mai 2021.
L’acte d’appel mentionne ‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués’.
L’annexe jointe à cet acte d’appel mentionne que : ‘ l’appel porte sur les dispositions suivantes du jugement rendu :
– En ce que le conseil des prud’hommes a constaté l’absence de harcèlement moral à l’encontre de Mr [U] [M]
– En ce que le conseil des prud’hommes a constaté le caractère réel et sérieux du licenciement de Mr [U] [M]
– En ce que le conseil des prud’hommes a débouté Mr [U] [M] de l’intégralité de ses demandes
– En ce que le conseil des prud’hommes a débouté Mr [M] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile.’
Par ordonnance en date du 8 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état :
– a débouté la société Jadamic de sa demande tendant à voir constater la nullité de la déclaration d’appel au motif que les chefs de jugement expressément critiqués n’ont pas été mentionnés dans la déclaration d’appel, mais seulement développés dans le cadre d’une annexe ;
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de la société Jadamic concernant l’absence d’effet dévolutif de l’acte d’appel afin de constater que la cour n’est saisie d’aucune demande par M. [M] ;
– a condamné la société Jadamic aux dépens de cette procédure d’incident;
– a débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de cette procédure d’incident.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 30 janvier 2023 par M. [M] ;
Vu les conclusions notifiées à la cour le 5 janvier 2023 par la Sas Jadamic;
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 31 janvier 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, M. [M] demande à la cour de :
– déclarer recevable et fondé l’appel interjeté ;
Y faisant droit,
– infirmer la décision entreprise ;
Et, statuant à nouveau,
– débouter la Sas Jadamic de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– annuler son licenciement ;
– condamner la Sas Jadamic à lui payer la somme de 150.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;
– condamner la Sas Jadamic à lui porter et payer la somme de 7 000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner la Sas Jadamic en tous les dépens ;
– dire que ceux d’appel seront recouvrés directement par Maître Edwina Gustin, conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.
Dans ses dernières conclusions, la Sas Jadamic demande à la cour de :
A titre principal :
– constater que la déclaration d’appel de M. [M] ne contient aucune mention des chefs du jugement critiqués ;
En conséquence,
– constater l’absence d’effet dévolutif de cet appel et constater que la Cour n’est saisie d’aucune demande de la part de M. [M] ;
En conséquence,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce qu’il a débouté M. [M] de l’intégralité de ses demandes ;
Y ajoutant et statuant à nouveau :
– condamner M. [M] au paiement d’une indemnité de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Jadamic de sa demande d’indemnisation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner M. [M] au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
A titre subsidiaire :
– constater :
– l’irrecevabilité des conclusions récapitulatives et pièces complémentaires communiquées par M. [M] en date du 6 septembre 2022,
– l’absence de tout harcèlement moral à l’encontre de M. [M] ;
– le caractère réel et sérieux du licenciement de M. [M] ;
En conséquence ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a écarté l’existence de tout harcèlement à l’encontre de M. [M] ;
– débouter M. [M] de sa demande visant à voir reconnaître la nullité de son licenciement ;
– débouter M. [M] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions;
Y ajoutant et statuant à nouveau :
– condamner M. [M] au paiement d’une indemnité de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Jadamic de sa demande d’indemnisation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– condamner M. [M] au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
A titre infiniment subsidiaire :
– réduire considérablement le montant des indemnisations réclamées par M. [M] ;
En tout état de cause :
– condamner M. [M] au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande tendant à voir constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel et la demande de confirmation du jugement :
Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l’arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d’appel prévoient désormais qu’une déclaration d’appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue un acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l’absence d’empêchement technique.
Ces dispositions sont applicables immédiatement, pour les déclarations d’appel qui ont été formées antérieurement à l’entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, aux instances en cours, pour autant qu’elles n’ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis, ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré.
En l’espèce, l’acte d’appel mentionne ‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués’.
À cette déclaration d’appel est jointe une annexe qui mentionne que : ‘ l’appel porte sur les dispositions suivantes du jugement rendu :
– En ce que le conseil des prud’hommes a constaté l’absence de harcèlement moral à l’encontre de Mr [U] [M]
– En ce que le conseil des prud’hommes a constaté le caractère réel et sérieux du licenciement de Mr [U] [M]
– En ce que le conseil des prud’hommes a débouté Mr [U] [M] de l’intégralité de ses demandes
– en ce que le conseil des prud’hommes a débouté Mr [M] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile.’
La société Jadamic fait valoir que la déclaration d’appel du 17 mai 2021 n’emporte pas d’effet dévolutif dans la mesure où cette déclaration d’appel ne détaille pas les chefs de jugement expressément critiqués.
M. [U] [M] répond que l’annexe à la déclaration d’appel fait corps avec cette dernière si bien que l’effet dévolutif a joué.
La cour relève que l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 mars 2022 ayant rejeté la demande de nullité de la déclaration d’appel n’a pas fait l’objet d’un recours.
En application des principes susvisés, la déclaration d’appel à laquelle est jointe l’annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, opère dévolution du litige à la cour.
Par conséquent la cour constate l’effet dévolutif de l’appel.
Sur la recevabilité des conclusions et pièces notifiées par M. [U] [M] le 6 septembre 2022 :
Au soutien de sa demande d’irrecevabilité des conclusions et pièces notifiées le 6 septembre 2022 formée sur le fondement de l’article 910 du code de procédure civile, la société Jadamic fait valoir que les conclusions récapitulatives de M. [U] [M] datées du 6 septembre 2022 n’ont pas été déposées dans le délai de trois mois suivant le dépôt de ses propres conclusions du 9 novembre 2021 par lesquelles elle a formé appel incident.
Cependant, M. [U] [M] justement valoir qu’en application de l’article 914 du même code le conseiller de la mise en état est seul compétent pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 et que les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d’appel la caducité ou l’irrecevabilité après la clôture de l’instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.
En conséquence la cour rejette la demande d’irrecevabilité des conclusions et pièces notifiées par M. [U] [M] le 6 septembre 2022.
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail dans sa version issue de la Loi 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 , le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
De sa demande de harcèlement moral, M. [U] [M] soutient :
– qu’alors qu’il a assuré la gestion du magasin à compter du départ de l’ancien dirigeant, ses compétences ont été remises en cause par le nouveau dirigeant, M. [H], arrivé au mois d’octobre 2015 :
Il résulte des auditions de Mme [H], directrice générale de la société Jadamic et de M. [H] PDG de la société que ces derniers ont repris le magasin Bricomarché de [Localité 6] à compter du 1er octobre 2015 et que pendant la période dite de ‘portage’, M. [U] [M] était en charge de la direction du magasin.
Dans son audition, M. [H] indique que dès son arrivée, il a souhaité s’appuyer sur l’organigramme en place à la tête duquel se trouvait M. [U] [M] qui occupait un poste de cadre mais qu’il s’est vite aperçu que ce dernier n’avait pas les compétences pour remplir sa mission de sorte qu’après quelques mois d’observation de l’ensemble du personnel, il a revu l’organigramme dans le but de rééquilibrer les tâches de chacun.
Ces faits sont matériellement établis.
– M. [H] l’a alors rangé dans la catégorie des employés incompétents et ingérables établie selon ses critères personnels et a tout mis en ‘uvre pour le faire partir
– que M. [H] avait ses têtes, dont il faisait partie
– qu’il lui tenait des propos rabaissants et humiliants, dénigrait toutes ces décisions, le décrédibilisait devant les autres salariés et le poussait à bout:
– que les nouveaux dirigeants avaient pris la décision de se séparer de lui :
Aucun des éléments versés aux débats ne fait état de propos rabaissants, humiliants, dénigrants, décrédibilisants de M. [H] à l’égard de M. [U] [M] ni de ce que ce dernier traitait différemment ses salariés ou encore que M. et Mme [H] souhaitaient de séparer de M. [M].
M. [Z] indique dans son audition que M. [U] [M] ‘prenait de belles charges’ lors des réunions de l’ensemble des responsables de secteur et que M. [H] lui ‘mettait la pression’ sur les chiffres qui n’étaient pas bons, sans plus de précision sur les propos tenus par ce dernier.
Il ne peut donc se déduire de ce seul témoignage que M. [H] a adopté une attitude humiliante ou dénigrante à l’égard de M. [U] [M].
– que tous les salariés qui ont été licenciés ou ont quitté l’entreprise en raison des méthodes de l’employeur n’ont pas été entendus sur les raisons de leur départ excepté M. [Z] et Mme [O] :
Dans son audition par les services de police, Mme [O] a indiqué avoir quitté l’entreprise suite à une rupture conventionnelle car elle ne se sentait pas en adéquation avec les méthodes de management de M. [H] qu’elle qualifie de ‘ plutôt vives’ sans donner plus de précisions. Elle indique cependant avoir pu exprimer son mal être à M. [H] qui s’est montré ouvert à la discussion et qui a tout mis en ‘uvre pour que son départ se déroule dans de bonnes conditions.
M. [Z], qui a également négocié une rupture conventionnelle, s’avère plus critique sur le management de M. [H] en expliquant que ce dernier est un homme qui dénigre les gens et qui pense avoir la science infuse. Il explique avoir quitté l’entreprise car il ne supporte plus d’être traité comme un moins que rien et parce que M. [H] était ‘toujours sur son dos’.
Cependant, outre qu’aucun élément objectif n’est fourni pour corroborer le ressenti de ce salarié.
En outre, la cour observe que M. [Z] n’en est pas moins critique avec M. [U] [M] puisqu’il indique que ce dernier a exercé avec peut-être un peu trop de zèle ses fonctions de direction pendant la période de portage.
Ces deux salariés ont bien pu exprimer les raisons de leur départ de la société Jadamic et, en toute hypothèse, ils ne font aucun lien entre leur propre vécu et la situation personnelle de M. [U] [M].
– qu’il a été mis à pied à titre disciplinaire au mois de juin 2016 alors qu’il n’avait jamais été sanctionné auparavant :
Par courrier du 18 juin 2016, la société Jadamic a effectivement notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de trois jours pour avoir, le 6 juin 2016, attrapé par le col le salarié d’une entreprise concurrente venu effectuer un relevé de prix au sein du point de vente et s’être adressé à lui de manière violente et particulièrement peu respectueuse.
Ce fait est matériellement établi.
– que ce comportement est à l’origine de son arrêt de travail du 20 juillet 2016 pour syndrome anxiodépressif d’étiologie professionnelle et de son inaptitude :
Il n’est pas justifié d’un avis d’arrêt de travail antérieur à celui du 26 juillet 2016 versé aux débats.
Cet avis d’arrêt de travail mentionne comme élément d’ordre médical : épuisement professionnel avec syndrome anxiodépressif et syndrome anxiodépressif d’étiologie professionnelle.
Il est ainsi établi qu’à compter du 26 juillet 2016, M. [U] [M] a été placé en arrêt de travail en raison d’un syndrome anxiodépressif. En revanche, le médecin traitant qui ignorait les conditions de travail du salarié ne peut valablement établir de lien entre les deux événements.
– pendant la suspension du contrat de travail, l’employeur a diligenté une contre-visite médicale
M. [U] [M] verse aux débats sa convocation à un rendez-vous pour une contre-visite médicale organisé par la société Securex à la demande de l’employeur le 17 novembre 2016 ainsi que l’avis de contre-visite du 17 novembre 2016 mentionnant que l’arrêt de travail est médicalement justifié.
La matérialité de ce fait est établie.
À l’issue de cette analyse il apparaît que M. [U] [M] établit la matérialité des faits suivants :
– alors qu’il a assuré la gestion du magasin à compter du départ de l’ancien dirigeant, ses compétences ont été remises en cause par le nouveau dirigeant, M. [H], arrivé au mois d’octobre 2015 ;
– il a été mis à pied à titre disciplinaire au mois de juin 2016 alors qu’il n’avait jamais été sanctionné auparavant ;
– à compter du 26 juillet 2016, il a été placé en arrêt de travail en raison d’un syndrome anxiodépressif.
Contrairement à ce que soutient la société Jadamic, ces faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
S’agissant de la remise en cause de ses compétences par M.[H], certains des salariés entendus dans le cadre de procédure pénale, ayant travaillé avec M. [U] [M], indiquent :
– que les chiffres du secteur de M. [U] [M] n’étaient pas bons (M. [Z])
– ‘qu’en dehors du travail, c’est un gars super et gentil mais au boulot ce n’est pas le même. Il est très autoritaire et a tendance à en faire trop. C’est un gars perçu comme une grande gueule’ (M. [W])
– que lors de la période de portage, M. [U] [M] a abusé de ses pouvoirs, qu’il ‘gueulait’, que certains salariés ont été ‘très affectés par le traitement qu’il leur réservait’ qu’il ‘ se comportait comme cheffaillon’ et que l’arrivée de M. et Mme [H] ‘a recadré certains errements de l’entreprise’. , ce que M. [U] [M] a mal vécu ‘ car il a dû se remettre au travail’ (Mme [V]), que ‘ l’arrivée d’une direction qui a fixé des règles et refondé un cadre n’a certainement pas plu à tout le monde’ (M. [I])
– que M. [U] [M] ‘ était une grande gueule avec une manière de s’adresser aux gens des plus particulières. Pour vous dire, il parlait fort et n’hésitait pas à s’affronter aux autres employés, aux fournisseurs et même aux clients. Je pense qu’il n’avait pas la carrure pour le poste qu’il occupait et qu’en réaction il avait un comportement inadapté.’ (Mme [A])
– que lors des réunions de chefs de secteur, M. [H] et M. [U] [M] ‘ s’affrontaient’ verbalement mais que les remarques de M. [H] étaient justifiées (M. [I])
Ces éléments démontrent que les remarques de l’employeur sur les compétences du salarié étaient fondées sur des éléments objectifs et qu’elles
ne visaient pas à se ‘débarraser’ de M. [U] [M].
S’agissant de la mise à pied à titre disciplinaire du 18 juin 2016, il ressort de l’audition de M. [D] [K] le 6 février 2018 que ce dernier s’est rendu dans le magasin Bricomarché de [Localité 6] dans le courant du mois de juin 2016 pour effectuer un relevé de prix, qu’il s’est présenté à l’accueil où il a rencontré un responsable et qu’alors qu’il débutait ses relevés un homme est arrivé derrière, lui a passé sa main vers son cou et a tiré son t-shirt de travail.
Si M. [K] précise que le dialogue avec M. [U] [M] ensuite été calme, il indique également qu’à son retour dans son entreprise, il a signalé à son responsable que la manière d’accueillir la concurrence était quelque peu cavalière
Le fait de tirer une personne par le col constitue une faute, laquelle ne peut être excusée par le fait que M. [U] [M] n’ait pas été informé au préalable de la venue de ce concurrent dans le magasin.
D’autre part, si M. [U] [M] n’avait effectivement pas fait l’objet d’une sanction disciplinaire auparavant, il avait néanmoins été destinataire d’un rappel à l’ordre quelques semaines auparavant, le 24 mai 2016, pour avoir fait usage à plusieurs reprises de son téléphone portable personnel durant ses horaires de travail en méconnaissance de l’article huit du règlement intérieur.
Le comportement du salarié justifiait la sanction disciplinaire de mise à pied de trois jours.
S’agissant de la contre-visite médicale, aucun élément ne permet de démontrer que l’employeur a fait un usage abusif de son droit ce d’autant que l’avis d’arrêt de travail initial a été établi par un médecin de [Localité 3] alors que le salarié était domicilié à [Localité 4] et qu’à l’inverse, les avis de prolongation ont été établis par un médecin d'[Localité 5] alors que le salarié résidait alors à [Localité 3], ce qui pouvait légitimement susciter des questions de la part de la société Jadamic.
Tous ces éléments démontrent que les agissements de l’employeur ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement
L’existence d’un harcèlement moral n’est pas établie et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de nullité du licenciement :
Selon l’article L1152-3 du code du travail : ‘Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul’.
En l’espèce, M. [U] [M] soutient que l’inaptitude est en lien avec le harcèlement moral dont il a été victime de la part de l’employeur.
Cependant, il résulte des motifs ci-dessus que l’existence d’un harcèlement moral n’est pas établie.
En conséquence la cour, confirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement et la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la société Jadamic :
L’exercice par M. [U] [M] de son droit d’agir en justice ne revêt aucun caractère abusif.
En conséquence la cour rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée à hauteur de cour.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la société Jadamic supportera la charge des dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’Aide juridique.
L’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
CONSTATE l’effet dévolutif de l’appel ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE M. [U] [M] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridique ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY C. RUIN